Entretien sur la Non-Dualité : Iain McNay & Roger Linden

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ENTRETIEN SUR LA NON-DUALITÉ IAIN MCNAY &
ROGER LINDEN
Entretien extrait de ‘’Conversations on non-duality Twenty-six awakenings’’
Eleonora Gilbert (ed.)
Cet entretien fait partie d’une série d’interviews réalisées par Iain McNay
pour Conscious TV entre 2007 et 2009.
Roger Linden a été professeur de Méditation Transcendantale pendant de
nombreuses années. Par la suite, il a suivi une formation de
psychothérapeute et d'enseignant de la méthode Feldenkrais, et il a
développé sa propre approche du bien-être émotionnel, mental et physique.
Au début des années 1990, il a quitté la MT et l’année suivante, il a rencontré
Jean Klein, en compagnie duquel il a pu entrevoir l’Eveil. En 1998, il a
commencé à participer à des réunions avec Tony Parsons, l’auteur du
‘’Secret ouvert’’ et au cours d’une retraite, au début de l'année 1999, un
commentaire de Tony a "entraîné " un nouvel "aperçu" puissant de l’Eveil.
Quelques jours plus tard, en se promenant à Londres, tout sentiment de
séparation s’était évaporé. Il avait réalisé qu'il n'y a que l'Être ou la
Conscience et depuis lors, il n'y a plus que l'Unité. Roger dirige maintenant
des groupes réguliers à Londres et ailleurs au Royaume-Uni.
Iain (I) : Je ne sais pas grand-chose de Roger, mais deux ou trois personnes
différentes ont dit que nous devrions avoir un entretien avec lui, ici à
Conscious TV. C’est un gars très intéressant, dirons-nous. Tout ce que j'ai pu
voir, ce sont quelques pages de son site web et donc, je viens de le
rencontrer pour la première fois, il y a quelques minutes, et nous verrons bien
où cela nous mènera. Alors première chose, Roger : j'ai trouvé ces quelques
mots sur une page de votre site web, qui disent qu'il a fallu quarante ans
avant que la pièce ne finisse par tomber !
Roger (R) : C’est exact.
I :
Quelle
était cette pièce et
comment
est-elle tombée ?
R : J'ai passé quarante ans à chercher : à lire des livres, à méditer, à assister
à des réunions, à réfléchir à la nature de la réalité et à l'explorer. En
particulier, j'avais un désir très fort de ce que je comprenais être la
"Libération". Et cette compréhension était basée sur les expériences que
j'avais vécues à la suite de la méditation, et en particulier en rencontrant deux
personnes qui parlaient de la non-dualité. D'abord, un homme appelé Jean
Klein, et puis Tony Parsons. Et il y avait eu des expériences d'Eveil très
puissantes, que j'ai supposées être ce qu'était la Libération, mais ces
expériences s'étaient estompées après quelques jours. Il y a environ dix ans,
quelques jours après avoir vécu une expérience d'Eveil en participant à un
cours résidentiel avec Tony Parsons, je me suis levé le matin - et tous les
effets de cette expérience étaient passés, ils avaient disparu.
I : Mais quelle était cette expérience ? Que s’était-il réellement passé ?
R : Les jours précédents, tout avait l’air merveilleux, très différent par rapport
à auparavant. Tout rayonnait, il y avait beaucoup de félicité. Et j'avais
supposé que cela devait être la Libération, et pourtant cela s'est estompé. Je
me suis donc levé ce matin-là et tout semblait à nouveau ordinaire. Je suis
allé me promener dans le parc voisin d’Hampstead Heath, à Londres, et en
passant devant l'un des étangs et en regardant l'étang - c'était un beau début
de matinée - une seconde, c'était Roger - moi - qui marchait le long du chemin,
et l'instant d'après, c'était comme si quelque chose s'était dissous. Cela a pris
une fraction de seconde pour réaliser : "Oh, il n'y a pas de moi séparé !" Tout
ce qui avait été pensé indiquant qu'il y avait un Roger était simplement
quelque chose qui apparaissait dans la Conscience et était la Conscience. À
ce moment-là, il a été réalisé ce qu'est l'Être et aussi que tout ce que l'on avait
cru jusque- sur la nature de l'Être, sur la nature de la Conscience, était
erroné et se basait sur les expériences d'un "quelqu'un" d’apparent qui,
fondamentalement, se considérait toujours comme distinct(if).
