dossier de protection - Ministère de la culture

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Département : Charente-Maritime
Edifice : Château de Thérac
Localité : LES GONDS
Propriétaire : privé
Etendue de la protection proposée :
ISMH du châtelet d'entrée, de la grange et des vestiges visibles ou enfouis de l'ancien château
(cadastre : section AD, parcelle n° 126).
Demande de protection par lettre du 10 juillet 1996.
Intérêt historique et archéologique :
Thérac est signalé dès le milieu du Xle siècle comme bien de l'Abbaye-aux-Dames de Saintes.
C'est ensuite une seigneurie relevant directement du roi qui est donnée semble-t-il vers le XlIIe
siècle aux'évêques de Saintes. Ces derniers en font leur résidence secondaire, en alternance
avec le palais épiscopal de Fontcouverte. Le "chastel de Thérac" va bien résister aux guerres de
Cents Ans et, la paix revenue, les évêques vont y réaliser des travaux mal documentés. Outre le
châtelet d'entrée, encore conservé, ils semblent avoir fait construire un somptueux logis
résidentiel dans le goût de la Renaissance. Mais, sans doute mal entretenus, les bâtiments
menacent ruine à la fin du XVIIe siècle. Ils seront démolis et leurs matériaux vendus à partir de
1697 et seuls quelques pierres sculptées et gravées de sentences latines sont aujourd'hui
conservés. En 179-1, devenu domaine national, Thérac est vendu à Pierre et Joseph Blanvillain
et il se transmettra par héritages et rachats des parts à l'actuel propriétaire.
A quelques kilomètres'au sud-est de Saintes, le Château de Thérac est en position dominante
sur la rivière de la Seugne. H se composait de deux enceintes séparées par un profond fossé
inondable. L'enceinte sud-ouest était à la fois basse-cour et cour d'entrée. Elle conserve un
châtelet à deux tours cylindriques à poivrière en ardoise munies d'archères-canonnières et de
bouches à feu. Le passage central, en arc plein-cintre, est défendu verticalement par une
bretêche à consoles moulurées et un chemin de ronde couvert et fermé côté cour par une
rambarde en bois d'origine, à poteaux et croix de Saint-André. La cour est aujourd'hui étroite
en raison de la construction au XTXe siècle de communs et d'habitations d'un grand pittoresque
avec leurs cheminées typiques et le sol en terre battue. Une vaste grange, peut-être du XVIIe
siècle, forme en même temps mur d'enceinte à l'ouest. Elle est remarquable par sa charpente à
chevrons portant fermes et contreventement en croix de Saint-André. La seconde enceinte
contenait la cour d'honneur et le logis, entièrement disparu. L'espace est aujourd'hui ouvert au
nord-est, vers la Seugne, sur une pente douce en prairie dont les vestiges de terrasses
successives font penser à un ancien jardin. H subsiste deux vestiges de la courtine en bel
appareil, dont les pans de murs épousent le bord de la plate-forme rocheuse. Au vestige nord
est accolé une grande maison fin XVÏÏIe, sobrement décorée de pilastres et bandeaux en façade
et dont une pièce renferme une cheminée en pierre accompagnée de son potager, le tout
sculpté des caractéristiques rosaces et cannelures régionales. Le deuxième vestige, au sud, est
accosté d'un bâtiment rectangulaire arasé à l'étage, peut-être contemporain de l'enceinte et dans
lequel on pénétrait par une grande porte, accompagnée d'une plus petite, aux armes des
Soderini sur la clef de l'arc en anse-de-panier (Julien de Soderini est évêque de Saintes d'e 1514
à 1544). S'agissait-il d'une chapelle ?
Motivation de la demande de protection :
II reste bien peu de chose du château de Thérac, d'origine médiévale et reconstruit à la
Renaissance par les évêques de Saintes. Le châtelet d'entrée (XVe-XVIe siècles) est resté
miraculeusement intact, dans son architecture comme dans sa charpenterie. La vaste grange
peut-être légèrement postérieure, est également intéressante par sa charpente à croix de SaintAndré.
La motivation principale des propriétaires est d'empêcher l'implantation d'une station
d'épuration aux abords du domaine.
Département : Charente-Maritime
Commune : LES GONDS
Monument : Château de Thérac
Adresse ou situation exacte : Cadastre, SCCtlOn AD, parcelle 126
Utilisation actuelle : habitation
Nature et étendue de la protection proposée : IbMjH. en totalité
Le propriétaire consentirait-il au classement éventuel ? :
Epoques de construction : .XVe-.XVIe SlèClCS
Travaux :
Réparation à prévoir d'urgence :
Estimation (au besoin sommaire) de ces réparations :
Crédit d'entretien nécessaire :
HB. - L« trois renseignement précédents devront être fournis par l'Architecte des Bâtiments de France ou éventuetlement par l'Architecte en Chef des Monuments Historiques.
Renseignements bibliographiques :
AUDIAT (L.)> Epigraphie santone et aunisienne, 1870, p. 322
Chanoine TONNELLIER, "Thérac et les évêques de Saintes" dans "Recueil de la Société d'Archéologie et
d'Histoire de la Charente-Maritime, t. XXIV, 1972, p. 273-286
Chanoine TONNELLIER, "Thérac, les inscriptions", dans Revue de Saintonge et d'Aunis, t. III, 1977, p. 43-48
COLLE (R), Châteaux, manoirs et forteresses d'Aunis et de Saintonge, 1.1, 1984, p. 301-302
Article de F. CHASSEBOEUF dans Châteaux, manoirs et logis de Charente-Maritime, 1993, p. 251, 489
Archives familiales
Documents graphiques et photographiques anciens connus :
Plan cadastral 1808
Matériaux de construction :
Gros-oeuvre : calcaire en pierre de taille et en moellon
Couverture : tuile plate (grange), tuile creuse (logis et communs), ardoises (châtelet)
Historique :
Cf annexe
Description sommaire :
Cfannexe
Date: 26 septembre 1996
Yannick COMTE
Société G.R.A.H.A.L.
Charente-Maritime
Les Gonds
Château de Thérac
HISTORIQUE
(d'après le chanoine Tonneilier)
Le nom de Thérac indique, à priori, un domaine gallo-romain. La situation le confirme ; sur
un plan légèrement incliné vers la rivière ; ainsi que les débris trouvés dans le sol, notamment des
tuiles à rebord.
L'abbaye fondée à Saintes vers la fin du Vie siècle par St Pallais avait été dotée d'une partie
de la terre de Thérac. Lorsque cette abbaye eut été ruinée, tous les biens qui en provenaient furent
dévolus à la nouvelle abbaye que Geoffroy d'Anjou fonda en 1047 sous le nom d'Abbaye-des-Dames,
notamment "une terre, divisée en plusieurs portions, située à Thérac, auprès du chemin des Arennesde-Valay, laquelle s'appelle la terre de St-Pallais".
