Dans « El desdichado », Nerval se compare à Orphée. La poésie devient une
expérience.
Dans la mythologie grecque, Orphée est un poète et musicien qui joue de la
lyre. Sa femme Eurydice meurt le jour de leur mariage. Il parvient à aller
aux enfers pour la retrouver mais échoue à la faire revenir du monde des
morts. Inconsolable, Orphée passe le restant de ses jours à errer et
chanter accompagné de sa lyre.
Orphée traverse le fleuve qui entoure les enfers pour retrouver Eurydice.
Le poète, lui, traverse l’Achéron, qui semble être une allégorie de la folie.
En effet, le vers 12 « Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron » rappelle
que Gérard de Nerval a traversé deux crises de folie en 1851 et 1853.
Enfin, comme Orphée, Nerval transforme cette douleur en beauté par la
poésie et la musique comme le montre le champ lexical de la musique :
«luth », « modulant », « lyre ».
Les allitérations et assonances créent une musicalité qui donne une unité
harmonieuse à un poète menacé de dissolution :
Allitération en [m] : « Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé /
Porte le Soleil noir de la Mélancolie »
Allitération en [s] : « Les soupirs de la Sainte »
Assonances en [ou] et [on] « Suis-je Amour ou Phébus ? … Lusignan ou
Biron ? / Mon front est rouge encor du baiser de la Reine »
De plus, certains mots se dédoublent et se répondent comme « Tour » (v.2)
et « tour à tour » (v.13) .
C – L’invention d’une nouvelle langue
Besoin de sortir d’une langue enfermée dans la logique ou dans les
principes rationnels. Nerval souhaite donner à la langue une liberté nouvelle.
Nerval invente une nouvelle langue poétique.
S’il a recours à un sonnet traditionnel,il perturbe néanmoins la syntaxe des
phrases :
« Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie »;
« Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron ».
Il semble sortir des codes d’écriture de la langue française. Le titre du
poème est espagnol « El Desdichado » et l’utilisation presque systématique