11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 Table ronde Nutrition et sport Participent à la table ronde : Professeur Jacques POORTMANS, Professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles, Unité de recherche en biométrie et nutrition appliquée ; Professeur André-Xavier BIGARD, Physiologiste et nutritionniste à l’Institut de recherche biomédicale des armées (Grenoble, Brétigny/Orge), vice-président de la Société française de médecine du sport ; Docteur Jean-Pierre CERVETTI, Président de l’Association des médecins des équipes de France. La table ronde était animée par le docteur Véronique LEBAR, responsable de la cellule médicale de l’AFLD. I. Intervention du professeur Jacques POORTMANS Utilité des compléments alimentaires pour les sportifs ? Je commencerai par quelques définitions. Naturellement, un complément nutritionnel destiné aux sportifs ne doit pas figurer sur la liste des substances dopantes. Je me limiterai aux substances dites humaines. Ces produits font l’objet de nombreuses allégations commerciales. Or la Commission européenne a émis un règlement devant entrer en vigueur en 2011 et stipulant que toutes les allégations figurant sur l’étiquette doivent être démontrées par le producteur. Des vérifications scientifiques en laboratoire seront nécessaires, ainsi que des analyses de terrain et la recherche d’éventuels effets secondaires. Je me propose de vous présenter trois exemples de dérivés d’acides aminés : la carnitine, la carnosine et la créatine. .1 La carnitine Cette substance, synthétisée dans toutes nos cellules, est nécessaire au transfert des acides gras libres du cytosol vers les mitochondries, où s’opèrent les oxydations. Or les principes oxydatifs fournissent la plus grande masse de molécules d’ATP dans les cellules musculaires, ces dernières étant les seules reconnaissables et utilisables par un muscle. La carnitine peut donc être utilisée pour prolonger l’activité physique. La carnitine fonctionne-t-elle ? Quelques résultats positifs ont été enregistrés, qui portent essentiellement sur la consommation maximale en oxygène de l’organisme entier. En revanche, d’autres observations clairement négatives se révèlent au niveau du muscle lui-même, où la carnitine est supposée être active. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 1 Pour comprendre ces valeurs, il est nécessaire de détailler le mécanisme. Pour entrer dans un muscle, les acides gras venus du tissu adipeux, ou les triglycérides musculaires, doivent s’associer, grâce à une enzyme, à une molécule de carnitine pour former un complexe qui passe dans la mitochondrie pour enclencher un mécanisme inverse, avec une autre enzyme, afin d’assurer l’oxydation totale de la molécule d’acide gras. Dans la plupart des cas, la carnitine ingérée ne pénètre pas dans le muscle. De même, l’oxydation n’est pas nécessairement favorisée. Ce point peut être démontré par l’expérience. Une étude montre que les deux enzymes que j’ai citées présentent un mécanisme de fonctionnement rigoureusement identique, que les sujets aient ou non consommé de la carnitine. On peut donc conclure que le mécanisme suggéré ne fonctionne pas : l’utilité de cette complémentation n’est confirmée par aucune étude sur les sujets sains ou même chez l’animal. En revanche, les athlètes d’endurance synthétisent une quantité bien plus importante de cette enzyme spécifique, comparé aux sujets non entraînés. .2 β-alanine et carnosine La β-alanine (bêta-alanine) est un acide aminé synthétisé dans nos cellules, qui s’associe à l’histidine pour former un dipeptide, la carnosine. Celle-ci joue un rôle important dans la captation de protons musculaires. L’exercice intensif, vous le savez, entraîne une production d’acide lactique, qui libère des protons. Les protons libérés par l’acide lactique sont tamponnés par la carnosine. C’est pourquoi l’on peut concevoir qu’une complémentation en β-alanine améliore la performance. Quelques publications ont étudié l’action d’une complémentation en β-alanine chez l’homme. L’effet n’est pas avéré pour tous les sportifs. L’un de mes collègues flamands a démontré que la vitesse sur une épreuve d’aviron varie proportionnelement en fonction de la quantité de carnosine dans les muscles des athlètes. Le coefficient de corrélation r s’élève à 0,705. Cependant l’indicateur pertinent, r², s’élève à 0,5, ce qui signifie que la relation ne fonctionne que pour 50 % des sujets. