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lors, une politique monétaire expansive 
peut entraîner la baisse du taux d’inté-
rêt, la hausse de l’investissement, celle 
de la demande agrégée et de l’emploi, et 
donc une diminution du chômage. Et si 
Keynes évoque peu les politiques budgé-
taires (pour des raisons essentiellement 
factuelles, les budgets des États étant 
très modestes en temps de paix à cette 
époque), ses  successeurs ne tarderont 
pas à les prendre pleinement en compte.
Mais la Théorie générale est une 
œuvre difcile dont la cohérence n’est 
pas toujours manifeste. Elle a donc sus-
cité des interprétations contradictoires. 
Celle qui l’a emporté repose sur la repré-
sentation simpliée qu’en donne John 
Hicks dans le «modèle IS-LM». Or cette 
simplication s’accompagne de l’idée que 
les résultats de Keynes ne sont valides 
qu’à court terme, et sous l’hypothèse de 
rigidité des prix. À long terme, les prix et 
les salaires étant exibles, la présence de 
chômage involontaire entraîne une pres-
sion déationniste qui accroît le pouvoir 
d’achat des encaisses monétaires (M/p 
augmente où M désigne le montant des 
encaisses détenues par les agents et p 
le niveau des prix). Cet effet d’encaisses 
réelles (ou «effet Pigou-Patinkin») nour-
rit la dépense de consommation, d’où une 
hausse de la demande agrégée, méca-
nisme qui se poursuit jusqu’à retrouver 
le plein-emploi. On aboutit à la synthèse 
néoclassique : à long terme, l’activité 
dépend de l’offre agrégée ; le message 
keynésien ne subsiste plus qu’à court 
terme, du fait des rigidités nominales.
Cette approche a été fortement cri-
tiquée par plusieurs élèves de Keynes 
(Kaldor, Robinson, Harrod, etc.), pour les-
quels les résultats de la Théorie générale 
ne se limitent pas au court terme et ne 
reposent aucunement sur la rigidité des 
prix mais sur les propriétés de la demande 
agrégée dont certaines composantes 
sont endogènes tandis que d’autres sont 
autonomes. C’est la voie qui sera explo-
rée par l’économie postkeynésienne, un 
courant qui sera rapidement marginalisé 
(Écoash n°317, à paraître).
Mais revenons au courant dominant. 
À partir de la n des années 1960, la 
pertinence des politiques conjoncturelles 
prônées par la synthèse néoclassique est 
fortement critiquée. D’un côté, les effets 
d’éviction, la théorie du revenu perma-
nent et le théorème d’équivalence ricar-
dienne constituent une remise en cause 
des politiques budgétaires à laquelle 
la plupart des économistes niront par 
adhérer. De l’autre, Milton Friedman 
restaure l’hypothèse de neutralité de 
la monnaie à long terme : les relances 
monétaires provoquent uniquement une 
hausse de l’ination. Elles ne peuvent 
favoriser l’activité qu’à court terme, 
parce que les ménages souffrent d’illu-
sion monétaire car leurs anticipations 
sont adaptatives (elles dépendent de 
l’ination passée). C’est l’interprétation 
monétariste de la courbe de Phillips.
Une remise en cause encore plus 
profonde viendra de Robert Lucas et de 
la nouvelle économie classique dans les 
années 1970. Lucas reproche à Keynes 
de vouloir élaborer une théorie du désé-
quilibre. Selon lui, le déséquilibre est 
le règne de l’arbitraire sur lequel il est 
impossible de bâtir une théorie. Il prône 
le retour à la discipline d’équilibre basée 
sur des fondements microéconomiques 
découlant du comportement optimisa-
teur des agents en situation de concur-
rence parfaite. Cela le conduit à rejeter 
l’hypothèse d’anticipations adaptatives 
en faveur des anticipations rationnelles. 
Dans ce nouveau cadre, une politique 
monétaire anticipée n’a aucun impact 
sur l’activité économique: la hausse de 
M se répercute immédiatement dans la 
hausse de p; les encaisses réelles M/p 
sont inchangées ; la demande agrégée 
n’est pas affectée. Seules les politiques 
non anticipées (les surprises) peuvent 
avoir un impact à court terme.
C’est dans ce contexte qu’émerge 
la  nouvelle économie keynésienne, qui 
reconnaît la nécessité des microfonde-
ments de la macroéconomie, mais refuse 
le cadre de la concurrence parfaite 
adopté par Lucas. L’unité de ce courant 
tient à sa volonté d’adopter des hypo-
thèses plus réalistes –comme la visco-
sité des prix– qui ne devront cependant 
plus être postulées mais justiées théo-
riquement. Cette unité méthodologique 
a néanmoins très vite donné naissance 
à une multitude de modèles à laquelle 
il est difcile de trouver une homogé-
néité, que ce soit en termes d’hypothèses 
(atomicité des marchés ou pas, informa-
tion parfaite, imparfaite ou asymétrique, 
équilibre partiel ou général, etc.) ou de 
résultats (présence de chômage involon-
taire ou pas, non-neutralité de la mon-
naie ou pas, etc.).
Dans ce maquis, il faut accepter 
d’avancer par touches successives en 
perdant de vue la cohérence d’ensemble, 
ce que nous faisons dans la suite sans 
chercher l’exhaustivité. Les travaux de 
la NEK sont présentés dans différents 
ouvrages généralistes ([4], [7], [9] et 
[11]). Plusieurs articles fondateurs cités 
dans ce document sont reproduits par 
Mankiw et Romer (1991) [6].
RIGIDITÉS RÉELLES  
SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 
ET CHÔMAGE INVOLONTAIRE
En partant de fondements micro éco  - 
nomiques, les travaux de la NEC 
conduisent à rejeter la notion de chô-
mage involontaire : les marchés étant 
toujours à l’équilibre, le chômage ne peut 
être que volontaire. En réaction, certains 
nouveaux keynésiens insistent sur la pré-
sence d’un chômage involontaire décou-
lant de la rigidité du salaire réel. Leur 
apport est alors de fonder micro-éco-
nomiquement ces rigidités, en montrant 
qu’elles résultent d’un processus ration-
nel d’optimisation de la part des agents.
C’est le cas des modèles de salaire 
d’efcience. Ceux-ci supposent généra-
lement une asymétrie d’information en 
faveur des salariés qui bénécient d’une 
information cachée sur leurs caracté-
ristiques productives (anti-sélection) ou 
sur leur comportement (risque moral). Le 
modèle le plus connu est celui du tire-
au-anc (document1): pour inciter les 
travailleurs à fournir l’effort requis (pro-
blème de risque moral), les entreprises 
xent un salaire réel supérieur à celui 
qui apure le marché du travail. Il en va 
de même dans le modèle d’échanges 
de dons proposé par Akerlof (1982) : 
les entreprises font un don aux travail-
leurs (en les rémunérant mieux qu’au 
salaire d’équilibre), auquel les travail-
leurs répondent par un autre don (en 
fournissant un effort supérieur à l’effort 
normal)[1]. Enn, lorsque les individus 
diffèrent par leurs caractéristiques (pro-
blème d’anti-sélection), les employeurs 
ont intérêt à proposer des salaires élevés 
s’ils veulent attirer les bons candidats.