partenaire stable, ou un conjoint (et éventuellement dautres partenaires en parallèle). Les périodes sans
partenaire stable, qui sont souvent des phases de recherche de partenaire, jouent (paradoxalement) un rôle
déterminant dans lélaboration des orientations en matière de sexualité. Cest le cas de linitiation sexuelle,
moment dentrée dans la sexualité avec partenaire, bien distinct désormais (dans la majorité des cas) du
moment de lentrée dans la vie conjugale. La période qui suit la rupture dun couple peut être également un
moment de réélaboration ou dinflexion de lidentité intime. En revanche les périodes de vie conjugale ou de
partenariat stable, qui tendent à se fragmenter en raison de laugmentation des ruptures et des recompositions
conjugales et familiales (même si pour un individu donné la durée totale vécue en état conjugal ne sallonge
pas forcément), restent un moment de stabilisation des orientations individuelles en matière de sexualité. Cela
ne signifie pourtant pas, bien au contraire, que la vie sexuelle conjugale se déroule de manière stable et
uniforme pour hommes et femmes, et pour tous les couples. En outre, quand la durée passée en couple
sallonge, des divergences en matière dorientation intime surgissent, ou plutôt ressurgissent entre partenaires.
Dans la construction des orientations en matière de sexualité à travers la biographie, les sciences sociales
accordent une place particulière à linitiation sexuelle et amoureuse. Parce quil correspond à lentrée dans la
sexualité avec partenaire, ce seuil est considéré comme plus décisif que la sexualité infantile, auquel la
psychanalyse accorde en revanche une grande importance (Bozon, Leridon, 1993). Dès ladolescence ou la fin
de ladolescence, dimportantes différences dattitude en matière de sexualité se manifestent entre garçons et
filles, ainsi quentre les garçons eux-mêmes, alors que les attitudes et les comportements féminins sont plus
homogènes, en tout cas à cet âge-là (Bozon, 1993 ; Bozon et Heilborn, 1996 ; Lagrange et Lhomond, 1997).
Cela apparaît nettement quand lon examine le déroulement du premier rapport sexuel, et également la manière
dont sorganisent la relation avec le premier (la première) partenaire sexuel(le), et la relation avec ceux (celles)
qui lui succèdent. Parmi les raisons qui ont poussé à avoir un rapport avec le (la) premier(e) partenaire, les
jeunes Français de 15 à 18 ans déclarent plus souvent que cétait le désir, lattirance ou la curiosité, alors que
les filles indiquent plus généralement lamour et la tendresse : 59% des garçons contre 34% des filles indiquent
le premier ensemble de motifs, et 38% contre 61%, respectivement, le second (Lagrange, Lhomond, op.cit., p.
176). Chez les garçons, la tendance à déclarer avoir éprouvé des sentiments amoureux pour sa première
partenaire est particulièrement faible parmi ceux qui commencent tôt leur vie sexuelle (par exemple à 15 ou
16 ans). Elle est élevée en revanche chez ceux qui connaissent des débuts tardifs (19 ou 20 ans). Plus quun
sentiment, lamour est ici une formule, une manière de coder et de réguler une relation attendue, qui sest fait
attendre et qui a duré. Ceux et celles qui, dès les débuts, associent systématiquement lamour à la sexualité ne
font rien dautre que tenter dinscrire cette dernière dans une durée et un cadre qui la dépassent. La manière
dont sorganisent les premières années de vie sexuelle en témoigne, dans le contexte français où le mariage a
cessé dêtre un horizon proche et universel de la sexualité juvénile. Il existe un modèle féminin où les
premières années de vie sexuelle sont occupées par des relations sentimentales et durables ; la solitude est
rare, et la première relation est souvent plus longue que la deuxième. En revanche, le modèle masculin de
début de vie sexuelle passe par des relations plus immédiatement sexualisées et courtes avec un grand nombre
de partenaires et de longs intervalles sans activité sexuelle (Levinson in Lagrange, Lhomond, op.cit.). Les
premières années de vie sexuelle laissent les filles avec une plus grande expérience relationnelle que les
garçons qui, eux, auront plutôt eu des expériences sexuelles ponctuelles, même si un certain nombre (ceux qui
ont eu des débuts tardifs) ont demblée une attitude et un comportement plus proche des filles. En général,
lexpérience relationnelle ne vient aux garçons quau bout de quelques années dune sexualité dexpérimentation.
Pour les garçons, dès les débuts de leur vie sexuelle adulte, la sexualité est une affaire dassurance et de
confiance en soi quil faut conquérir , alors que pour les filles, la sexualité est inséparable des relations, quelles
veulent durables.
Plus de quatre cinquièmes des individus, après une période préconjugale plus ou moins longue, entament une
relation conjugale qui peut être durable, ou sinterrompre au bout dun certain temps. La majorité de ceux qui
connaissent une séparation forment ensuite un second couple. La sexualité conjugale passe par différentes
phases qui constituent un véritable cycle, lié essentiellement à la durée de la vie commune, mais aussi au
calendrier (éventuel) de la naissance des enfants : la phase du couple naissant qui présente des caractéristiques
assez uniformes dans la plupart des cas, la phase du couple stabilisé qui peut prendre des formes plus
diverses, et sans doute une troisième phase, encore peu connue, celle du couple désexualisé (Ueno, 1995 ;
Duncombe et Marsden, 1996 ; Bozon, 1997a). Le couple naissant se distingue nettement par le rythme élevé
dactivité sexuelle des partenaires, par des normes dexclusivité sexuelle assez stricte, par les sentiments
amoureux marqués de chacun des partenaires pour lautre, par leur grande satisfaction à légard de leur vie