Deux ans plus tard, en 1049, la nièce du comte d'Anjou, Marguerite, épouse de Guillaume
Rudel, comte de Blaye, revendiquait au nom de certains articles de son contrat de mariage, certains
des biens donnés à l'abbaye par son oncle et tuteur, notamment la moitié de la terre de Thérac. Le
bon droit de Marguerite fut absolument reconnu.
A la même époque, nous voyons à Saintes une famille de Thérac représentée par Guy de
THERAC, écuyer, et sa soeur Julienne, mariée à Hugues de PONTAC. Ce dernier, quelques années
seulement après la fondation de l'Abbaye-des-Dames par le comte d'Anjou, en 1055, fondait de son
côté, "en partie" du moins, le monastère de Saint-Eutrope. Il décédait peu après et sa femme Julienne
de Thérac, par son testament du 31 janvier 1056, faisait de grandes largesses à Saint-Eutrope où elle
fut inhumée avec son mari.
Le nom de cette famille de Thérac, nom de terre, mais sans patronyme, indique une des plus
anciennes familles nobles, illustre en son temps. Faut-il voir dans cette famille les premiers
possesseurs de la seigneurie de Thérac ? Ce serait assez vraisemblable. Mais en ce milieu du Xle
siècle, il semble aussi que la terre de Thérac ^ut déjà sortie de leurs mains.
Plus tard, en 1156, nous voyons des membres de la très ancienne famille de BALLODES
possessionnée en Thérac. Deux frères, Ramnulphe et Robert, contestent la donation faite par un
chevalier nommé Audron, du moulin de "Tairach" à l'Abbaye-des-Dames, pour l'entretien du
luminaire, alors que c'est d'eux qu'Audron tenait ce moulin. Les Ballodes étaient-ils pour autant
seigneurs de Thérac ? Il serait bien imprudent de l'affirmer. H semble plus probable que cette terre,
"divisée en plusieurs portions", comme s'exprime la charte, comprenait à l'intérieur de la seigneurie
divers fiefs aux mains de seigneurs particuliers, et relevant de la seigneurie de Thérac. C'est ce que
dit clairement l'aveu de l'Abbesse de Saintes, Jeanne de Villars en 1742 : "Item, un autre fieu asis en
la paroisse d'Augons (des Gonds) en la seigneurie de l*Evêque de Saintes... Item une pièce de terre
tenant aux terres du Prieur de Saint-Eutrope de Xaintes, en ladite paroisse d'Augons et seigneurie
dudit Evêque".
2/
Ainsi, les terres données jadis à l'abbaye par le comte d'Anjou, restaient vassales de la
seigneurie dont elles avaient été un démembrement. On eût pu penser que tous ces fiefs particuliers
devaient relever tout naturellement de la seigneurie des Gonds, puisqu'ils se trouvaient "assis" en
cette paroisse. Mais il apparaît en fait que les Gonds et Thérac étaient deux seigneuries différentes,
sans lien de féodalité. Des aveux rendus par les évêques de Saintes indiquent que Thérac relevait
directement du roi, qui en avait fait don aux évêques de Saintes, mais à quelle date ? "De tout
temps", se bornent à dire les textes. Mais ajoutent-ils, cette seigneurie est de "fondation et dotation
royalle". Il faut donc, pour cela, que le roi l'ait eue "en sa main", ce qui n'a pu avoir-lieu que lorsque
la Saintonge a été réunie à la couronne après les victoires de Saint-Louis (1242). Jusqu'à cette date,
la Saintonge, après avoir été poitevine, était devenue angevine et anglaise ; et Thérac semble avoir
été un fief personnel et direct des comtes de Poitou puis d'Anjou, puisque, dans la revendication faite
par la nièce du comte d'Anjou, Marguerite comtesse de Blaye, la moitié de Thérac est mentionnée
comme lui "appartenant par le décès de ses père et mère11. Après 1242, Thérac devint donc bien du
roi, et il peut en disposer.
Ce qu'il fit sans trop tarder en faveur des évêques de Saintes, puisque c'est en 1288 que
l'évêque GIMER est installé à Thérac. La formule "de tout temps" peut donc se circonscrire entre les
deux dates extrêmes, 1242 et 1288. Neuf évêques se succédèrent sur le siège de Saintes entre ces
deux dates. Il est donc possible que ce soit en la personne de l'un d'eux que la donation de Thérac ait
été octroyée.
La donation de Thérac aux évêques de Saintes était évidemment un geste de bienveillance à
leur endroit. Il leur offrait une résidence secondaire, une "maison des champs" qui n'était pas inutile
en une ville aussi resserrée que Saintes. Mais déjà les évêques étaient assez bien pourvus. Ils
possédaient déjà une maison d'habitation à Fontcouverte. C'est là que le successeur de Gimer,
Geoffroy d'ARCHIAC, faisait sa demeure (1290). H préférait probablement ce logis agréable à
l'intérieur sans doute assez peu confortable du château-fort de Thérac. Car Thérac était avant tout
château-fort. En le donnant aux évêques de Saintes, le roi s'assurait en eux des alliés fidèles en un
pays où les Plantagenets avaient encore de non moins fidèles partisans. Le calcul du roi était juste.
On le vit bien pendant la guerre de Cent Ans. Le château fut assez fort et assez bien gardé pour
déjouer toutes les tentatives anglaises : "Acause dudit évesché, Monsieur l'évesque a plusieurs beaux
droits et seigneuries et entre autres est seigneur du chastel de Thérac, assis sur la frontière des
ennemis qui l'ont par plusieurs fois guetté pour le prendre de nuit ; par quoy lui a convenu tenir
toujours bons capitaines".
