Ulcères du pied diabétique – Prise en charge et évolution Insuffisance circulatoire Infection Extension et profondeur Etat de l'ulcère Site Sensation et douleur Œdème Caractéristiques générales et co-morbidités Equilibre glycémique Facteurs psycho-sociaux Ulcère récidivant Organisation des soins Evolution prévisible sous un traitement efficace Pour en savoir plus… Résumé de la prise en charge d'un ulcère diabétique du pied Nécrose du talon Botte à contact total En cas de diabète, la cicatrisation des ulcères du pied est limitée par de nombreux facteurs nécessitant ainsi une approche multifactorielle. Le contrôle de l'infection, le traitement de l'atteinte artérielle, la décharge et le traitement de la plaie sont des éléments essentiels de la prise en charge multifactorielle des ulcères du pied. Le type, le site et la cause de l'ulcère doivent être pris en considération pour déterminer la stratégie thérapeutique. Le traitement local de la plaie est un adjuvant au traitement général et chirurgical. La continuité des soins et la surveillance à vie des pieds diabétiques à risque sont essentiels autant pour la prise en charge que pour la prévention des ulcères du pied Du fait de l'origine multifactorielle des ulcères du pied diabétique, une approche thérapeutique systématique est essentielle. Si nécessaire, les aspects suivants doivent être évalués et traités. Insuffisance circulatoire L'artériopathie périphérique est un des déterminants majeurs de l'évolution des ulcères du pied diabétique. Dans une récente étude européenne, près de 60% des patients avaient un ulcère du pied (neuro) ischémique. L'évaluation et le traitement de l'artériopathie ont déjà été décrits dans ce document et un court résumé est donné ici dans le chapitre sur le programme de prise en charge complète. La majorité des personnes avec ulcères du pied diabétique (neuro) ischémiques n'ont pas de symptômes de claudication ou de douleurs de repos mais s'ils sont présents, ils sont liés à une forte probabilité d'amputation. La recherche d'une artériopathie est la première étape. Une fois le diagnostic probable, il faut quantifier la sévérité de l'ischémie par des explorations non invasives. A partir de ces données, un geste de revascularisation doit toujours être envisagé si une artériopathie est présente. Infection L'infection est aussi un déterminant majeur de l'évolution et elle est présente chez plus de 50% des patients lors de la visite initiale auprès d'une équipe spécialisée sur le pied diabétique. En particulier, l'association d'une infection et d'une artériopathie est un facteur de risque majeur d'amputation des membres inférieurs. Cette association doit être considérée comme une urgence médicale. Comme décrit dans le chapitre sur l'infection, de nombreux patients avec une infection sévère du pied ont peu de signes locaux ou généraux et s'ils ne sont pas traités en urgence, ils ont ainsi une forte probabilité d'être amputés. Une fois le diagnostic fait, un traitement antibiotique doit être rapidement mis en route. En cas d'infection profonde, un acte chirurgical est souvent indispensable : la loge infectée est ouverte pour s'assurer d'un bon drainage, les tissus dévitalisés excisés et afin de favoriser la cicatrisation, des débridements répétés sont souvent indiqués. Extension et profondeur L'importance de la perte tissulaire et le type de tissu touché sont fortement liés à l'évolution. Des ulcères de grande taille ou profonds demanderont plus de temps pour cicatriser. En outre, les ulcères avec tendons ou os exposés sont vulnérables à l'infection et probablement associés à un retard de cicatrisation. Pour les ulcères superficiels, l'accent doit être mis sur l'exérèse des cals et du tissu nécrotique et sur la stimulation de la granulation et de l'épithélialisation. Dans les ulcères profonds, la stimulation de la formation de la matrice doit aussi être envisagée. Etat de l'ulcère Beaucoup d'ulcères du pied diabétique n'arrivent pas à cicatriser rapidement et se chronicisent, comme cela a été décrit dans le chapitre sur la cicatrisation des plaies. La cicatrisation