DERIVATIONS URINAIRES CONTINENTES
Bernard GATTEGNO
ConStat, 1996, 1, 15-18
Deux centres d’intérêt ressortent de la revue de 14 articles récents concernant les dérivations
urinaires continentes : les cystostomies continentes et les dérivations urinaires cutanées trans-
intestinales continentes. Un certain nombre d’articles concernent aussi des modifications
techniques visant à améliorer la qualité de la continence et la facilité du drainage intermittent
par le patient.
Trois thèmes principaux seront analysés à partir de ces articles : les nouvelles techniques de
dérivation, les résultats à moyen et long termes des dérivations urinaires continentes
«classiques», et enfin l’analyse comparative de la qualité de vie associée aux dérivations
urinaires continentes et non continentes.
L’amélioration des techniques de dérivation urinaire continente
Les nombreux articles décrivant une amélioration technique concernent essentiellement des
modifications du système de drainage et de la valve antireflux.
L’utilisation de l’appendice est décrite dans trois articles (6-10-3)
n Duckett de Philadelphie (6) a utilisé la technique de Mitrofanoff chez 41 enfants en
améliorant le principe du tube appendiculaire implanté dans la vessie exclue ou dans l’intestin
isolé, en utilisant à la place de l’appendice (61 % des cas), un segment d’intestin grêle (12 %
des cas) ou d’uretère (27 % des cas). Les indications de dérivation urinaire étaient une
exstrophie vésicale dans 46 % des cas et un myéloméningocèle dans 34 % des cas.
Ces résultats sont très convaincants puisque les auteurs annoncent 100 % de continence et 93
% de cathétérisme sans complication avec un recul moyen de 3,2 ans. En fait, de nombreuses
complications sont apparues malgré un recul relativement faible : 32 % de formations
lithiasiques favorisées par l’agglomération de mucus associée à une bactériurie chronique, 2
décès (1 septicémie et 1 suicide). Une reprise chirurgicale a été nécessaire 3 fois pour réviser
la stomie, 2 fois pour une occlusion intestinale et 7 fois pour faire l’ablation de calculs.
Les auteurs concluent que la meilleure dérivation cutanée continente est celle utilisant
l’appendice anastomosé à la vessie exclue et abouché à l’ombilic.
Figure 1 : Modification de la procédure de Mitrofanoff selon Keetch (10)
Keetch (10) a décrit une variante du procédé de Mitrofanoff dans lequel l’appendice est
inclus presque complètement dans la vessie (fig. 1), utile dans les cas de morphologie
corporelle ou appendiculaire inhabituelle, en particulier lorsque l’appendice est trop court
ou la paroi abdominale trop épaisse pour créer un long trajet antireflux. Sept enfants ont
bénéficié d’une telle intervention modifiée, tous sont continents de jour et de nuit (recul
moyen 23 mois). Seuls 3 patients pouvaient cathétériser facilement leur stomie, les 4
autres ont dû subir une reprise chirurgicale de la stomie. Cette technique est donc à
utiliser seulement lorsque le Mitrofanoff standard n’est pas possible, en sachant que le
taux de reprise est élevé.
Bissada (3) décrit la «Charleston pouch» (fig. 2). Le réservoir est construit à l’aide d’iléon
terminal et de colon ascendant détubularisés, l’appendice utilisé comme stomie est laissé
en place, sa base étant invaginée dans le caecum afin de renforcer le dispositif antireflux.
Seize patients ont été opérés selon cette technique, mais les résultats ne sont pas détaillés,
les auteurs indiquant simplement que tous les patients sont satisfaits de leur dérivation.
Figure 2 : Poche de "Charleston" avec utilisation de l'appendice in situ (3)
Figure 3 : Dérivation urinaire continente : technique de Meziane (12)
D'autres nouvelles techniques
Borzi s'inspire (5) du procédé de Mitrofanoff en remplaçant l’appendice par un tube
gastrique pédiculé implanté dans la vessie exclue ou dans une poche intestinale. Cette
technique est particulièrement intéressante lorsque le patient est appendicectomisé ou lors
de la reprise chirurgicale d’un Mitrofanoff. Quatre patients ont été opérés selon cette
technique, mais les résultats ne sont pas donnés par les auteurs.
Meziane (12) décrit une technique originale de dérivation urinaire continente (fig. 3) qui
permet de confectionner, à l'aide d'iléon détubulé, un réservoir-valve protégeant le haut-
appareil urinaire grâce à un système antireflux et assurant la continence grâce à une
bivalve hydraulique. Ce système pouvant aussi être implanté sur une vessie exclue de
façon à obtenir une cystostomie continente. Dix patients ont bénéficié de cette procédure
avec un recul de 12 à 32 mois. Neuf patients présentent une continence parfaite avec une
capacité du réservoir supérieure à 300 ml. Les complications apparues sont une fistule de
la valve, ainsi qu’une lithiase du réservoir.