C'est pendant cette période, en 1431, qu'arriva à l'évêque d'alors, Guy de
ROCHECHOUART, une mésaventure assez piquante. L'évêque avait engagé comme capitaine un
certain aventurier d'origine espagnole, Jean de'CIVÏLE, auquel il avait confié la garde du château de
Thérac, bien qu'il fut "clerc". Civile s'était bien acquitté de sa tâche depuis six ans et avait maintes
fois couru sus aux Anglais. Mais entre temps, il courait aussi volontiers sur les pèlerins qui passaient
à proximité de Thérac sur le chemin de Saint-Jacques qui, par Diconche et les Roches, les
conduisaient à Saintes, au tombeau de Saint-Eutrope. Les amener garrotés à Thérac, et "illec les
rançonner" était pour lui un jeu. Autour de lui s'était groupée une bande de brigands, les "enfantsDieu", responsables de maints "meurtres, ravissements, piÛeries et autres maux". Thérac était leur
repaire et l'entrepôt de leurs butins. Civile, pour sa part, en prélevait modestement le quart. Manière
d'arrondir ses gages de capitaine. Sur la plainte des habitants, le Sénéchal, François de Mareuil et son
lieutenant Hélie du Chaslard s'emparèrent inopinément de Civile, et après un jugement sommaire le
firent "brancher" à un arbre, près de l'abbaye-des-Dames. L'évêque crut peut-être, de bonne foi,
pouvoir défendre le capitaine auquel il avait fait confiance. Il se vit répondre par le Sénéchal, auquel
il avait intenté procès devant le présidial, que "s'il avait été bien informé de la vie de Civile, il ne
l'aurait pas mis en son château". Mais l'évêque voulait surtout défendre ses prérogatives de justice
ecclésiastique, Civile étant "clerc" du présidial, l'affaire alla en appel au Parlement de Bordeaux où
maints mémoires, dits et contredits furent rédigés.
37
La paix revenue, les évêques châtelains se préoccupèrent d'aménager leurs vieux châteaufort en résidence plus habitable. François de SODERINI, évêque de Volterra en même temps que de
Saintes ne parut jamais dans cette dernière ville. Mais son neveu Julien y fut évêque pendant trente
ans (1514-1544). C'est lui qui entreprit des constructions Renaissance à Thérac dont il ne reste que la
"chapelle" en ruines, marquée de l'écusson des Soderini, aux trois massacres de cerfs.
A Julien de Soderini succéda Charles de BOURBON (1546-1550). Durant les cinq années
de son administration, il ne parut jamais à Saintes. Cependant, un fait est à noter : à peine nommé
administrateur, en 1545, Charles de Bourbon a pour premier soin de faire couper et vendre pour
13.500 livres tournois de bois dans sa seigneurie de Fontcouverte, Là-dessus protestation des
manants qui y ont divers droits de pacage. Procès, puis rapidement accord amiable entre les parties,
par devant notaire. Or, ce n'est pas, comme on aurait pu le croire, dans le logis de l'évêque à
Fontcouverte, le "palais11 où résidait jadis Geoffroy d'Archiac, que les parties se rencontrèrent, mais
une première fois "es maisons épiscopales de la ville de Xainctes", et la seconde fois "au lieu de
Jarry", le prieuré situé en Bussac, tout à côté de Fontcouverte. Si les entrevues n'ont pas eu lieu à
l'ancien palais épiscopal de Fontcouverte, il est à penser que ce palais, l'Evescot, n'existait plus ou
n'était plus que ruines. Ruines consécutives, probablement à la guerre de Cent Ans. Alors que la
forteresse de Thérac restait intacte.
Ce fait permet peut-être d'expliquer pourquoi les évêques de Saintes ont éprouvé le besoin,
la paix revenue, de se reconstituer une résidence de campagne et d'aménager le vieux château-fort de
Thérac en logis plus confortable, comme l'entreprit Soderini, et comme le continuera plus tard Mgr
de Bassompierre.
Il semble que ce soit de l'époque de Soderini que date une longue clôture d'élégants
balustres, dont un grand nombre ont été retrouvés enfouis, et une série d'inscriptions retrouvées par
M. Triou, réemployées dans des constructions postérieures ou jetées dans une fosse de latrines.
Dans le dernier tiers du XVIe siècle, de nouveaux troubles éclatent. Après le second sac de
Saintes par les protestants (1568), l'évêque Tristan de BIZET se réfugie à Bordeaux. Il n'y a plus
d'évêque à Saintes. Il n'y a plus que ses fermiers. Et c'est à eux que les échevins de Saintes
s'adressent, en 1574-75, soit pour "apporter en la ville, pour en faire un magasin, tous les foins et
paille appartenant à M. de Saintes ; les bouviers des villages des Gonds et l'Anglade seront requis à
ce sujet" (15 mars 1574) ; soit pour constater que "le pont de la porte Evesque étant tout rompu, le
fermier du dict sieur Evesque de la seigneurie"~c[e Thérac ou aultre seront contraints de le faire rabiller
promptement par emprisonnement et saisie de tous leurs biens" (13 août 1575).
Dix ans plus tard, c'est à Thérac que réside le successeur de Tristan de Bizet, Mgr. Nicolas
LE CORNU de la Courbe de Brée. En effet, le palais épiscopal de Saintes attenant à la cathédrale,
n'a pas été épargné dans le sac de celle-ci, en 1568, et dans la démolition systématique qui l'a suivi.
Ce n'est qu'en 1580 que Mgr Le Cornu pourra entrependre la reconstruction de la cathédrale. En
1585 encore, il est question de marchés de couverture pour cette dernière et l'évêque donne pour
cela une procuration, datée du château de Thérac, le 11 août 1585.
C'est le même évêque, Nicolas Le Cornu qui, un an avant sa mort, résidait encore à Thérac,
sinon encore de façon permanente, du moins par intermittence. Agrippa d'Aubigné raconte en effet,
dans les Aventures du baron de Faeneste, écrites en 1616 comment au Prélou-Ri, au faubourg des
Dames, "se troube le paubre chanoine Roi qui allait à Thérac". On, un chanoine ne pouvait guère
avoir d'autre raison d'aller à Thérac que d'y aller voir l'évêque...
4/
En mars 1640, un aveu est rendu au Roi par Mgr. Jacques Raoul de la GUIBOURGERE de
"toutes les terres, seigneuries, maisons, cens, renthes et autres droits et devoir appartenantz à
Jacques Raoul évesque de Xainctes à cause de son évesché". Cet acte confirme que le palais
épiscopal de Saintes était aux trois-quarts ruiné depuis 1568 et que la résidence construite à
Fontcouverte par Geoffroy d'Archiac (1545-47) ne semble plus exister puisqu'aucune mention de
palais ni maison n'est faite sur cette terre.
Par contre, aveu est rendu, dans la paroisse des Gonds, pour "la seigneurie et chastellanie de
Thérac, auquel y a chasteau avecq fossé, boys, fuye et garenne, dans lesquelles paroisses cy-dessus a
pareillement ledict seigneur évesque tout droict de juristiction sur ses hommes et tenantiers". Un peu
plus loin dans le même acte, est à nouveau mentionné "le chasteau et seigneurie de Thérac tenu
noblemant et par hommage dudict seigneur évesque au debvoir d'un marbotin d'or à muance de
seigneur et de vassal".