est inhibée à la fois par des facteurs intrinsèques à la plaie et à sa biologie et par des facteurs extrinsèques. Les facteurs intrinsèques comprennent des anomalies de la fonction des leucocytes, de la production des facteurs de croissance et de la matrice extracellulaire, une diminution de l'activité des fibroblastes et un excès de production des protéases de la plaie. D'un point de vue clinique, la plaie doit être évaluée en fonction de la nécrose, du tissu fibrinoïde, de la zone péri-ulcéreuse (cal/macération), de la granulation et des signes d'inflammation. Un débridement initial est nécessaire pour déterminer l'extension de l'ulcère en profondeur et aux tissus avoisinants. Ceci est particulièrement important en cas d'infection. En cas d'ischémie sévère sans infection, il y a moins d'indication à un débridement appuyé, à moins qu'un geste de revascularisation ait été réalisé. Une quantité suffisante de tissu mou viable doit être présente pour permettre un débridement sans exposer l'os. Les autres principes de soins consistent à contrôler l'excès d'exsudats et à maintenir la surface de la plaie suffisamment humide. Une fois la plaie propre, les stratégies pour améliorer la formation de la matrice, la granulation et l'épithélialisation peuvent être appliquées, comme il l'a été dit dans le chapitre sur la cicatrisation. Site Un traumatisme précipitant est souvent retrouvé chez les patients présentant un ulcère du pied. Un ulcère causé par une chaussure étroite ou blessante ou par un traumatisme mécanique est en général situé sur les orteils ou sur le dos du pied. Un ulcère lié à une contrainte mécanique élevée (mal perforant, ulcère de pression) est généralement localisé aux têtes métatarsiennes alors que les ulcères de décubitus sont en général situés sur les talons. L'allégement des contraintes mécaniques est obligatoire pour la cicatrisation et le type (neuropathique, neuro-ischémique, ischémique) et la localisation de l'ulcère détermineront la stratégie de décharge. La plupart des études sur la décharge ont été réalisées chez des patients avec des ulcères neuropathiques de la face plantaire de l'avantpied. Elles ont montré que la réduction de la pression plantaire est probablement essentielle à la cicatrisation de ces ulcères. Pour plus de détails, le lecteur peut consulter le chapitre sur le chaussage et la décharge. Sensation et douleur Bien que de nombreux patients diabétiques porteurs d'un ulcère du pied ressentent la douleur, la perte de la sensation de protection est un des facteurs principaux dans la pathogénie de la plupart des ulcères du pied, comme décrit dans le chapitre sur la physiopathologie. De même, la perte des symptômes d'alerte peut affecter de façon négative le processus de cicatrisation pendant la phase de traitement : pour le patient, il est difficile de comprendre les raisons sous-tendant la prescription de cette décharge et ainsi y adhérer sans lui avoir donné quelques explications simples et appropriées. Seulement 50% des patients avec une gangrène liée au diabète souffrent de douleurs de repos. Cependant, la présence de douleur est fortement liée à la probabilité d'une amputation. Les personnes avec des ulcères diabétiques du pied peuvent présenter des douleurs ou une gêne pour plusieurs raisons. La douleur peut relever d'une neuropathie douloureuse, d'une infection, d'une douleur ischémique de repos, de la manipulation de la plaie, etc. Ainsi, la pathologie sous-jacente doit être évaluée de façon systématique. Une fois la cause déterminée, la douleur doit être traitée de façon adéquate. L'anxiété doit aussi être prise en considération dans le traitement de la douleur. Œdème L'évolution d'un ulcère est liée à l'œdème. L'œdème a une origine souvent multifactorielle: l'insuffisance cardiaque congestive, la néphropathie, une thrombose veineuse antérieure et un œdème neuropathique/hydrostatique sont les causes les plus fréquentes. Le traitement doit viser la cause prédisposante. Caractéristiques générales et co-morbidités On ne sait pas si le type de diabète influe sur l'évolution des ulcères du