
370 bullETÎH dE psycholoqiE
d’une femme, celui qui porte le regard sur la petite
fille est habituellement le père ou son substitut. Mme
Farebuc considère que son père n’a pas joué son
rôle de père àson égard. Elle adonc trouvé le
regard d’un père chez son «mari-père ». Celui-ci
participe au fantasme de Mme Farebuc qui permet à
celle-ci de se maintenir en vie et de se restaurer nar
cissiquement.
M. Farebuc paraît être une sorte de «maître »
d’école ou «d’initiateur »pour Mme Farebuc. Il est
celui qui la forme :il lui explique les choses
comme àune petite fille qu’elle n’a pas toujours pu
être pour son père. Il joue le rôle qu’elle eut aimé
que son père jouât auprès d’elle. D’ailleurs Mme
Farebuc achoisi un homme dont la profession est
professeur des écoles.
DISCUSSION
La question du père est cruciale pour Mme
Farebuc. Sa relation œdipienne maintenue àl’égard
de son père s’articule au «choix »d’un conjoint à
l’image de certains traits du père. Concevoir biolo¬
giquement un enfant avec le «mari-père »apparaît
alors inconcevable sur le plan psychique parce que
transperçant l’interdit de l’inceste.
Pour Laplanche et Pontalis (1976) le complexe
d’Œdipe «tire son efficacité de ce qu’il fait inter¬
venir une instance interdictrice (prohibition de l’in¬
ceste) qui barre l’accès àla satisfaction naturelle¬
ment cherchée et lie inséparablement le désir et la
loi ». Ils rappellent que, selon Freud (1924), le
complexe d’Œdipe de la fille «culmine dans le
désir longtemps maintenu d’obtenir comme cadeau
un enfant du père, de lui mettre au monde un
enfant ».
Selon Baladier (1993), le Surmoi qui dérive àla
fois du «narcissisme primitif et du complexe
d’Œdipe àla suite d’une identification au parent
rival et interdicteur (...) peut soit stimuler le Moi
dans sa poursuite d’un accomplissement, soit
l’écraser sous le poids de ses prohibitions ». Il
observe que «par masochisme, le Moi cherche àse
faire critiquer et châtier, comme s’il se complaisait
dans cette condition de victime incarnant la figure
parentale punitive ». L’auteur rappelle que, selon
Freud (1917 a), le Surmoi va «se montrer dur,
cruel, inexorable àl’égard du Moi qu’il asous sa
garde ». Kaufmann (1993) ajoute que «le conflit
œdipien tend às’éterniser chez la femme. Peut-être
même n’est-il jamais vraiment résolu ».
Nous rappelons que l’hypothèse générale de
notre recherche est de montrer que le «choix »de
l’adoption consiste en une stratégie inconsciente de
réponse aux avatars de l’aventure œdipienne pour
le sujet stérile.
Nous pensons l’avoir montré àpartir de l’étude
du cas de Mme Farebuc. Nous avons aussi validé
notre hypothèse de travail :la problématique œdi¬
pienne du regard du père admiré et «décevant »est
présente chez Mme Farebuc, femme confrontée à
une stérilité psychogène et qui pose un acte d’adop¬
tion.
Il s’agit de l’étude d’un cas singulier et nous ne
pouvons le généraliser àtoute situation où une
femme confrontée àune stérilité psychogène pose¬
rait un acte d’adoption. Nous avons montré, avec
l’étude de ce cas, que la dissociation de la procréa¬
tion et de la sexualité génitale sont des nécessités
psychiques pour le sujet. La filiation adoptive légi¬
timée par la loi devient alors une solution àla pro¬
blématique du sujet. L’adoption et seule cette filia¬
tion symbolique permet de «résoudre »une pro¬
blématique infantile personnelle. Ce qui est impor¬
tant pour Mme Farebuc, c’est, dit-elle, que l’enfant
soit adopté «grâce àla loi ». Cette problématique
singulière àce cas s’articule àla Loi universelle de
l’interdit de l’inceste et de la différence entre les
générations qui organisent la filiation humaine.
Dans le cas présent, «la mère d’adoption »,
même si elle occupe de par la loi une place de mère
symbolique, répond àune question posée d’une
place d’enfant, celle qui s’est posée pour elle
durant son histoire infantile àl’égard de ses propres
parents. Ainsi adopter un enfant, tente de répondre
àune question qui s’est posée àla mère adoptive
lorsqu’elle était enfant.
RÉFÉRENCES
Baladier (Charles). Culpabilité, dans Kaufmann
(Pierre), L’apportfreudien, Paris, Bordas, 1993, p. 81-86.
Bouchart (Anne), Rapoport (D.). Origines. D’où
viens-tu? Qui es-tu ?, Paris, Stock, 1985.
Bydlowski (M.), Cahen (F.), Dayan-Lintzer (M.),
Fonty (B.), Le Vaguerese (L.). Souffrir de stérilité,
Psychanalyse àl’université, n° 31, juin 1983, p. 459-476.
Freud (Sigmund). Le déclin du complexe d’Œdipe
[1924], Revue française de psychanalyse, 7, n°3, 1934, p.
394-399.
Freud (Sigmund). Deuil et mélancolie [1917a] dans
Freud (Sigmund), Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968,
p. 145-173.
Freud (Sigmund). Sur la transformation des pulsions
particulièrement dans l’érotisme anal [1917b], dans Freud
(Sigmund), La vie sexuelle, Paris, PUF ,1985, p. 106-112.
Hurstel (Françoise). Carence et toute-puissance :la
question du père, Enfance, n° 3-4, 1979, p. 227-235.
Kaufmann (Pierre). Complexe, dans Kaufmann
(Pierre), L’apport freudien, Paris, Bordas, 1993, p. 70-72.