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 2 La consommation de β-alanine accroît à coup sûr, en quatre semaines, la concentration en carnosine musculaire. Cependant, l’amélioration de la performance n’est pas systématique. De plus, un effet délétère encore inexpliqué a été constaté : une prise supérieure à 3 grammes par jour peut entraîner des réactions allergiques (paresthésies faciales et des membres supérieurs). .3 La créatine La créatine sert à augmenter la production d’ATP, seule molécule reconnaissable lors d’une contraction musculaire et naturellement produite en quantité très réduite. La complémentation en créatine permet de constituer un second réservoir dans le muscle, appelé phosphorylcréatine. 90 % des haltérophiles et des culturistes aux Etats-Unis et 67 % des athlètes britanniques de haut niveau utilisent la créatine. Aux Etats-Unis, 9 à 10 % des adolescents en consomment également. La complémentation en créatine Nous avons conduit des études sur l’effet de la créatine sur les sujets humains. Tous les commerciaux prétendent que la créatine améliore la performance, en reculant le seuil de fatigue, en accélérant la récupération, en augmentant la masse musculaire et la synthèse protéique. Or l’étude scientifique infirme totalement ces effets. Les vérifications de terrain montrent que la créatine n’a aucun effet notable dans les sports d’endurance, à l’exception peut-être du cyclisme lors des sprints. En revanche, une action est mise en évidence dans le football, avec 7 études avec effets positifs contre une étude sans effet. En effet, le football (les avants) demande des efforts intensifs, brefs et répétés. L’agence antidopage des Etats-Unis, l’USADA, a déclaré en 2006 que l’usage de la créatine pouvait entraîner des déshydratations, des nausées, des crampes stomacales, des diarrhées, voire des problèmes hépatiques et rénaux. Or ces effets n’ont pas été vérifiés expérimentalement. Il faut être particulièrement attentif à la composition de ces compléments alimentaires et ne jamais se les procurer sur internet. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 3 Un contrôle médical régulier est nécessaire afin de prévenir les éventuels effets hépatiques ou rénaux. .4 Que conclure ? La plupart de ces compléments alimentaires présentent une efficacité faible ou nulle pour améliorer la performance, retarder la fatigue, accélérer la récupération ou éviter les incidents infectieux. Les présidents de fédérations, directeurs techniques et entraîneurs doivent être convaincus de la nécessité d’un entraînement scientifiquement programmé. Enfin, les apports nutritionnels classiques doivent être équilibrés et adaptés aux besoins de l’activité physique. Sous ces trois conditions, l’apport de compléments alimentaires n’est pas indispensable. .II Intervention du professeur André-Xavier BIGARD Les boissons énergisantes : boissons ergogéniques pour le sportif ou boissons dangereuses ? Les boissons énergisantes sont un sujet d’actualité. Ces boissons sont maintenant en vente libre en France (et dans la très grande majorité des pays européens). Certaines points restent cependant obscures, quant à leurs effets sur la santé et les performances physiques et mentales. Le marché de ces boissons est colossal. La première boisson énergisante, que je ne citerai pas, a été commercialisée en 1987 et représente actuellement 65 % d’un marché de 650 millions de dollars. Plus de 1 100 millions de litres ont été consommés en 2007. Il existe actuellement une cinquantaine de marques de boissons énergisantes dans le monde, même si on n’en retrouve que 4 à 5 sur le marché français. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 4 La définition de ces boissons fait l’objet d’une véritable ambiguïté, largement entretenue par les industriels eux-mêmes. La notion d’énergie qu’ils mettent en avant doit être considérée au plan psychologique, avec la part d’irrationnel que cela comporte. En l’absence de définition formelle, ces boissons se caractérisent par leur contenu, certains ingrédients étant systématiquement retrouvés dans leur composition : la taurine, la caféine, le glucuronolactone (dont les effets physiologiques sont discutés), des vitamines du groupe B, des glucides, etc. L’ambiguïté qui entoure ces boissons, sur leur définition et leurs effets allégués, porte également sur leur utilisation dans les disciplines sportives. En effet, les fabricants font de très nombreuses références implicites au monde sportif dans leurs allégations et leurs indications, mais aussi parfois des références explicites. Certaines de ces firmes, et notamment la plus connue, sont très impliquées dans le soutien financier de manifestations sportives, de disciplines ou d’équipes de sports collectifs, ce qui contribue