L’ESPRIT UNIVERSEL COMMENT L’ESPRIT INDIVIDUEL FAIT PARTIE INTÉGRANTE D’UNE CONSCIENCE PLUS VASTE ET L’IMPORTANCE QUE CELA REVÊT LARRY DOSSEY Titre original : One Mind : How our individual mind is part of a greater Consciousness and why it matters "Larry Dossey est un pionnier qui ne cesse de découvrir de nouvelles frontières. Avec One Mind, sa fusion de la science et de la sagesse a bouclé la boucle, Dossey faisant valoir les anciens enseignements spirituels sur l'Un et le multiple. Je suis heureux de considérer Larry comme une âme sœur." - Deepak Chopra, auteur de Spiritual Solutions "One Mind est un chef-d'œuvre merveilleusement inspirant et passionnant, qui répond aussi aux exigences d'une enquête scientifique rigoureuse. Larry Dossey est un maître conteur, un médecin et un penseur critique. Et j'adore ce livre." Dr Christiane Northrup, autrice de Corps de sagesse, corps de femmes - ‘’L’excellent livre du Dr Larry Dossey, One Mind, jette les bases et prépare le terrain pour le prochain éveil global de la conscience, et contribue à tracer la voie à suivre pour y parvenir. Le Dr. Dossey démontre éloquemment que cette conscience est, effectivement, une seule et même Conscience. Sa science est celle des années à venir.’’ - Dr Eben Alexander, auteur du bestseller n°1 du New York Times, La preuve du Paradis. "J'ai vécu ce dont parle le Dr Larry Dossey. Je sais et je peux prouver que la conscience est non locale. J'ai utilisé la connaissance non-locale pour établir des diagnostics et aider à prendre des décisions thérapeutiques pour mes patients. J'ai appris à vivre selon mon expérience et non selon des croyances limitées." - Dr Bernie Siegel, auteur d’Une brassée de miracles "One Mind est un livre fascinant, captivant et tout à fait convaincant sur la nature de l'esprit et de la conscience, et le rôle profondément important qu’ils jouent 2 dans nos vies et dans notre monde. Faites-vous une faveur en commençant à le lire tout de suite !" - Ken Wilber, auteur du Livre de la vision intégrale "Ce chef-d'œuvre de toute beauté réalisé par l'un de nos plus estimés sages de la conscience présente un argumentaire éloquent et indiscutable en faveur de la conscience humaine en tant qu'entité singulière. La somme des preuves étonnantes et des histoires fascinantes - couvrant les expériences de mort imminente, la réincarnation, la créativité, la perception extrasensorielle et l'intelligence collective - démolit la théorie actuelle de la science moderne selon laquelle "l'esprit est égal au cerveau" et élargit notre perception de la façon dont le monde fonctionne. One Mind est l'œuvre la plus audacieuse et la plus grandiose du Dr Larry Dossey à ce jour, et elle est assortie d'un message puissant et indélébile : la nature nous a conçus pour rester connectés pour toujours.’’ Lynne McTaggart, autrice du Champ de la cohérence universelle, La - science de l’intention et Le lien quantique "Larry Dossey ne défend pas simplement l'existence de phénomènes psychiques, pour lesquels il existe maintenant de nombreuses preuves, mais il fait valoir un lien plus profond que nous partageons tous avec l’Esprit unique qui sous-tend notre mental individuel apparemment séparé. Ce livre associe une thèse provocante avec des récits remarquables et vivants d'expériences personnelles. Seul Larry Dossey pouvait mener à bien une telle entreprise." - Dr Rupert Sheldrake, auteur de Réenchanter la science : une autre façon de voir le monde "Il n'y a pas d'idée plus puissante que de connaître et de ressentir notre unité pour inspirer la coopération dont nous avons si urgemment besoin pour créer un monde durable et humain." - Ervin Laszlo, auteur de L’expérience akashique et Science et champ akashique 3 "Ne commencez pas à lire ce livre, si vous n'êtes pas intéressé par une aventure de l'esprit qui risque d'entraîner des changements à long terme. Ne commencez pas à le lire, à moins de vous sentir prêt à faire une telle incursion dans une nouvelle vision de ce que vous êtes en tant qu'être humain. Mais si vous le pouvez, déployez de nouvelles ailes et accompagnez Dossey sur cette voie passionnante." - Dr Lawrence LeShan, auteur de Landscapes of the mind "Le nouveau livre solide et lucide du Dr Larry Dossey, One Mind, présente des preuves convaincantes de la conscience commune partagée par les humains et par les animaux - des expériences mentales et physiques partagées par des amis, des amants et des jumeaux identiques séparés par des centaines ou par des milliers de kilomètres. Une lecture très convaincante". - Dr Russell Targ, auteur de L’esprit sans limites et Perceptions extrasensorielles : Quand un scientifique prouve la réalité des facultés parapsychiques "Depuis 30 ans, Larry Dossey nous guide vers une vision plus large et plus généreuse de la médecine et de la guérison. Dans One Mind, il nous invite doucement et finement, mais aussi magistralement, à expérimenter et à intégrer un Esprit qui transcende notre conscience séparée, un Esprit qui nous relie à tous ceux qui vivent et qui meurent. Inspirant, rassurant et très utile." - Dr James S. Gordon, fondateur et directeur de The Center for Mind-Body Medicine et auteur de Unstuck : Your Guide to the Seven-Stage Journey Out of Depression "Les adeptes de Larry Dossey, comme les nouveaux lecteurs, seront fascinés et inspirés par ce chef-d'œuvre qui pourrait bien être le point d'orgue de la longue histoire de publications provocantes et édifiantes du Dr Dossey. C'est sa capacité à trouver les motifs d'interaction des particules subatomiques tout au long de la chaîne de la vie qui fournit l'argument le plus convaincant en faveur de l'Esprit 4 unique et son plaidoyer pour expliquer pourquoi tout cela est important pour le monde troublé d'aujourd'hui." - Dr Sally Rhine Feather, directrice générale émérite du Rhine Research Center "Ce livre est précieux pour les profanes, puisqu’il peut libérer leur pensée des limites d'une vision matérialiste du monde. One Mind est précieux pour les scientifiques, puisqu’il recèle quelque part dans ses pages quelque chose qui, entre de bonnes mains, changera à jamais notre vision de la réalité." - Dr Nick Herbert, auteur de Quantum Reality et Elemental Mind "Une fois de plus, le brillant Larry Dossey exprime ce que notre culture a désespérément besoin de comprendre, à savoir que nous sommes réellement "d'une seule Conscience". Cette combinaison convaincante et engageante de données scientifiques et d'histoires personnelles est son œuvre la plus interpellante à ce jour. A lire absolument !" - Dr Frank Lipman, auteur de Revive "Dans One Mind, l'auteur à succès Larry Dossey nous rappelle une vérité universelle : il n'y a qu'un seul Esprit, ce que nous sommes. Mais l'illusion de la séparation est tenace, si bien que nous continuons à l’oublier. Continue donc de nous le rappeler, Larry, encore et toujours, parce que nous négligeons cette vérité à nos risques et périls." - Dr Dean Radin, maître de recherche à l’Institut des Sciences Noétiques et auteur de La Conscience invisible et Entangled minds "À une époque où beaucoup d'entre nous réclament des aliments solides et nourrissants pour notre tête, notre cœur et notre âme, Larry Dossey nous sert un festin composé d'une multitude de services. Les ingrédients essentiels de ce somptueux festin associent la sagesse des traditions spirituelles du monde entier et l'éclairage des nouvelles découvertes passionnantes de la science avant5 gardiste. Ces idées et leurs implications sont délicatement préparées pour répondre à nos vies frénétiques dans de délicieuses bouchées d'une narration bien ficelée. J'ai savouré chaque bouchée et vous le ferez aussi. Bon appétit !" - Dr Marilyn Schlitz, ambassadrice de l’Institut des Sciences Noétiques "Dans ce livre remarquable, l'auteur visionnaire, Larry Dossey présente de manière claire et convaincante toute une série de phénomènes empiriques qui montrent que fondamentalement, la séparation des esprits individuels est une illusion. En effet, il n'y a qu'un seul Esprit. En grand pédagogue, Dossey explique aussi comment cette prise de conscience primordiale a le pouvoir de changer positivement nos vies et de nous aider à résoudre les crises globales auxquelles notre monde est désormais confronté." - Dr Mario Beauregard, neuroscientifique à l’Université de Montréal et auteur de Du cerveau à Dieu : plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme et Les pouvoirs de la conscience : comment nos pensées influencent la réalité "La prise de conscience que nous sommes tous profondément liés à un certain niveau, d'une manière que nous ne comprenons pas encore totalement, devrait engendrer un sentiment de compassion et de responsabilité qui fait cruellement défaut dans un monde que nous avons maintenant la capacité de détruire avec insouciance." - Chris Carter, auteur de Science and the Near-Death Experience "Dans ce livre merveilleux et très important, Larry Dossey explique en détail pourquoi, dans de nombreux domaines de la science actuelle (matérialiste), l'ignorance intentionnelle et les préjugés constituent un obstacle sérieux à la compréhension des aspects non locaux de la conscience. Toutefois, après la lecture de ce livre, l'adhésion sans réserve au concept d'un Esprit Universel et à ses conséquences est inéluctable. C'est important, non seulement pour la science, mais également pour l'avenir de notre société, car nous avons 6 certainement besoin d'une révolution globale dans la sphère de la conscience humaine pour trouver une solution de survie sur cette planète." - Dr