On doit admettre que, depuis assez longemps déjà, le château de Thérac avait été inféodé à
un vassal qui en devait l'hommage à l'évêque de Saintes. Au milieu du XVIe siècle, le vassal en
question pourrait être Arnaud de PRAHEC maire de Saintes en 1554, conseiller du Roi, élus en
Saintonge, en 1558, échevin de Saintes depuis 1555 jusque vers 1572 et qui est mentionné
régulièrement parmi l'assemblée des conseils de la ville jusqu'en 1591. Arnaud est qualifié "sieur de
Thérac" en 1558 et à nouveau en 1565. Partisan de la religion réformée, comme son fils Antoine,
également échevin, il est un des 579 protestants condamnés à mort par arrêté du Parlement de
Bordeaux du 6 avril 1569 (cet édit ne reçut pas d'exécution). Il est posible, il est vrai, que
l'inféodation ait été faite aux Prahec avant qu'ils fussent devenus protestants, mais on peut se
demander comment les évêques de Saintes ont pu jouir de Thérac, l'habiter, et y faire des
aménagements comme nous l'avons vu, si Thérac se trouvait inféodé à quelqu'un d'autre. Le même
problème va se poser pour le successeur de Mgr Raoul et Mgr de Bassompierre.
Au milieu du XVIIe siècle, ce sont les guerres de la Fronde qui empoisonnent la Saintonge,
sous l'épiscopat de Mgr de BASSOMPIERRE. Un personnage y tient la vedette. C'est Louis
Foucaud de Saint-Germain-Beaupré, comte du Doignon, Vice-amiral, qu'une ambition effrénée fit se
rapprocher de Condé. Misant sur les deux tableaux, il s'installa en souverain dans son Gouvernement
de Brouage., tirant de Condé d'énormes subsides, pour menacer la Cour, et faisant valoir auprès de
cette dernière sa demi inaction. Un savant chantage. Son intermédiaire auprès de la Cour était
l'évêque de Saintes, Mgr de Bassompierre, fils du maréchal, qui avait la confiance de la régente et de
Mazarin.
Les tractations furent longues entre Bassompierre et du Doignon. Elles furent
nécessairement très secrètes. La résidence épiscopale de Saintes se prêtait mal au secret. D'autant
que du Doignon ne sortait jamais de Brouage que "bien accompagné". C'est Thérac, bien retiré à
l'abri des indiscrets qui devint le centre des conciliabules. Malgré cela, les allées et venues ne
pouvaient pas échapper totalement aux observateurs attentifs. C'est ainsi que Samuel Robert mandait
à un de ses correspondants, le 6 juillet 1651 : "le même jour, M. le comte du Doignon disna et soupa
avecq Monsieur l'évesque à Thérac. Le premier marche toujours bien accompagné et demeure peu en
chaque lieu. On ne sçait pourquoi ils s'abouchent si souvent". Et dix jours plus tard, le 16 : "la
nouvelle de l'arrivée de M. le prince dans ce pays dispose M. le comte Doignon à une grande
maladie. Il se munist désjà des médecins de par deçà. Il est présent à Brouage. M. l'évesque quitte
aussi son logis épiscopal pour deux mois et s'en va à Thérac y continuer ses bastiments. Ces deux
messieurs s'escrivent souvent". En encore le 23 : "L'eslongnement du voyage de M. le prince dans
nos provinces fortifie la santé dudit sieur comte et retient M. nostre prélat dans son logis épiscopal.
Us continuent toujours leurs bastiments à Thérac et en Olleron. Us s'entretiennent par lettres".
Au début de mars 1653, du Doignon se soumet, en grande partie grâce aux "conférences de
Thérac" et, couvert par une amnistie, il reçoit 500.000 livres, le grouvernement d'Oleron et le bâton
de Maréchal de France, avant d'évacuer Brouage, le 19 mars.
En dehors de l'intérêt purement historique, cet épisode révèle que l'évêque Bassompierre
réalise en ce milieu du XVHè siècle un certain nombre de "bastiments" à Thérac, sans que l'on puisse
avec certitude identifier ce qu'il en subsiste de nos jours.
5/
Sans doute mal entretenu par la suite, le château de Thérac menaçait ruine à la fin du XVIIe
siècle. En 1697, Guillaume de la BRUNETIERE du Plessis de Geste, évêque de Saintes, après avoir
fait constater l'état de vétusté de l'ensemble des bâtiments obtint l'autorisation du présidial de Saintes
et du parlement de Bordeaux, de démolir le château pour en "empêcher la ruine totale", et de vendre
les matériaux sur adjudication, exceptés ceux qui étaient nécessaires à la construction d'un "grenier et
d'une chambre", car "il n'y avait point d'endroit audit Teraq pour pouvoir loger et mettre les fruits qui
se recueillent dans les biens qui en dépendent". En 1700, tous les matériaux n'avaient pas encore
trouvé preneur. Le château de Thérac détruit, les successeurs de Guillaume de La Brunetière durent
passer les beaux jours dans d'autres demeures louées à des particuliers. En août 1741, Léon de
Beaumont résidait au Château de La Salle à Gémozac. Huit ans plus tard, Simon-Pierre de Lacoré
louait le château de Vénérand, avant d'accepter, trois ans plus tard de louer celui du Douhet aux
mêmes propriétaires. Lorsque survint la Révolution, Monseigneur de la Rochefoucauld louait
Crazannes. Au XVIÏÏe siècle, ce qui reste de Thérac est alors affermé à différentes familles, connues
par les registres paroissiaux. Ainsi, en 1764 naissent "à Térac" Pierre et Marie PHETIS, peut-être les
petits-enfants de Pierre Phétis et de Marie PACAUD. Cette dernière "demeurant à la seigneurie de
Thérac", décède en 1773 à l'âge de 72 ans. Un peu avant, en 1768, née "à la seigneurie de Thérac",
Jeanne, "fille de Jean CHOTARD, garde de ladite seigneurie, et de Jeanne TARIN, y demeurant".
Enfin, les archives départementales conservent un bail à ferme pour 9 ans, passé le 13 mars 1782 par
Mgr Pierre Louis de la Rochefoucauld au "sieur François Bonifasse VIAULT, bourgeois demeurant
paroisse Saint-Michel de Saintes" et touchant "les bâtiments et terres dépendant de la seigneurie de
Thérac"1.
A l'époque Révolutionnaire, le domaine tombe dans le domaine national et il est vendu par
adjudication, en 1791, à Pierre et Joseph BLANV1LLAJN, "meuniers demeurant au village de
Courpignac", pour la somme de 44.100 livres. L'acte décrit alors des "maisons, granges, bâtiments et
autres servitudes en très mauvais état et menaçant une ruine prochaine". Le 21 août 1793, les deux
frères procèdent à un partage de leurs biens par tirage au sort et c'est Pierre Blanvîllain qui reçoit la
totalité de Thérac. C'est à cette période ainsi qu'un peu plus tard dans le XIXe siècle, que doit être
élevée la plus grande partie des bâtiments actuels (maisons et servitudes).