à entretenir cette ambiguïté. .1 Effets ergogéniques de ces boissons ? Depuis dix ans, des expériences ont été menées afin de vérifier les effets de ces boissons sur les performances de modèles animaux et humains. L’enrichissement de la ration alimentaire des animaux par la taurine, cet acide aminé qui constitue la principale originalité des boissons énergisantes, permet une amélioration du temps maximal de course, c’est-à-dire de la capacité d’endurance. Toutefois, ces résultats n’ont pas toujours été démontrés, et l’étude rapportant ces résultats n’a pas été publiée dans une revue de haut niveau. Les effets de la taurine ont aussi évalués sur la performance musculaire. Pour une fréquence de stimulation donnée, des animaux dont le régime alimentaire préalable a été appauvri en taurine manifestent une diminution de la force musculaire produite en réponse à une stimulation, même si la résistance à la fatigue est améliorée. Effets sur les performances A la lecture de ces résultats obtenus dans une situation de privation, il est difficile de conclure aux effets de l’ajout de taurine au dessus des besoins physiologiques, afin d’améliorer les performances. Une étude préalable, menée sur modèles animaux a aussi suggéré que l’administration de taurine à différentes doses permettait d’améliorer le maintien d’exercices à la course. Ces résultats sont néanmoins peu reproductibles, et largement discutés par de nombreux scientifiques. Ils doivent également être confirmés, et surtout expliqués par des mécanismes biologiques précis, ce qui n’est pas encore le cas. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 5 Chez l’humain, plusieurs essais de supplémentation par la taurine ont été réalisés. Une légère amélioration de la consommation maximale d’oxygène et du temps d’endurance a été constatée. Effets sur les performances Effets sur les performances La prise de deux canettes de 250 millilitres d’une boisson énergisante bien connue se traduit par une amélioration infinitésimale du nombre de répétitions de développé-couché sur un banc d’exercice. L’impact fonctionnel sur la réalisation de performance est quasi-nul. Effets sur les performances Même si des effets ergogéniques très ponctuels et conjoncturels ont été mis en évidence dans certaines études, ils n’ont pas été confirmés pour chacun des composés du produit comme pour le produit lui-même. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 6 .2 Effets sur la santé ? La quantité maximale quotidienne recommandée par les industriels s’élève à 2 canettes de 250 millilitres, soit 0,5 litre. Or la part respective des composés varie considérablement suivant les fabricants. Ainsi, la quantité de caféine peut varier du simple au double, alors que l’apport glucidique varie entre 4 grammes et 30 grammes pour 250 millilitres ! Bien souvent, ces boissons sont utilisées par des adolescents ou de jeunes adultes totalement sédentaires, avec des effets certains sur le contrôle de la glycémie. La taurine est un acide aminé présent en abondance dans le secteur intracellulaire, et notamment dans la fibre musculaire. Elle accède rapidement au cerveau et présente une demi-vie très longue : la question de l’accumulation cérébrale de la substance peut donc s’avérer importante. En revanche, la taurine ne semble pas présenter d’effet majeur sur les fonctions rénales ou hépatiques. Dans une étude menée par un industriel, des doses de 300 milligrammes par kilogramme de poids corporel ont été appliquées à des rongeurs, avec des effets toxiques graves sur le cerveau. Ces doses correspondent à 18 grammes pour un homme de 60 kilogrammes, soit 9 fois la dose maximale recommandée par l’industriel. Ces quantités sont inférieures aux quantités consommées dans certaines soirées festives. Le facteur de sécurité fixé par l’industriel semble donc trop peu important pour empêcher la survenue d’effets secondaires cérébraux. Les doses de glucuronolactone administrées dans cette étude toxicologique ne laissent pas entrevoir d’effet important sur les différents organes. Il existe un effet possible sur la fonction rénale, mais aucune inquiétude notable n’est à relever. En revanche, la dose maximale recommandée par les industriels correspond à 160 milligrammes de caféine, alors que la consommation spontanée de caféine s’élève à 200 milligrammes par jour. Les effets indésirables connus de la caféine sont la nervosité, l’anxiété et l’irritabilité. De plus, ces boissons sont de plus en plus consommées à la mi-temps de matches de football, de handball et de basket-ball. Or le stockage de chaleur est l’un des effets reconnus de la caféine. Le deuxième risque concerne la femme enceinte, chez qui la consommation de caféine est à éviter en raison d’anomalies possibles dans le développement fœtal. La combinaison taurine-glucuronolactone-caféine entraîne également une perturbation du profil tensionnel : une légère augmentation a été constatée 100 minutes après l’absorption de deux canettes. Effets sur la santé ? 