Lambert Lombard (1506 – 1566), peintre de la Renaissance

« Femmes vertueuses », l’examen et la conservation d'une série de huit tableaux
peints par Lambert Lombard (1505/06-1566) :
un projet qui peut être qualifié d'unique à bien des points de vue.
Lambert Lombard (1506 – 1566), peintre de la Renaissance
1. L’artiste
Le peintre liégeois Lambert Lombard est l’une des personnalités les plus riches de la vie
culturelle belge de son temps. Peintre, architecte, graveur, archéologue, collectionneur,
numismate, mythographe, homme de lettres, historien de l’art et maître d’une académie de
grande réputation, il illustre à la perfection la définition de l’artiste idéal de la Renaissance.
D'origine modeste, il fait figure de prototype du self-made-man.
Formé à l’école traditionnelle des peintres anversois, du Français Jean Gossart et du
Hollandais Jan van Scorel, Lombard se détache radicalement des conceptions stylistiques
apprises auprès de ces maîtres lors de son séjour à Rome en 1538. Il réside alors dans la
cour de Reginald Pole, cardinal anglais de renom et ami du pape Paul III. Dans cet entourage
prestigieux, composé d’hommes de lettres, d’érudits, de collectionneurs, d’artistes et de
philosophes, Lombard entre en contact direct avec la sculpture antique et la peinture
italienne. Il étudie entre autres les œuvres de Raphaël, Michel-Ange, Salviati, Bandinelli,
c’est-à-dire des artistes qui ont acquis une réputation et un statut notoires.
De cette expérience romaine, riche d’ouvertures sur des mondes artistiques et intellectuels
nouveaux, l’artiste rentrera à Liège avec le désir d’introduire des formes modernes en
peinture et de faire connaître celle-ci comme un « art libéral ». Il crée la première académie
dans le Nord pour parer à la confusion qui existe, dans les Pays-Bas et dans la Principauté
de Liège, entre courants traditionnels et italianisants. Il y établit des règles et des théories sur
lesquelles la génération des précurseurs de Rubens à Anvers, entre autres Frans Floris et
Willem Key, mais aussi Lambert Suavius, Hubert Goltzius et Dominique Lampson à Liège et
Bruges, pourront s’appuyer pour créer un art novateur.
Lombard, peintre attitré des princes-évêques de Liège, notamment du grand collectionneur
Erard de La Marck, nous laisse une œuvre complexe. Celle-ci compte en effet aussi bien des
peintures et des gravures que des projets pour tapisseries, des vitraux, des monuments, des
constructions et, surtout, un nombre exceptionnel de dessins. On en compte en effet près
d’un millier conservé au Cabinet des Estampes de Liège, mais aussi dans de très nombreux
cabinets de dessins d’Europe et des Etats-Unis (Amsterdam, Berlin, Düsseldorf, Dresde,
Budapest, Madrid, Florence, Naples, Rome, New York, Los Angeles pour n’en citer que
quelques-uns…) Parmi cette production se mêlent croquis, compositions, copies, études de
nus, drapés, emblèmes, allégories, sujets religieux, mythologiques ou érudits.
Le nombre impressionnant de ces dessins permet de saisir plus intimement les activités, les
recherches et les centres d’intérêt de Lombard, d’autant plus que cette source d’informations
est si riche que l’on n’en connaît aucun équivalent pour l’époque ni en France, ni en Italie, ni
en Allemagne. Le peintre puise dans d’innombrables sources pour enrichir son vocabulaire
formel : statuaire antique, monnaie, gemmes, sculptures gallo-romaines, fresques
médiévales, gravures, illustrations de livres, œuvres de contemporains de différents pays
d’Europe. La reformulation du vocabulaire artistique et thématique que Lombard met ainsi au
point sera la base de son enseignement. Nombreux sont les peintres de nos régions qui
fréquentent son atelier et qui iront essaimer cet enseignement à Anvers, Bruges, Venlo,
Paris, Namur, etc.
Mais l’intérêt que Lombard suscite ne se limite pas à sa production graphique et à son école.
Des liens étroits l’unissent aux milieux humanistes qu’il côtoie à Anvers, Middelbourg, Bruges,
Liège, Rome, Florence. Il est en contact notamment avec le géographe Ortélius, le théologien
Torrentius, les historiens d’art Vasari et Lampson, le typographe Plantin, le numismate
Goltzius… Imprégné de cette érudition, Lombard produit en fait un art qui s’inscrit bien dans
cette Renaissance qui multiplie les mutations culturelles, intellectuelles et formelles. Mais la
quête du Liégeois ne se limite pas à renouveler les formes et à représenter des thèmes
antiques et savants. Sa production reflète aussi, par les sujets religieux qu’elle illustre, le
mouvement de la Réforme qui s’impose partout en Europe et qui remet en cause l’approche
traditionnelle du texte biblique. De nombreuses gravures de l’artiste montrent sa volonté
d’illustrer le message chrétien en s’inspirant directement du texte évangélique.
