Mais le matérialisme est aussi une doctrine métaphysique, qui s'est enrichie et qui a 
triomphé grâce à la science moderne. En ce sens, le matérialisme n'est pas un fait, mais une 
interprétation des faits. Il insiste sur le fait que tout ce qui est bien réel doit être matériel ; 
en bref, 
tous
 les faits sont des faits matériels ou physiques. 
Toute
 réalité est réductible au 
matériel, plus largement au physique, ce qui inclut probablement nos doutes, nos rêves, nos 
sentiments, nos sensations, nos volontés, nos raisonnements, nos souvenirs, nos intuitions 
et nos imaginations. D’après la plupart des formes de matérialisme, les manifestations 
intérieures de notre expérience sont des ‘’épiphénomènes’’, des qualités considérées comme 
secondaires et dérivées. On peut naturellement chérir pleinement la science moderne, sans 
pour autant être matérialiste au sens philosophique du terme. 
 
Parler de la métaphysique du matérialisme est un passe-temps inoffensif et un bon 
problème à discuter dans un cours d'introduction à la philosophie. En soi et à strictement 
parler, il s'agit d'un concept moralement neutre. Les problèmes surgissent, quand le 
matérialisme devient partie intégrante d'une 
idéologie
, comme dans le quatrième sens du 
terme dans l'Oxford English Dictionary (OED) : 
‘’Un schéma systématique d'idées, 
généralement relatives à la politique ou à la société, ou à la conduite d'une communauté ou 
d'un groupe, et considéré comme justiant des actions, en particulier un schéma implicite 
ou adopté en bloc et maintenu nonobstant le cours des événements’’. 
 
L'analyse que Raymond Geuss fait de l'idéologie du point de vue de Habermas et de l'école 
de Frankfort est utile, en particulier ce qu'il dit de ‘’l'idéologie au sens programmatique’’. Ce 
type d'idéologie est 
total 
: il vise à transformer l'ensemble de la société à son image. Elle est 
‘’soutenue avec plus de conance que les preuves de la théorie ou du modèle ne le 
justient.’’ 
 
Supposons qu'un groupe de philosophes ou de neuroscientiques décide que le ‘’libre 
arbitre’’ est une illusion et qu’il explique ses raisons au public sur la radio publique 
nationale. Quel impact cela aurait-il sur la vie pratique de l'Amérique ? Sans doute très peu, 
alors que la conversation se poursuivrait entre professionnels.  
 
L'idéologie du matérialisme est plus alarmante. Le militarisme, le capitalisme, le 
consumérisme, le pharmaceutisme, et l'emprise puissante que ceux-ci exercent sur nos vies 
- pour ne citer que quelques exemples - suggèrent une inuence plus sinistre. Dans chacun