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 7 Les effets sur la santé sont majeurs en combinaison avec l’alcool, dans un contexte festif. Or les troisièmes mi-temps de certains sports collectifs sont marquées par un usage abondant de ce type de cocktail. L’effet psychoactif de la caféine retarde les effets indésirables de l’alcool, ce qui a pour conséquence de majorer l’alcoolisation, avec des effets bien connus sur la santé. Un modèle de prise de risque pendant la conduite automobile a été construit, comparant les consommateurs réguliers du mélange boissons énergisantes-alcool à un groupe témoin. Le risque augmente clairement avec le débit de consommation, qui accroît les attitudes déviantes et de défi. Effets sur la santé ? .3 Conclusions Plusieurs questions majeures restent posées, notamment celle de la combinaison de ces boissons avec l’alcool et l’association avec d’autres conduites à risque. En revanche, il n’existe pas d’inquiétudes majeures quant aux effets toxiques. Les effets ergogéniques restent à prouver. Ces conclusions ont été reprises et assorties de recommandations dans un article publié fin 2010 qui met en évidence un risque d’hypertension sous-jacent. Il est rappelé que la consommation est fortement déconseillée pour les athlètes. La société française de médecine du sport nous a permis de construire un ensemble de rappels d’information sur l’utilisation bien comprise de boissons pour le sport. La composition de ces boissons, leur bénéfice potentiel sur la performance physique sont indiqués, avec des applications pratiques et les références scientifiques les plus récentes. Au document écrit est joint un PowerPoint de formation détaillant un certain nombre de points clés. Ces diapositives se divisent entre un rappel des données théoriques et un quiz assorti de réponses commentées. Il s’agit donc d’un outil de formation qui sera mis à disposition de l’ensemble des participants dès la fin du colloque. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 8 III Intervention du docteur Jean-Pierre CERVETTI Intérêt de la nutrition chez le sportif Je vais vous entretenir de la micronutrition du sportif sous l’angle du terrain et non avec l’aspect exclusivement scientifique de mes prédécesseurs. Selon les experts, l’alimentation du sportif devrait être suffisamment équilibrée pour garantir une bonne santé au cours de la pratique sportive. Ma présentation s’inscrit donc dans cette démarche de santé. 1. L’équilibre nutritionnel D’après le ministère de la Santé, maintenir l’équilibre nutritionnel consiste à équilibrer et diversifier son alimentation de tous les jours en la construisant selon le principe de la « pyramide alimentaire » bien connu de tous. La pyramide alimentaire Il faut respecter cet équilibre nutritionnel, mais aussi le rythme des repas. De plus, pour les sportifs, les apports quotidiens recommandés sont plus importants. Pour maintenir cet équilibre, il faut également tenir compte de la densité nutritionnelle des produits à la disposition du sportif, de ses goûts, de ses habitudes alimentaires, de sa religion (un nombre croissant de nos sportifs respectent des interdits alimentaires). Enfin il faudra tenir compte de ses conditions de vie comme l’internat et/ou de ses ressources financières (bien manger coute cher). Ajoutons qu’aujourd’hui, l’alimentation est essentiellement industrielle, riche en énergie et pauvre en micronutriments. Les athlètes sont suivis par des médecins et des diététiciens, mais leur alimentation relève trop souvent du « néfaste-food ». Alors pourquoi les sportifs suivent-ils peu les conseils nutritionnels ? Nous oublions trop souvent que le repas constitue l’un des rares moments de liberté pour l’athlète. Ces instants ne doivent pas être pris une contrainte supplémentaire à laquelle ils sont soumis. