Cours d’Algèbre I Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 25 novembre 2013 Série 10 Exercice 1. Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. (1) Donner la définition du normalisateur NG (H) de H dans G. (2) Est-ce que NG (H) est un sous-groupe normal de G ? (3) Est-ce que H est un sous-groupe normal de NG (H) ? Pensez à bien justifier vos réponses. Solution. (1) Par définition, NG (H) = {g ∈ G : gHg −1 = H}, et notons que H est un sous-groupe de NG (H). (3) Le sous-groupe H est un sous-groupe normal de NG (H) par définition du normalisateur : pour tout g ∈ NG (H), on a gHg −1 = H. En fait, on remarque même que NG (H) est le plus grand sous-groupe de G dans lequel H est normal. En effet, si H est normal dans un sous-groupe J de G, alors J ⊂ NG (H). (2) Le normalisateur NG (H) n’est pas forcément un sous-groupe normal de G. Par exemple, considérons le cas G = S3 et H = h(12)i. Dans la série 3 (exercice 3), nous avons vu que les seuls sous-groupes de S3 contenant (12) sont h(12)i et S3 . Comme h(12)i n’est pas normal dans S3 , on a NG (H) = h(12)i, d’où la conclusion. Exercice 2. Soient n ≥ 2 un entier, et m un diviseur de n. On note q := n/m. Montrer que mZ/nZ et Z/qZ sont isomorphes. Solution. Nous montrons que mZ/nZ est un groupe cyclique d’ordre q, ce qui implique qu’il est isomorphe à Z/qZ par un résultat du cours. 2 En premier lieu, il est clair que mZ/nZ est cyclique puisque [m]n est un générateur. D’autre part, on remarque que l’ordre de [m]n est q. En effet, pour x ∈ Z, xm ≡ 0 (mod n) si et seulement si q|x, d’où le résultat. Exercice 3. Soient m1 , . . . , mr ∈ N tels que (mi , mj ) = 1 si i 6= j. Montrer que Z/(m1 · · · mr )Z et Z/m1 Z × · · · × Z/mr Z sont isomorphes. Solution. On procède par récurrence sur r ≥ 2. Si m1 , m2 sont deux entiers premiers entre eux, considérons l’homomorphisme f : Z/m1 m2 Z → Z/m1 Z × Z/m2 Z [x]m1 m2 7→ ([x]m1 , [x]m2 ). Il s’agit d’une application bien définie, puisque si x ≡ y (mod m1 m2 ), alors m1 m2 |x − y, donc mi |x − y, i.e. x ≡ y (mod mi ) pour i = 1, 2. De plus, elle est surjective. En effet, puisque (m1 , m2 ) = 1, il existe une identité de Bézout m1 a + m2 b = 1 pour a, b ∈ Z (voir série 2, exercice 2). Par conséquent, m2 b ≡ 1 m1 a ≡ 1 (mod m1 ) (mod m2 ). Ainsi, pour tous x, y ∈ Z, on a f (m1 ay + m2 bx) = ([x]m1 , [y]m2 ), d’où la surjectivité. Comme |Z/m1 m2 Z| = m1 m2 = |Z/m1 Z × Z/m2 Z|, l’homomorphisme f est bijectif, donc il s’agit d’un isomorphisme. Le résultat est ainsi établi pour r = 2. Si r > 2, alors Z/m1 Z × · · · × Z/mr Z = (Z/m1 Z × . . . Z/mr−1 Z) × Z/mr Z ∼ = Z/(m1 · · · mr−1 )Z × Z/mr Z ∼ = Z/(m1 · · · mr )Z si l’on suppose le résultat vrai pour r − 1, ce qui termine la démonstration. De manière équivalente, on peut aussi obtenir le cas r = 2 par un résultat du cours : l’entier m1 m2 annule A = Z/m1 m2 Z, par conséquent A∼ = m1 Z/m1 m2 Z × m2 Z/m1 m2 Z ∼ = Z/m2 Z × Z/m1 Z, où le deuxième isomorphisme provient de l’exercice 2. Exercice 4. Soient A := Z/9Z × Z/9Z et B := Z/9Z × Z/3Z × Z/3Z. (1) Calculer 3A et 3B. (2) Est-ce que A et B sont isomorphes ? Pensez à bien justifier votre réponse. 