Israël et Perla SABAN : origines et vie d’avant-guerre
Israël Saban naît en 1871 à Constantinople (Istanbul), issu d’une famille juive séfarade
de la capitale ottomane(genealoj.org.) Il épouse Perla Levy (1875-1944), également née
à Constantinople . Selon l’acte de décès conservé, Perla est « fille de Vitali Lévy et
Donna Lévy », née en 1875 à Istanbul. Cependant, un certificat du consulat turc de
Paris (déc. 1942) la présente comme « fille de Haïm Lévy et de Sara », née en 1873 à
Istanbul (fhju.fr). Cette contradiction dans les sources est notée par les chercheurs en
généalogie. Le couple a trois enfants tous nés à Constantinople : Nissim (né le 13
février 1901), Sarah (née en 1907) et Vida (appelée Victoria Yvette, née le 29 août 1910).
Les documents d’archives confirment notamment pour Victoria) sa naissance en 1910
à Istanbul et son statut de fille d’Israël et de Perla.
L’exil vers la France (1919)
En 1919, comme de nombreuses familles juives de l’ancien Empire ottoman fuyant les
bouleversements politiques de la fin de la Première Guerre mondiale, la famille Saban
s’installe en France. Le choix de Paris n’est pas rare parmi les Juifs levantins
francophones et francophiles. La famille s’installe au 77, rue Sedaine, dans le XIe
arrondissement, une adresse qui reviendra souvent dans les trajectoires de leurs
enfants.
Les enfants d’Israël et Perla
Nissim Saban (19011983)
Nissim est le fils aîné du couple. Né à Constantinople le 13 février 1901, il épouse
Marcelle Berthe Féfice Ravinet à Paris le 22 janvier 1931. Ils auront plusieurs enfants
avant 1945 :
André Israël Saban, né le 8 février 1925 à Paris 12e.
Ginette Perla Saban, née le 18 février 1927 à Paris 12e.
Roland Gilles/Jules Saban, né le 8 mars 1932 à Paris 12e.
Claude Gérard Saban, né le 7 septembre 1935 à Paris 12e.
Ce sont les quatre enfants de la seconde génération nés en France avant la Seconde
Guerre mondiale. André, Ginette et Roland sont encore jeunes à la fin du conflit.
Claude n’a que dix ans à la Libération. Ils grandissent dans un Paris profondément
marqué par la montée de l’antisémitisme et l’Occupation.
La famille de Nissim semble relativement stable : en 1930, ils habitent passage
Rochebrune, adresse qu’on retrouve pour plusieurs membres de la famille. À partir de
1946, ils sont domiciliés 1, avenue Richerand dans le 10e.
Aucune trace de déportation ne concerne Nissim ou ses enfants ; il semble que la
branche ait échappé aux rafles. Il est possible qu’ils aient été protégés par la
naturalisation ou par des papiers français. Toutefois, nous n’avons pas de preuve
formelle de leur naturalisation avant guerre. Cette hypothèse reste à confirmer.
Sarah Saban (19071998)
Née le 3 juillet 1907 à Constantinople, Sarah épouse Israël Bardavid le 1er mai 1926 à
Paris 11e. Lui aussi immigré, il est tourneur et vit au 97, rue Jean Baffier à Bourges. Le
couple s’installe en province, ce qui marque une rupture avec la géographie parisienne
du reste de la famille.
Le 28 juin 1942, Israël Bardavid est arrêté, interné au camp de Beaune-la-Rolande, et
déporté par le convoi n°5 vers Auschwitz. Il meurt le 15 août 1942. Il figure sur les
monuments aux morts de Bourges et de Beaune-la-Rolande.
Sarah, couturière, semble avoir survécu à la guerre. Elle est mentionnée en Italie à sa
mort, le 10 novembre 1998. Aucun enfant n’est mentionné avant 1945. L’écart entre le
mariage en 1926 et la guerre pourrait suggérer une descendance, mais rien n’a été
retrouvé à ce jour. Hypothèse à creuser dans d’autres actes civils.
Vida Victoria Yvette Saban (19101994)
Vida Victoria naît à Constantinople le 29 août 1910. Elle est la plus jeune des enfants
connus d’Israël et Perla. Elle épouse Joseph Houlon, employé, le 16 octobre 1930 à
Paris 11e. Le couple divorce le 26 avril 1939. On peut noter qu’à son mariage, elle
réside au 77, rue Sedaine, l’adresse familiale. Son ex-mari habite alors au 4, rue Pétion
une adresse qui sera importante plus tard, car Vida y retournera en mai 1944, dans un
meublé situé au numéro 5 de la même rue.