La date 1808 gravée sur la porte de la grange confirme des remaniements en ce début du
XIXe siècle.
Revenu à Marguerite Blanvillain, le domaine passe, par le mariage de cette dernière en
1826, à Beaurepaire VANDERQUAND, notaire à Saintes, le même qui, un peu plus tard (1837),
obtiendra par partage une grande partie de la Métairie des Pères située à côté de Thérac.
Deux générations plus tard, l'ancienne seigneurie est morcelée entre différents héritiers. Il ne
sera réuni dans la même main que grâce à l'effort de Jean TRIOU (fils de Suzanne Vanderquand et
de Léon Triou, mariés en 1890), aujourd'hui âgé de 98 ans.
JA.D.
17, Minute Bigot à Saintes.
Charente-Maritime
Les Gonds
Château de Thérac
DESCRIPTION
A quelques kilomètres au sud-est de Saintes, le Château de Thérac (commune des Gonds)
est installé au niveau d'une rupture de pente (altitude 10 mètres), en position dominante sur la vallée
de la Seugne. Il est entouré de champs cultivés du nord au sud en passant par l'ouest. Au nord-est,
un vaste espace en prairie d'environ 120 x 70 m descend en pente douce vers un bras de la rivière et
pourrait être un ancien jardin aménagé en trois terrasses successives, si l'on en croit deux petites
dénivellations parallèles du terrain.
Le château se composait semble-t-il de deux enceintes distinctes, séparées par un profond
fossé qui pouvait être mis en eau puisqu'au sud, il s'allonge pour rejoindre la Seugne tandis qu'au
nord, il est clos par un petit pont en pierre dont l'arche munie d'une feuillure pouvait être obturée.
La première enceinte, à l'ouest, renfermait la basse-cour qui fait également office de cour
d'entrée. Les courtines ont disparu mais le châtelet d'entrée ( XVIe siècle ?) a subsisté, intact. En
pierre de taille de moyen appareil et grossièrement layée, il se compose de deux tours cylindriques à
poivrières qui encadrent une unique porte cochère moulurée d'un cavet sur l'arc légèrement
surbaissé. Pour élargir le passage, les piédroits ont été retaillés à une époque tardive et quelques
pierres changées, ce qui explique la disparition de la feuillure intérieure. Au dessus de la clé, une
dalle devait porter les armes de l'évêque commanditaire mais elle ne montre plus aujourd'hui que des
marques de bûchage. L'entrée est protégée, en partie supérieure, par un chemin-de-ronde à deux
créneaux qui encadrent une bretèche soutenue par trois consoles à moulures alternant tores et double
cavet. La défense active est également présente sur les deux tours, avec des archères-canonnières
disposées en quinconce sur trois niveaux. Une bouche à feu au rez-de-chaussée de chaque tour
permet en plus de défendre directement le passage par un tir croisé.
Vu de la cour, le chemin-de-ronde reliant le deuxième étage des tours prend la forme d'une
galerie, soutenue par un arc segmentaire plus,çlevé que celui de la porte et par une poutre percée de
deux trous dans lesquels étaient fixés les vantaux aujourd'hui absents. La rambarde, portée par une
corniche chanfreinée, semble être d'origine avec son assemblage chevillé de vieux bois alternant
poteaux et croix de Saint-André. Le poteau central est à arêtes biseautées dans la moitié supérieure
et il participe à soutenir la charpente, également ancienne.
Toujours du même côté, l'entrée est encadrée par les tours qui présentent un mur droit,
ménagé chacun d'une travée de portes donnant un accès direct aux deux premiers niveaux. Certains
de ces percements semblent tardifs, en particulier la porte du premier étage de la tour nord,
agrandissement d'une fenêtre aux piédroits munis de moulures creuses. Le linteau de cette baie est un
remploi, inversé, portant l'inscription incomplète, gravée en belles lettres majuscules :
"VZRTUS.INASTRA.TENDIT.II^nMORTEMt...]''. Cette pierre, comme quelques autres
retrouvées sur le site, provient de la destruction du logis de Thérac, et elle a été étudiée par le
chanoine Tonnellier, qui y voit une "antithèse en éventail", à traduire par : "la Vertu conduit à
l'Immortalité, [le Crime], à la Mort"1.
1 Revue
de Saintonge et d'Aunis, t. III, 1977, p. 44-45.
2/
A l'intérieur des tours, les pièces sont petites, épousant le plan extérieur en fer à cheval, et
l'ébrasement des archères-canonnières et surmonté d'un linteau parfois soutenu par des corbeaux en
quart-de-rond. Les charpentes, à deux enrayures, semblent d'origine et n'ont guère été touchées, en
dehors de planches clouées qui les consolident.
La basse-cour est aujourd'hui étroite, allant en s'élargissant vers le nord-est, et elle est
bordée, au nord, de communs et, au sud, d'habitations qui sont tous des constructions d'époque
moderne (fin XVIIIe ou XIXe siècle) en pierre de taille, A l'origine, l'enceinte semble avoir eu une
forme trapézoïdale plus prononcée, presque triangulaire. Le châtelet d'entrée constituait le sommet
étroit tandis que la partie opposée, sur douves, représentait la base. De la courtine nord-ouest, il ne
subsiste en élévation, à l'intérieur d'un commun XIXe, que l'amorce du mur en pierre de taille,
parfaitement liée à la tour sud, à l'angle formé entre la partie droite et la partie circulaire de cette
dernière.
La courtine sud-est a pour sa part était remplacée, peut-être au XVIIè siècle, par une
façade, sur cour, de logis, semble-t-il encore existante sur le cadastre de 1808 et dont il ne subsiste
aujourd'hui de visible qu'une petite portion, arasée et accolée à la tour sud du châtelet d'entrée. Elle
est percée d'une porte bien construite, à imposte en table et arc plein-cintre dont seuls les claveaux
situés de part et d'autre de la clef sont à crossette. La plus grande partie de ce mur semble de nos
jours intégré dans la maison, où il sert de refend, suite à la construction vers 1840 de la façade
actuelle, en avancée de plusieurs mètres vers le nord-ouest.
L'intérieur des habitations de cette "basse-cour", à deux niveaux bas de plafond, est très
pittoresque avec ses cheminées XIXe en pierre, au décor traditionnel, et, pour la grande pièce
occidentale, son sol en terre battue.