3 Solution. (1) D’une part, 3A = 3Z/9Z × 3Z/9Z et d’autre part, 3B = 3Z/9Z × {[0]3 } × {[0]3 }. Notons que |3A| = 9 et |3B| = 3. (2) Si f : A → B était un isomorphisme de groupes, alors f se restreindrait en une bijection entre 3A et 3B. Comme ces ensembles n’ont pas la même cardinalité, on en conclut que A et B ne sont pas isomorphes. Exercice 5. Donner la liste des groupes abéliens finis d’ordre 2r avec r ≤ 4. Solution. Par le théorème de structure, tout groupe abélien fini d’ordre 2r est isomorphe à un groupe de la forme Z/d1 Z × · · · × Z/dn Z (1) pour d1 |d2 | . . . |dn des entiers positifs. En particulier, on aura d1 · · · dn = 2r , donc di = 2ai pour ai ∈ N. La relation de divisibilité se traduit par a1 ≤ · · · ≤ an . Ainsi, on voit que les groupes abéliens finis d’ordre 2r sont en bijection avec les suites finies croissantes (a1 , . . . , an ) d’entiers strictement positifs tels que a1 +· · ·+an = r. Pour r ≤ 4, on a donc les possibilités suivantes : (a1 , . . . , an ) Groupe correspondant ∅ {0} (1) Z/2Z (2) Z/4Z (1, 1) Z/2Z × Z/2Z r=3 (3) Z/8Z (1, 2) Z/2Z × Z/4Z (1, 1, 1) Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z r=4 (4) Z/16Z (1, 3) Z/2Z × Z/8Z (2, 2) Z/4Z × Z/4Z (1, 1, 2) Z/2Z × Z/2Z × Z/4Z (1, 1, 1, 1) Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z r=0 r=1 r=2 En fait, il est possible de montrer en toute généralité que l’écriture (1) est unique. Ici, nous montrons manuellement que les groupes ci-dessus ne sont pas isomorphes entre eux. 4 Comme un isomorphisme est en particulier une bijection, il suffit bien sûr de traiter le cas de groupes du même ordre : • Les cas r = 0, 1 sont triviaux. • Le cas r = 2 a été traité dans l’exercice 1 de la série 8. • Pour r = 3, remarquons premièrement que Z/8Z n’est isomorphe à aucun des deux autres groupes. En effet, ces derniers ont tous leur éléments d’ordre ≤ 4, alors que Z/8Z a des éléments d’ordre 8. De plus, Z/2Z × Z/4Z n’est pas isomorphe à Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z, puisque le premier a un élément d’ordre 4 alors que le second a tous ses éléments d’ordre ≤ 2. • Pour r = 4, on montre comme précédemment que Z/16Z n’est isomorphe à aucun des quatre autres groupes. Notons les caractéristiques suivantes : – – – – Z/2Z × Z/8Z : des éléments d’ordre 8. Z/4Z × Z/4Z : des éléments d’ordre 4, aucun d’ordre 8. Z/2Z × Z/2Z × Z/4Z : des éléments d’ordre 4, aucun d’ordre 8. Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z × Z/2Z : tous les éléments d’ordre ≤ 2. Ainsi, il suffit de voir que Z/4Z×Z/4Z 6∼ = Z/2Z×Z/2Z×Z/4Z. Pour cela, on procède comme dans l’exercice 4 : si les groupes étaient isomorphes, on aurait une bijection entre 2(Z/4Z × Z/4Z) et 2(Z/2Z × Z/2Z × Z/4Z). Or, par l’exercice 2, ces ensembles sont en bijection avec Z/2Z × Z/2Z, respectivement Z/2Z. Comme la cardinalité n’est pas la même, on obtient une contradiction.