L'ego du parent utilise donc la répression de l'âme de l'enfant pour maintenir sa position de pouvoir dans
la famille et pour soutenir l'image de la représentation familiale. Par une drôle de tournure des choses,
l'enfant s'identifie à son insu au parent puissant, qu'il soit du même sexe ou du sexe opposé. L'enfant
développe ainsi une image idéalisée de ce parent, un fantasme de père ou de mère qui est fascinant,
puisque l'archétype du Père ou de la Mère se trouve au centre de cette image. Ainsi, l'enfant se modèle
inconsciemment sur ce parent, ce qui conduit à la formation de schémas égotiques particuliers, comme
la fille du père ou le fils de la mère. Par ailleurs, l'enfant rejette imperceptiblement le parent moins fort,
en reléguant ses qualités dans l'ombre, ce qui entraîne la formation de certains types d'ombre
spécifiques.
Inconsciemment, nos parents veulent nous créer à leur image. Et nous, en tant qu'enfants, nous
souhaitons que ce processus d'identification fonctionne. Pour autant, la réponse d'un parent à un enfant
est rarement à la hauteur de l'image idéale ; même avec les meilleures intentions, même avec les plus
gros efforts moraux pour nourrir, soutenir, et refléter la nature authentique de l'enfant, le parent échoue.
Une trahison inévitable se produit, et l'idéal de l'enfant est brisé, l'initiant à l'ombre de son parent.
Lorsque l'enfant rencontre l'ombre du parent et continue d'essayer de devenir acceptable en réprimant
des sentiments ou des comportements inacceptables, il rejette des aspects authentiques de lui-même et
répète la trahison en interne en forgeant son propre ego et sa propre ombre. C'est ainsi qu'un nouvel
enfant se développe psychologiquement pour devenir un adulte.
Cette chute hors de l'innocence n'est cependant pas un mal simple, évident ou évitable. Nous ne faisons
pas ici référence à l'acte insensible d'un parent cruel qui commet un abus physique ou sexuel, mais au
moment subtil et inévitable de la vie d'un enfant ou, plus précisément, à une série de moments, pendant
lesquels un parent se détourne, répond à d'autres besoins pressants ou transmet un message
involontaire et inconscient. Il est impossible de préserver l'innocence d'un enfant en respectant des
normes de parentalité parfaite. C'est-à-dire que le parent ne peut pas répondre à tout moment aux
attentes d'amour de l'enfant, à son besoin de sécurité et à ses demandes de retour. Le parent, dont
l'âme a été blessée ne peut qu'échouer. Du point de vue de l'âme de l'enfant, la trahison est inévitable
et les parents en sont l'instrument.
Le psychologue archétypal, James Hillman souligne que la trahison peut être vue comme un tournant
nécessaire, qui permet à un individu de sortir d'un état puéril de confiance et d'innocence naïves et de
prendre conscience de la complexité de chaque être humain, y compris son côté obscur. Lorsqu'un père
trahit son fils, par exemple en divorçant de sa mère, en jouant les capitaux familiaux ou en sombrant
dans la dépression, le garçon ne se retrouve pas face à une image idéalisée et divine de l'homme plus