La vaste grange, aujourd'hui isolée à l'extérieur de la cour, au nord-ouest, semble avoir été
élevée dans une deuxième période (au XVIIè siècle ?) et correspond à un élargissement de la bassecour de ce côté, après démolition de la courtine nord. Ce bâtiment possède en effet dans l'angle sud
un chaînage en harpe qui prouve l'existence d'un mur la reliant au châtelet d'entrée. Le petit côté
ouest de la grange faisait donc office de nouveau mur d'enceinte, tout comme certainement son long
côté nord, totalement aveugle à l'exception d'une porte tardive.
Cette grande construction rectangulaire (environ 30 x 10 m), aux murs de moellons de tous
gabarits et de pierre de taille remployées "(celles de la courtine probablement), était autrefois
accessible depuis le milieu du long côté sud, et donc depuis la basse_cour, par une porte charretière
en arc plein cintre. En 1808, suite à la construction de l'aile de communs, à quelques mètres
seulement de la grange, cette entrée fut inutilisable et on la déplaça donc au milieu du petit côté
ouest, où elle se trouve toujours, l'arc, dont la clé porte la date 1808, simplement muré et percé d'une
fenêtre en dessus de porte. Le grand intérêt de la grange de Thérac réside dans sa charpente
entièrement ancienne et d'un type fréquent pour couvrir un vaste vaisseau. Elle est à chevronsportant-fermes et le contreventement est réalisé par un sous faîtage, placé légèrement sous le faux
entrait, et par des décharges en croix de Saint-André (une seule croix entre deux fermes). La
couverture à croupe est en tuile plate à crochet (peut-être quelques unes à cheville), excepté le
débord repris en ardoise ; faîtage et arêtiers sont en tuile canal.
3/
La seconde enceinte, vers le nord-est, est accessible depuis la cour précédente par un pont
en pierre franchissant le fossé, en partie remblayé au nord-ouest et encore profond au sud-est. Il
subsiste un important vestige de la courtine, sur le front nord. Assis sur le rocher calcaire, friable et
qui a donc par endroits été consolidé par du petit moellonage, le mur présente un parement en moyen
appareil peu allongé, similaire à celui du châtelet d'entrée, quoiqu'un peu plus petit. Son
couronnement a été modifié, en moellon, mais une portion de corniche angulaire sur modillons en
quart-de-rond est restée en place et pouvait porter un parapet de chemin de ronde.
A la fin du XVIIIe (1793 selon la tradition familiale), une grande maison est accolée à ce
mur d'enceinte, côté cour. Elle a deux étages carrés et un étage d'attique, sous combles, et sa façade
en pierre de taille est ornée de pilastres plats et de bandeaux horizontaux et percée de travées
régulières de baies rectangulaires. L'intérieur conserve un petit escalier en bois avec rampe à
baïustres élancés et, au rez-de-chaussée, sur le petit côté ouest, une cheminée accompagnée d'un
potager qui ne manquent pas de charme avec leur sculptures traditionnelles de cannelures et de
rosaces.
Un autre vestige visible de courtine semble marquer l'angle sud de l'enceinte du château.
Construit dans le même appareillage que le mur précédent, il conserve en plus, sur le pan méridional,
à l'étage, une archère-canonnière en croix. La courtine, sur douves, est posée sur le rocher taillé en
banquette au bords du fossé et elle comporte à peu près au niveau du sol de la plate-forme un léger
rétrécissement adouci par un glacis. La construction d'origine a disparu dans sa partie centrale, où
elle est remplacée par un mur moins large et donc en retrait par rapport à l'appareillage ancien.
A cette portion d'enceinte est accolé un petit bâtiment contemporain (XVe-XVIe siècles ?),
dont la fonction a du évoluer au cours des époques. Le mur longitudinal (nord-est), en pierre de taille
comme le reste, est aveugle à l'exception d'un jour rectangulaire (percement tardif?) et, au milieu du
rez-de-chaussée, d'une porte murée en arc surbaissé à l'intérieur. Un fragment de porte similaire
existe aussi au sud-est. L'intérieur renferme, dans l'angle ouest, une large et profonde fosse
rectangulaire découvert et vidée il y a une trentaine d'années par le propriétaire. Au fond, une
ouverture murée sur le revers de la courtine indique que cette cavité communiquait avec les douves
et il pourrait donc s'agir d'une fosse de latrines, à une époque originelle où ce bâtiment servait
d'habitation.
Dans un deuxième temps, semble-t-il, le petit côté nord-ouest est doté d'une très grande
porte, aujourd'hui murée, accompagnée d'une porte piétonnière. Cette dernière est décorée d'un
chanfrein qui se courbe aux extrémités du linteau où sont ménagés des petits écoinçons en creux. La
même mouluration se retrouve sur la grande ouverture, couverte d'un arc en anse de panier et orné,
sur la clef, d'un blason "aux trois massacres-de" cerfs" découvert intact sous le blocage du mûrement.
Il s'agit des armes de la famille Soderini qui donna deux évêques successifs à Saintes, dans la
première moitié du XVTe siècle. François de Soderini n'ayant jamais paru en Saintonge, c'est
probablement à Julien, évêque de 1514 à 1544, qu'il faut attribuer ces percements. Le petit bâtiment
rectangulaire semble donc avoir changé de destination pour devenir, comme le veut la tradition,
l'ancienne chapelle du château de Thérac. Il est pourtant curieux de constater l'absence totale
d'ouverture d'éclairage conséquente, qui il est vrai pouvait se situer à un niveau supérieur disparu de
nos jours.
Enfin, dans une dernière étape (fin XVIIe siècle ?), la "chapelle" est désaffectée et l'ultérieur
du bâtiment est divisé par un mur de refend auquel est adossé une cheminée en pierre de sobre
facture. Ce mur est percé d'une porte dont le linteau, pierre remployée, est gravé, en lettres
capitales, de l'inscription : "INITIVM . SAPffiNTIE . TIMOR . DO[MINI]" ("la crainte du seigneur
est le commencement de la sagesse ", Psaumes CX, verset 10). C'est au cours de ce réaménagement
que la fosse est remblayée au moyen de matériaux de démolition provenant peut-être du logis
Renaissance de Thérac.
Jean Triou a en effet pu recueillir, au cours des fouilles, des fragments d'inscriptions de
même nature que celle du linteau cité plus haut. Le chanoine Tonnellier y a identifié d'autres
sentences moralisatrices.: "il n'est pas de force plus grande que la Piété", "la Fortune des grands
marche au pas du Destin", etc... Des éléments présents en partie basse des pierres inscrites, moulures
de baie en gorge et réglets se croisant dans les angles, corbeille feuillagée, suggèrent que ces pensées
se déroulaient en bandeau horizontal sur une façade du château ou d'un édicule (puids à coupole du
type de celui du Pilori à Saint-Jean-d'Angély, croix comparable à celle de Moèze ?).
