Sur l`espace classifiant d`un groupe algébrique linéaire, I - IMJ-PRG

J. Math. Pures Appl. 102 (2014) 972–1013
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Journal de Mathématiques Pures et Appliquées
www.elsevier.com/locate/matpur
Sur l’espace classifiant d’un groupe algébrique linéaire, I
Bruno Kahn a, Nguyen Thi Kim Ngan b
aInstitut de Mathématiques de Jussieu, Case 247, 4 place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05, France
bFaculty of Natural Sciences, Thu Dau Mot University, Binh Duong, Viet Nam
info article résumé
Historique de l’article :
Reçu le 5 avril 2013
Disponible sur Internet le 19 mars
2014
MSC:
20G15
14F42
Mots-clés :
Groupes algébriques
Groupes de Chow
Cohomologie motivique
Cohomologie étale
On donne une version abstraite de la définition par Totaro des groupes de Chow
de l’espace classifiant d’un groupe algébrique linéaire Gsur un corps k. Elle fournit
automatiquement une définition de F(BG) pour des foncteurs Fvérifiant quelques
axiomes simples. Lorsque Fest la cohomologie motivique étale, kest algébriquement
clos et Gest fini, F(BG) se réduit essentiellement à la cohomologie entière de G.En
général, on obtient des suites spectrales de coniveau convergeant vers la cohomologie
motivique étale de BG, qui unifient et généralisent des invariants de Gconsidérés
antérieurement par Bogomolov et Serre.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
abstract
We give an abstract version of Totaro’s definition of the Chow groups of the
classifying space of a linear algebraic group Gover a field k, so that it yields
automatically a definition of F(BG) for functors Fsatisfying some simple axioms.
If Fis étale motivic cohomology, kis algebraically closed and Gis finite, F(BG)
essentially boils down to the integral cohomology of G. In general, we get coniveau
spectral sequences converging to the étale motivic cohomology of BG, which unify
and generalize invariants of Gpreviously considered by Bogomolov and Serre.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
0. Introduction
Le but de ce travail est de placer la définition par Totaro des groupes de Chow du classifiant d’un groupe
algébrique linéaire [46] dans sa généralité naturelle.
Rappelons la construction de Totaro. Soit Gun groupe algébrique linéaire sur un corps k. Totaro
commence par montrer l’existence de représentations linéaires Ede Gpossédant un ouvert G-stable U,
tel que Usoit l’espace total d’un G-torseur et que la codimension c=codim
E(EU) soit arbitrairement
B.K. a bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale de la Recherche portant la référence ANR-12-BL01-0005.
Adresses e-mail : [email protected] (B. Kahn), nguy[email protected] (N.T.K. Ngan).
http://dx.doi.org/10.1016/j.matpur.2014.03.006
0021-7824/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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grande. L’entier n0 étant fixé, le groupe de Chow CHn(U/G) est indépendant du choix de Eet de U
lorsque c>n: par définition, c’est CHn(BG).
Ceci soulève la question suivante : quelle est la nature de «BG»? Par construction, c’est une famille
de bases de G-torseurs de dimension variable : il n’existe pas en général de modèle unique de BG comme
k-variété. Peut-on néanmoins en donner une définition conceptuelle ?
Notre observation principale est que les propriétés du foncteur CHnutilisées par Totaro sont facilement
mises en évidence ; Xétant une k-variété lisse :
H: CHn(X)
−→ CHn(V)siVest un fibré vectoriel de base X;
P: CHn(X)
−→ CHn(U)siUest un ouvert de Xtel que codimX(XU)>n.
En d’autres termes, ces propriétés reviennent à rendre inversibles certains morphismes entre variétés
lisses. Il y a alors un cas universel : la catégorie des variétés lisses localisée, au sens de Gabriel et Zisman
[17], en inversant cette classe de morphismes. Un objet « BG» vit naturellement dans une telle catégorie.
Pour cette définition, on n’est pas obligé de considérer tous les morphismes entre variétés lisses : ceci
n’est pas innocent, le résultat de la localisation étant sensible au changement de morphismes. Nous avons
choisi de nous limiter aux morphismes plats, ce qui est suffisant pour la construction (et peut-être minimal).
Plus précisément, soit Smla catégorie des k-schémas lisses séparés de type fini, les morphismes étant
les morphismes plats. Pour tout n1, notons Snla classe des morphismes de Smformée
des projections VX,o
ùVest un fibré vectoriel de base X;
des imersions ouvertes UXtelles que codimX(XU)>n.
Soit Grp la catégorie des k-groupes algébriques linéaires, les morphismes étant les k-homomorphismes.
