Ainsi, si nous voulons réaliser notre identité suprême avec l'Esprit, il nous faudra nous
connecter à ce courant de conscience constante et le suivre à travers tous les changements
d'état — de veille, de rêve et de sommeil — ce qui (1) nous dégagera de toute identification
exclusive à l'un de ces états (comme le corps, le mental, l'ego ou l'âme) ; et (2) nous
permettra de reconnaître et de nous identifier à ce qui est constant — ou intemporel —
dans tous ces états : la Conscience en tant que telle, autrement dit, l’Esprit intemporel.
Je méditais de manière assez intensive depuis une vingtaine d'années, lorsque je suis tombé
sur cette phrase de Ramana. J'avais étudié le zen avec Katagiri et Maezumi, le vajrayana avec
Kalou et Trungpa, le Dzogchen avec Pema Norbu et Chagdud ; j'avais également étudié,
parfois succinctement et parfois au cours de longues périodes, le Vedanta, la MT, le
shivaïsme du Cachemire, le mysticisme chrétien, la Kabbale, le taoïsme, le soufisme... Enfin,
la liste est longue. Quand je suis tombé sur la citation de Ramana, je participais à une
retraite intensive de Dzogchen avec mon enseignant principal, Chagdud Tulku Rinpoché.
Rinpoché insistait également sur l'importance du maintien de l'esprit-miroir pendant les
états de rêve et de sommeil profond. J'ai commencé à avoir des flashs de cette Conscience
non duelle constante dans tous les états, ce que Rinpoché a confirmé. Mais ce n'est qu'un an
plus tard, au cours d'une période très intense de onze jours – durant laquelle le moi séparé a
semblé radicalement, profondément et complètement mourir – que tout ceci a semblé
porter ses fruits. Je n'ai pas dormi du tout pendant ces onze jours ; ou plutôt, j'ai été
conscient pendant onze jours et onze nuits, alors que le corps et le mental passaient par
l'état de veille, le rêve et le sommeil : j'étais imperturbable au milieu des changements, sans
moi qui puisse être ému ; il n'y avait qu'une Conscience vide et immobile, l'esprit-miroir
lumineux, le témoin qui ne faisait qu'un avec tout ce qui était observé. Je suis simplement
revenu à ce que je suis, et il en est ainsi, plus ou moins, depuis lors.
Dès que cette Conscience non-duelle constante sera évidente pour vous, une nouvelle
destinée verra le jour au sein du monde manifesté. Vous aurez découvert votre propre Esprit
de Bouddha, votre propre Divinité, votre Vide propre, infini, informel, non spatial,
intemporel, votre propre Atman qui est le Brahman, votre Keter, votre Conscience
christique, votre Shekhinah rayonnante — en d’autres termes, la saveur de l'Unique. Cela ne
fait aucun doute. C'est précisément cela votre véritable identité — le Vide pur ou la
Conscience pure, inqualifiable en tant que telle — et vous êtes alors libéré de la terreur et du
tourment qui surviennent nécessairement quand on s’identifie à un petit sujet dans un
monde de petits objets.
Une fois que vous aurez trouvé votre identité sans forme d'esprit de Bouddha, d'Atman,
d'Esprit pur, de divinité, vous emporterez cette Conscience constante non-duelle toujours
présente pour réintégrer les états inférieurs, le mental subtil et le corps grossier, et vous les
raviverez de votre rayonnement. Vous ne resterez pas simplement sans forme et vide. Vous
vous départirez du Vide : vous vous diffuserez dans le mental et dans le monde, vous les
créerez dans ce processus et les intégrerez tous à parts égales, mais spécialement et
particulièrement ce mental et ce corps spécifiques que l’on appelle vous (dans mon cas, Ken
Wilber) ; ce moi inférieur deviendra le véhicule de l'Esprit que vous êtes.
Et alors, toutes choses, en ce compris votre petit esprit, votre corps, vos sentiments et vos
pensées, émergeront dans le vaste Vide que vous êtes et se libéreront dans leur véritable