11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011 1
11e colloque de prévention et de lutte contre le dopage – Maison du sport français, 1er avril 2011
Table ronde
Nutrition et sport
Participent à la table ronde :
Professeur Jacques POORTMANS, Professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles, Unité
de recherche en biométrie et nutrition appliquée ;
Professeur André-Xavier BIGARD, Physiologiste et nutritionniste à l’Institut de recherche
biomédicale des armées (Grenoble, Brétigny/Orge), vice-président de la Société française de
médecine du sport ;
Docteur Jean-Pierre CERVETTI, Président de l’Association des médecins des équipes de
France.
La table ronde était animée par le docteur Véronique LEBAR, responsable de la cellule médicale de
l’AFLD.
I. Intervention du professeur Jacques POORTMANS
Utilité des compléments alimentaires pour les sportifs ?
Je commencerai par quelques définitions. Naturellement, un complément nutritionnel destiné aux
sportifs ne doit pas figurer sur la liste des substances dopantes. Je me limiterai aux substances dites
humaines. Ces produits font l’objet de nombreuses allégations commerciales. Or la Commission
européenne a émis un règlement devant entrer en vigueur en 2011 et stipulant que toutes les
allégations figurant sur l’étiquette doivent être démontrées par le producteur. Des vérifications
scientifiques en laboratoire seront nécessaires, ainsi que des analyses de terrain et la recherche
d’éventuels effets secondaires.
Je me propose de vous présenter trois exemples de dérivés d’acides aminés : la carnitine, la
carnosine et la créatine.
.1 La carnitine
Cette substance, synthétisée dans toutes nos cellules, est nécessaire au transfert des acides gras
libres du cytosol vers les mitochondries, où s’opèrent les oxydations. Or les principes oxydatifs
fournissent la plus grande masse de molécules d’ATP dans les cellules musculaires, ces dernières
étant les seules reconnaissables et utilisables par un muscle. La carnitine peut donc être utilisée pour
prolonger l’activité physique.
La carnitine fonctionne-t-elle ? Quelques résultats positifs ont été enregistrés, qui portent
essentiellement sur la consommation maximale en oxygène de l’organisme entier. En revanche,
d’autres observations clairement négatives se révèlent au niveau du muscle lui-même, où la
carnitine est supposée être active.
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Pour comprendre ces valeurs, il est nécessaire de détailler le mécanisme. Pour entrer dans un
muscle, les acides gras venus du tissu adipeux, ou les triglycérides musculaires, doivent s’associer,
grâce à une enzyme, à une molécule de carnitine pour former un complexe qui passe dans la
mitochondrie pour enclencher un mécanisme inverse, avec une autre enzyme, afin d’assurer
l’oxydation totale de la molécule d’acide gras.
Dans la plupart des cas, la carnitine ingérée ne pénètre pas dans le muscle. De même, l’oxydation
n’est pas nécessairement favorisée. Ce point peut être démontré par l’expérience. Une étude montre
que les deux enzymes que j’ai citées présentent un mécanisme de fonctionnement rigoureusement
identique, que les sujets aient ou non consommé de la carnitine.
On peut donc conclure que le mécanisme suggéré ne fonctionne pas : l’utilité de cette
complémentation n’est confirmée par aucune étude sur les sujets sains ou même chez l’animal. En
revanche, les athlètes d’endurance synthétisent une quantité bien plus importante de cette enzyme
spécifique, comparé aux sujets non entraînés.
.2 β-alanine et carnosine
La β-alanine (bêta-alanine) est un acide aminé synthétisé dans nos cellules, qui s’associe à
l’histidine pour former un dipeptide, la carnosine. Celle-ci joue un rôle important dans la captation
de protons musculaires. L’exercice intensif, vous le savez, entraîne une production d’acide lactique,
qui libère des protons. Les protons libérés par l’acide lactique sont tamponnés par la carnosine.
C’est pourquoi l’on peut concevoir qu’une complémentation en β-alanine améliore la performance.
Quelques publications ont étudié l’action d’une complémentation en β-alanine chez l’homme.
L’effet n’est pas avéré pour tous les sportifs. L’un de mes collègues flamands a démontré que la
vitesse sur une épreuve d’aviron varie proportionnelement en fonction de la quantité de carnosine
dans les muscles des athlètes.
Le coefficient de corrélation r s’élève à 0,705. Cependant l’indicateur pertinent, r², s’élève à 0,5, ce
qui signifie que la relation ne fonctionne que pour 50 % des sujets.
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La consommation de β-alanine accroît à coup sûr, en quatre semaines, la concentration en carnosine
musculaire. Cependant, l’amélioration de la performance n’est pas systématique. De plus, un effet
délétère encore inexpliqué a été constaté : une prise supérieure à 3 grammes par jour peut entraîner
des réactions allergiques (paresthésies faciales et des membres supérieurs).
.3 La créatine
La créatine sert à augmenter la production d’ATP, seule molécule reconnaissable lors d’une
contraction musculaire et naturellement produite en quantité très réduite. La complémentation en
créatine permet de constituer un second réservoir dans le muscle, appelé phosphorylcréatine. 90 %
des haltérophiles et des culturistes aux Etats-Unis et 67 % des athlètes britanniques de haut niveau
utilisent la créatine. Aux Etats-Unis, 9 à 10 % des adolescents en consomment également.
