Atelier d'écriture philosophique : Qu'est-ce qu'une vie réussie ?

Telechargé par caroline.boinon75
Atelier d’écriture philosophique
32 thémaques à Paris 11e, 15e et 17e
Retrouvez notre calendrier sur stylosophie.net
Bienvenue à tous les curieux !
Stylosophie du 06 septembre 2025
Qu’est-ce qu’une vie réussie ?
« J’ai réussi » pensait Georges Duroy qui « se sentait un homme arrivé, un homme riche, un homme
heureux, un homme envié ». C’est ainsi que Guy de Maupassant dans Bel-Ami (1885) décrit son
personnage principal : un homme ayant le senment d’avoir « réussi sa vie » après avoir gravi les
échelons sociaux grâce à sa carrière de journaliste, à ses mariages avantageux, à son habileté à
s’enrichir et à obtenir du pouvoir. Dans ce roman, l’expression « réussir sa vie » renvoie à son sens le
plus courant qui l’associe principalement à l’ascension sociale, à la richesse et à la reconnaissance
professionnelle.
Bien sûr, l’auteur montre toute la vacuité d’une telle vie, dépourvue de toute joie véritable et le lecteur
comprend vite que cee réussite n’est qu’un leurre.
Au-delà de cet exemple, il semble surtout intéressant de constater qu’il est dicile de trouver des
exemples dans la liérature qui fassent réellement l’apologie de ce type de réussite. Comme s’il ne
pouvait s’agir que du bonheur des « vulgaires » : un bonheur sans grâce et sans profondeur.
Et, pourtant, en signant son Bel-Ami, Maupassant n’était-il pas, lui aussi, en recherche de gloire ?
Notons, en tout cas, que son succès d’écrivain fut si net qu’il pu s’acheter un yacht, voyager beaucoup,
construire une maison à Etretat et « mener la grande vie » pour reprendre une autre expression qui
pourrait être considérée comme synonyme de la première (« réussir sa vie »).
Citons également l’exemple de Francis Sco Fitzgerald. D’un côté, il n’a cessé de vouloir démontrer, à
travers ses nombreux romans dont le si célèbre Gatsby le Magnique (1925), à quel point la soif de
possessions et de reconnaissance sociale était non seulement méprisable mais rendait profondément
malheureux. D’un autre côté, avec l’immense succès de ses écrits, cet auteur était réputé pour sa vie
fastueuse, mulpliant les fêtes, les voyages et les dépenses extravagantes.
Ces deux célèbres et talentueux écrivains ne feraient-ils pas preuve, comme la plupart d’entre nous
tous, chacun à son échelle, d’une contradicon aussi profonde que non véritablement avouée et
assumée ?
Cee hypothèse n’est pas sans rappeler les propos de Cicéron dans son traité philosophique et moral
Des devoirs (44 av. J.-C.) : « Les gens blâment l’ambion, accusent l’avidité, et pourtant ils ne rêvent que
d’honneurs, de dignités et de richesses. (…) Le langage des hommes est vertueux ; leurs actes sont pleins
de duplicité ». Cicéron observe que les hommes se plaisent à tenir un discours moral, condamnant
publiquement l’ambion et la cupidité tout en y consacrant l’essenel de leur temps et de leur énergie.
Dénoncer la supercialité des biens matériels et des honneurs tout en peinant à trouver de véritables
movaons en dehors d’eux, ainsi pourrait-il donc être décrite une des caractérisques essenelles de
la condion humaine ?
Au cœur de cee contradicon se loge donc une queson essenelle : qu’est-ce qu’une vie
véritablement réussie ? Entre les valeurs armées, revendiquées, et les désirs réels, penser une telle
queson, en pleine conscience et en toute honnêteté, est loin d’être simple.
Tout d’abord, la noon même de « vie réussie » supposerait qu’il existe des critères de réussite
permeant d’évaluer s’ils sont ou non aeints. A supposer que de tels critères puissent être idenés,
conennent-ils une part d’universel ou sont-ils exclusivement relafs à chacun ? Surtout, avant de se
lancer dans la recherche de tels critères, une queson se pose : la valeur d’une vie peut-elle être
évaluée ? Comment tenter de répondre à une telle queson sans se demander préalablement ce que
désigne, ici, « une vie » ? Est-ce un ensemble d’événements ? Un récit que l’on se construit ? Une
réalité plus inme et existenelle ?
Surtout peut-on vraiment évaluer une vie dans son ensemble ? Si oui, comment « noter » ce qui
constue un tout non réducble à l’ensemble de ses pares ? Une totali qui a pour principale
caractérisque d’être sa propre nalité ? N’est-ce pas plutôt seulement certains de ses aspects qui
peuvent éventuellement être soumis à une telle appréciaon et non pas une vie dans son ensemble ?
A moins que « réussir sa vie » soit l’équivalent d’être heureux. La queson « qu’est-ce qu’une vie
réussie ? » deviendrait alors « qu’est-ce qui rend heureux ? » Mais est-ce vraiment le même
quesonnement de fond ? Ne peut-on, en eet, imaginer une vie réussie qui ne rende pas
nécessairement heureux ? Que penser, par exemple, des personnes qui ont réalisé des œuvres ou des
découvertes, sources d’éclairages considérables pour l’humanité, mais qui ont vécu dans la misère ou
dans le malheur ? Les exemples sont légion ! Citons-en seulement quelques-uns, au hasard, tels que
Van Gogh ou Mozart, Camille Claudel ou Antonin Artaud, Galilée, Alan Turing ou Marie Curie, ou encore
Edward Snowden ou Julien Assange.
Bref, on peut accomplir quelque chose de grand, laisser une trace, être ule ou dèle à un idéal, sans
nécessairement être heureux. Pire ! Dans certains cas, il semblerait même que l’un fasse obstacle à
l’autre puisque « faire œuvre » exige parfois de mere la queson de son bonheur au second plan.
Et si, paradoxalement, on cherchait les moyens de réussir sa vie surtout quand on se sent
parculièrement malheureux ou peu apte au bonheur ?
Bref, une vie réussie doit-elle viser principalement le bonheur ou la grandeur ? La paix ou
l’accomplissement ? La joie ou la vérité ?
Entre une personne célèbre, riche, et ayant accompli une œuvre majeure et ule pour l’humanité mais
malheureuse et une personne inconnue, aux revenus et à la carrière modestes mais comblée de
bonheurs simples, laquelle nous semblerait avoir le plus réussi sa vie ?
A parr d’exercices d’écriture aux consignes simples et progressives, chacun sera invité à cheminer,
d’une manière libre et créave, le long de ces nourrissantes et smulantes quesons.
Caroline BOINON
Paris, le 03 septembre 2025
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!