La fosse a également livré des éléments de corniche richement moulurée est surmontée
d'une belle frise végétale typiquement Renaissance, de nombreux balustres en poire élancés, des
colonnettes à chapiteaux feuillages ou tournés et quelques portions de remplage flamboyant, autant
d'éléments architecturaux qui laissent deviner la somptuosité du logis construit par les évêques de
Saintes aux XVIe et XVTIe siècles et détruit par les mêmes en 1697-1700.
Thérac, résidence de campagne des évêques de Saintes au moins dès le XlIIè siècle, semble
être à l'origine un château féodal qui subit plusieurs remaniements jusqu'au XVIIè siècle avant d'être
en grande partie démoli vers 1697-1700 puis transformé en habitation paysanne à l'époque
révolutionnaire. Le site a pourtant gardé en partie sa physionomie défensive (fossé séparant les deux
cours) et quelques vestiges architecturaux de qualité, en particulier le châtelet d'entrée, resté à peu
près intact depuis sa construction.
La R o c h e l l e , le
16 Octobre 1996
28 OC! 1996
ultur
Service départemental
de! architecture
et du patrimoine
de la Charente-Maritime
Monsieur le Directeur Régional
des Affaires Culturelles
Conservation Régionale es Monuments
Historiques
102 Grand'Rue
86020 Poitiers
J. BOISSIERE
Architecte d«s Bâti menti
de France
Les Gonds
Château de Thérac
Dossier recensement
18, rue Rio umu r
1 7025 La Rochelle Cedex
Téléphon.054641 0957
V/Réf:MHn°284
N/Réf:841-96/sc
Télécopie 05 46 41 6062
Le logis de Thérac est un édifice complexe dont chacune des
parties présente un intérêt incontestable.
Le premier château fort, sur plan irrégulier, fait penser, pour
l'appareillage du fragment de courtine conservée, à Saint Jean d'Angle ou Nieul les
Saintes.
La deuxième enceinte, à l'Ouest, sans doute basse cour du château,
possède un châtelet d'entrée en bon état. Celui-ci a conservé, notamment, se^
charpente et sa galerie d'origine.
Une vaste grange au Nord, indépendante du château, possède
encore une charpente à liernes, sans doute du XVIIème siècle.
Les vestiges, répartis sur le site, sont plus difficilement
identifiables et ont été fortement remaniés, mais l'ensemble, grâce à la qualité de
ses matériaux et la parfaite intégration au site, présente une unité architecturale
tout à fait remarquable.
L'inscription à l'inventaire
historiques me paraît pleinement justifiée.
supplémentaire
des monuments
MINISTERE DE LA CULTURE
DIRECTION DU PATRIMOINE
Monuments Historiques
BUREAU DE L'ARCHITECTE EN CHEF
35 Rue Merlin de Thionville
92150SURESNES
TEL : 01.45.06.75.08
FAX : 01.46.97.06.24
H.
Philippe OUDIN V
Architecte en Chef
5^}
des Monuments Historiques
Monsieur le Directeur Régional
des Affaires Culturelles
Conservation Régionale des M.H.
de Poitou-Charentes
Suresnes, le 18 octobre 1996
CHARENTE MARITIME
LES GONDS
A,
CHATEAU DE THEXAC
Vos Réf. : YC/KW
MH N°284
OBJET : Avis sur dossier de protection.
Cet ancien château médiéval devint à la Renaissance un logis résidentiel des
évêques de Saintes. Mal entretenus, les bâtiments sont démolis à la fin du XVnème siècle
et les matériaux vendus.
fl ne reste que bien peu de traces de cet ensemble aujourd'hui. On accède à la
cour des communs, bordée de bâtiments du XIXème siècle par la poterne. Ce bâtiment
des XVème et XVIème siècles a été heureusement sauvegardé. ÏÏ ne reste plus, à part
celui-ci, qu'une grange pouvant dater du XVnème siècle à fermes contreventées par les
poutres en croix de Saint-André portant pannes. Le reste des bâtiments ne présente aucun
intérêt particulier.
L'intérêt historique porte donc essentiellement sur la poterne d'accès dont les
maçonneries et les charpentes témoignent de l'authenticité. Nous proposons l'inscription
à l'Inventaire Supplémentaire de l'ensemble de la Poterne (intérieurs et extérieurs).
PflA OUDIN
P.J. : 1 dossier en retour
V^v^
MEMBRE D'UNE ASSOCIATION AGREEE LA REGLEMENT PAR CHEQUE EST ACCEPTE
t
Corephae du 20/11/96
17
LES GONDS
Château de Thérac
Avis de l'ICMH
Ce château médiéval a appartenu aux évêques de Saintes et leur servait de résidence seconde.
Il est reconstruit au XVTè siècle, mais à la fin du siècle suivant, des bâtiments sont signalés en état de
ruine et sont en partie détruits (1697). On trouve encore dans les constructions actuelles bordant les
courtines, de nombreux remplois de pierres de cette époque présentant des fragments d'inscriptions et
de blasons.
Le château actuel se compose de bâtiments disparates, et d'époques différentes : grange
ancienne (XVIIè siècle ?), communs en pierre d'appareil (XlXè siècle) et un logis sans grand caractère,
des vestiges de courtines et autres substructions (chapelle ?).
Le seul élément bien identifiable reste la poterne d'entrée. De belle allure, son porche, encadré
de deux tours coiffées en poivrière est surmonté d'un chemin de ronde, muni vers l'intérieur d'un
intéressant garde-corps en bois dont les poutres dessinent des croix de St André. Ce morceau bien
conservé mérite par son authenticité et son caractère d'être protégé au titre de la loi de 1913, par une
inscription sur l'Inventaire Supplémentaire. Quant aux autres constructions, elles sont d'un intérêt
moindre, et seront suffisamment protégées au titre des abords.
Bernard Brochard
COMMISSION REGIONALE DU PATRIMOINE HISTORIQUE,
ARCHEOLOGIQUE ET ETHNOLOGIQUE DU 20 NOVEMBRE 1996
Charente-Maritime
Les Gonds
Château de Thérac
Présentateur : Y. COMTE
Rapporteur : B. BROCHARD
Demande d'inscription sur l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques du
propriétaire par lettre du 10 juillet 1996.
M. COMTE procède en premier lieu à la présentation historique et archéologique
du château.
