Analyse linéaire 3 « A la musique », Arthur Rimbaud
Introducon :
Rimbaud poète mythique du XIXème siècle, poète rebelle qui incarne la révolte de la jeunesse. Les
cahiers de Douai (ou recueil Dumeny du nom du poète ami d’Izambard à qui Rimbaud avait coné ses
premiers poèmes pour les publier), se présentent comme une succession de tableaux sariques de la
société bourgeoise de la ville natale du poète. C’est le cas du poème « A la musique » (cf. l’indicaon
préliminaire du lieu « Place de la gare, à Charleville », placée en exergue au tre.), écrit probablement
le 7 juin 1870, jour où l’on donne à Charleville la valse des fres (petes ûtes).
Poème composé de neuf quatrains d’alexandrins dont les rimes sont embrassées pour le premier puis
croisées pour les huit autres.
Problémaque : En quoi le poème fait-il apparaître la rupture du jeune poète avec le milieu bourgeois
qu’il observe ?
Mouvements du poème :
I. Deux premières strophes : présentaon du cadre général de cee scène provinciale
II. Strophes 3 à 6 : une galerie de personnages grotesques
III. Strophes 7 à 9 : un jeune homme débordant de désir
Développement de l’analyse linéaire :
I. Deux premières strophes : présentaon du cadre général d’une scène provinciale
- Poème narraf qui raconte une scène de rue, « sur la place de la Gare » de Charleville. Dimension
réaliste de la scène. Poète témoin de la parade des bourgeois. Scène habituelle « les jeudis soir
(déterminant déni) ; présent d’habitude « étranglent », « Portent »
- Regard crique dès les deux premiers vers du poème : la place est « taillée en mesquines pelouses »
(hypallage : aribuer des termes à certains mots de la phrase qui conviendraient plutôt à d’autres de
la même phrase : les pelouses v1 sont « mesquines », comme les « bourgeois » v3). A lieu médiocre
correspondent personnages médiocres. La nature est à l’image des bourgeois : « Square où tout est
correct ». « Arbres et eurs » mis au diapason des protagonistes. Tout est convenable selon le goût
des bourgeois. Tout doit est en ordre, tout est maîtrisé. Rien ne dépasse (pas un brin d’herbe qui
serait mal taillé). La nature obéit à la norme, la règle de l’esprit bourgeois.
- Aux vers 3 et 4 : la place est le lieu d’un tableau vivant qui s’ore aux yeux du poète. Intenon
sociologique du poème. « Tous les bourgeois poussifs ». Poussif vocabulaire Vétérinaire (se dit d’un
cheval qui a la pousse, emphysème pulmonaire) par extension, s’applique aux personnes qui
respirent dicilement, qui peinent à respirer, probablement en raison de leur surpoids). Idée
d’étouement : poussifs, étranglent, chaleurs. Rimes embrassées elles aussi étouantes.
-Etroitesse physique mais aussi intellectuelle : verbe « Portent » en posion de rejet : ils arborent
(montrent aux yeux de tous) leurs bêses comme un trophée. Ils sont ers de leurs bêses.
- Vers 4 et 5 : délé des bourgeois qui ressemble à une parade militaire par la référence à
« L’orchestre militaire » v4, « la valse des fres », et le tre « A la musique » (champ lexical de la
musique). Les bourgeois arrivent en fanfare, comme un spectacle de mauvais goût. Le rythme des
vers 4 à 8, très régulier (coupe à l’hémische, rythme binaire puis absence de coupe deux fois) traduit
le caractère ordonné de leur parade.
- Ils se montrent, s’exhibent : « le gandin » (dandy) « parade » ; le « notaire » ache ses décoraons
militaires. Rimbaud a inversé la construcon du vers 8 : comme si c’était le notaire qui pendait à ses
breloques alors que c’est l’inverse. Bourgeois qui se croient omnipotents. Montre ostensiblement ses
médailles pour se disnguer du commun des mortels : monde de l’apparence et matérialisme.
II. Strophes 3 à 6 : une galerie de personnages grotesques
- Strophe 3, V 9 : Poème à la fois sarique et burlesque : Caricature à la Daumier. « Des
reners à lorgnons » : gens oisifs qui viennent juste pour criquer « tous les couacs » des
musiciens alors qu’ils n’y connaissent rien en musique ou ne l’apprécient pas.
- V10 : « gros bureaux bous » : métonymie pour désigner les employés de bureaux qui
promènent « leurs grosses dames » (comme des toutous) : Champ lexical du surpoids
« gros » ; « bous » ; « grosses dames ». Allitéraon en « b » qui insiste sur leur lourdeur.
Aspect staque et immobile.
- (Trois caractérisques de ces bourgeois : l’embonpoint (signe de réussite sociale), les
accessoires (richesse ostentatoire) et l’immobilité (posion sociale).
- V11 : Evocaon des dames de compagnie qui accompagnent les épouses. « Ocieux
cornac » métaphore animale qui désigne celui qui soigne et accompagne les éléphants. Par
conséquent, les grosses dames sont implicitement comparées à des éléphants. Ces
bourgeoises font étalage de leur tenue, de leur lourdeur et de leur mauvais goût par « les
volants qui ont des airs de réclame ».
- Strophe 4 : nouveau tableau « Sur les bancs verts ». Ironie de « club d’épiciers retraités ».