Ensuite, il a été réalisé que tout ce qui était associé à un individu distinct(if)
faisait simplement partie de ce qui apparaissait dans la vie, faisait partie de la
vie, et que l’ensemble de l'expérience de la vie - tout ce que l'on considère
comme la vie - apparaît dans l’Être immuable, et est l'Être, ou la Conscience,
j'utilise ces mots comme des synonymes. Ainsi, une seconde, il semblait y
avoir un Roger, et l'instant d'après, le Vide, dans lequel la vie apparaissait.
Et après quarante ans d’une recherche vraiment intense, cela semblait
absurde parce quironiquement, quarante ans auparavant, j'avais commencé
à lire des livres de Krishnamurti à Hampstead Heath. En fait, assis dans un
arbre à Hampstead Heath.
I : Cela s’est passé au même endroit ?
R : Cela s'est passé à moins d'un kilomètre - à environ cinq cent mètres. Et il a
fallu quarante ans pour réaliser que ce que l'on avait supposé être un "moi"
faisant l'expérience d'être assis dans un arbre, en tant qu'adolescent de
treize ans, cherchant à comprendre ce que Krishnamurti avait écrit, que ce
"moi" apparent n'avait pas du tout changé. Ce que l’on avait supposé être le
moi personnel était totalement inchangé, quarante ans plus tard. Ce qui a été
réalisé alors, c'est que le Soi n'est pas personnel, qu’Il est impersonnel. Et
non seulement cela, la réalisation n'était pas personnelle, la réalisation était
simplement quelque chose d'autre qui apparaissait dans ce qui avait été
supposé être ma conscience, et s'est avéré être le Soi : l’Être radieux absolu
et intemporel.
I : Et comment ceci affecte-t-il pratiquement la vie ?
R : Dans un certain sens, on pourrait dire que cela n'affecte pas beaucoup la
vie. C'était tôt le matin, et j'ai continué à marcher, ou la marche a continué,
mais il n'y avait plus de "moi" qui marchait - il y avait simplement la marche,
avec des sensations et des pensées familières. Et, bien sûr, les pensées
concernaient ce qui venait de se passer. Ou, plus précisément, je suppose, il
y avait des pensées sur ce qui venait de
cesser
de se produire en apparence.
Parce que l'hypothèse l’hypothèse très puissante - qu'il y avait un "je" qui
faisait l'expérience de tout, venait juste de se volatiliser. Mais ‘’je’’ suis rentré
chez moi, j'ai pris mon petit-déjeuner et j'ai commencé à travailler une heure
ou une demi-heure plus tard.
I : Alors, est-ce un genre de détachement ?
R : Il est amusant de constater que, bien que cela puisse ressembler à cela,
c'est le contraire d'un détachement. Parce que, lorsqu'il y a une supposition
d'un moi séparé, cette supposition - et la petite contraction qui va avec - cette
supposition crée un sentiment subtil, mais très puissant, de séparation. Et
quand elle se volatilise, alors il y a simplement une unité dans laquelle
apparaît la vie. Ainsi, bien que la vie
apparaisse
toujours, comme s'il y avait
des personnes et des objets distincts, ce dans quoi ils apparaissent, c’est
l'unité. Il n'y a donc pas de sentiment de séparation ou d'être un observateur,
pas de témoin ou de détachement en aucune manière, bien au contraire.