Pim van Lommel, auteur de Mort ou pas ? Les dernières découvertes médicales sur les EMI "Ce livre est dangereux. C'est une lecture tellement passionnante qu'elle a chamboulé ma semaine bien planifiée. Dossey défend de manière convaincante l'intrication intime entre toutes choses. La pierre angulaire du judaïsme est le Chema - l'insistance sur le fait que Dieu est Un. Dans cette perspective, Jésus a déclaré : "Moi et le Père nous sommes Un". En Inde, l'Illumination est la prise de conscience que Brahman est l'Atman. Dossey recense un grand nombre de corollaires de ces principes anciens. Le résultat constitue une lecture vitale et urgente pour quiconque s'intéresse à ce que signifie être un humain, une souris ou une molécule." - Charles Foster, membre du Green Temple College, de l’Université d’Oxford, et auteur de In the Hot Unconscious et The Selfless Gene "Dans ce livre impeccablement bien documenté, nous avons droit à une analyse solide et convaincante de la question difficile de la conscience collective. Avec ses aptitudes admirables et bien rodées pour la précision du compte rendu et l'intérêt dynamique de la narration, Larry Dossey explore ce sujet ardu. Tout en partageant ses expériences personnelles et ses convictions, il souligne le besoin urgent de compréhension et de respect de la vision profonde de I'Esprit universel qui crée et qui rend possible tout ce qui existe." - Robert G. Jahn et Brenda J. Dunne, du Princeton Engineering Anomalies Research Laboratory, et auteurs de Consciousness and the Source of Reality "La science contemporaine reconnaît depuis longtemps que les atomes qui composent le corps humain sont les mêmes que ceux qui forment les galaxies. Néanmoins, les implications de cette idée n'ont jamais été expliquées avec autant d'élégance et de clarté que Larry Dossey l'a fait dans One Mind. Dossey 7 laisse ses lecteurs remplis non seulement d'espoir, mais aussi de la détermination de jouer leur rôle pour réparer le tissu en lambeaux de leur vie sur la planète Terre." - Dr Stanley Krippner, professeur de psychologie à l’Université Saybrook et co-auteur de Personal Mythology "Avec l'envergure, la profondeur et la clarté qui le caractérisent, Larry Dossey explore, explique et illustre à l’aide d’exemples concrets les abondantes preuves scientifiques de l'hypothèse panthéiste suivant laquelle nos esprits individuels sont inclus dans un seul et même Esprit et en sont l'expression. Très agréable à lire, One Mind est fortement recommandé tant aux experts qu'aux novices." - Dr Neal Grossman, professeur émérite de philosophie, Université de l’Illinois, Chicago, et auteur de Healing the Mind : the Philosophy of Spinoza Adapted for a New Age "Ce livre marquant est une synthèse brillante du travail extrêmement conséquent que Larry Dossey a entrepris ces 30 dernières années. Il fournit un cadre théorique global dans lequel une multitude d'expériences trouve un sens. C'est important, non seulement pour la science, mais également pour l'avenir de la planète, puisque nous évoluons vers une culture plus empathique, en réalisant que nous sommes tous profondément interconnectés dans un ensemble plus vaste." - David Lorimer, directeur du Scientific and Medical Network, éditeur de la Network Review et auteur de Whole in One "One Mind est l’œuvre maîtresse de Larry Dossey - sa contribution la plus belle et la plus mémorable depuis Recovering the Soul. Encyclopédique, visionnaire et tout simplement fascinant, ce livre spectaculaire est un incontournable pour quiconque s'intéresse à la science de la conscience humaine." - Jeff Levin, professeur d'épidémiologie et de santé publique à l'université Baylor. 8 "Dans son dernier livre, Larry Dossey nous fait pénétrer dans un nouveau territoire où nous nous unissons dans les dimensions les plus profondes de l'humanité partagée. Il fait valoir une Conscience globale qui unit tous les cœurs et les esprits, réunis par l'Amour cosmique. C'est son meilleur ouvrage à ce jour." Jean Watson, professeure émérite en sciences infirmières de l’Université - du Colorado (Denver College of Nursing) et fondatrice du Watson Caring Science Institute "Y a-t-il de l'espoir pour l'avenir ? Le Dr Larry Dossey propose un itinéraire direct qui nous y conduit MAINTENANT et qui est riche en amour et en possibilités. Au milieu de la cacophonie des prophètes de malheur, One Mind est une invitation personnelle à découvrir une nouvelle façon de concevoir des expériences spirituelles courantes. Ce livre est un outil inestimable, qui réaffirme notre sagesse et qui démontre à maintes reprises qu'aucun d'entre nous n'est véritablement seul !" - Révérend Canon Ted Karpf, maître de conférences adjoint en religion, santé publique et développement international à l'école de théologie de l'Université de Boston "Depuis plus de trois décennies, Larry Dossey nous gratifie de commentaires perspicaces sur la nature de notre Être, qui nous sommes et notre place dans l'univers, le tout rédigé dans une prose d'une élégance remarquable. One Mind ne déroge pas à la règle. Si vous voulez en savoir plus sur la nature de la Conscience, Dossey devrait figurer sur votre liste des lectures incontournables." - Stephan A. Schwartz, chercheur principal au Samueli Institute, et auteur d’ Ouverture sur l'infini 9 Pour Barbara, comme toujours. 10 SOMMAIRE Remerciements 13 Note de l’auteur 16 Introduction 20 Première partie : Entrevoir l’Esprit universel 42 Chapitre 1 : Sauver les ‘’autres’’…Pourquoi tout risquer ? 43 Chapitre 2 : Le saint patron de l’Esprit universel 50 Chapitre 3 : Expériences vécues relatives à l’Esprit universel 58 Chapitre 4 : L’Esprit universel n’est pas un flou infini 66 Chapitre 5 : Le sentiment d’être observé 79 Chapitre 6 : Evolution à l’unisson 83 Chapitre 7 : L'Esprit commun des animaux et des hommes 95 Chapitre 8 : Des atomes et des rats 115 Deuxième partie : Fonctionner avec l’Esprit universel 121 Chapitre 9 : L’Esprit dépasse le cerveau 122 Chapitre 10 : L’immortalité et les expériences de mort imminente 130 Chapitre 11 : La réincarnation 155 Chapitre 12 : La communication avec les défunts 166 Chapitre 13 : Unité précoce 172 Chapitre 14 : Les (idiots) savants 177 Chapitre 15 : Les jumeaux 184 Chapitre 16 : Les phénomènes télésomatiques 196 Chapitre 17 : Absolument convaincu 207 Chapitre 18 : Des avions abattus et des navires coulés 212 Chapitre 19 : La harpe disparue et l'ange de la bibliothèque 220 Chapitre 20 : La guérison et l’Esprit universel 226 Chapitre 21 : Le côté obscur 233 Troisième partie : L’accès à l’Esprit universel 237 Chapitre 22 : La soupe cosmique 238 Chapitre 23 : Le moi 246 Chapitre 24 : L’Esprit universel est-il Dieu ? 259 Chapitre 25 : Dégager la serrure de ce qui l’encombre 268 Chapitre 26 : Les voies du rêve 275 Chapitre 27 : L’amour est le dernier mot 284 11 Quatrième partie : Les perspectives 296 Chapitre 28 : Faire évoluer la science 297 Chapitre 29 : La transcendance 301 Notes de fin 311 Références 334 Au sujet de l’auteur 379 12 REMERCIEMENTS Au cours des phases finales de l'écriture de ce livre, plusieurs événements se sont produits qui ont mis en lumière qui il fallait remercier. Ma femme, Barbara et moi, nous vivons au pied des monts Sangre de Cristo, dans le nord du Nouveau-Mexique. Pendant que j'écrivais, des coyotes ont commencé à nous rendre visite. C'était particulièrement intéressant, parce que cela arrivait souvent pendant que je rédigeais la partie sur les liens entre l'esprit des humains et celui des animaux. Je levais les yeux de mon ordinateur pour voir un, deux ou trois coyotes qui me regardaient à travers les fenêtres de mon bureau. Pendant qu'ils me scrutaient, j'avais l'impression qu'ils étaient intéressés par le manuscrit et qu’ils s'assuraient que je comprenais bien. Après quelques moments de contact visuel, ils s'en allaient. Ils continuent à revenir de temps en temps, comme pour vérifier certaines choses. C'est nouveau. Dans cette région, les coyotes sont normalement des créatures timides. Pendant les deux décennies où nous avons vécu ici, ils ne se sont jamais comportés de cette façon. Et puis il y a eu ce lynx splendide qui est apparu un jour froid et neigeux juste devant ma fenêtre pendant que j'écrivais. Il s'est installé, s'est toiletté, puis il a inspecté les lieux pendant près d'une heure - un autre événement sans précédent. Il y a aussi les oiseaux et les cerfs résidents, qui semblent toujours convaincus que l'endroit leur appartient. Je pense que ces créatures sont apparues en tant qu’ambassadrices du réseau plus vaste de la vie. Elles sont venues me rappeler qu'elles aussi font partie intégrante de I'Esprit universel et qu'elles ne veulent pas être oubliées dans ce récit. Je sens qu'elles me signifient de reconnaître et de manifester ma gratitude à l'égard de toutes les créatures sensibles. Et donc, je le fais. Je suis particulièrement redevable à James Levine, mon agent littéraire, pour son soutien généreux, son amitié et ses conseils durant de nombreuses années. Je reste à genoux pour exprimer ma gratitude à Patricia Gift, de Hay House, qui a 13 donné un foyer à ce livre, et à l'éditeur Peter Guzzardi, dont les capacités pour mettre de l'ordre dans le chaos sont inégalées. Travailler avec Patricia et avec Peter a concrétisé le titre de ce livre, car il nous a semblé que nous étions un seul et même Esprit. Merci aussi à tous mes collègues d'Explore : The Journal of Science and Healing pour leur soutien, ainsi qu'à l'éditeur de la revue, Chris Baumlee, et à Elsevier, qui m'offrent une plateforme pour mes coups de