B. Kahn, N.T.K. Ngan / J. Math. Pures Appl. 102 (2014) 972–1013 973
grande. L’entier n0 étant fixé, le groupe de Chow CHn(U/G) est indépendant du choix de Eet de U
lorsque c>n: par définition, c’est CHn(BG).
Ceci soulève la question suivante : quelle est la nature de «BG»? Par construction, c’est une famille
de bases de G-torseurs de dimension variable : il n’existe pas en général de modèle unique de BG comme
k-variété. Peut-on néanmoins en donner une définition conceptuelle ?
Notre observation principale est que les propriétés du foncteur CHnutilisées par Totaro sont facilement
mises en évidence ; Xétant une k-variété lisse :
H: CHn(X)∼
−→ CHn(V)siVest un fibré vectoriel de base X;
P: CHn(X)∼
−→ CHn(U)siUest un ouvert de Xtel que codimX(X−U)>n.
En d’autres termes, ces propriétés reviennent à rendre inversibles certains morphismes entre variétés
lisses. Il y a alors un cas universel : la catégorie des variétés lisses localisée, au sens de Gabriel et Zisman
[17], en inversant cette classe de morphismes. Un objet « BG» vit naturellement dans une telle catégorie.
Pour cette définition, on n’est pas obligé de considérer tous les morphismes entre variétés lisses : ceci
n’est pas innocent, le résultat de la localisation étant sensible au changement de morphismes. Nous avons
choisi de nous limiter aux morphismes plats, ce qui est suffisant pour la construction (et peut-être minimal).
Plus précisément, soit Smflla catégorie des k-schémas lisses séparés de type fini, les morphismes étant
les morphismes plats. Pour tout n1, notons Snla classe des morphismes de Smflformée
– des projections V→X,o
ùVest un fibré vectoriel de base X;
– des imersions ouvertes U→Xtelles que codimX(X−U)>n.
Soit Grp la catégorie des k-groupes algébriques linéaires, les morphismes étant les k-homomorphismes.
Dans la Proposition 2.22, nous construisons un foncteur G→ BnGde Grp vers S−1
nSmfl. Le foncteur Bn
se comporte bien vis-à-vis des produits (§2.6), ce qui permet de donner dans le Théorème 2.29 la bonne
généralisation d’un vieux théorème de Fischer sur la rationalité des corps d’invariants de groupes abéliens
sur un corps contenant assez de racines de l’unité. Au §2.8, on compare la présente définition de BnGàla
définition de BG donnée par Morel et Voevodsky dans [36], à valeurs dans leur catégorie homotopique des
schémas.1
Par construction, tout foncteur Fsur Smflayant les propriétés Het Pci-dessus se factorise canonique-
ment en un foncteur ¯
Fsur S−1
nSmfl, ce qui donne un sens à F(BG):= ¯
F(BnG), plus une fonctorialité
évidente en F. Le foncteur naturel S−1
n+1Smfl→S−1
nSmflenvoyant Bn+1Gsur BnG, cette définition ne
dépend pas du choix de n. La fonctorialité de BnGen Gdonne celle de F(BG)enG, qui n’est pas traitée
dans [46].
La Section 3applique ceci à un certain nombre de foncteurs concrets, généralisant le cas des groupes
de Chow : cohomologie étale, cohomologie motivique, cohomologie motivique étale, homologie motivique,
K-théorie algébrique. La Section 4donne quelques déterminations explicites de BG.
Les Sections 5et 6couvrent un cas non traité dans la Section 3: la cohomologie de cycles de Rost [42].
La Section 5rappelle la théorie des modules de cycles et de la cohomologie de cycles : on y vérifie que cette
dernière prend un sens sur BG. La Section 6étudie les classes non ramifiées dans un module de cycles, à la
Colliot-Thélène et Ojanguren [7] ; on montre qu’elles vérifient les axiomes Het Pci-dessus, donc prennent
un sens sur BG.
Les Sections 7et 8sont consacrées à des calculs plus concrets. Dans la Section 7, on calcule la cohomologie
motivique étale de BG quand Gest un groupe fini constant sur un corps k;lorsquekest séparablement
1Au prix de plus de technique, on peut étendre la construction de BnGaux « constructions de Borel » considérées par Edidin et
Graham dans [12] : nous ne le faisons pas ici.