Dans la Proposition 2.22, nous construisons un foncteur G→ BnGde Grp vers S1
nSm. Le foncteur Bn
se comporte bien vis-à-vis des produits (§2.6), ce qui permet de donner dans le Théorème 2.29 la bonne
généralisation d’un vieux théorème de Fischer sur la rationalité des corps d’invariants de groupes abéliens
sur un corps contenant assez de racines de l’unité. Au §2.8, on compare la présente définition de BnGàla
définition de BG donnée par Morel et Voevodsky dans [36], à valeurs dans leur catégorie homotopique des
schémas.1
Par construction, tout foncteur Fsur Smayant les propriétés Het Pci-dessus se factorise canonique-
ment en un foncteur ¯
Fsur S1
nSm, ce qui donne un sens à F(BG):= ¯
F(BnG), plus une fonctorialité
évidente en F. Le foncteur naturel S1
n+1SmS1
nSmenvoyant Bn+1Gsur BnG, cette définition ne
dépend pas du choix de n. La fonctorialité de BnGen Gdonne celle de F(BG)enG, qui n’est pas traitée
dans [46].
La Section 3applique ceci à un certain nombre de foncteurs concrets, généralisant le cas des groupes
de Chow : cohomologie étale, cohomologie motivique, cohomologie motivique étale, homologie motivique,
K-théorie algébrique. La Section 4donne quelques déterminations explicites de BG.
Les Sections 5et 6couvrent un cas non traité dans la Section 3: la cohomologie de cycles de Rost [42].
La Section 5rappelle la théorie des modules de cycles et de la cohomologie de cycles : on y vérifie que cette
dernière prend un sens sur BG. La Section 6étudie les classes non ramifiées dans un module de cycles, à la
Colliot-Thélène et Ojanguren [7] ; on montre qu’elles vérifient les axiomes Het Pci-dessus, donc prennent
un sens sur BG.
Les Sections 7et 8sont consacrées à des calculs plus concrets. Dans la Section 7, on calcule la cohomologie
motivique étale de BG quand Gest un groupe fini constant sur un corps k;lorsquekest séparablement
1Au prix de plus de technique, on peut étendre la construction de BnGaux « constructions de Borel » considérées par Edidin et
Graham dans [12] : nous ne le faisons pas ici.
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clos, on trouve essentiellement la cohomologie entière de G. Dans la Section 8, on établit l’existence de suites
spectrales de coniveau pour la cohomologie motivique, la cohomologie étale et la cohomologie motivique
étale de BG,dontletermeE2est donné par des groupes de cohomologie de cycles au sens de la Section 5:
les deux derniers cas sont relativement délicats. Lorsque Gest fini et kest algébriquement clos, disons
de caractéristique zéro, ceci joint au résultat de la Section 7fournit des renseignements très riches sur la
cohomologie entière de G, parmi lesquels on retrouve des notions antérieures (invariants cohomologiques de
Serre, cohomologie stable de Bogomolov) et des isomorphismes et suites exactes déjà connues (Bogomolov,
Peyre), mais aussi de telles suites exactes, isomorphismes et invariants nouveaux. Nous espérons que ceci
pourra être utilisé fructueusement dans l’avenir.
D’autres applications sont données dans [28].
Ce travail est une version remaniée et augmentée d’une partie de la thèse du premier auteur (N.T.K.N.)
[38].B.K. tient à remercier N.T.K.N. de l’avoir invité à rédiger ce texte en commun.
1. Rappel sur les torseurs
Dans cette section, nous rappelons les définitions et les propriétés des torseurs dont nous aurons besoin.
Notre parti pris, comme dans [46] et contrairement à [12], est ici de ne considérer que des quotients repré-
sentables en évitant les espaces algébriques. Cela permet une présentation plus élémentaire dans les sections
suivantes.
1.1. Quotients
Soit kun corps.
Définition 1.1. (Voir Mumford et al. [37, déf. 0.6 ii, p. 4].) Soit Gun k-groupe algébrique et soit Xun
k-schéma de type fini sur lequel Gopère par le morphisme μX:G×XX.
a) Un quotient ométrique de Xpar Gest un k-schéma Ymuni d’un k-morphisme f:XYtel que :
(i) Le diagramme suivant est commutatif :
G×Xp2
μX
X
f
XfY.
(1.1)
(ii) fet le morphisme ϕ:G×XX×YXdéfini par ϕ(g, x)=(gx, x) sont surjectifs.
(iii) fest submersif, i.e. UYest ouvert si et seulement si f1(U) est ouvert dans X.
(iv) Le faisceau OYest isomorphe au sous-faisceau de fOXformé des fonctions G-invariantes.
b) fest un quotient géométrique universel s’il le reste après tout changement de base.
Si ce schéma Yexiste, il est unique à isomorphisme unique près. On le note Y=X/G.
1.2. Existence de quotients
Proposition 1.2. Soit Gopérant sur Xet soit Nun sous-groupe distingué de G. Supposons que Xadmette
un quotient géométrique universel f:XYrelativement à l’action de N. Alors G/N opère sur Yet les
conditions suivantes sont équivalentes :
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(i) Xadmet un quotient géométrique universel Zrelativement à l’action de G.