gueule éditoriaux sur tous les sujets que j’estime importants. J'exprime également toute ma reconnaissance aux ''J'' pour leurs remarques et leurs discussions au champagne autour des premières versions du manuscrit, et à Rupert Sheldrake pour ses précieux conseils. Toutes les erreurs éventuelles commises par la suite sont les miennes, et pas les leurs. Je remercie aussi vivement les lecteurs qui continuent de m'envoyer des récits d'événements non locaux transcorporels dans leur vie, et dont beaucoup disent n'avoir jamais partagé ces expériences avec quelqu’un. Mais chaque fois que je songe aux personnes que je devrais remercier, chez qui j'ai puisé des informations et de l'inspiration, je suis tout simplement perplexe. Il y en a beaucoup trop pour les nommer. Et si le principe de l'Esprit universel est valable, les remerciements posent un problème encore plus profond. Car si tous les esprits individuels se rejoignent au sein d'un domaine commun d'intelligence, comment savoir qui remercier ? Comment peut-on retracer l'origine d'une idée, d'une contribution ou d'une réalisation ? Dans l'Esprit universel, le mot "origine" a-t-il même un sens ? L'éminent physicien et philosophe allemand, le baron Carl Friedrich von Weizsäcker, avait compris ce problème. Il a dit : "[Dans toute grande découverte], nous faisons l’expérience, souvent déroutante et heureuse, que ce n’est pas moi, ce n’est pas moi qui ai fait cela. Pourtant, d'une certaine manière, c'est bien moi — mais pas l'ego…mais…un Soi plus vaste. "1 Et selon le grand inventeur, Thomas Edison, "Les gens disent que j'ai créé des choses. Je n'ai jamais rien créé. Je reçois des impressions de l'Univers dans son ensemble et je les exploite, mais je ne suis que la surface d'un disque ou un appareil récepteur ce que vous voulez. Les pensées sont en fait des impressions que nous recevons de l'extérieur."2 14 C'est cela que j'ai expérimenté. En écrivant sur l'Esprit universel, j'ai senti que j'en faisais partie. Il m'a souvent semblé que mes pensées ne sont pas les miennes, mais qu'elles émanent d'une compagnie invisible d'informateurs, de sympathisants, d'amis et d'ancêtres. Le stéréotype de l'écrivain solitaire et isolé qui se débat avec ses idées ne s'applique pas. Je suis aidé. Alors, à tous ceux qui font partie de ce grand réseau : merci. Ce livre n'aurait jamais vu le jour sans l'inspiration de Garry et Bet, mon frère et ma sœur, mais surtout de Barbara, ma femme et mon étoile fixe. Mon amour et ma gratitude envers elle sont écrits à l'encre invisible sur chacune des pages. 15 NOTE DE L’AUTEUR À PROPOS DE L’ESPRIT ET DE LA CONSCIENCE A la fin des années 80, j'ai eu l'occasion de donner une conférence à des médecins à New Delhi sur les preuves émergentes que l'esprit et la conscience peuvent être des facteurs puissants de santé et de maladie. Au cours de la discussion qui suivit, un médecin indien âgé se leva et dit très poliment : "Dr Dossey, pouvez-vous être plus précis sur ce que vous entendez par ''esprit'' et par ''conscience''? Dans ma tradition, ce n'est pas pareil. Nous avons de nombreux niveaux de conscience et d'états d'esprit. Maintenant, veuillez préciser ce que vous entendez par là." J'étais quelque peu dépassé et je bredouillai une pathétique fin de non-recevoir. T. S. Eliot dit un jour à propos des philosophes indiens : "Leurs subtilités font passer la plupart des grands philosophes européens pour des écoliers."1 Dans ce livre, j'ai délibérément choisi de prendre le risque de ressembler à l'un de ces écoliers, dans l'espoir que cet aveu direct pourrait me tirer d'affaire pour avoir laissé passer certaines distinctions, ce qui ne manquerait pas de faire grimacer quiconque connaît les vues sophistiquées de la conscience qui se sont développées en Orient. Pour la plupart des lecteurs occidentaux, cependant, je trouve que des analyses aussi raffinées de la conscience peuvent être rebutantes. Quand on leur dit que, dans le bouddhisme, le Kamaloka, ou le plan empirique/mondain de la conscience, compte 54 états et que le Lokuttara, ou le plan transcendantal, en compte 40, le regard des Occidentaux se perd dans le brouillard.2 Si j'ai bien fait mon travail, vous saurez ce que j'entends par le contexte dans lequel j'utilise les termes ‘’esprit’’ et ‘’conscience’’. Si ce n'est pas le cas, je mérite votre censure. Peut-être est-ce une erreur de forcer certains concepts à suivre une trajectoire rigide par le biais d'une définition étroite. Peut-être faut-il laisser certains termes évoluer librement et flotter dans une ambiguïté délibérée, si on veut les exprimer de manière adéquate. S’agit-il d’une excuse pour un manque de rigueur ou de la sagesse ? C'est à vous, cher lecteur, d'en décider. Pour les lecteurs qui voudraient néanmoins avoir en tête une image de la conscience en parcourant les pages qui suivent, je propose les quelques réflexions suivantes de la part de l'un des éminents philosophes contemporains et chercheurs spécialistes de la conscience de l'Inde, K. Ramakrishna Rao. De nombreux scientifiques et philosophes occidentaux partagent les vues du professeur Rao3, comme nous le verrons : Dans la tradition indienne, la Conscience est plus qu'une expérience de connaissance. C'est un principe fondamental qui sous-tend toute connaissance et toute existence. Les diverses formes de connaissance manifeste sont des images de la Conscience révélées à la personne sous forme de reflets dans son esprit. La structure cognitive ne produit pas la Conscience ; elle la reflète simplement et, ce faisant, la limite et l'embellit. Fondamentalement, la Conscience est la source de notre connaissance. En d'autres termes, la Conscience n'est pas simplement la connaissance, telle qu'elle se manifeste sous différentes formes, mais elle est aussi ce qui rend la connaissance possible. Il est dit dans la Kena Upanishad que la Conscience est l'oreille de l'oreille, la pensée de la pensée, la parole de la parole, le souffle du souffle et l'œil de l’œil…. La Conscience est la lumière qui éclaire les choses sur lesquelles elle brille. Vouloir comprendre la Conscience avec le mental est un effort futile. Comme l'a dit l'érudit bouddhiste, Alan Watts, un tel effort est comme vouloir voir ses yeux avec ses yeux, ou vouloir mordre ses dents avec ses dents - le mauvais outil pour cette tâche. *** Ce problème de l’outil est reconnu depuis longtemps. Comme Lao Tseu, le sage chinois du 6ème siècle avant J.-C., l’a dit au sujet du Tao, ou Voie de la nature, "Le Tao qui peut être exprimé n'est pas le Tao éternel ; le nom qui peut être défini n'est pas le nom immuable."4 Comme pour le Tao, il en va de même pour l'Esprit universel.5 Au printemps 1933, les physiciens Werner Heisenberg, Carl Friedrich von Weizsäcker et Niels Bohr se retrouvèrent avec quelques amis dans un chalet de 17 montagne rustique en Bavière pour des vacances de ski. A cette époque, Heisenberg et Bohr étaient déjà célèbres sur la scène mondiale de la physique. Comme Heisenberg le décrivit dans son livre, La partie et le tout, il planifia ces retrouvailles, en souhaitant "encore une fois passer de bonnes vacances avec de vieux amis". Certaines tâches furent attribuées. Heisenberg devint le cuisinier du groupe, et Bohr faisait la vaisselle. Heisenberg raconte qu'un soir, alors qu'il faisait la vaisselle après le dîner, Bohr entreprit de discuter des lacunes du langage pour décrire les résultats des expériences atomiques. "La vaisselle est à l'image de notre langue", dit Bohr. "Nous avons de l'eau et des lavettes sales, et pourtant nous parvenons à nettoyer les assiettes et les verres. En matière de langage également, nous devons travailler avec des concepts imprécis et une sorte de logique dont la portée est limitée de manière inconnue, et pourtant, nous l'utilisons pour apporter un peu de clarté dans notre compréhension de la nature."6 Le problème auquel Bohr, Heisenberg et les architectes de la théorie quantique se trouvèrent confrontés est qu'il n'y a rien dans l'expérience humaine de comparable à leurs découvertes expérimentales et qu'il n'existe donc aucun langage pour les décrire de manière adéquate. De même, l'objectif de ce livre - décrire la réunification des esprits individuels en un Esprit universel et global - ne peut guère s’accomplir de manière satisfaisante avec l'outil langagier de l'auteur. Nous cherchons à nettoyer les assiettes et les verres avec de l'eau et des lavettes sales. Bohr considérait que les physiciens parvenaient tout de même à rendre leur "vaisselle" raisonnablement propre. Mais il y a une différence entre propre et étincelante. C'est pourquoi il faut plus que des mots pour aller de l'avant et que je me suis fréquemment appuyé sur des expériences individuelles, tout au long du livre. Les sceptiques atteints de "randomanie" ou de "stati-cystite" tournent souvent en dérision les expériences des gens en les qualifiant de "simples anecdotes", mais celles-ci sont essentielles pour saisir la complémentarité entre l’esprit individuel et l'Esprit universel. Si une image vaut mille mots, l'expérience d'un individu peut valoir mille images. L'élément personnel, subjectif, ne peut jamais être éliminé de 18 nos tentatives de connaissance du monde, même de nos tentatives scientifiques. Ainsi que le disait Max Planck, le grand concepteur de la physique quantique : "La science ne peut pas résoudre le mystère ultime de la nature. Et cela parce qu’en dernière analyse, nous faisons nous-mêmes partie de la nature et donc du mystère que nous essayons de résoudre."7 Alors, procédons en bon ordre, avec nos lavettes sales et tout le reste. 