I : Et comment cela se passe-t-il, lorsque vous êtes avec d'autres personnes
dans cet état ? Disons que vous rencontrez une personne et qu’elle est en
détresse. Ressentez-vous de l’empathie par rapport au fait qu’elle est en
détresse, parce que vous ressentez une connexion, ou avez-vous le sentiment
que cela fait simplement partie de ce qui se passe ? Je ne suis même pas sûr
de la question à vous poser à ce sujet, mais cela m'intéresse.
R : Cela fait partie de ce qui se passe, mais une préoccupation naturelle pour
ce qui semble être une personne en détresse serait présente. Et mon travail,
si vous voulez, c’est d'aider les gens à se sentir mieux. J'ai d'abord été formé
comme professeur de méditation - de Méditation Transcendantale puis
comme thérapeute et comme psychothérapeute, et enfin comme enseignant
de la méthode Feldenkrais, un moyen de travailler physiquement avec les
gens. Et je continue d'utiliser ces outils pour aider les gens à avoir une
expérience de la vie qui soit plus confortable et plus agréable. Ainsi, les
spécificités pour gagner sa vie et entreprendre continuent comme avant,
même si on réalise que tout n'est qu'une apparence dans la Conscience ou
l’Être. Cela inclut le sens et l'apparence de la physicalité, vous, le studio, tout.
Ce n'est pas votre expérience. C'est l’expérience d’un " vous " qui apparaît
dans la Conscience.
I : Alors, les choses qui vous mettaient en colère ou qui vous frustraient, vous
mettent-elles encore en colère ou vous frustrent-elles encore ?
R : C'est possible. Au fil des ans, certaines des conséquences de ces
nombreuses années passées à supposer qu'il y avait " quelqu'un " ont généré
une certaine quantité de stress et de tension. Malheureusement, en dépit de
ce que je croyais et de ce que j’espérais, la Libération ne règle pas tout. Cela
ne signifie pas que toutes les difficultés, tous les problèmes et toutes les
tensions de la vie disparaissent immédiatement. Certaines de ces
préoccupations se sont détachées avec le temps, et donc, certains aspects
de la vie sont sûrement devenus plus faciles, beaucoup plus faciles. D'une
manière générale, je dirais qu'il y a beaucoup plus de bonheur, beaucoup plus
de bien-être, qu'auparavant. Ce n'est pas qu'il y avait beaucoup de souffrance
auparavant, mais la vie est beaucoup plus agréable.
I : Il y a donc toujours une personnalité - d'une certaine manière - et cette
personnalité est peut-être en train de se décanter avec le temps, pensez-
vous ? Vous diriez ça comme ça ?
R : Je ne sais pas si elle se décante. Il y a juste une plus grande facilité, donc il
semble y avoir moins de tension, plus de bien-être. Mais il ne s'agit pas de
devenir parfait, ou saint, ou d'être sans aucune peur. Ce n'est pas du tout
cela. Dans un sens, c'est beaucoup plus ordinaire.
Ce qui est devenu évident, ce matin-, à Hampstead Heath, c'est la nature
réelle des précédentes expériences d'"Éveil" : celles-ci sont venues, puis
reparties. Elles étaient extraordinaires et très différentes de la vie ordinaire,
mais elles se sont estompées. Ce qui s'est passé, ce matin- dans le parc
était, dans un sens, très ordinaire. Pourtant, ce que l’on a réalisé, c'est que
l'ordinaire, le profondément familier, que l'on présumait précédemment être
le moi personnel, est la Conscience, l'Être radieux et l'Amour inconditionnel.
Non pas qu'il le soit
devenu
après ce moment de dissolution, mais plutôt qu'il
l'avait toujours été. Ainsi, le banal s'est avéré être beaucoup plus merveilleux
et extraordinaire que ces expériences vécues auparavant. Et cela continue,
alors que la vie ordinaire se poursuit.
I : Et pensez-vous que le travail que vous avez réalisé - nous y reviendrons
peut-être un peu plus tard pensez-vous que le travail que vous avez réalisé
pendant ces quarante ans a contribué à ce qui s'est passé ?
R : Curieusement, non.
I : Donc, c’était quelque chose d’indépendant.