pied, surtout parce que la très grande majorité de ceux-ci et des amputations concernent les patients diabétiques de type 2. Dans les études cliniques, après ajustement pour l'âge et le sexe, il n'a pas été mis en évidence de relation entre la durée du diabète et l'évolution de l'ulcère du pied. L'âge au contraire a une influence importante sur cette évolution et est aussi lié à la probabilité d'une amputation majeure. Cependant, les patients âgés peuvent aussi cicatriser en première intention. D'après une étude prospective, un ulcère du pied cicatrise en première intention chez 43% des patients diabétiques âgés de plus de 80 ans. La clé de la prise en charge d'un ulcère du pied est de bien comprendre que cette lésion est souvent le signe d'une maladie poly-viscérale. La néphropathie diabétique, définie par la présence d'une macro-albuminurie, a été identifiée comme un facteur de risque d'ulcère du pied comme d'amputation des membres inférieurs. La protéinurie est aussi considérée comme un marqueur d'une vasculopathie diffuse chez les patients diabétiques. De plus, les patients en insuffisance rénale terminale ont un taux plus élevé d'amputation. C'est pourquoi les lésions des pieds chez ces patients doivent être traitées activement. L'insuffisance cardiaque congestive, la coronaropathie et l'atteinte vasculaire cérébrale ont aussi été reliées aux amputations et au niveau d'amputation. Ainsi, la présence de toute comorbidité doit être prise en considération dans le traitement des ulcères du pied chez les diabétiques ; de telles affections doivent être traitées énergiquement. Equilibre glycémique Dans certaines études, les taux d'HbA1c et les fluctuations glycémiques ont été considérés comme des facteurs de risque d'amputation non traumatique des membres inférieurs. Un équilibre glycémique à court terme a été associé à la cicatrisation dans certaines observations et au cours d'études expérimentales. On a suggéré que l'équilibre glycémique était lié aux taux de facteurs de croissance, à l'activité des fibroblastes, à des modifications du métabolisme du collagène et à des anomalies de la coagulation. Tous ces facteurs, avec la glycation non enzymatique, ont été incriminés comme influençant le devenir à court-terme des ulcères du pied. L'hyperglycémie a été aussi suspectée de compromettre la migration des leucocytes et d'interférer avec l'activité phagocytaire et bactéricide. Dans les études expérimentales, ces anomalies s'améliorent avec la normoglycémie. La controverse cependant est de savoir si ces anomalies sont la conséquence de facteurs métaboliques ou d'anomalies circulatoires. Cependant, les experts considèrent qu'il est désirable d'obtenir un équilibre glycémique et un état nutritionnel optimaux afin d'améliorer la cicatrisation. Facteurs psycho-sociaux Lors du choix d'une stratégie thérapeutique, les facteurs socio-économiques (comme l'accès aux soins) et l'adhérence au traitement doivent être pris en compte. Quelques études castémoins ont montré que les patients diabétiques avec ulcère du pied et amputation des membres inférieurs avaient des taux de non-adhérence augmentés. En raison de complications comme la neuropathie ou les troubles de la vision, comme cela a été précisé dans le chapitre sur les facteurs psycho-sociaux, il est difficile de distinguer la véritable "négligence" de l'absence de prise de conscience du danger potentiel d'un ulcère du pied. Un syndrome "d'auto-négligence volontaire" ('wilful self-neglect') a été décrit chez les patients diabétiques ayant un ulcère du pied. Dans une étude chez des patients porteurs d'ulcères du pied, un retard de traitement était attribuable aux patients dans 12% des cas et aux professionnels dans 21% des cas. Ceci est renforcé par le constat que l'envoi des patients pour un traitement multifactoriel se fait seulement après l'échec d'une stratégie initiale (en général pansement et/ou antibiothérapie) ou la détérioration de la plaie. Ulcère récidivant Bien que la cicatrisation puisse être obtenue chez la majorité des patients, certains récidivent. Chez tous les patients, la cause