19 INTRODUCTION Ne croyez pas à la force des traditions, quand bien même on les honore depuis de nombreuses générations et en de nombreux endroits ; Ne croyez pas quelque chose, parce que beaucoup de monde en parle ; Ne croyez pas en fonction de la force des sages des temps anciens ; Ne croyez pas ce que vous-même avez imaginé en croyant qu’un dieu vous a inspirés ; Ne croyez rien qui ne dépende que de l’autorité de vos maîtres ou de vos prêtres. Mais après enquête, croyez ce que vous avez vous-même testé et trouvé raisonnable, pour votre bien et celui des autres. - Bouddha, le Kalama Sutra Ce livre traite du concept de l'Esprit universel, qui est, semble-t-il, un domaine d'intelligence global et unitaire, dont tous les esprits individuels font partie. L'Esprit universel est une dimension dans laquelle vous et moi, nous nous rencontrons, comme nous le faisons en ce moment même. Au 20e siècle, on nous a proposé plusieurs subdivisions de l'esprit, telles que le conscient, le préconscient, le subconscient, l'inconscient, le conscient collectif et l'inconscient collectif. L'Esprit universel offre une perspective supplémentaire sur notre paysage mental. La différence est que l'Esprit universel n'est pas une subdivision. Il s'agit de la dimension globale et inclusive, de laquelle relèvent toutes les composantes mentales de tous les esprits individuels. Je mets la majuscule à l’Esprit universel pour le distinguer du mental unique que possède chaque individu. POURQUOI L’ESPRIT UNIVERSEL EST-IL IMPORTANT ? J'ai écrit ce livre avec l'intime conviction que l'Esprit universel est un moyen potentiel de sortir de la division, de l'amertume, de l'égoïsme, de la cupidité et de la destruction qui menacent d'engloutir notre monde, et dont au-delà d'un certain point, il n'y a peut-être plus aucune issue. S'identifier à la plus haute expression de la conscience humaine peut éclaircir notre vision, prévenir le durcissement de nos artères morales et éthiques, et nous inciter à agir. Ce n’est pas une époque ordinaire. Il faut de l'audace, y compris dans notre façon de penser à qui nous sommes, à nos origines, à notre destinée, et à ce dont nous sommes capables. Je ne considère pas l'Esprit universel comme un jouet philosophique. Ce n'est pas un concept de luxe que l'on peut contempler à loisir. Il y a urgence. Nous, les humains, nous avons des moyens ingénieux d'ignorer l'évidence et de nous tromper nous-mêmes, même lorsque nous sommes confrontés à une tragédie imminente. Un de mes patients les plus attachants était un homme d'une trentaine d'années, qui était un brillant musicien classique et un membre de l'orchestre symphonique de la ville. Il était venu me voir, parce qu'il ne savait plus dormir. Cet homme très intelligent était un manuel de pathologie ambulant. Il était anxieux et nerveux, obèse, diabétique et il fumait à la chaîne. Il dédaignait toute forme d'exercice. Quand je lui demandai ce qu'il faisait pour se détendre, il me répondit : "Que voulez-vous dire ?" L'histoire de sa famille était marquée par les maladies cardiaques et par le diabète. La majorité des hommes, y compris son père, étaient morts d’une crise cardiaque au début de l'âge moyen. Après avoir terminé son bilan, je lui décrivis ce qui, selon toute vraisemblance, l'attendait - à savoir que, statistiquement, il courait à la catastrophe s'il n’effectuait pas de grands changements. Il ne voulut pas en entendre parler. "Ma mère a vécu jusqu'à plus de 90 ans !", protesta-t-il. "J'ai peut-être ses gènes." Il ne changea rien du tout. Un an plus tard, il fut victime d'une grave crise cardiaque, mais il survécut. Ce fut son déclic. Il modifia totalement son mode de vie. Il perdit du poids, son diabète disparut et il cessa de fumer. Il adopta la méditation et il devint un fanatique de fitness. "Du jour au lendemain, ma crise cardiaque m'a fait voir les choses d'une manière différente", dit-il. "Dommage que j'aie dû frôler la mort pour apprendre à vivre !" Nous, les humains, nous ressemblons beaucoup à mon patient. Nous nous retrouvons face à toute une série de problèmes imminents, et nous nions leur 21 réalité. Devons-nous subir la version planétaire d'une crise cardiaque avant de retrouver la raison ? Apparemment, les faits et les statistiques ne suffisent pas pour nous faire avancer dans des directions sensées. Mais il existe une autre voie. Une réorientation existentielle peut nous permettre de voir le monde d'une nouvelle manière, qui redéfinit notre relation les uns avec les autres et avec la Terre elle-même. Une telle réorientation peut transformer radicalement notre mode de vie. Là est tout l'intérêt de la perspective de l'Esprit universel. Je ne prétends pas que le fait de s'éveiller à l'Esprit universel est la seule façon de sortir des dilemmes auxquels nous sommes confrontés, mais c'est un moyen, un moyen très puissant qui est à la disposition de chacun. COMMENT FONCTIONNE CE LIVRE J'ai conçu ce livre comme une série de petits chapitres autonomes portant sur l'Esprit universel. On y retrouve un rythme et une trame, mais chaque section est également autonome et constitue un portail ou un point d'entrée pour aborder le concept de l'Esprit universel. Chacune concerne une manière particulière dont l'Esprit universel laisse ses traces dans les affaires humaines. Chacune pourrait faire l'objet d'un livre entier et l'a souvent été. Ma stratégie consiste à examiner une grande variété de phénomènes pour s'assurer que le concept de l'Esprit universel ne repose pas sur un seul d'entre eux, mais qu’il tire sa force de l'ensemble. Comme l’a dit le philosophe, F. C. S. Schiller, "Une synthèse englobant une telle multitude de faits ne repose pas que sur l’un d'eux, et dans un sens, devient indépendante à l’égard d’eux tous."1 Comme le dit le proverbe, "Une seule flèche se brise facilement, mais pas tout un faisceau." Ce livre s'adresse au grand public, et non aux scientifiques, aux philosophes ou à mes pairs et collègues impliqués dans la recherche sur la conscience. Il concerne tout profane qui conserve la capacité de s'interroger et de s'émerveiller, comme nous le faisions tous, enfants, avant d'apprendre qu'il existe une manière "convenable" de penser. Néanmoins, certaines sections sont plus complexes que 22 d'autres. Donc, si certaines sections ne sont pas vraiment votre tasse de thé, sautez-les. C'est l'ensemble qui compte. En abordant ces différentes perspectives, vous commencerez peut-être à remarquer des schémas dans votre propre vie qui paraissent plus compréhensibles et cohérents du point de vue de l'Esprit universel. Si cela se vérifie, j'aimerais recevoir de vos nouvelles.2 LA DÉCOUVERTE DE L’ESPRIT UNIVERSEL On peut faire l'expérience de l'Esprit universel de différentes façons. Pensez à l'Esprit universel comme à une source, où on va boire dans le désert. Nous pouvons arriver seuls à la source et vivre une expérience solitaire. Ou nous pouvons y rencontrer un autre individu, un groupe d'individus, ou peut-être une foule. Ainsi, en nous abreuvant à l'Esprit universel, l'expérience peut nous affecter individuellement, en se manifestant sous la forme d'un moment transcendant, d'une épiphanie ou d'une percée créative. On peut aussi acquérir des informations de manière inexplicable, comme par révélation, ou avoir une prémonition qui s'avère exacte. Les expériences de l'Esprit universel peuvent également impliquer deux personnes ou plus, comme lorsque des conjoints, des frères et sœurs, des jumeaux, des amoureux ou des groupes d'individus partagent des émotions, des pensées ou des sentiments à distance. Comme nous le verrons, elles peuvent également se produire entre espèces. Bien que les événements de l'Esprit universel soient infiniment variés, ils ont ceci en commun : ils impliquent une Conscience illimitée et globale. Mais comment pouvons-nous être sûrs que l'Esprit universel existe ? Il n'existe pas d'appareils de mesure, ni de gadgets qui permettent de l'étalonner. Ce problème s'applique à de nombreuses choses que nous croyons réelles, mais qui ne peuvent pas directement être mesurées - l'amour, la bienveillance, la compassion, le patriotisme ou la préférence pour les sandwichs au beurre de cacahuète et à la confiture, pour n'en citer que quelques-unes. Dans de telles situations, nous établissons de manière informelle des critères pour nous prouver que quelque chose existe. Par exemple, nous estimons que si une 23 personne est aimante, elle se comportera de telle ou telle manière. Puis, si la personne se comporte de cette façon, nous présumons qu'elle est effectivement capable d'aimer. En l'absence de mesures, nous pouvons adopter la même approche pour l'Esprit universel. Quels critères devrions-nous définir pour montrer que l'Esprit universel existe ? Comment des esprits interconnectés et se recoupant se manifesteraient-ils dans la vie quotidienne ? Si des esprits individuels sont reliés à tous les autres esprits via l'Esprit universel, quel type d'expériences les individus vivraient-ils ? Comment sauraient-ils qu'ils font partie d'un Esprit plus vaste ? Si l'Esprit universel existe, on pourrait s’attendre à voir les choses suivantes : ❖ Une personne pourrait partager des pensées et des émotions - et même des sensations physiques - avec un individu distant avec lequel elle n'a aucun contact sensoriel. ❖ Un individu pourrait révéler des connaissances détaillées possédées par une personne décédée, que cet individu n'aurait pas pu acquérir par des moyens normaux. ❖ Une communication à