Revue internationale de droit comparé : Anthropologie du droit pénal soudanais

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Revue internationale de droit
comparé
H. Bleuchot,
Les cultures contre l'homme ? Essai d'anthropologie
historique du droit pénal soudanais
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H. Bleuchot,
Les cultures contre l'homme ? Essai d'anthropologie historique du droit pénal soudanais
. In: Revue internationale
de droit comparé. Vol. 47 N°3, Juillet-septembre 1995. pp. 797-798;
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1995_num_47_3_5135
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BIBLIOGRAPHIE
797
Archives
de
philosophie
du
droit,
t.
39,
Le
procès,
Paris,
Sirey,
1995,
545
pages.
Si
l'impossibilité
de
rendre
compte
d'une
manière
satisfaisante
d'un
ouvrage
collectif
est
si
unanimement
reconnue
qu'on
hésite
à
s'en
excuser,
il
reste
possible,
parfois,
de
louer
l'intelligence
avec
laquelle
ont
été
choisis
les
sujets
et
les
collaborateurs.
C'est
ce
que
l'on
doit
faire
en
l'espèce.
Entre
les
«
propos
introductifs
»
de
Marie-
Anne
Frison-Roche
et
l'esquisse
d'une
sociologie
des
procès
de
François
Terré
les
uns
et
l'autre
excellents,
même
si
l'esquisse
minimise
la
réduction
du
contentieux
qui
résulte
de
la
loi
Badinter
,
se
placent
vingt
études
qui
présentent
tous
les
aspects
du
procès
pouvant
intéresser
et
faire
réfléchir
le
lecteur
:
son
histoire
à
travers
les
siècles,
ce
qu'il
est
à
l'étranger,
ses
rapports
avec
la
morale,
avec
la
jurisprudence,
avec
la
société,
l'apport
qu'il
reçoit
de
la
technique.
Pour
mieux
montrer
au
lecteur
de
cette
recension
ce
qu'il
trouvera
dans
les
300
pages
consacrées
au
procès
par
ce
numéro
des
Archives,
infligeons-lui
l'énoncé
des
titres
de
ces
études
:
le
procès
athénien
et
la
justice
comme
division,
ce
que
la
raison
doit
au
procès,
le
procès
de
Socrate,
le
procès
romain
(approche
sociologique),
le
jugement
de
Dieu
et
la
formation
de
la
fonction
de
juger
dans
l'histoire
européenne,
utopie
religieuse
et
procès
pénal
(l'héritage
historique
:
V-
XVe
siècles),
le
jugement
sous
l'angle
historico-comparatif,
le
procès
canonique,
le
procès
de
la
procédure
criminelle
à
l'âge
des
Lumières,
P.
F.
Muyart
de
Vouglans
ou
l'anti-Beccaria,
jugement
et
jurisprudence,
aspects
du
procès
anglais,
le
procès
chez
Perelman,
jugement
juridique
et
jugement
moral,
le
problème
de
la
vérité
du
jugement,
le
rôle
du
«
fait
»
dans
la
controverse,
le
procès
lieu
du
social,
l'informatique
et
l'analyse
du
procès,
l'
après-jugement
(aspects
sociologiques).
Tous
ces
thèmes
sont
traités
par
des
personnalités
bien
choisies.
La
contribution
de
Tony
Weir,
bien
entendu,
est
un
régal.
Mais
il
n'en
est
aucune
autre
que
l'on
ne
lise
avec
plaisir
et
profit.
Ce
numéro
des
Archives
s'ouvre
par
un
long
et
légitime
hommage
rendu
à
la
mémoire
de
Jacques
Ellul
par
M.
Weyembergh.
Il
s'enrichit,
d'autre
part,
de
diverses
études.
Quatre
d'entre
elles,
tout
d'abord,
forment
un
ensemble
consacré
à
la
pensée
allemande
moderne
et
contemporaine.
Il
s'agit,
soit
de
textes
de
Fichte
et
Radbruch
traduits
et
présentés,
soit
de
présentations
de
la
pensée
de
Habermas
et
Luhmann.
Trois
autres
portent
sur
des
sujets
variés
:
l'esclavage
vu
par
Aristote,
Domat
et
la
naissance
du
sujet
de
droit,
la
voix
du
juriste
dans
le
tintamarre
de
la
bioéthique.
Des
chroniques
internationales
(Brésil,
Canada,
États-Unis,
Italie),
de
nombreux
comptes
rendus
et
des
bibliographies,
complètent
le
numéro.
Réjouissons-nous
que
l'intérêt
pour
la
philosophie
du
droit
reste
aussi
vif
en
France
et
remercions
ceux
qui
en
entretiennent
la
flamme.
André
TUNC
Hervé
BLEUCHOT.
Les
cultures
contre
l'homme
?
Essai
d'anthropologie
historique
du
droit
pénal
soudanais,
Aix-en-Provence,
Presses
universitaires
d'Aix-en-Provence,
1994,
480
pages.
Chercheur
déjà
réputé,
H.
Bleuchot
a
fait
en
1993,
sous
forme
d'une
thèse
de
doctorat
en
droit,
la
synthèse
de
ses
connaissances
d'une
manière
qui
n'est
pas
toujours
pleinement
convainquante
mais
qui
reste
magistrale,
non
seulement
par
son
érudition
mais
aussi
par
la
portée
de
son
argumentation.
Comme
il
le
souligne
dans
sa
conclusion
«
le
Soudan
est
un
pays
d'un
intérêt
exceptionnel
pour
l'anthropologie
juridique
».