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 9 L’adhésion à une » nutrition santé » bien comprises et expliquée est plus que nécessaire. De plus, les entraînements ne sont bien souvent possibles que lorsque les installations sportives sont libres, c’est-à-dire au moment des repas. Ceci bien évidemment ne facilite pas leur tâche. Notons que la plupart du temps, le petit-déjeuner n’est pas pris, alors qu’il s’agit du repas le plus important de la journée. Ajoutons enfin aux difficultés qui se présentent aux sportifs, les contraintes liées à la nutrition pendant les compétitions, les voyages avec les décalages horaires. Sur le plan des apports énergétiques, les besoins journaliers des sportifs sont couverts, mais cela est insuffisant. Que nous apportent réellement les nutriments à notre disposition ? Nous connaissons leurs valeurs théoriques, mais que deviennent- ils dans des conditions de cultures intensives et de conservations à long terme ? A titre d’exemple une pomme cueillie en septembre non mure (pour des raisons de conservations) consommée pelée (en raison des traitements chimiques de conservations) au mois de février perdra 90 % de son apport nutritionnel théorique. Les deux composants fondamentaux de l’alimentation du sportif sont les nutriments énergétiques, qui sont les carburants de l’effort et peuvent être aisément quantifiés. Les micronutriments non énergétiques (vitamines, minéraux, oligo-éléments, acides aminés, acides gras polyinsaturés, fibres alimentaires, etc.) , théoriquement présents dans l’alimentation mais pour les raisons citées précédemment seront difficilement quantifiables. Je rappelle que nous ne sommes pas en mesure de fabriquer entre autre les acides gras polyinsaturés ou certaines vitamines leur présence dépend exclusivement de l’alimentation. Alors dans ces conditions l’équilibre nutritionnel est-il réalisé ? 2. Intérêt de la micronutrition : Les maillons faibles du sportif, les outils d’évaluation, les solutions individualisées et les dangers. Je me propose de vous présenter quatre exemples de l’intérêt de la micronutrition pour le sportif. Par la présentation de quatre maillons faibles fonctionnels du sportif outre les déficits micronutritionnels imputables à l’alimentation. 1) Le tube digestif et l’écosystème intestinal. A l’effort, notre tube digestif n’est plus perfusé, la reperfusion n’intervenant qu’à l’arrêt de l’effort. La pratique intensive du sport aura un effet important sur l’écosystème intestinal par le nombre de ces alternances. Les conséquences sont une augmentation de la perméabilité intestinale, avec une altération des cellules digestives qui entraîne une baisse de l’assimilation des micronutriments, de probables dommages du système immunitaire. Boisson de l’effort et intestin 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 10 2) Le Stress Oxydatif. Les sportifs consommant 10 à 20 fois plus d’oxygène que la population générale, ils produisent une quantité bien plus importante de déchets liés à l’oxygène, ce qui peut avoir une incidence sur les blessures à répétition. Dans ces conditions, la seule évaluation des apports par enquête alimentaire est probablement faussée : il faut y associer une évaluation clinique pour estimer l’intérêt d’une éventuelle action préventive. Les antioxydants offrent une possible protection contre les blessures. 3) Le Statut en Acides Gras Polyinsaturés. La protection contre l’inflammation peut se représenter comme un combat entre les pyromanes que sont les Oméga-6 et les pompiers que sont les Oméga-3. Les Oméga-6 se trouvent notamment dans l’huile de tournesol. Omega 6 et Omega 3 interviennent dans le mécanisme de synthèse des prostaglandines de types 1, 2 et 3.Les Oméga-3 permettent de lutter contre les infections et les inflammations. La solution nutritionnelle consiste à consommer deux à quatre cuillers à soupe d’huile de colza ou d’olive (Omega 9) par jour et de manger au moins deux fois/semaine du poisson des mers froides. Les cardiologues connaissent les effets bénéfiques des Oméga-3. 4) La Communication Cellulaire. L’équilibre acido-basique, constitue également une préoccupation importante pour les sportifs. La solution nutritionnelle consiste à favoriser les aliments alcalinisant que sont les fruits et légumes, et à limiter les aliments acidifiants comme les viandes et fromages à pâte molle, et surtout les sodas. Dans son environnement, le sportif ne peut véritablement équilibrer son alimentation. Quel médecin n’a pas été confronté à un athlète fatigué, à qui son entraîneur avait demandé de faire une prise de sang et de prendre des vitamines ? Ce conseil est pourtant absurde. Or si le médecin fait valoir l’inutilité de cette démarche, le sportif se tournera vers d’autres spécialistes comme les ostéopathes. Il existe trois outils à disposition des médecins pour le suivi nutritionnel. Le premier est le suivi clinique. Le deuxième réside dans les enquêtes nutritionnelles : l’Institut européen de micronutrition (IEDM), a mis au point des questionnaires alimentaires très pratiques pour assurer le suivi nutritionnel. L’absence de micronutriments engendre des dysfonctions qui peuvent causer à terme des pathologies. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 11 Le troisième c’est la biologie nutritionnelle, dont le coût est parfois élevé. La valeur de cette biologie est parfois contestée en France mais il faut savoir qu’elle est d’une pratique très répandu en Belgique par exemple. Les outils de surveillance de l’équilibre nutritionnel En conclusion : La micronutrition consiste d’abord à proposer des solutions nutritionnelles individualisées et adaptées au sportif. En cas de nécessité et sans renoncer à l’éducation à l’équilibre alimentaire, il est possible de proposer une complémentation adaptée. L’auto-complémentation via internet est bien sûr à éviter en raison des dangers potentiels liés au Dopage. Le choix du Laboratoire est important, il lui appartient d’assurer la traçabilité de ses produits et de s’assurer que pour ceux consommés par des sportifs ils ne contiennent pas de substances interdites (Co- responsabilité avec le prescripteur). Enfin les compléments alimentaires ne peuvent faire de miracles ils ne peuvent intervenir que dans la préservation de la santé du sportif, qui est son capital naturel. Questions-réponses avec l’amphithéâtre Docteur Jean-Pierre FOUILLOT Jacques Poortmans a mentionné le nouveau règlement qui demande aux fabricants de prouver leurs allégations nutritionnelles. Plus de 40 000 propositions d’allégation ont été déposées, dont 4 850 ont été retenues par l’Agence européenne. Les grands groupes agro-alimentaires ont renoncé à mentionner la résistance immunitaire dans la publicité pour certains de leurs produits. André-Xavier Bigard n’a pas évoqué la question du pH très bas des boissons énergisantes. Or les boissons présentant un pH de 2,36 (Pepsi-Cola) ou 3,20 (Red Bull) maintiennent un pH inférieur à 5,5 pendant plus de 20 minutes après l’ingestion, ce qui contribue à dégrader l’hydroxyapatite de l’émail dentaire. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 12 Professeur André-Xavier BIGARD J’insiste sur la dangerosité du contexte dans lequel ces boissons sont consommées, et le risque d’accident associé. J’ai recueilli des confidences de vestiaire qui laissent à penser que 18 à 25 canettes sont consommées dans les soirées festives d’après-match. Un participant La caféine a été retirée de la liste des produits interdits du Comité olympique, sous des prétextes culturels. Or, aux Jeux de Pékin, les sprinteurs d’un certain pays proche du nôtre ont consommé des gélules de caféine pour accroître leurs performances. Professeur André-Xavier BIGARD Nous sommes d’accord. La caféine présente des effets ergogènes. Son retrait de la liste des produits interdits est d’autant plus surprenant que depuis 2006, les effets potentiellement délétères de la consommation de caféine liés au stockage de chaleur ont été démontrés. Le risque de pathologie réactionnelle à la chaleur est avéré. Docteur Olivier RABIN, Conseiller scientifique, Agence mondiale antidopage La caféine figurait sur la liste des produits interdits du CIO jusqu’en 2003 et sur celle de l’AMA jusqu’en 2004. Elle se trouve désormais dans la liste des produits sous surveillance. Le seuil autorisé par le CIO de 12 microgrammes par millilitre n’empêchait absolument pas le dopage. Une grande partie des athlètes sont des consommateurs naturels de caféine. En raison de ces deux risques, nous avons retiré la caféine de la liste des produits interdits. Un message d’éducation sur le caractère non anodin de la caféine a été délivré auprès du monde sportif. La substance est maintenue sous surveillance en raison d’une augmentation constatée dans la consommation de caféine chez les sportifs. Docteur François CHAPUIS Les alicaments n’ont pas été abordés. Quel message pourrait délivrer notre commission médicale à propos de cette zone-frontière entre les aliments et les médicaments ? Docteur Alain CALMAT Des textes encadrant strictement la publicité autour des alicaments ont été examinés à l’Assemblée nationale. La DGCCRF est particulièrement attentive au contrôle de leur qualité. Docteur Jean-Paul CERVETTI Les fabricants de compléments alimentaires n’ont pas le droit de faire des allégations concernant la santé. Je signale également que le déremboursement de certains médicaments entraîne un recours accru à la phytothérapie parmi les athlètes. Il s’agit d’un sujet de préoccupation. 11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 13