distance pourrait avoir lieu entre des humains et des non-humains sensibles, comme des animaux familiers. ❖ De grands groupes d'animaux - troupeaux, formations d'oiseaux et bancs de poissons - pourraient se comporter de manière si coordonnée que ceci suggère des esprits partagés et imbriqués. ❖ Un individu mourant, ou même en bonne santé, pourrait faire l'expérience d'un contact direct avec un domaine transcendant dans lequel il lui serait révélé qu'il fait en fait partie d'un Esprit plus vaste, infini en matière d'espace et de temps. ❖ Un individu pourrait retrouver des objets cachés ou perdus par des moyens uniquement mentaux, ou percevoir en détail, sans contact sensoriel, des scènes lointaines connues de quelqu'un d'autre. Il s'avère qu'aucune de ces possibilités n'est hypothétique ; elles sont toutes réelles, comme nous allons le voir. Et puisqu'elles existent, nous pouvons en déduire, en toute logique, que l'Esprit universel est également réel. Nous 24 pouvons en outre être rassurés par le nombre de génies créatifs dans des domaines aussi variés que la physique théorique, la philosophie et la musique, qui, au fil des siècles, ont exprimé leur croyance en l'Esprit universel. ESPRIT NON LOCAL L'argument ultime en faveur de l'Esprit universel, néanmoins, c'est la non-localité de la conscience. Nous examinerons le sens de ce terme dans les pages qui suivent, mais voici brièvement ce qu'il en est : Il s'avère que les esprits individuels ne sont pas qu'individuels. Ils ne sont pas confinés, ni localisés dans des points spécifiques de l'espace, comme dans des cerveaux ou dans des corps, ni dans des points spécifiques du temps, comme dans le présent. En réalité, les esprits sont non localisés au niveau de l'espace et du temps. Cela signifie que la séparation des esprits est une illusion, parce que des esprits individuels ne peuvent pas être mis dans une boîte (ou un cerveau), ni isolés les uns des autres. Dans un certain sens, tous les esprits se rejoignent pour former un seul Esprit. Au cours de l'histoire, de nombreuses personnes — y compris d'éminents scientifiques — ont entrevu ce fait. Parmi eux, le physicien Erwin Schrödinger, lauréat du prix Nobel, qui a proclamé : "Il n'y a qu'un seul Esprit", et l'éminent physicien David Bohm, qui a affirmé : "Au fond, la Conscience de l'humanité est une." J'ai formulé l'expression "Esprit non local" dans mon livre Recovering the Soul, en 1989, pour exprimer ce que je crois être un aspect spatialement et temporellement infini de notre conscience.3 L'Esprit non local ressemble au concept antique de l'âme, comme nous le verrons. SURVIE Il ne se passe pas une semaine, ces jours-ci, sans qu'un membre du Congrès surexcité ou qu'un journaliste fébrile ne nous avertisse que notre nation se dégrade. Diverses raisons sont invoquées, mais l'une des principales, nous diton, concerne notre système éducatif. Nous prenons du retard dans les sciences 25 exactes, ce qui nous met en danger dans un monde de plus en plus compétitif. On nous prévient fermement que nous devons mettre l'accent sur nos écoles et sur nos universités, avant qu'il ne soit trop tard, dans les domaines de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques (STIM). Personne n'estimait davantage les sciences exactes que le médecin-chercheur, Lewis Thomas, qui dirigea pendant de nombreuses années la recherche au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center. Mais Lewis Thomas se souciait également des sources de sagesse qui se trouvent en amont de la science. Il prit conscience que la science n'est pas un point d'arrêt pour la compréhension humaine. Il entreprit donc de démolir à lui seul les murs qui séparent la connaissance en deux sphères, "dure" et "douce". Dans ses essais brillants et d'une grande portée publiés dans le New England Journal of Medicine, il abordait tout ce qui le fascinait. Deux de ses sujets préférés étaient Montaigne et Mahler. Rien n'était tabou. Il conjectura même que la conscience pourrait être recyclée après la mort dans un "système nerveux biosphérique", puisque celle-ci, disait-il, semble être une entité trop précieuse pour que la nature la gaspille. Cette sortie provoqua des réactions d'incrédulité et suscita des soupçons d'embrouillage de la part de quelques scientifiques bornés, mais Thomas savait ce qu'il faisait. Il sentait que nous nous égarions et il n'avait pas peur de le dire. Il croyait que nos limites mentales provoquaient une sorte d'urgence planétaire. Pour reprendre ses termes, "Il est nécessaire d’en savoir davantage…On sait maintenant qu’on ne peut plus le faire en étudiant notre mental, qui est insuffisant pour cela…On a besoin de la science, de plus de science et d'une meilleure science, non pas pour sa technologie, non pas pour se divertir, ni même pour la santé ou la longévité, mais dans l’espérance d’une sagesse que notre genre de culture doit acquérir pour sa survie [italiques ajoutés]."4 Éviter l'extinction. C'est un concept menaçant auquel notre société ne souhaite pas être confrontée. Après avoir survécu à la guerre froide sans échange nucléaire, beaucoup pensaient que tout irait pour le mieux, mais nous savons maintenant qu'il en va tout autrement. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont systémiques et métastatiques. Ils ne sont peut-être pas aussi 26 dramatiques que l'horreur nucléaire, mais ils sont tout aussi mortels. Ils impliquent la dégradation et la détérioration progressives de notre monde en raison de la façon dont nous choisissons de nous comporter, confortés par une avidité incessante, une paralysie de la volonté, un obscurcissement de la vision et une ignorance délibérée du type de science rigoureuse que Thomas appréciait. En tant que peuple, nous paraissons gravement fragilisés. C'est comme si nous avions subi une attaque cérébrale au niveau de la culture, qui aurait endommagé les centres supérieurs, qui contrôlent notre capacité à raisonner et à agir de façon rationnelle. Qu'est-ce qui nous permettra de nous en sortir ? Nous entendons de plus en plus souvent dire que nous devons trouver les moyens techniques pour résoudre les problèmes posés par le changement climatique mondial, la destruction de l'environnement, la pollution, la pauvreté, la faim, la surpopulation, la désertification, le manque d'eau, l'effondrement des espèces, etc. Peut-être. Mais comme Thomas le laissa entendre, il faut quelque chose qui dépasse la science actuelle : l'espoir de la sagesse. Quel genre de sagesse ? Elle implique certainement la conscience que nous constituons une partie inséparable de la vie sur Terre, car sans cette perception, il est douteux que nous puissions rassembler la volonté de faire les choix nécessaires à notre survie. Intellectuellement, nous savons que nous ne pouvons pas nous couper de la nature. Ceci n'est pas nouveau, c'est le message clé de la science environnementale depuis un siècle. Et pourtant, l'importance colossale de cette prise de conscience est largement niée. Il est clair qu'en plus des connaissances factuelles, nous avons besoin de quelque chose qui puisse nous émouvoir, nous relier à quelque chose qui dépasse notre égocentrisme. Nous avons besoin de nous impliquer davantage dans la partie. C'est pourquoi l'Esprit universel est essentiel. Si tous les esprits individuels sont unis via l'Esprit universel, comme en attestent des preuves significatives, il s'ensuit qu'à un certain niveau, nous sommes intimement liés les uns aux autres et à toute vie sensible. Cette prise de conscience permet de réétalonner la règle d'or axée sur l'individu, qui passe ‘’d'agir envers les autres comme on voudrait qu'ils agissent envers nous’’ à ‘’être bienveillant envers les autres, puisque dans 27 un certain sens, ils sont nous’’. Tout au long de l’histoire, la tâche des grandes traditions de sagesse a été de transformer une telle prise de conscience, d'un concept intellectuel en une certitude ressentie qui est si réelle qu'elle fait la différence dans la façon dont nous dirigeons nos vies. La réalisation de l’Esprit universel nous propulse au-delà de l'isolement et de la frustration de l'individu séparé qui lutte contre des obstacles impossibles à surmonter. La vie devient plus qu'un parcours épuisant du berceau au crématorium. Le sentiment d'unité avec tous les autres esprits est porteur d'un sens, d'un objectif et d'un potentiel renouvelés et du sens du caractère sacré de toutes choses. Nous y sommes presque. L'espoir de sagesse, prisée par Thomas est à notre portée, et une grande part de la science améliorée qu'il appelait de tous ses vœux existe déjà. Elle se manifeste sous la forme de preuves d'une forme de Conscience unifiée, non locale et universelle, comme je vais essayer de le démontrer. De nombreux scientifiques – de grands scientifiques - ont adopté ce concept, comme nous le verrons. LA COOPÉRATION RÉELLE Les défis auxquels nous les humains nous nous trouvons confrontés sont tellement énormes et globaux, qu'il peut être difficile de voir comment nos efforts individuels peuvent faire la différence. Considérons des problèmes environnementaux, tels que la pollution et le changement climatique mondial. Barbara, ma femme, et moi nous faisons du jardinage biologique et nous avons un mur solaire passif sur tout le côté sud de notre maison depuis 20 ans. Bien que ces mesures nous permettent de nous sentir mieux et représentent notre engagement en matière de responsabilité environnementale, elles sont contrebalancées par un sentiment récurrent de futilité dans le grand schéma des choses. A l’instar