R : Oui. Maintenant, cela ne veut pas dire que la pratique de la méditation n'a
pas eu de nombreux bénéfices ; il y en a eu de très nombreux. Et ce qui s'était
passé au cours des réunions où cela avait été discuté et décrit, c'est que
certaines idées et certains concepts sur la nature de la réalité avaient été
abandonnés. Mais il y avait toujours la présomption très solide d’être celui qui
faisait l’expérience de la vie. Quelque part, j'étais dans ma tête, et je
contemplais un monde séparé, en ayant mon expérience privée et
personnelle des pensées, des sensations physiques, des souvenirs et des
comportements. Cela n'avait pas changé au cours de ces quarante années.
Ce que l’on avait supposé être le moi personnel au départ de toute cette
recherche n'avait pas du tout changé, malgré toutes les pratiques, les
réunions et les livres.
Ce matin-là, toutes les présomptions se sont simplement dissipées. Il a été
réalisé combien c'était clair, combien cela avait toujours été évident. Et à quel
point ce que l'on avait supposé être "moi" se méprenait depuis le début. Cela
n’avait pas été mon expérience de la vie. Je faisais partie de l’expérience. Je
n'avais jamais été conscient de quoi que ce soit. J'étais une présomption qui
apparaissait dans la Conscience, dans le Soi.
I : Ainsi, ce à quoi vous vous attendiez ne s’est pas réellement produit ?
R : Non, du tout.
I : C’est très étonnant, n’est-ce pas ?
R : Je ne pense pas que l'on puisse réellement l'anticiper, parce que les idées
et les croyances concernant ce qui va se passer reposent inévitablement sur
la compréhension qu'il y a un "quelqu'un" qui essaie d'imaginer qu'il n'est pas
un "quelqu'un". Cela ne fonctionne tout simplement pas.
I : Et quand vous étiez ‘’quelqu’un’’, appréciez-vous être ‘’quelqu’un’’ ?
R : Oui, il y avait de la satisfaction. J'ai aimé la recherche, la pratique de la
méditation et les réunions. J'ai trouvé cela passionnant et stimulant. Parfois
frustrant, mais c'était un style de vie très captivant, qui n'était pas toute ma
vie, mais une part importante de ma vie. Mais c'était loin d'être aussi
intéressant que ce que la vie a été depuis ce moment à Hampstead Heath.
I : Donc, vous ne pensiez pas vraiment, "Oh, j'aimerais pouvoir être différent
de ce que je suis." Ou si vous le pensiez, c'était plutôt une question de
nuance.
R : C'est cela, j’en voulais juste plus. J'avais toutes sortes de fantasmes
suivant lesquels la vie serait, d’une manière ou d’une autre, merveilleusement
harmonieuse. Il n'y aurait ni colère, ni peur, et mon expérience de la vie serait
parfaite. Quelque part, je resterais assis là à ne rien faire d'autre que
rayonner de bonheur, et le prêt hypothécaire serait remboursé par une sorte
de mystérieuse opération cosmique. Tout serait pris en charge. Et, bien sûr,
ce ne fut pas du tout comme ça. Les activités ordinaires se poursuivent donc,
mais sans plus aucune référence à ce qui était supposé être un moi
distinct(if) ; il n'y a plus aucune référence. Il n'y a que la Conscience, la
vigilance, dans laquelle apparaît la vie.
I : Votre parcours a donc commencé assez jeune. Je crois que vous avez dit
que vous lisiez J. Krishnamurti à l'âge de treize ans. C'est, d'une certaine
manière, assez impressionnant, qu'un enfant si jeune, plutôt que de participer
à des bagarres dans la cour de récréation, soit à Hampstead Heath en train
de...
R : L’un n’empêche pas l’autre !
I : Mais à l’évidence, quelque chose vous a attiré dès votre plus jeune âge.
R : J’avais dans l’idée que la vie pouvait être différente. Mon foyer n’était pas
spécialement heureux et j’avais toujours eu le sentiment que les choses
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