de l'ulcération doit être méticuleusement recherchée. Dans plusieurs études, le taux de récidive des ulcères neuropathiques et/ou neuro-ischémiques varie entre 17 et 81% dans les 2 ans qui suivent la cicatrisation. Ainsi, une fois qu'un ulcère est survenu, il est nécessaire que le patient participe à un programme de soins préventifs du pied avec une surveillance continue. Organisation des soins Pour améliorer le devenir des patients porteurs d'un ulcère du pied, une communication et une collaboration efficaces sont indispensables entre les nombreux professionnels impliqués dans les soins du pied diabétique. Les patients doivent être éduqués sur la nécessité de contacter leur soignant dès qu'ils aperçoivent une ulcération. Par la suite, le patient doit être rapidement envoyé pour évaluation systématique et traitement auprès d'un soignant expérimenté dans le domaine des soins du pied diabétique. Il est préférable que ce professionnel soit membre d'une équipe multidisciplinaire. Plusieurs études suggèrent qu'une réduction des amputations de 49 à 85% peut être obtenue dans les pays ayant des centres spécialisés dans la prise en charge du pied diabétique au travers d'un programme global comprenant le traitement des patients ayant un ulcère du pied par une équipe multidisciplinaire et l'éducation du patient et du personnel sur les soins des pieds et le chaussage. De plus, dans deux études comparant l'efficacité d'une approche multidisciplinaire à un traitement standard, l'approche multidisciplinaire s'est accompagnée d'une amélioration du taux de cicatrisation et d'une diminution du taux d'amputation. L'organisation d'une telle équipe multidisciplinaire est décrite dans le chapitre traitant de l'organisation d'une clinique du pied diabétique. Evolution prévisible sous un traitement efficace Comme décrit ci-dessus, le taux de cicatrisation dans les centres traitant les ulcères diabétiques du pied est influencé par de nombreux facteurs, dont certains sont liés aux patients, telles que l'artériopathie, l'infection ou l'insuffisance rénale terminale et d'autres aux caractéristiques de l'organisation locale des soins. Néanmoins, d'après des essais cliniques récents chez des patients porteurs d'ulcères neuropathiques du pied, on peut espérer un taux de cicatrisation de 50 à 70% en 20 semaines. Il faut noter que dans la plupart de ces essais, la décharge n'était pas standardisée. Des études portant sur de larges cohortes d'ulcères du pied diabétique d'origine diverse (neuropathique et neuroischémique), ont rapporté des taux d'amputation majeure de 5 à 10% avec un taux de mortalité de 10-15%. Pour en savoir plus… Edmonds M, Blundell MP, Morris ME, Thomas EM, Cotton LT, Watkins PJ. 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Prise en charge d'un ulcère diabétique du pied But Stratégie • Améliorer la circulation Explorations vasculaires non-invasives Angioplastie percutanée transluminale Chirurgie vasculaire • Traiter l'œdème Compression externe intermittente Diurétiques • Contrôler la douleur Analgésiques Soulagement de l'anxiété • Traiter l'infection Antibiotiques - Oraux - Parentéraux Culture, biopsie Radiographie, Scanner, Imagerie osseuse isotopique, IRM • Améliorer l'état Contrôle glycémique strict métabolique Malnutrition • Décharge Chaussure thérapeutique Semelles/orthèses Bottes à contact/ bottes Scotch cast Béquilles Fauteuil roulant/Alitement • Traitement local Débridement Pansements Produits locaux Greffe de peau Incision / drainage Chirurgie correctrice Amputation • Chirurgie du pied • Affections générales Traitement cardiovasculaire Traitement de la rétinopathie/néphropathie Traitement de la malnutrition Sevrage tabagique • Action Education du patient/du personnel Compliance Soutien/suivi Multidisciplinarité Nécrose talonnière Différentes étapes d'un ulcère talonnier (de pression) nécrotique Dispositifs de protection du talon pour prévenir la survenue d'un ulcère. Botte à contact total Différentes étapes pour enfermer le pied dans une botte à contact total, non amovible, afin de dévier la pression hors de la zone ulcérée.