de la prière du pêcheur breton : "Seigneur, comme ton océan est vaste et comme mon embarcation est frêle’’, dont le président John F. Kennedy conservait une plaque sur son bureau. Si Barbara et moi nous 28 multipliions par mille nos efforts environnementaux, ceux-ci resteraient minuscules. L'écologiste Carolyn Raffensperger écrivit : "J'ai une hypothèse par rapport au manque de soutien du public pour l'action environnementale. Je subodore que de nombreuses personnes souffrent d'un sentiment d'échec moral par rapport aux questions environnementales. Elles savent que nous avons de gros problèmes, que leurs actions en font partie, mais il y a si peu de choses qu'elles ou que quiconque puisse faire individuellement."5 Comme l'écrivait la journaliste Anne Karpf, autrice de La voix, dans The Guardian, "Je recycle maintenant tout ce qui est possible, je conduis une voiture hybride et je baisse le chauffage. Pourtant, quelque part dans ma moelle, je sais que ce n'est qu'une vaine tentative pour me disculper."6 Karpf poursuit : ‘’En fait, quand j'entends des avertissements apocalyptiques sur le réchauffement climatique, au bout de quelques instants de peur, je débranche. Je pense pouvoir être quelque chose de pire qu'une climatosceptique – une climato-ignorante. Le fusible qui fait sauter tout le circuit est le sentiment d'impuissance. Quelles que soient les mesures que je prends pour lutter contre le réchauffement climatique, aussi bien intentionnés que soient mes brefs élans de zèle, ils finissent invariablement par me donner l'impression d'être trop faibles et trop tardifs. Le décalage entre la situation extrêmement périlleuse de la Terre et mes faibles efforts semble ridiculement grand.’’ Karpf découvrit qu'elle n'était pas seule. Elle interrogea deux collègues sur leur attitude à l'égard du réchauffement global. L'un d'eux, un homme de 48 ans, répondit qu'il y pensait souvent et qu'il était irrité par le rôle des multinationales, mais de son côté, il déclarait : "J'ai l'impression que c'est comme pisser dans un violon - je ne sais pas pourquoi je m'en soucie." L'autre, un homme de 57 ans, qui était engagé politiquement, reconnut penser rarement au changement climatique, parce que cela ne l'intéressait tout simplement pas. Mais en le 29 pressant un peu, il révéla qu'il recyclait et qu'il ne conduisait pas, mais il réalisa vite qu'il ne pouvait pas maintenir ses affirmations selon lesquelles il ne nuisait pas à l’environnement. Reconnaître un problème et agir pour le résoudre, tout en sachant que nos actions sont inadéquates conduit à un sentiment d'impuissance. Ce sentiment n'est pas de l'apathie, mais une blessure morale, une blessure de l'âme, un profond sentiment d'inaptitude qui étouffe les efforts les meilleurs et les plus sincères de chacun pour faire la différence. Il est aggravé par la réalisation que nous ne pouvons pas éviter d'ajouter au problème. Lorsqu'on établira le bilan de nos vies après nos morts, on jugera que nous avons presque tous été des (dé)charges pour la planète. Ce constat constitue ce que Raffensperger décrit comme "une érosion régulière, une douleur lancinante et continue." Nous pouvons bien changer nos ampoules et baisser le thermostat autant que nous voulons, mais les conséquences de notre naissance et de tant d’années d'ignorance de l'environnement ne peuvent pas être effacées. Des actions individuelles et isolées ne suffiront jamais. Nous devons agir collectivement, en concertation, et surmonter la tristesse inéluctable que nous pouvons ressentir par rapport à des actions personnelles. Nous devons accéder à l'Esprit universel. Sa puissance se révèle, quand nous réalisons que notre action conjointe en son sein n'est pas simplement additive, mais exponentielle. Dans l'Esprit universel, un plus un ne font plus deux, mais beaucoup plus. Cette prise de conscience atténue la "douleur lancinante et continue" d’actions uniquement personnelles. C’est cette compréhension qui conduisit Margaret Mead à observer : "Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus réfléchis et engagés puisse changer le monde. En fait, c'est la seule chose qui l'ait jamais fait."7 En tant que membres de l'Esprit universel, nous continuons à agir individuellement, mais lorsque nous devenons plus conscients de notre identité commune, un processus alchimique s'amorce, sous la forme d'une imagination et d'une créativité accrues. Nous accédons à un champ de connaissance plus vaste que celui de n'importe quel membre du groupe et plus vaste que la 30 somme des membres d'un groupe. Il en résulte ce que le fondateur et le directeur général de Green World Campaign, Marc Barasch, appelle une réelle coopération.8 Des solutions aux problèmes surgissent, que nous n'avions pas prévues. Nous devenons plus imaginatifs, plus inventifs, plus inspirés, plus productifs, plus ingénieux et plus novateurs. Dans l'Esprit universel, les neurones partagés sont plus performants que les cerveaux individuels, comme nous le verrons. Nous apprenons à reconquérir notre citoyenneté oubliée dans l'Esprit universel. Comme le dit l'auteur, Jeremy Rifkin, dans son livre, Une nouvelle conscience pour un monde en crise : Vers une civilisation de l'empathie, "Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle vision scientifique du monde, dont les prémisses et postulats sont plus compatibles avec les modes de pensée en réseau. L'ancienne science voit la nature comme un ensemble d'objets ; la nouvelle science la voit comme un ensemble de relations. L'ancienne science se caractérise par le détachement, l'expropriation des ressources, la dissection et le réductionnisme ; la nouvelle science se définit par l'engagement, la reconstitution des ressources, l'intégration et l'holisme. L'ancienne science veut rendre la nature productive ; la nouvelle science veut la rendre durable. L'ancienne science cherche le pouvoir sur la nature ; la nouvelle science, un partenariat avec la nature. L'ancienne science valorise l'autonomie par rapport à la nature ; la nouvelle science, la participation à la nature.’’9 Le pouvoir de l'Esprit unique réside dans le fait qu'il n'a pas besoin d'être créé. L'Esprit universel de la collectivité n'a pas besoin d'être activé sur Twitter ou sur Facebook. Il existe déjà - c'est une dimension globale de la conscience dont nous faisons déjà partie. Nous avons simplement oublié notre appartenance et troqué notre unité contre l'illusion de l'individualité isolée, cette croyance insidieuse et erronée que la personne est tout ce que nous sommes. Une fois que nous cesserons de croire que nous sommes une pièce de monnaie avec un seul côté, nous nous demanderons comment nous avons pu nous tromper si lourdement pendant si longtemps. Et nous pourrons commencer à agir, en conséquence. 31 DES MÉTÉORITES EMBARRASSANTES Paradoxalement, c'est au niveau des scientifiques eux-mêmes que se situe l'un de nos principaux défis. Les scientifiques déplorent fréquemment les lacunes scientifiques des écoliers et du public, mais, ironiquement, une forme comparable d'analphabétisme scientifique existe chez eux. Il résulte, dans une large mesure, de l'ignorance obstinée des preuves empiriques d'un aspect non local et unifié de l'Esprit. Le physicien lauréat du prix Nobel, Brian Josephson, de l'université de Cambridge, qualifie cette attitude d’"incrédulité pathologique."10 L'incrédulité pathologique conduisit des savants du XVIIIe siècle à affirmer, avec une certitude absolue et en dépit de preuves — à portée de main — que les météorites n'existent pas, car "les pierres ne peuvent pas tomber du ciel", comme l'assurait Antoine Lavoisier, le découvreur de l'oxygène, à ses collègues de l'Académie française.11 A cause de ce préjugé, certains scientifiques avaient honte d'aborder le sujet. Ne voulant pas être considérés comme dépassés et superstitieux, ils se séparèrent de collections entières de météorites, comme la collection impériale d'histoire naturelle de Vienne. Aujourd'hui, il n'existe pratiquement plus aucun spécimen antérieur à 1790, à l'exception de la météorite de 140 kg tombée en Alsace en 1492, aujourd'hui conservée à la mairie d'Ensisheim, dans le nord-est de la France. Cette pierre tombée du ciel était tout simplement trop lourde pour que les incrédules pathologiques puissent la soulever.12 Des prises de position tout aussi dogmatiques perdurent. De nombreux scientifiques insistent actuellement sur le fait que la conscience, notre équivalent actuel de la météorite, ne peut pas se manifester en dehors des limites du cerveau et du corps, et ce malgré des centaines d'études suggérant le contraire. L'incrédulité pathologique agressive et arrogante outrancière est devenue une sorte de joute sanguin(air)e pour de nombreux matérialistes de la communauté scientifique qui croient que l'esprit est égal au cerveau. Ces individus semblent rivaliser entre eux pour trouver la critique la plus mali(g)ne et la plus satirique du genre d'informations que nous allons examiner, en dépit du fait que les 32 probabilités que le hasard n'explique pas bon nombre de ces découvertes sont astronomiques. Ce n'est pas seulement une honte pour la tradition scientifique ; c'est aussi un jeu dangereux, car il diminue l'espoir de sagesse dont nous avons besoin pour survivre. Si nous voulons que la sagesse dont nous avons besoin se développe et fasse la différence, les scientifiques doivent joindre le geste à la parole. Cela signifie suivre les résultats empiriques, où qu'ils mènent. Les profanes ne sont donc pas les seuls à devoir faire leur part, si nous voulons survivre et prospérer. Les scientifiques doivent faire de même, en cessant de sacrifier les résultats empiriques pour protéger leurs idées personnelles sur la façon dont la conscience devrait se comporter. Il existe d'éminents exemples, comme nous le verrons. Schrödinger, Arthur Eddington, James Jeans, Kurt Gödel, Gregory Bateson, Bohm et d'autres, qui ont soutenu une vision universelle et unifiée de la conscience, ont déjà montré la voie. Einstein avait bien vu que notre survie même dépend de l'évolution du sentiment du moi isolé vers un niveau de conscience élargi, qui inclut tous les êtres sensibles. Il disait : "L'être humain est une partie du tout, que nous appelons ‘'univers’', une partie limitée dans le temps et l'espace. Il vit ses pensées et ses sentiments comme quelque chose de séparé du reste – un genre d'illusion d'optique de sa conscience. Cette illusion est pour nous une sorte de prison, qui nous limite à nos décisions personnelles et à l'affection de quelques personnes proches de nous. Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour inclure toutes les créatures vivantes et toute la nature dans sa beauté."13 Si nous n'y parvenons pas, nous risquons un désastre mondial. Comme l'écrivait Einstein dans une lettre au président Truman en 1950, "Je ne sais pas avec quelles armes la troisième guerre mondiale sera menée, mais la quatrième guerre mondiale sera menée avec des bâtons et des pierres."14 A des époques plus simples, le comportement de chaque individu n'avait pas une grande importance sur le plan de la santé globale de la planète et de l'avenir de l'humanité. Le monde naturel avait des capacités d'absorption capables de neutraliser la stupidité humaine, même massive. Ce temps est révolu. Notre 33 marge d'erreur s'amenuise. De nombreux scientifiques pensent que des points de basculement irréversibles se profilent. Contrairement aux générations précédentes, nous pouvons entrevoir une fin. Le concept de l'Esprit universel est scientifique, philosophique et spirituel, mais il est également extrêmement pratique. Il concerne la survie, la forme la plus élevée du pragmatisme. Il s'agit d'invoquer les meilleurs anges de notre nature, de sauver notre peau et celle des générations futures. EMERSON ET MOI Au cours de la rédaction de ce livre, j'ai souvent pensé à la façon dont j'en suis venu à croire que la Conscience est Une. Rien dans mon éducation, ni dans ma formation universitaire et médicale ultérieure n'allait dans ce sens. Comme la plupart des Américains, j'ai été nourri par la croyance en la valeur et la réussite individuelles. Pourtant, l'accent mis par notre culture sur l'individualité ne m'a jamais vraiment convenu. Quelque chose de vital, quelque chose de non-dit, semblait manquer. L'influence la plus profonde m’ayant poussé vers le concept de l'Esprit unique a été de grandir en tant que jumeau identique. Depuis notre plus tendre enfance et jusqu'à ce jour, mon frère et moi, nous nous sommes sentis consciemment liés à un niveau fondamental. Et nous ne sommes pas les seuls à le ressentir. De nombreux jumeaux identiques éprouvent des sentiments similaires. À l'âge de 16 ans, un événement décisif se produisit, qui reste gravé dans ma mémoire. Tout à fait par hasard, je tombai sur un exemplaire de poche des essais de Ralph Waldo Emerson. La découverte se fit un soir à Evans Corner Drug, le coin de prédilection des ados de Groesbeck, Texas, la ville la plus proche de notre ferme. Le grand pôle d'attraction pour les ados, c'était le distributeur de boissons gazeuses. Le livre d'Emerson se trouvait dans un présentoir rotatif métallique installé à proximité. Emerson ne paraissait pas à sa place parmi les romans western et les polars bon marché, mais je me sentis attiré par lui. Ouvrant machinalement le livre à la première page, ces paroles m’éberluèrent : 34 ‘’Il y a un Esprit commun à tous les individus. Chaque homme est une voie d’accès au même et à la totalité. Qui a une fois été admis aux droits de la raison est un homme libre dans la totalité du domaine. Ce que Platon a pensé, il peut le penser ; ce qu’un saint a ressenti, il peut le ressentir ; ce qui, à un moment donné, est arrivé à tout homme, il peut le comprendre. Qui a accès à cet Esprit universel est partie prenante de tout ce qui est ou de tout ce qui peut être accompli, cet Esprit seul étant l’agent souverain.’’15 Mais c'était juste un tour de chauffe. L'essai d'Emerson, "L'Âme suprême", me frappa lui aussi. ‘’L'Âme suprême, dit Emerson, est "cette Unité ... au sein de laquelle l'être particulier de chaque homme est contenu et ne fait qu'un avec tous les autres ..." Il poursuivit : "Nous vivons successivement, divisés, partiellement, particulièrement. En attendant, à l'intérieur de l'homme se trouve l'Âme de la totalité, sage Silence, Beauté universelle, à laquelle chaque partie et particule se rattachent pareillement, éternelle Unité. Et cette Force profonde au sein de laquelle nous existons et dont la béatitude nous est totalement accessible, n'est pas seulement autosuffisante et parfaite à tout moment, mais l'acte de voir et la chose vue, le voyant et le spectacle, le sujet et l'objet, ne font qu'Un. Nous voyons le monde fragmentairement, comme le soleil, la lune, l'animal, et l'arbre, mais la totalité, dont ces éléments constituent des parties éblouissantes, c'est l’Âme."16 C'était plutôt costaud pour un ado texan, mais j'achetai sur le champ ce petit morceau de dynamite littéraire, qui constitua mon trésor jusqu'à ce que je le perde quelque part dans les nombreux déménagements qui suivirent au cours des années suivantes. Je perdis également contact avec Emerson au cours de mes études universitaires, médicales et postdoctorales, noyé qu’il fut dans la vision matérialiste du monde dans laquelle j'avais été embrigadé, comme tous les jeunes de ma génération qui faisaient carrière dans la médecine. Aucune autre approche n'était tolérée dans mon éducation hautement scientifique. Un triomphalisme suffisant était dans l'air. Qui avait besoin d'Emerson et de l'Âme suprême, alors que des théories du tout reposant sur la physique semblaient à portée de main ? Bien que, pendant quelques années, je donnai mon cœur à ces 35 vues fondées sur la physique, je continuais à garder Emerson quelque part au fond de moi. Rétrospectivement, je crois que mon exposition précoce à Emerson contribua à m’immuniser contre la capitulation totale face aux pseudoexplications matérialistes de l'esprit et de la conscience. Cette immunité allait s'avérer permanente. Non pas qu'Emerson fut l’unique responsable de l'évolution de mes opinions, mais il constitua la source d'irritation initiale dans l'huître, autour de laquelle quelque chose allait se développer. L’ESPRIT UNIVERSEL : ANCIEN ET MODERNE Le concept de I'Esprit Universel est ancien et reste un principe honoré par de nombreuses traditions de sagesse. Les parties ésotériques de toutes les grandes religions reconnaissent que notre conscience individuelle est subsumée et nourrie par une source infinie, absolue, divine ou cosmique, et qu'elle ne fait finalement qu'un avec elle.17 Le samkhya, l'un des plus anciens systèmes philosophiques de l'Inde, a développé le concept des annales akashiques, une somme d'informations et de connaissances encodées sur un plan d'existence non physique, que des interprètes ultérieurs ont comparé à l'Esprit de Dieu.18 Les Upanishads, des Ecritures sacrées de l'Inde datant du milieu du premier millénaire avant notre ère, proclament Tat tvam asi, "Tu es Cela" : l'humain et le divin sont Un. De même, dans la tradition chrétienne, ces paroles de Jésus : " Le Royaume de Dieu est en vous "19 et "N'est-il pas écrit dans votre loi : J'ai dit : Vous êtes des dieux ?"20 Et comme le disait le sage éponyme, Hermès Trismégiste, des siècles auparavant, "Il n'y a rien de plus divin que l'Esprit, rien de plus puissant dans son opération, rien de plus apte à unir les hommes aux dieux, et les dieux aux hommes."21 Bien que l'idée de I'Esprit universel ait des racines anciennes, elle devient également de plus en plus moderne. Depuis plus d'un siècle, nous observons une prolifération continue de livres qui, d'une manière ou d'une autre, soutiennent le constat que la Conscience est plus vaste que notre esprit individuel. On peut citer, à titre d'exemple, des ouvrages pionniers tels que l'ouvrage de R. M. Bucke intitulé La Conscience cosmique ; les essais d’Emerson sur l’Âme suprême et le transcendantalisme ; Les formes multiples de 36 l’expérience religieuse, de William James ; The Great Chain of Being, d’Arthur Lovejoy ; The Archetypes and the Collective Unconscious, de C. J. Jung ; ainsi que Ma conception du monde : le Veda d’un physicien, Qu’est-ce que la vie ?, et L’esprit et la matière, d’Erwin Schrödinger. Des contributions plus récentes incluent The Spectrum of Consciousness, de Ken Wilber ; The Global Brain, de Peter Russell ; Whole in One, de David Lorimer ; Elemental Mind, de Nick Herbert ; Beyond the Postmodern Mind, de Huston Smith ; La plénitude de l’univers, de David Bohm ; Soul Search, de David Darling ; Consciousness and the Source of Reality, de Robert G. Jahn et Brenda J. Dunne ; Une nouvelle science de la vie, de Rupert Sheldrake ; Le champ unifié : La force secrète de l’univers, de Lynne McTaggart ; L’expérience akashique et Science et champ akashique, d’Ervin Laszlo ; The Conscious Universe : Parts and Wholes in Physical Reality , de Menas Kafatos et Robert Nadeau ; La conscience invisible et Entangled Minds, de Dean Radin ; Ouverture