Club faisant référence à un cercle fermé et disngué qui contraste avec le GN « épiciers
retraités » (marchand d’épices à la retraite). Ironie d’’autant plus mordante que ces bourgeois
se mêlent de polique étrangère et croient en la pernence de leur avis alors que leur
discours est inconsistant puisqu’ils se contentent de répéter l’adverbe « En somme ! ... »
c’est-à-dire de parler pour ne rien dire. « Ils prisent en argent » : ils prisent leur tabac dans
des tabaères en argent, nouvel accessoire ostentatoire de leur richesse. Discours creux
comblé par leurs possessions matérielles de bourgeois.
- Strophe 5 : Dernier portrait souligne l’embonpoint du bourgeois. « Epatant (Arrondissant) sur
son banc la rondeur de ses reins » ; « bedaine amande ». Insistance sur le poids signe de
bonne nourriture, valeur bourgeoise (contre la maigreur des pauvres comme les enfants dans
« Les earés »).
- V 19 et 20 : Excès de table qui s’accompagnent de tout plaisir que peut procurer l’argent, ici à
travers la consommaon du tabac qui « Déborde » du Onnaing (pipe fabriquée à Onnaing,
dans le Nord, métonymie). Le passage entre rets est un passage de discours direct restuant
les paroles du bourgeois qui se vante de faire de la « contrebande », c’est-à-dire des aaires
frauduleuses. Le bourgeois est malhonnête et ne s’en cache pas, il s’en félicite même.
- Strophe 6 : Strophe de transion. Le poète introduit de nouveaux personnages qui se
démarquent des personnages précédents. « Les voyous » et les « pioupious » (terme familier
qui désigne les soldats) servent de substuts au poète. Ils sont eux aussi en posion
d’observateurs, ils sont en dehors de la scène « le long des gazons verts » (et non pas sur) et
« ricanent » donc se moquent. Rimbaud introduit maintenant les classes populaires, rendues
plus sympathiques parce que plus vraies, plus authenques. Le poème devient plus léger
puisqu’il fait allusion à l’amour, la jeunesse et la sensualité. Humour de la technique naïve de
séducon des pioupious qui « caressent les bébés pour enjôler les bonnes ». Le mot
« voyous » montre qu’aux yeux des bourgeois, les couches populaires ne sont que des
« voyous ».
III Strophes 7 à 9 : un jeune homme débordant de désir
-Strophe 7 : Rimbaud se met à présent en scène. Redondance de « Moi, je » v 25. Il montre qu’il se
disngue des membres de la parade bourgeoise. Lui aussi est en dehors de celle-ci comme les
pioupious et les « voyous » il est « sous les marronniers verts ».
-ll se disngue aussi par le vêtement qui est « débraillé », c’est-à-dire négligé. Tenue négligée
synonyme de révolte (cf. « Ma bohème »). Comparaison à l’étudiant v25 renforce cee révolte : dans
l’esprit bourgeois, l’étudiant est un ennemi de classe potenel, un dangereux révoluonnaire, une
canaille. Il est en mouvement « je suis », contrairement aux bourgeois staques.
- Il est à la recherche d’une aventure amoureuse mais constue une menace pour l’ordre bourgeois.
Les grosses dames ont laissé la place aux « alertes llees » (audacieuses). Fillees sensibles au jeu
de séducon de Rimbaud : « Elles le savent bien » et « tournent en riant / Vers moi, leurs yeux tout
pleins de choses indiscrètes » (cf. Roman).
-Strophe 8 : Grande sensualité de l’évocaon. Le poète dévore des yeux le corps des jeunes lles
(détails anatomiques nombreux) : chair, cous blancs, corsages (poitrine), dos divin, épaules. Regard
qui déshabille les corps. Sensualité provocante dans une société où le corps est caché, surtout celui
des jeunes lles. Absence de parole « Je ne dis pas un mot » relayée par le regard « je suis, sous le
corsage et les frêles atours ».
-Strophe 9 : v33-34 : Le regard se fait de plus en plus mun et éroque. Il remonte doucement tous
les détails anatomiques depuis « la bone » jusqu’au visage à travers « les baisers qui [lui] viennent
aux lèvres ». (cf. Roman). Il devine les corps cachés derrière les vêtements bourgeois guindés. « Je
reconstruis les corps ». La ponctuaon suspensive (v33, v35, v36) dévoile le pouvoir de l’imaginaire
du jeune poète.
-V 35-36 : Le jeu amoureux semble partagé : « Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas ». Poème
qui se termine par la promesse du plaisir fantasmé du poète. Il libère son imaginaire qu’il retranscrit
dans l’écriture poéque.
Conclusion : Le poème fait apparaître la rupture entre la bourgeoisie caricaturée ici et le jeune poète
révolté contre cet ordre social auquel il apparent. A travers des portraits charges (caricatures), il
dénonce leur susance, leur bêse, leur conformisme et leur mauvais goût. En contrepoint, il
dessine la gure du poète associé à l’errance, au désordre, à la liberté. Il se présente comme un être
à part, capable de séduire les jeunes lles de bonne famille pour déjouer les codes sociaux. Une
gure de la révolte et de l’émancipaon, à la fois morale, sociale et créatrice. On pourrait mere en
parallèle ce poème avec celui de Paul Verlaine « Monsieur Prudhomme », qui, de la même manière,
sgmase le milieu bourgeois en le tourant en ridicule.
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