Par sa vaste culture et son culte de l’Antiquité, Lombard appartient à cette période
particulièrement féconde qui voit se développer, malgré les guerres et les répressions
religieuses, le retour aux sources favorisé par un Budé ou un Erasme et une intense curiosité
pour tous les domaines du savoir – de la philosophie à l’histoire, de l’anatomie à la
géographie, des mathématiques à l’astronomie.
2. La commémoration
À l’occasion de l’année commémorative du cinq centième anniversaire de la naissance de
Lambert Lombard, trois actions importantes ont été initiées en 2006 : la restauration d’un
ensemble important, à savoir le cycle de Herkenrode, la préparation d’une exposition ainsi
que l’organisation d’un colloque scientifique.
a. La restauration du cycle de Herkenrode
Au cours de la mission d’inventaire photographique de l’Institut royal du Patrimoine artistique
(IRPA) dans les années 80, un ensemble capital de tableaux réalisés par Lambert Lombard
et son atelier fut identifié. Il s’agit de huit toiles réalisées pour l'abbaye cistercienne de
Herkenrode illustrant "Les Femmes vertueuses". Ces œuvres, dispersées depuis dans des
musées communs aux Liégeois et à l'église de Stokrooie (Hasselt), ont fait l’objet, à l’IRPA,
d’un vaste travail interdisciplinaire d’étude et de restauration financé par le Fonds Interbrew-
Baillet Latour.
b. L'exposition (Liège, 2006)
L’exposition était centrée, d’une part, sur les toiles provenant de Herkenrode (réunies pour la
première fois depuis la Révolution), et, d’autre part, sur les dessins des albums conservés au
Cabinet des Estampes de la Ville de Liège.
Rassemblés en deux albums, l'album d'Arenberg et l'album de Clerembault, le fonds de
dessins du Cabinet des Estampes constitue l'un des ensembles de dessins de la
Renaissance les plus riches au monde. Ce fonds unique provenant d'un même atelier -
exemple rarissime conservé pour le
XVI
e
siècle - est d'un apport essentiel pour l'histoire de
l'art car il permet de mieux comprendre le fonctionnement d'un atelier, les sources d'intérêt
des artistes, les théories défendues par le maître ainsi que les applications qu'en faisaient les
élèves. Une sélection rigoureuse a été opérée dans ce fonds de plusieurs centaines de
dessins. Notons que le second album, acquis en 1999 par la Fondation Roi Baudouin et
déposé au Cabinet des Estampes de la Ville de Liège restait pratiquement inédit ; l’exposition
fut dès lors une occasion exceptionnelle de le découvrir.
D’autres tableaux et dessins, provenant de collections publiques et privées, belges et
étrangères, complétaient cet ensemble, de même que des prêts de musées à Amsterdam,
Berlin, Paris et Oxford. L’exposition a offert également une occasion unique de rassembler
les panneaux actuellement dispersés qui ornaient le retable gothique de l’église Saint-Denis à
Liège.
Gravures, monnaies, manuscrits, portraits, documents d'archives... complétaient encore cet
ensemble et illustraient particulièrement la face humaniste de Lombard. Enfin, une section
d’étude était consacrée à la restauration des tableaux de Herkenrode : panneaux explicatifs,
radiographies grandeur nature, photos du travail en cours...
Un catalogue illustré d’environ 330 pages accompagnant l'exposition a été publié. Rédigé
par les meilleurs spécialistes du sujet, sous la direction scientifique de Godelieve Denhaene,
responsable du Cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale de Belgique, il comprend
une dizaine d’articles relatifs à Lambert Lombard de manière générale (son rôle, son œuvre,
son époque et sa biographie) ou plus précisément au cycle des Femmes vertueuses (la
restauration, l’iconographie, l’aspect technique des peintures) et se clôture par les notices
consacrées aux oeuvres présentées dans l'exposition. Ce catalogue a été publié dans la
collection Scientia Artis en 2006 et est disponible à l’Institut royal du Patrimoine artistique, en
français et en néerlandais.
c. Le colloque (ULG, 2006)
Du 15 au 17 mai 2006, le Service d’Histoire de l’art des Temps modernes de l’Université de
Liège (Prof. D. Allart) a organisé un colloque international centré sur l’effervescence créatrice
qui entoura l’œuvre de Lombard. Dans l’optique d’élargir le propos du catalogue de
l’exposition, le colloque a abordé le contexte artistique et culturel dans lequel s’est développé
l’art de Lombard, tant du point de vue de la musique, des réalisations architecturales ou
artistiques, que des commandes ou du mécénat et des écrits théoriques sur l’art. Une
vingtaine de spécialistes de la Renaissance, belges et étrangers, ont livré leur contribution et
ont ainsi esquissé un panorama de la culture à l’époque de Lambert Lombard.
Rebecca et Éliézer au puits
Rencontre de Coriolan et de sa
mère
David et Abigaël
Jaël et Siséra
Judith tenant la tête
d'Holopherne La Vestale Claudia tirant le
Bateau de Cybèle Auguste et la sibyle de Tibur Esther devant
Assuérus
Projet sponsorisé par le fonds Interbrew-Baillet Latour.
http://www.interbrew-baillet-latour.be/
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