Thérac est signalé dès le milieu du Xïe siècle comme bien de l'Abbaye-aux-Dames
de Saintes. C'est ensuite une seigneurie relevant directement du roi qui est donnée semble-t-il
vers le Xllïe siècle aux évêques de Saintes. Ces derniers en font leur résidence secondaire, en
alternance avec le palais épiscopal de Fontcouverte. Le "chaste! de Thérac11 va bien résister aux
guerres de Cents Ans et, la paix revenue, les évêques vont y réaliser' des travaux mal
documentés. Outre le châtelet d'entrée, encore conservé, ils semblent avoir fait construire un
somptueux logis résidentiel dans le goût de la Renaissance. Mais, sans doute mal entretenus,
les bâtiments menacent ruine à la fin du XVÏÏe siècle. Us seront démolis et leurs matériaux
vendus à partir de 1697 et seuls quelques pierres sculptées et gravées de sentences latines sont
aujourd'hui conservés. En 1791, devenu domaine national, Thérac est vendu à Pierre et Joseph
Blanvillain et il se transmettra par héritages et rachats des parts à l'actuel propriétaire.
A quelques kilomètres au sud-est de Saintes, le Château de Thérac est en position
dominante sur la rivière de la Seugne. Il se composait de deux enceintes séparées par un
profond fossé inondable. L'enceinte sud-ouest était à la fois basse-cour et cour d'entrée. Elle
conserve un châtelet à deux tours cylindriques à poivrière en ardoise munies d'archèrescanonnières et de bouches à feu. Le -passage central, en arc plein-cintre, est défendu
verticalement par une bretèche à consoles moulurées et un chemin de ronde couvert qui
comporte côté cour une rambarde en bois d'origine, à poteaux et croix de Saint-André. La cour
est aujourd'hui étroite en raison de la construction au XIXe siècle de communs et d'habitations
d'un grand pittoresque avec leurs cheminées typiques et le sol en terre battue. Une vaste
grange, peut-être du XVIIe siècle, forme en même temps mur d'enceinte à l'ouest. Elle est
remarquable par sa charpente à chevrons portant fermes et contreventement en croix de SaintAndré. La seconde enceinte contenait la cour d'honneur et le logis, entièrement disparu.
L'espace est aujourd'hui ouvert au nord-est, vers la Seugne, sur une pente douce en prairie
dont les vestiges de terrasses successives font penser à un ancien jardin. D subsiste deux
vestiges de la courtine en bel appareil, dont les pans de murs épousent le bord de la plate-forme
rocheuse. Au vestige nord est accolé une grande maison fin XVffle, sobrement décorée de
pilastres et bandeaux en façade et dont une pièce renferme une cheminée en pierre
accompagnée de son potager, le tout sculpté des caractéristiques rosaces et cannelures
régionales. Le deuxième vestige, au sud, est accosté d'un bâtiment rectangulaire arasé à l'étage,
peut-être contemporain de l'enceinte et dans lequel on pénétrait par une grande porte,
accompagnée d'une plus petite, aux armes des Soderini sur la clef de l'arc en anse-de-panier
(Julien de Soderini est évêque de Saintes de 1514 à 1544). S'agissait-il d'une chapelle ?
Il reste donc bien peu de chose du château de Thérac, d'origine médiévale et
reconstruit à la Renaissance par les évêques de Saintes. Le châtelet d'entrée (XVe-XVTe
siècles) est resté miraculeusement intact, dans son architecture comme dans sa charpenterie. La
vaste grange peut-être légèrement postérieure, est également intéressante par sa charpente à
croix de Saint-André.
M. COMTE termine son intervention en évoquant la motivation principale des
propriétaires, qui est d'empêcher l'implantation d'une station d'épuration aux abords du
domaine.
Suit la lecture des avis.
L'Architecte des Bâtiments de France voit dans le château de Thérac un édifice
complexe dont chacune des parties présente un intérêt incontestable. Le premier château fort,
sur plan irrégulier, fait penser, pour l'appareillage du fragment de courtine conservée, à SaintJean-d1 Angle ou Nieul les Saintes. La deuxième enceinte, à l'Ouest, sans doute basse-cour du
château, possède un châtelet d'entrée en bon état. Celui-ci a conservé, notamment, sa
charpente et sa galerie d'origine. Une vaste grange au nord, indépendante au château, possède
encore une charpente à liernes, sans doute du XVÏÏe siècle.
Les autres vestiges sont plus difficilement identifiables et ont été fortement
remaniés, mais l'ensemble, grâce à la qualité de ses matériaux et la parfaite intégration au site,
présente une unité architecturale tout à fait remarquable.
L'inscription sur l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques paraît par
conséquent justifiée à M. BOISSIERE.
Pour l'Architecte en Chef des Monuments Historiques, il ne reste que bien peu de
vestiges de cet ancien château médiéval devenu à la Renaissance un logis résidentiel des
évêques de Saintes et en partie démolis à ta fin du XVTIe siècle.
On accède à la cour des communs, bordée de bâtiments du XIXe siècle par le
châtelet des XVe et XVIe siècles, heureusement sauvegardé, de même qu'une grange pouvant
dater du XVIIe siècle, à fermes contreventées par les poutres en croix de Saint-André portant
pannes. Le reste des bâtiments ne présente aucun intérêt particulier.
L'intérêt historique porte donc, pour M. OUDIN, essentiellement sur le châtelet
d'accès, dont les maçonneries et les charpentes témoignent de l'authenticité et qui mérite donc
une inscription sur l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en totalité.
L'Inspecteur des Monuments Historiques reprend à grands traits l'histoire et
l'architecture du château actuel, qui se compose de bâtiments disparates, d'époques différentes
: communs en pierre d'appareil et logis XIXe sans grand caractère, vestiges de courtines,
grange peut-être du. XVIIe siècle. Selon M. BROCHARD, le seul élément bien identifiable
reste le chatelet d'entrée, de belle allure avec ses deux tours coiffées en poivrières et son
chemin de ronde à l'intéressant garde-corps en bois. Ce morceau bien conservé mérite pour
l'Inspecteur des Monuments Historiques d'être inscrit sur l'Inventaire Supplémentaire des
Monuments Historiques en raison de son authenticité et de son caractère, les autres parties
étant d'un intérêt moindre.
Concernant la station d'épuration qui a motivé la demande de protection, M.
BOISROBERT précise qu'une enquête vient d'établir que le site sur lequel elle est projetée,
aux abords de Thérac, est inondable, ce qui va peut-être amener les autorités compétentes à
choisir un nouvel emplacement.
M. POTTIER propose finalement de passer au vote, à l'issue duquel la
CO.RE.P.H.A.E. émet un avis favorable à l'inscription sur l'Inventaire Supplémentaire
des Monuments Historiques en totalité du chatelet d'entrée du château de Thérac, dans
la commune des GONDS (Charente-Maritime), situé sur la parcelle n° 126, section AD du
plan cadastral, en raison de son intérêt architectural et de sa complète authenticité.
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