(ii) Yadmet un quotient géométrique universel Zrelativement à l’action de G/N .
Si c’est le cas, alors Zest isomorphe à Z.
Démonstration. On peut vérifer que cette proposition est vraie en remplaçant « quotient géométrique» par
« quotient catégorique » (cf. [37, déf. 0.5, p. 3]). En particulier, les deux quotients coïncident si l’un des
deux existe par la propriété universelle des quotients catégoriques. Supposons donc que Zsoit un quotient
catégorique universel de Xpar Get de Ypar G/N, et notons g:YZ, h =gf:XZ.
Appliquons le critère [37, (3), p. 6] : Il suffit de vérifier la submersion de g, h et la surjectivité de ϕX,¯ϕY
dans le diagramme commutatif suivant :
N×Xϕ
XX×YX
G×XϕX
π×f
X×ZX
f×f
G/N ×Y¯ϕYY×ZY.
D’abord, comme fest un quotient géométrique universel, il est universellement submersif ; par conséquent,
gest universellement submersif si et seulement si hl’est.
D’autre part, comme fest surjectif, f×fest surjectif ; donc si ϕXest surjectif, ¯ϕYest surjectif.
Inversement, si ¯ϕYest surjectif, alors on peut vérifier que ϕXest surjectif sur les ¯
k-points grâce au
diagramme ci-dessus. Enfin, ϕXest surjectif d’après [48, prop. 7.1.8, p. 331].2
Corollaire 1.3. Dans la situation de la Proposition 1.2, supposons que l’action de Nsur Xsoit triviale.
Alors l’action de Gsur Xen induit une de G/N. De plus, le quotient géométrique de Xpar Gexiste si et
seulement si celui par G/N existe, et alors ils coïncident.
1.3. Torseurs
Définition 1.4. (Voir Mumford et al. [37, déf. 0.10, p. 17].) Soit Xun k-schéma sur lequel Gopère et soit
f:XYun k-morphisme. On dit que fest un G-torseur de base Yet d’espace total Xsi
(i) Yest un quotient géométrique de X,
(ii) fest plat,
(iii) ϕ(cf. déf. 1.1 a) (ii)) est un isomorphisme.
Remarque 1.5. On peut montrer que cette définition est équivalente à celle de Colliot-Thélène et Sansuc
[8, déf. 2.9].
Théorème 1.6. (Voir [11, III.2.6.1, p. 313].) Si Gest fini et opère sur un k-schéma Xde sorte que toute
orbite ensembliste soit contenue dans un ouvert affine de X,alors
1. Le car(1.1) existe et est cocartésien dans la catégorie des k-schémas.
2. La projection f:XY:= X/G est entière et le morphisme ϕest surjectif.
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3. Si Gopère librement sur X,fest fini localement libre et ϕest un isomorphisme. En particulier, Xest
l’espace total d’un G-torseur.
1.4. Fermés G-irréductibles
Définition 1.7. Un G-schéma Xest G-irréductible si, pour toute décomposition X=F1F2F1,F
2sont
des fermés G-stables, on a X=F1X=F2.
Lemme 1.8. Soit Gopérant sur Xde type fini. Alors on peut écrire X=βBXβoù les Xβsont des
fermés G-irréductibles. On appelle les Xβles composantes G-irréductibles de X.
Lemme 1.9. Soit Uun k-schéma intègre de type fini, muni d’une action d’un groupe algébrique G.
Soit j:UUune immersion ouverte, avec UG-invariant. Alors jest composée d’immersions ouvertes
Vi
ji
Vi+1 Viest G-stable et Vi+1 Viest G-irréductible pour tout i.Sikest parfait, on peut choisir les
jide complémentaire lisse.
1.5. Propriétés de permanence des torseurs
Lemme 1.10. Soient G, H deux groupes algébriques et UG,U
Hles espaces totaux d’un Get d’un H-torseur.
Alors UG×UHest l’espace total d’un G×H-torseur.
Proposition 1.11. LesG-torseurs ont les propriétés suivantes :
1. Stabilité par changement de base : si on a le diagramme suivant
X=Y×YXg
f
X
f
YgY,
et si fest un G-torseur, alors fl’est aussi pour tout g.
Réciproquement, si fest un G-torseur et gest fidèlement plat, alors fest un G-torseur.
2. Formule de la dimension : si Xest G-irréductible (cf. déf. 1.7), alors
dim X=dimY+dimG.
3. Soit f:XYun G-torseur et soit π:EXun fibré vectoriel sur Xavec G-action linéaire
équivariante, alors E/G existe et est un fibré vectoriel sur Y.
Démonstration.
1. La première assertion découle de la platitude de f.La deuxième assertion résulte de la descente
fidèlement plate.
2. L’hypothèse implique que Yest irréductible. Comme fest plat, on peut appliquer [18, chap. III, cor. 9.6,
p. 257] :ona
dim Xdim Y=dimXy,
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