Sujet de thèse: l’énigme de la formation des molécules organiques complexes dans les coeurs préstellaires Une des questions les plus fascinantes de l'astrophysique moderne est de comprendre les origines des ingrédients de la vie sur Terre. L'avènement de télescopes sensibles dans la domaine radio et millimétrique rend maintenant possible cette quête, et une nouvelle discipline, l'astrochimie, est en train de prendre son essor. Au cours des dernières décennies, plus de 180 molécules ont été détectées dans le milieu interstellaire, avec beaucoup de molécules organiques complexes parmi elles (i.e. en astrophysique, ce sont des molécules avec plus de 6 atomes, composées de C, H, N et O), dont des molécules organiques stables communes sur Terre. Ces molécules organiques sont vues dans le gaz chaud (~ 100 K) autour des proto-étoiles naissantes, stade par lequel notre Soleil est passé au cours de sa formation. On ne sait pas encore exactement quel est le devenir de ces espèces au cours du processus de formation stellaire et planétaire, mais il est probable qu'elles soient détruites, reformées, ou incorporées dans les disques protoplanétaires, puis dans les planétésimaux et les petits corps solides tels que les comètes et les météorites. Ces molécules étant des précurseurs d'espèces prébiotiques, leur étude est indispensable pour comprendre l'émergence de la complexité moléculaire telle que nous la connaissons sur Terre ou telle qu'il est possible qu'elle existe dans les systèmes (exo)planétaires. Les scénarios invoqués pour expliquer la présence des espèces organiques observées sont que les molécules résultent soit de chimie dans la phase gazeuse chaude au voisinage direct des proto-étoiles, soit elles sont formées sur les grains de poussières interstellaires présents dans le milieu, et qui servent de catalyseurs. Dans ce cas, les réactants (petites espèces moléculaires), qui adhèrent aux grains aux basses températures, constituent des glaces dans lesquelles vont se former des espèces radicalaires qui deviennent mobiles lors du réchauffement dû à la proto- étoile, pouvant ainsi réagir entre elles et former des molécules organiques complexes (MOCs). Dans l'état de compréhension actuel, les deux types de chemins réactionnels considérés ont besoin de gaz tiède ou chaud pour former des MOCs. Ces hypothèses sont désormais remises en cause par la découverte récente par notre équipe de la présence de MOCs dans un coeur pré- stellaire (Bacmann et al. 2012, Astronomy & Astrophysics, 541, L12). Les coeurs pré-stellaires sont les précurseurs directs des proto-étoiles et permettent d'étudier le gaz avant la phase de chauffage liée à la formation de la proto-étoile. Les très basses températures dans ces objets excluent les scénarios de formation mentionnés précédemment, et indiquent que des processus nonthermiques jouent un rôle important dans la formation de ces molécules. La température du gaz dans ces objets excédant rarement 12-15 K, la mobilité radicalaire nécessaire à la formation des MOCs sur les grains ne peut pas provenir de processus thermiques. D'autre part, les réactions en phase gazeuse envisagées pour former des MOCs mènent à des abondances plusieurs ordres de grandeur inférieurs aux abondances observées. La question de la formation des MOCs doit donc être posée à nouveau et entièrement revisitée. Les problématiques soulevées par cette découverte sont: la présence de ces espèces estelle générale au stade pré-stellaire ? Quelle peut être l’origine de l’énergie nécessaire à la formation de ces espèces chimiques (phénomènes non thermiques) ? D’autres schémas de formation doivent-ils être envisagés, par exemple des mécanismes alternatifs de réaction en phase gaz à très basse température? Les compositions des différentes sources sont-elles similaires ? etc. Le travail envisagé au cours de la thèse afin de répondre à ces questions consiste à récolter un ensemble de données sur les MOCs dans les cœurs pré-stellaires grâce à des observations radio obtenues par des grands télescopes à la pointe dans leur domaine de longueur d'onde (IRAM, GBT). Ces observations seront analysées (détermination des abondances à l'aide de codes de transfert de rayonnement disponibles, distribution spatiale, variétés des espèces) et utilisées pour apporter des fortes contraintes aux codes numériques simulant l’évolution de la composition du contenu gazeux ou solide (manteaux glacés des grains de poussière) du milieu interstellaire froid, qui jusqu'à présent ne sont pas capables d’expliquer la présence des MOCs dans ces régions. Des collaborations avec V. Taquet (NASA Goddard), et E. Herbst (University of Virginia), spécialistes de la modélisation de la formation des MOCs dans les régions de formation d'étoiles, sont envisagées. Laboratoire d’accueil: Institut de Planétologie de d’Astrophysique de Grenoble (IPAG) / Université Joseph Fourier Directeurs de thèse: Aurore Bacmann & Alexandre Faure (ipag.osug.fr/bacmanna/ phd.html) Durée: 3 ans à partir d’Octobre 2014 Financement : Université Joseph Fourier (Grenoble). La bourse de thèse est associée à une dotation de fonctionnement pouvant financer des missions.