La complémentation en créatine
Nous avons conduit des études sur l’effet de la créatine sur les sujets humains. Tous les
commerciaux prétendent que la créatine améliore la performance, en reculant le seuil de fatigue, en
accélérant la récupération, en augmentant la masse musculaire et la synthèse protéique. Or l’étude
scientifique infirme totalement ces effets.
Les vérifications de terrain montrent que la créatine n’a aucun effet notable dans les sports
d’endurance, à l’exception peut-être du cyclisme lors des sprints. En revanche, une action est mise
en évidence dans le football, avec 7 études avec effets positifs contre une étude sans effet. En effet,
le football (les avants) demande des efforts intensifs, brefs et répétés.
L’agence antidopage des Etats-Unis, l’USADA, a déclaré en 2006 que l’usage de la créatine pouvait
entraîner des déshydratations, des nausées, des crampes stomacales, des diarrhées, voire des
problèmes hépatiques et rénaux. Or ces effets n’ont pas été vérifiés expérimentalement. Il faut être
particulièrement attentif à la composition de ces compléments alimentaires et ne jamais se les
procurer sur internet.
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Un contrôle médical régulier est nécessaire afin de prévenir les éventuels effets hépatiques ou
rénaux.
.4 Que conclure ?
La plupart de ces compléments alimentaires présentent une efficacité faible ou nulle pour améliorer
la performance, retarder la fatigue, accélérer la récupération ou éviter les incidents infectieux. Les
présidents de fédérations, directeurs techniques et entraîneurs doivent être convaincus de la
nécessité d’un entraînement scientifiquement programmé. Enfin, les apports nutritionnels classiques
doivent être équilibrés et adaptés aux besoins de l’activité physique. Sous ces trois conditions,
l’apport de compléments alimentaires n’est pas indispensable.
.II Intervention du professeur André-Xavier BIGARD
Les boissons énergisantes : boissons ergogéniques pour le sportif ou boissons dangereuses ?
Les boissons énergisantes sont un sujet d’actualité. Ces boissons sont maintenant en vente libre en
France (et dans la très grande majorité des pays européens). Certaines points restent cependant
obscures, quant à leurs effets sur la santé et les performances physiques et mentales.
Le marché de ces boissons est colossal. La première boisson énergisante, que je ne citerai pas, a été
commercialisée en 1987 et représente actuellement 65 % d’un marché de 650 millions de dollars.
Plus de 1 100 millions de litres ont été consommés en 2007.
Il existe actuellement une cinquantaine de marques de boissons énergisantes dans le monde, même
si on n’en retrouve que 4 à 5 sur le marché français.
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La définition de ces boissons fait l’objet d’une véritable ambiguïté, largement entretenue par les
industriels eux-mêmes. La notion d’énergie qu’ils mettent en avant doit être considérée au plan
psychologique, avec la part d’irrationnel que cela comporte. En l’absence de définition formelle, ces
boissons se caractérisent par leur contenu, certains ingrédients étant systématiquement retrouvés
dans leur composition : la taurine, la caféine, le glucuronolactone (dont les effets physiologiques
sont discutés), des vitamines du groupe B, des glucides, etc.
L’ambiguïté qui entoure ces boissons, sur leur définition et leurs effets allégués, porte également sur
leur utilisation dans les disciplines sportives. En effet, les fabricants font de très nombreuses
références implicites au monde sportif dans leurs allégations et leurs indications, mais aussi parfois
des références explicites. Certaines de ces firmes, et notamment la plus connue, sont très impliquées
dans le soutien financier de manifestations sportives, de disciplines ou d’équipes de sports
collectifs, ce qui contribue à entretenir cette ambiguïté.
.1 Effets ergogéniques de ces boissons ?
Depuis dix ans, des expériences ont été menées afin de vérifier les effets de ces boissons sur les
performances de modèles animaux et humains. L’enrichissement de la ration alimentaire des
animaux par la taurine, cet acide aminé qui constitue la principale originalité des boissons
énergisantes, permet une amélioration du temps maximal de course, c’est-à-dire de la capacité
d’endurance. Toutefois, ces résultats n’ont pas toujours été démontrés, et l’étude rapportant ces
résultats n’a pas été publiée dans une revue de haut niveau.
Les effets de la taurine ont aussi évalués sur la performance musculaire. Pour une fréquence de
stimulation donnée, des animaux dont le régime alimentaire préalable a été appauvri en taurine
manifestent une diminution de la force musculaire produite en réponse à une stimulation, même si
la résistance à la fatigue est améliorée.
Effets sur les performances
A la lecture de ces résultats obtenus dans une situation de privation, il est difficile de conclure aux
effets de l’ajout de taurine au dessus des besoins physiologiques, afin d’améliorer les performances.
Une étude préalable, menée sur modèles animaux a aussi suggéré que l’administration de taurine à
différentes doses permettait d’améliorer le maintien d’exercices à la course. Ces résultats sont
néanmoins peu reproductibles, et largement discutés par de nombreux scientifiques. Ils doivent
également être confirmés, et surtout expliqués par des mécanismes biologiques précis, ce qui n’est
pas encore le cas.
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