
Quelles sont les structures cérébrales impliquées dans le
contrôle de l’orientation antigravitaire ? En établissant un
tableau de concordance entre la localisation des lésions céré-
brales et la direction de la VV, Brandt et Dietrich ont contribué
de façon importante à la connaissance des structures cérébra-
les impliquées dans la perception de la verticale [26-28].
Leurs observations ont été récemment confirmées par l’utili-
sation des techniques modernes d’imagerie cérébrale [13,29].
Schématiquement, une atteinte de la région latérobulbaire
(comprenant les noyaux vestibulaires) entraîne une inclinai-
son ipsilésionnelle de la VV alors qu’une lésion de l’insula
et/ou l’opercule pariétal (cortex vestibulaire) peut entraîner un
biais contralésionnel de la VV (Fig. 5). La verticale posturale
est surtout affectée par les lésions du thalamus postérolatéral
et du cortex pariétal [5].
La question de l’orientation antigravitaire se pose aussi,
bien entendu, pour le plan sagittal, mais les éléments de
réponse sont limités à la verticale posturale [17,30]. Il faut
aussi ajouter que le plus souvent, le corps est volontairement
orienté vers une cible ou dans un but particulier, ce qui
nécessite une coordination entre le contrôle de la posture et
le contrôle du mouvement.
La stabilisation posturale
D’un point de vue mécanique, il y a équilibre lorsque la
résultante des forces est nulle d’une part, et d’autre part
quand la résultante des moments est nulle. L’orientation
étant établie, l’équilibre s’obtient par la mise en jeu possible
de plusieurs mécanismes de stabilisation et la combinaison
optimale orientation/stabilisation varie en fonction de la
tâche, des capacités et du « style individuel ». L’équilibre
debout en condition clémente est régulé principalement par
l’intermédiaire des muscles des chevilles et la projection au
sol du centre de masse est confinée à l’intérieur d’une petite
surface. L’utilité de maintenir l’ensemble du corps érigé peut
parfois s’effacer devant les contraintes de stabilisation. C’est
le cas par exemple lorsque le sujet élève latéralement un
membre inférieur en inclinant le tronc vers le membre infe-
rieur opposé [31]. L’équilibre locomoteur est une tâche
complexe, impliquant de réussir un compromis entre la pro-
pulsion du corps vers l’avant et la nécessité d’en maintenir la
stabilité latérale. Afin de pouvoir faire face aux multiples
situations et simplifier la commande nerveuse [32], le cer-
veau utilise un certain nombre de combinaisons motrices
éprouvées, en partie innées et en partie acquises. Elles sont
en nombre limité et stockées dans un répertoire qui
comprend en principe les éléments de réponse appropriés
aux situations usuelles [33]. Ce répertoire est flexible et de
nouvelles stratégies peuvent être apprises alors que d’autres
sont inhibées car devenues inutiles ou néfastes, du fait d’une
modification de contexte (Fig. 6). Bien que l’implication
du cortex dans la capacité d’apprentissage postural ait
été démontrée chez le chien [34], les corrélats anatomiques
précis sous-tendant cette mémoire implicite ne sont pas
connus.
Le choix d’un référentiel stabilisé
La stabilisation de certains segments sur l’espace (la gravité)
peut constituer un objectif de contrôle postural, notamment
lors du mouvement. Dans le cas de la locomotion par exem-
ple, le contact avec le sol est intermittent et ne peut plus
constituer une référence permanente sur laquelle s’appuyer
pour contrôler l’équilibre. La stabilisation d’un module
donné revêt deux fonctions essentielles. La première est de
permettre une évaluation des perturbations de la posture et
de l’équilibre. La deuxième est de fournir un système de
coordonnées égocentré à partir duquel l’action intentionnelle
est codée. Du fait de sa richesse en capteurs détecteurs d’er-
reur (vision, vestibule, proprioception du cou), la tête est
probablement le meilleur candidat à la stabilisation segmen-
taire chez l’adulte. Les deux modes principaux de stabilisa-
tion de la tête ont été précisés par Nashner [35] : par rapport à
l’espace (stable-platform strategy) ou sur le tronc (strap-
down strategy). Dans la stable-platform strategy (stabilisa-
tion de la tête sur l’espace), qui repose en partie sur le réflexe
vestibulocolique, la tête stabilisée sur la gravité est utilisée
comme une plateforme inertielle de navigation pour l’éva-
luation visuelle ou vestibulaire des positions par rapport à
Fig. 5 Cartographie des AVC hémisphériques (coupes axiales)
dans un groupe de patients qui ont ou n’ont pas de biais de la verti-
cale visuelle. La différence entre ces deux groupes, illustrée en C
(couleur jaune), se situe principalement sur l’insula. Figure adaptée
d’après Barra et al [13]
Lett. Méd. Phys. Réadapt. (2012) 28:120-132 123