Lampel (11) décrit deux nouvelles techniques modifiant la valve de la poche de Mainz. Le
principe est similaire à celui utilisant l’appendice tunnellisé qui est remplacé par la
confection d’un tube aux dépens de la paroi du caecum. Ce tube est, soit découpé aux
dépens de la séro-musculeuse en conservant la muqueuse intacte, soit aux dépens de la
totalité de la paroi caecale. Dix-sept patients ont été opérés selon ces techniques avec un
recul moyen de 8 mois. Seize patients sur 17 cathétérisent sans difficulté leur réservoir et
sont continents de jour et de nuit. Un seul patient, ayant bénéficié d’un tube
séromusculaire, présente une incontinence urinaire. Ces techniques sont utilisables
lorsque l’appendice est absent.
Gardiner (7) décrit une technique de cystostomie continente dont le principe est la
confection d’un tube à partir de la muqueuse et de la musculeuse superficielle de la
vessie, qui servira de conduit sus-pubien à cathétériser, après avoir cheminé en sous-
muqueux dans la paroi vésicale (fig. 4). Cette technique a été utilisée chez 6 patients avec
un recul de 5 ans, tous les patients sont continents mais 2 d’entre eux ont présenté une
sténose de la stomie qui a nécessité une reprise chirurgicale.
Résultats à long terme des dérivations urinaires continentes
Les résultats à long terme des dérivations urinaires continentes commencent à être publiés.
Voici l'analyse des articles concernant différentes modalités techniques de dérivation.
Poches de Kock et d'Indiana
Arai (1) présente une série de 115 patients ayant bénéficié d’une poche de Kock pour 76
d'entre eux et d'une poche d’Indiana pour 39. Mais seulement 105 patients (poche de
Kock : 68 - poche d’Indiana : 37) présentent un recul minimum de 12 mois et un recul
moyen respectif de 53 et 34 mois. Parmi les 68 patients présentant une poche de Kock, 20
d’entre eux (30 %) ont nécessité une révision chirurgicale en rapport, dans 22 % des cas,
avec un anneau de polyester placé au niveau du système antireflux. Parmi les 39 patients
présentant une poche d’Indiana, 4 d’entre eux (11 %) ont nécessité une révision
chirurgicale. La continence urinaire semble excellente puisque 91,2 % des patients
porteurs d’une poche de Kock et 94,6 % d’une poche d’Indiana sont parfaitement
continents. Les complications sont dominées par l’apparition des calculs urinaires dans 26
% des cas pour la poche de Kock et seulement 5,4 % pour la poche d’Indiana, sans qu’il y
ait de différence significative du taux de bactériurie dans les 2 groupes. Ainsi, ces deux
procédures donnent d’excellents résultats sur la continence, mais le taux de révision
chirurgicale dans les poches de Kock est extrêmement important de telle sorte que les
auteurs conseillent de ne plus mettre en place d’anneau de polyester. De même, le taux
d’apparition de lithiases urinaires est très élevé pour les poches de Kock. On pourrait
conclure, à la lecture de cet article, que la procédure d’Indiana donne de meilleurs
résultats à long terme, bien qu’il s’agisse d’une étude rétrospective non randomisée.
Rowland (13) rapporte son expérience de la poche d’Indiana modifiée selon le procédé de
Gilchrist chez 69 patients avec un recul minimum de 2 ans. La continence urinaire diurne
et nocturne est excellente dans 97 % des cas, un an après l’intervention. Plus de 80 % des
patients peuvent dormir une nuit entière sans nécessité de cathétérisme de leur poche.
Enfin, 17 % des patients ont été réopérés pour retouche au niveau de leur dérivation.
Figure 4 - Technique de cystostomie continente avec tube vésical
musculo-muqueux selon Gardiner (7)
Poche de Mitrofanoff
Hasan (8) a utilisé chez 12 patients le procédé de Mitrofanoff après cystectomie. Le recul
varie de 6 à 39 mois pour une médiane de 15 ± 10 mois. Quatre patients (33 %) ont
présenté une sténose de la stomie traitée par simple dilatation, il n'y a pas eu de reprise
chirurgicale pour défaut de fonctionnement de la stomie. La continence urinaire était
bonne chez tous les patients pendant le jour, mauvaise chez un patient la nuit. Les auteurs
concluent au fonctionnement satisfaisant de ce type de dérivation urinaire cutanée
continente, bien que le nombre de patients étudiés soit restreint.
Poche de Benchekroun
Benchekroun (2) rapporte son expérience du réservoir iléal continent avec valve
hydraulique mise au point par lui-même chez 30 patients (l’indication la plus fréquente
était la cystoprostatectomie pour tumeur vésicale). Le suivi de 25 de ces patients varie de
8 à 80 mois pour une moyenne de 30 mois. Les complications post-opératoires semblent
rares, puisque l’auteur ne rapporte que 2 cas de fistule pelvienne, 2 cas de désinvagination
de la valve et un cas de sténose de l’anastomose urétéro-iléale. Le taux de reprise
chirurgicale est faible (10 %). La continence urinaire est parfaite chez tous les patients
grâce à des autosondages dont la fréquence varie de 4 à 6 par 24 heures (capacité
moyenne d’environ 400 ml). Ces résultats, comparés aux techniques précédentes,
semblent très satisfai-sants puisque tous les patients sont continents sans difficulté de
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