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LE PROBLÈME DU MAL - JOHN WHEELER

LE PROBLÈME DU
MAL
JOHN WHEELER
Entretien extrait de ‘’Clear in your heart – The radiant mirror of
self-shining awareness’’
Question : que pensez-vous de la notion du mal ?
Le "bien" et le "mal" sont des conceptions humaines relatives. Le "bien" d'une
personne est le "mal" d'une autre personne. Les normes varient d'une personne à
l'autre, d'une culture à l'autre, et même au cours du temps pour un même individu.
Considérer des actes relatifs et vouloir les classer selon une norme de moralité
absolue est voué à l'échec. Dans la vérité la plus haute, tout ce qui est, c'est l’ÊtreConscience non conceptuel lui-même, et rien d'autre1. Ce qui apparaît n'est que
cela, une apparence. En d'autres termes, ce n'est qu'une apparence de cette
Source unique et permanente. À ce niveau, il n'y a plus aucune discussion, toute
l'apparence étant conceptuelle, y compris toute évaluation ou jugement à son
sujet. Il n'y a ni moi, ni d’autres, ni apparences, ni actions, ni normes, ni
convenances quelconques.
Sur un plan relatif, si on admet la réalité des apparences, les choses fonctionnent
sur la base de causes et de conditions apparentes. Les êtres sensibles agissent,
pensent et opèrent sur la base de la biologie, de conditionnements et des
circonstances. En tant que telle, aucune action ne peut être jugée ‘’bonne’’ ou
‘’mauvaise’’, en soi. En fait, la notion d’être un auteur/acteur est mythique,
puisque l’auteur/acteur est lui-même un concept. ‘’Vous’’ ne pensez pas
davantage que ‘’vous’’ ne faites battre votre cœur, par exemple.2
Néanmoins – de nouveau, si l’on admet la réalité des apparences – il est important
de voir que les gens font des choses qui sont grandement motivées par leurs
opinions et leurs hypothèses sur eux-mêmes et sur la nature de la réalité. De
telles opinions et de telles hypothèses peuvent être plus ou moins exactes (sages)
ou sinon erronées (ignorantes). Une action qui se base sur des opinions ignorantes
est en désaccord avec la nature des choses. Spirituellement parlant, le point de vue
ignorant de base, c’est que ‘’je’’ suis une personne séparée, limitée, un ‘’moi’’
séparé, coupé de la réalité la plus profonde. C’est la notion d’ego ou l’idée d’un moi
séparé, distinct(if). Ce point de vue erroné produit inutilement de la peur, de
l’insécurité, des doutes, des recherches, de l’attachement et tous genres d’actions
ignorantes basées sur de telles émotions, croyances et attitudes. Ces genres
d’activités sont celles que l’on juge généralement comme ‘’immorales’’ ou
‘’mauvaises’’, en termes religieux. Ce n’est pas parce qu’elles sont intrinsèquement
bonnes ou mauvaises, mais parce qu’elles sont le fruit d’une compréhension
fondamentalement défectueuse de la nature de la réalité. Pour résumer ceci en
quelques mots, la norme essentielle de la moralité, c’est que toutes les pensées,
toutes les paroles et tous les actes qui se fondent sur l’idée d’une fausse identité
1
‘’Sat-Chit-Ananda’’, d’après le védanta, l’Être-Conscience-Félicité absolu, NDT.
Pouvez-vous choisir ou décider de ne plus penser que de ‘’bonnes’’ pensées, à partir de maintenant ? Si oui,
essayez donc, et vous verrez bien par vous-même combien de temps cela va durer !, NDT
2
sont ‘’mauvais’’, simplement parce qu’ils résultent d’un manque profond de
compréhension de la nature du Soi. Un meilleur terme pourrait être
‘’inappropriés’’. Une autre manière de voir, c’est de considérer ces activités comme
égocentriques ou égoïstes (c’est-à-dire qu’elles opèrent à partir du point de
référence d’un sentiment de soi qui est faux, limité et mal conçu).
Pour ceux et celles peu enclin(e)s à aller jusqu’à la racine du problème, les religions
exotériques ont proposé des incitants pour contrôler de telles pensées, de telles
paroles et de telles actions égocentriques, égoïstes et ignorantes. Ainsi a-t-on les
dix commandements du judaïsme et du christianisme, les cinq principes laïques du
bouddhisme, etc.3 Une ‘’bonne’’ vie est essentiellement une vie qui ne se focalise
pas sur ‘’soi-même’’ (c’est-à-dire dont l’orientation est désintéressée et
généreuse). La plupart des gens perçoivent intuitivement la valeur de ceci, même
s’ils ne sont pas ‘’religieux’’. La raison en est qu’une telle vie démontre la
diminution du faux ego ou faux sentiment du ‘’moi’’. Une autre norme de moralité
pourrait être que ce qui gonfle le sentiment du faux ‘’moi’’ est ‘’mauvais’’ et que
ce qui diminue le faux sentiment du ‘’moi’’ est ‘’bon’’, relativement parlant. Ceci
suggère que la cible ou que l’objectif ultime de la moralité ou de l’éthique, c’est la
transcendance de la notion d’ego ou du ‘’je’’. Puisque ce ‘’je’’ est une fausse
croyance, on peut la dépasser à l’aide d’une compréhension claire. Toute croyance,
tout attachement et toute fixation sur cette fausse identité sont alors infirmés.
Comment peut-il y avoir une activité égocentrique sans croyance en un moi
distinct(if) ?
Au bout du compte, on peut voir que le "bien" et le "mal" sont des conceptions
relatives qui découlent finalement de la vision que l'on a de la nature de soi-même.
Se considérer comme une personne séparée, limitée et déficiente en dehors de la
réalité est le ‘’péché’’ ou le ‘’mal’’ suprême, simplement parce qu’il s’agit là d’une
falsification ou d’une ignorance ou d’une méconnaissance absolue des faits.
Renoncer à une telle notion est le ‘’bien’’ ultime, car cela déracine l’ignorance
basique et car cela rétablit l’harmonie essentielle des choses.
Il est important de voir que rien de tout cela ne prescrit une action spécifique. Ce
serait impossible. Un homme peut tuer pour satisfaire sa cupidité égoïste, tandis
qu’un autre peut combattre pour le service désintéressé et la défense de son pays.
Quelqu’un peut donner à des associations caritatives en vue d’améliorer son image
personnelle aux yeux d’autrui et un autre peut le faire sans songer du tout à luimême, par un souci sincère et authentique de l’autre. Sur le plan psychologique,
vous pouvez constater que la plupart des actes brutaux, égoïstes et irréfléchis
3
A cet égard, le lecteur ou la lectrice intéressé(e) pourra éventuellement aussi consulter le chapitre 6 (‘’Tapas,
l’ascèse physique, mentale et vocale’’) du livre de Sathya Sai Baba intitulé, ‘’La sadhana, le chemin de
l’intériorité’’, NDT.
perpétrés par des êtres humains sont le fait de personnes sous l'influence de
l'ignorance, de la peur, de l'égoïsme, de la colère, de la cupidité et de l'insécurité…
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