En
particulier,
«
le
Soudan
permet
798
REVUE
INTERNATIONALE
DE
DROIT
COMPARE
3-1995
l'observation
du
droit
musulman
dans
sa
trajectoire
du
droit
païen
au
droit
néoislamique
en
passant
par
toutes
les
phases
pré
et
post-coloniales
»
(p.
431).
Car,
finalement,
c'est
ce
droit
néo-islamique
dont
s'est
doté
le
Soudan
contemporain
qui
est
le
grand
défi
de
cette
confrontation
intellectuelle
entre
traditions
juridiques
et
l'enjeu
des
conflits
politiques
qui
continuent
à
ensanglanter
le
Sud
du
pays.
C'est
donc
cet
enjeu
qui
inspire
le
titre,
plutôt
décourageant
pour
l'honnête
homme
qui
va
découvrir
cette
monographie
et
qui
n'est
pas
préparé
à
une
réflexion,
subtile,
sur
l'esprit
du
droit
et
sur
les
contraintes
du
pluralisme
juridique.
La
question
du
titre
les
cultures
contre
l'homme
»)
va
en
effet
recevoir
une
réponse
que
je
formulerais
ainsi
:
les
droits
de
l'homme
contre
les
excès
de
l'islamisme,
réponse
qui
est,
finalement,
bien
dans
l'air
du
temps
présent,
au
point
que
l'auteur
doit
parfois
s'en
défendre.
Car
cette
publication
nous
fait
circuler
du
passé
au
présent
du
Soudan,
du
Nord
au
Sud
de
ce
grand
pays,
d'Afrique
à
l'Europe
pour
déboucher
parfois
sur
la
question
islamique
dans
la
France
contemporaine.
Riche
d'analyses
et
de
références
au
point
d'en
apparaître
un
peu
baroque,
cet
ouvrage
se
révèle
aussi
agaçant,
dans
le
sens
il
nous
oblige
à
prendre
en
considération
l'impact
d'un
Islamisme
clérical
que
l'auteur
voit
progressivement
dominer
les
pays
arabes
et
qui
menacerait
à
terme
nos
sociétés
modernes
occidentales.
Si
je
ne
conteste
pas
la
réalité
de
ce
cléricalisme,
il
me
semble
essentiel
de
contribuer
à
la
réouverture
des
portes
de
l'effort
et
ainsi
de
travailler
avec
les
musulmans
toutes
les
possibilités
d'ouverture,
dans
une
perspective
volontariste
sans
doute
utopique
pour
le
cas
du
Soudan.
Ainsi,
H.
Bleuchot
agace
notre
vigilance
comme
notre
intelligence
en
proposant
les
droits
de
l'homme
comme
réponse
universelle
à
la
tendance
à
la
fermeture
sur
sa
tradition
culturelle,
au
risque
de
renoncer
à
tout
dialogue.
Mais
peut-on
dialoguer
avec
les
Islamistes
?
Restent
cependant,
d'un
point
de
vue
d'anthropologie
du
droit,
certaines
questions
qui
demanderaient
à
être
précisées.
1
.
Si
la
dimension
historique
de
cette
anthropologie
est
bien
maîtrisée,
quelle
est
la
position
idéologique
de
l'auteur
(seulement
évoquée
p.
79,
note
51)
et
comment
sur
ces
bases
développer
une
anthropologie
politique
du
droit
?
2.
Que
doit-on
finalement
entendre
quand
on
parle
de
droit
et
de
droit
pénal
soudanais
?
L'auteur
a-t-il
fait
suffisamment
attention
à
la
nécessité
de
construire
le
modèle
interculturel
du
droit
d'une
manière
qui
ne
soit
pas
seulement
typologique
(pp.
92-93)
mais
aussi
processuelle
et
dynamique
comme
le
suggère
la
référence
constante
à
l'œuvre
de
G.
Balandier.
N'est-
il
pas
resté
ici
trop
attaché
à
une
«
manière
»
de
juriste
comparatiste
plutôt
qu'interpellé
par
les
exigences
actuelles
de
l'anthropologie
du
droit
?
3.
L'auteur
critique
avec
raison
certaines
approximations
de
la
synthèse
de
l'évolution
du
droit
coutumier
que
j'avais
rédigée
avec
M.
Wane
pour
l'
Encyclopédie
juridique
de
l'Afrique,
en
1980,
il
ne
relie
pas
ses
analyses
des
pages
108-
113
avec
ses
ultimes
conclusions
sur
l'incidence
de
la
prise
en
compte
de
la
sociologie
des
groupes
«
en
lutte
pour
le
contrôle
du
droit
»
(p.
433).
C'est
en
effet
dans
cette
perspective
qu'il
conviendrait
maintenant
de
réinterpréter
nos
analyses
à
la
lumière
de
la
théorie
du
pluralisme
juridique
de
Chiba
et
de
l'analyse
processuelle
de
Sally
Falk
Moore.
Comme
on
le
constate,
cet
ouvrage
par
ses
réponses
nous
ouvre
de
nouvelles
questions
sur
l'avenir
de
notre
commerce
juridique.
Cet
ouvrage
est
donc
à
lire
tant
par
les
juristes
comparatistes
que
par
les
chercheurs
en
sciences
sociales
soucieux
de
pluridisciplinarité
et
d'une
lecture
opportune
du
droit
en
Afrique.
Etienne
LE
ROY
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