En 1953, elle épouse Ioke Brawerman à Paris 11e. Ce second mariage a lieu bien après
la guerre, et n’entre donc pas dans le périmètre de notre recherche.
Mais l’élément central de son histoire est sa déportation.
L’arrestation de Vida Victoria Saban (1944)
Le 2 juillet 1944, Vida est arrêtée et enfermée dans les cellules du 11 rue des
Saussaies, siège de la Gestapo parisienne. Le 12 juillet, elle est transférée à Drancy,
camp d’internement principal des Juifs avant leur déportation. Le 31 juillet 1944, elle
est déportée vers Auschwitz. D’après les documents, elle passe par le camp de
Kratzau, en Tchécoslovaquie, avant d’être libérée par l’Armée rouge en mai 1945.
Sa date de retour en France varie selon les sources : un document la dit rapatriée le 8
juin 1945, un autre le 10 juin. Ce dernier correspond à son enregistrement à l’hôtel
Lutetia, à Paris. Elle est mentionnée comme survivante, revenue seule. Son passage
par le Lutetia marque l’aboutissement d’un itinéraire tragique mais elle est en vie.
La mort de Perla et d’Isrl
Perla Lévy est arrêtée et déportée vers Auschwitz. Elle meurt dans le camp le 5 août
1944. Israël, quant à lui, décède le 22 mai 1944 à Paris 11e. Rien ne laisse penser qu’il
ait été déporté ; son décès est enregistré dans l’état civil parisien. Il est possible qu’il
soit mort de causes naturelles, ou suite aux privations de la guerre. Hypothèse : sa
mort, survenue quelques semaines avant la rafle de sa fille Vida et la déportation de
son épouse, a peut-être évité une déportation certaine.
Occupation, tentatives de protection et entrée en clandestinité
Au printemps 1942, confrontée aux rafles massives (dont celle du Vel’ d’Hiv en juillet),
la famille Saban cherche à exploiter son origine turque pour échapper à la déportation.
Les autorités françaises accordaient en effet des passeports de complaisance turcs à
certains Juifs séfarades et le droit international protégeait provisoirement les
ressortissants des États neutres (fhju.fr ). Ainsi, en décembre 1942 Mme Perla Saban
demande la reconnaissance de sa nationalité turque auprès du Consulat général de
Turquie à Paris. Un certificat daté du 16 décembre 1942 atteste qu’elle est « née en
1289 (1873) à Istanbul, fille de Haïm Lévy et de Sara » (fhju.fr.) Parallèlement, une
attestation du 30 décembre 1942 désigne leur fille Victoria comme « née en 1326 (1910)
à Istanbul, fille d’Israël Saban et de Perla »fhju.fr. Ces documents prouvent que Perla et
Victoria essaient d’obtenir la protection consulaire turque. Mais, comme le soulignent
les chercheurs, cette protection était fragile : la loi turque de 1928 (renouvellement
consulaire obligatoire) et un décret non publié de 1938 avaient privé beaucoup de Juifs
turcs de leur nationalité à leur insu. Autrement dit, la « carte de protection » turque pour
les Saban risquait fort de ne pas être reconnue par les autorités occupantes.
Étonnamment, Israël Saban n’apparaît pas sur ces listes de déportation. En fait il était
décédé à Paris le 22 mai 1944, avant la rafle de juillet (cette date de décès figure dans
les recherches familialesgenealoj.org). Les circonstances exactes de sa mort (maladie
ou autre) restent mal documentées, mais il n’a pas été déporté. Quant aux autres
enfants, ils échappent également à la déportation. Sarah, veuve de Israël Bardavid
(mort à Auschwitz en 1942), quitte la France on lui connaît une vie ultérieure en Italie
et survit à la guerre. Nissim reste en région parisienne et survivra lui aussi au conflit.
Conclusion
La famille Saban témoigne du destin complexe des Juifs levantins installés en France
au début du XXe siècle. Venus d’Istanbul, parlant peut-être le judéo-espagnol et le
français, ils s’intègrent progressivement à la société française. Trois enfants naissent à
Constantinople, grandissent à Paris, se marient, élèvent à leur tour des enfants.
La descendance de Nissim, en particulier, constitue une génération entière de petits-
enfants d’Israël et Perla, tous nés en France, avant 1945. Cette branche semble avoir
échappé à la déportation, tandis que Sarah perd son mari à Auschwitz et Vida y est
déportée elle-même, mais survit.
Perla meurt à Auschwitz. Israël meurt à Paris.
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