Les paradoxes qu’on va expliquer dans la suite ont été découverts par Felix Hausdorff
(1868-1942) en 1914 puis, sous leurs formes les plus spectaculaires, par Stefan Banach
(1892-1945) et Alfred Tarski (1901-1983) en 1924.
1 Quelques groupes
On introduit ici les groupes qui nous seront utiles dans la suite. Il s’agit d’abord du
groupe SO(3) des rotations vectorielles de l’espace euclidien R3(muni de sa structure
euclidienne canonique). Si on identifie matrices et endomorphismes, SO(3) est l’ensemble
des matrices semblables à une matrice de la forme
1 0 0
0 cos θ−sin θ
0 sin θcos θ
,
avec matrice de passage orthogonale. L’analogue bi-dimensionnel du groupe SO(3) est le
groupe SO(2) des rotations planes. Ce groupe possède une propriété qui le distingue ra-
dicalement de SO(3) : il est abélien. Plus précisément, SO(2) est l’ensemble des matrices
de la forme cos θ−sin θ
sin θcos θ
(pas besoin de matrice de passage). Un élément rde SO(2) peut être représentée en
complexes par r(z) = eiθz. On en déduit un fait très simple, mais qui nous sera très
utile : si θest incommensurable à π(au sens où θ
π/∈Q) et si z6= 0, alors les rn(z),n≥0
sont deux à deux distincts.
On utilisera aussi, plus ponctuellement, le groupe Is+(3) des déplacements de R3. Ses
éléments sont les applications affines de la forme x7→ r(x) + c, où r∈SO(3) et c∈R3.
Pour commencer à bien comprendre à quel point SO(3) est peu commutatif, fixons
deux rotations ret r0distinctes de l’identité, d’axes respectifs Det D0, et supposons
qu’elles commutent. La droite D= ker(r−id)est alors stabilisée par r0. Si on fixe un
vecteur directeur unitaire ede D, on a donc ou bien r0(e) = e, ou bien r0(e) = −e. Dans
le premier cas, D=D0. Dans le second, Det D0sont orthogonaux : en effet, si e0est un
vecteur directeur unitaire de D0, alors
he, e0i=hr0(e), r0(e0)i=−he, e0i.
On a donc r0(e) = −eet r0(e0) = e0. Complétons (e, e0)en une base orthonormale (e, e0, e00)
de R3. Le vecteur r0(e00)est orthogonal à eet e0, donc de la forme ±e00. Pour des raisons
de déterminant, r0(e00) = −e00, ce qui prouve que r0est un demi-tour. Par symétrie, il en
est de même de r. Après réciproque, on peut conclure : deux rotations de R3commutent
si et seulement si elles ont même axe, ou si elles sont des demi-tours d’axes orthogonaux.
C’est donc plutôt rare...
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