sur l’infini, de Stephan A. Schwartz ; The End of Materialism, de Charles T. Tart ; L’esprit sans limites et Perceptions extrasensorielles : Quand un scientifique prouve la réalité des facultés parapsychiques, de Russell Targ ; Irreducible Mind, d’Edward F. Kelly et ses collègues ; et beaucoup, beaucoup d’autres. S'il existe tant de livres qui traitent de I'Esprit universel, pourquoi en faudrait-il un autre ? Que peut bien ajouter une voix supplémentaire à ce chœur ? Je puis seulement dire que mon approche est celle d'un médecin, ce qui a profondément influencé mon point de vue sur la façon dont l'Esprit universel se manifeste dans la vie des gens. Pendant une bonne partie de ma vie, j'ai eu affaire à des mourants dans les hôpitaux et sur les champs de bataille. J'ai écouté leurs joies, leurs inquiétudes, leurs peurs et leurs souffrances durant des décennies. Nombre de ces personnes m'ont révélé des expériences qui ont battu en brèche ce que l'on m'avait appris sur le comportement de l'esprit. Beaucoup de ces expériences n'apparaissent tout simplement pas dans les manuels de médecine, de biologie, de physique ou de psychologie. En outre, il y a quelque chose dans la relation médecin-patient qui encourage les gens à partager leurs pensées et leurs expériences les plus intimes. Cela dépasse souvent ce que des individus sont prêts à partager avec leurs connaissances — physicien, biologiste, philosophe ou mathématicien, le cas échéant. J'ai donc 37 l'audace de croire que je pourrais ajouter quelques notes, qui feraient défaut ou qui ne seraient pas suffisamment audibles dans ce chœur. Naturellement, l'Esprit universel, unitaire et non local, constitue un thème récurrent chez les philosophes et chez les poètes depuis toujours. Comme Platon (427-347 avant J.-C.) le fait dire à Aristophane dans son Banquet, "Cette fusion dans l'unité, plutôt que la dualité, était l'expression même de l'ancien besoin [de l'humanité]. Et la raison en est que la nature humaine était à l'origine une et que nous formions une totalité, et le désir et la poursuite de la totalité s'appelle l'amour."22 William Butler Yeats (1865-1939) : "Les frontières de notre esprit sont en constante évolution, et de nombreux esprits peuvent fusionner, pour ainsi dire, et créer ou révéler un Esprit unique, une Energie unique.’’23 Et ainsi que l'a entrevu Jack Kerouac (1922-69), romancier, poète de la Beat Generation et l’auteur de Sur la route et des Clochards célestes, " Vide d'espace est l'Esprit de la grâce.’’24 NEUROMYTHOLOGIE L'opinion scientifique dominante est que le cerveau fabrique la conscience, en quelque sorte, comme le foie fabrique la bile.25 Mais il s'agit d'une hypothèse non prouvée qui n'a jamais été expliquée, pouvant difficilement être imaginée et qui n'a jamais été directement observée. Le statut de cette croyance relève de la neuromythologie et non de la science. Pourtant, cette croyance perdure, tout comme de nombreuses mythologies ont perduré pendant de longues périodes dans l'histoire de la science, comme la croyance en l'éther, dans le phlogistique et dans l'absolutisme de la matière, de l'énergie, de l'espace et du temps. Notre neuromythologie actuelle insiste sur le fait qu'un cerveau est nécessaire à l'existence de la conscience et qu’elle ne peut exister en dehors du cerveau. Puisque les cerveaux sont évidemment individuels, les esprits doivent aussi être individuels, un par personne. Pour qu'un Esprit universel existe, il faudrait qu'il y ait un Cerveau universel, ce qui est évidemment absurde. La nature de la conscience reste toutefois un mystère. Comme l'écrivit le spécialiste des sciences cognitives, Donald D. Hoffman, de l'université de 38 Californie, à Irvine, "l'étude scientifique de la conscience se trouve dans la position embarrassante de ne pas avoir de théorie scientifique de la conscience."26 Quant à savoir comment la conscience pourrait naître d'un système physique, tel que le cerveau - si c'est le cas - le psychologue expérimental, Steven Pinker, de l'université Harvard, reconnut : "Ça me dépasse. J'ai quelques a priori, mais aucune idée sur la façon de commencer à chercher une réponse défendable. Et personne d'autre non plus."27 Il est important de reconnaître notre ignorance, quant aux origines de la conscience, puisque cela ouvre la porte à des possibilités, telles que l'Esprit universel, qu'un point de vue strictement matériel interdit. Il n'y a aucun moyen d'éluder le mystère de tout cela. J'espère donc que vous serez prêt à suspendre tout jugement et à plonger dans l'inconnu à mes côtés. Nous nous trouvons en bonne compagnie. Comme l'a dit le romancier et philosophe Aldous Huxley, "Je suis entièrement du côté du mystère. Je veux dire que toute tentative d'expliquer le mystère est ridicule…Je crois au mystère profond et insondable de la vie... qui a une qualité... divine. "28 Lewis Thomas reconnaissait également l'importance d'admettre notre ignorance, la cousine proche du mystère. Vers la fin du 20e siècle, il écrivait : "Le seul élément solide de la vérité scientifique dont je suis totalement convaincu est que nous sommes profondément ignorants de la nature..."29 Il poursuit : "Il y a seulement deux siècles, nous pouvions expliquer tout sur tout par la raison pure, et maintenant, la plus grosse partie de cette structure élaborée et harmonieuse s'est effondrée sous nos yeux. Nous sommes sans voix."30 Dans son brillant livre, Réenchanter la science, une autre façon de voir le monde, le biologiste britannique, Rupert Sheldrake examinait comment le déni s'exprime dans le monde de la science. Il explorait les domaines dans lesquels la science est bridée par des hypothèses qui se sont durcies en dogmes, lesquels non seulement limitent la science, mais sont aussi dangereux pour l'avenir de l'humanité.31 39 QUE DIABLE SE PASSE-T-IL ICI ? Dans de nombreux domaines de la science, l'admission de l'ignorance a été supplantée par de l'arrogance. Et l'arrogance - la certitude d'en savoir plus que ce que nous savons réellement - a produit un obstacle sérieux à la compréhension de la conscience. Elle a empêché que soit justement pris en compte un grand nombre de recherches qui montrent un aspect non local, transcorporel de l'esprit, en raison de l'insistance présomptueuse que de tels phénomènes ne peuvent tout simplement pas se produire, un peu comme des pierres qui tombent du ciel ; et comme ils ne peuvent pas se produire, ils ne se produisent pas - au mépris des preuves. Affaire classée. Ce livre rouvre le dossier en examinant les preuves qui remettent en question l'hypothèse actuelle, selon laquelle la conscience est entièrement locale, c'est-à-dire produite par le cerveau et limitée à celui-ci. Pour remédier à cette arrogance démesurée qui prévaut dans de nombreux domaines scientifiques, peut-être pourrions-nous prendre au sérieux cette suggestion espiègle de Wes Nisker, un enseignant de méditation bouddhiste. ‘’Imaginons à quel point nous nous sentirions bien", écrit-il, "si nous nous réunissions tous de temps en temps dans de grands rassemblements publics et admettions ne pas savoir pourquoi nous sommes en vie, que nul ne sait avec certitude s'il existe un Être supérieur qui nous a créés, et que nul ne sait vraiment ce qui se passe ici."32 IGNORANCE ET OPPORTUNITÉ En science, nous savons souvent que quelque chose fonctionne avant d'avoir une idée sur la façon dont cela fonctionne. C'est particulièrement vrai en médecine, mon domaine. Les exemples sont légion : l'aspirine contre l'inflammation et la douleur, la pénicilline contre les infections, le quinquina contre la malaria, la colchicine contre la goutte, les anesthésiques généraux, etc. Les explications viennent souvent plus tard. En attendant, nous n'ignorons pas l'efficacité de ces traitements à cause d'une demande bornée d'explication du mécanisme impliqué. Je n'ai jamais vu aucun patient qui devait subir une 40 intervention chirurgicale majeure refuser une anesthésie générale, parce que l'anesthésiste ne savait pas expliquer précisément comment elle fonctionne. Dans le même ordre d'idées, je crois que l'hypothèse de I'Esprit Universel doit être prise au sérieux. Le concept de l'Esprit universel fonctionne, non pas parce que nous en connaissons le mécanisme, mais parce qu'il modélise certaines observations aussi bien ou mieux que d'autres hypothèses sur le comportement de l'esprit. Les générations futures pourront peut-être un jour expliquer le fonctionnement de l'Esprit universel - ou peut-être pas, car les problèmes sont considérables. À l'heure actuelle, nous ne sommes même pas en mesure d'expliquer l'esprit individuel, alors encore moins l'Esprit universel. Mais, comme nous l'avons mentionné, notre ignorance est également une opportunité. En sachant si peu de choses sur la conscience, nous pouvons être audacieux en explorant la possibilité d'un royaume universel de l'Esprit. Pour certains, l'Esprit universel peut ressembler à la vieille tante loufoque cachée dans le grenier familial - trop bizarre pour être respectable, trop controversée pour en parler, trop étrange pour être vue en public. Mais au vu des preuves que nous allons examiner, elle est sur le point de descendre les marches et de faire une apparition choquante aux yeux des invités. 41 1 ÈRE PARTIE : ENTREVOIR L’ESPRIT UNIVERSEL CHAPITRE 1 : SAUVER ‘’LES AUTRES’’… POURQUOI TOUT RISQUER ? Le 2 janvier 2007, Wesley Autrey, un ouvrier de la construction afro-américain de 50 ans et vétéran de la marine, attendait une rame de métro à Manhattan avec ses deux filles, vers 12 h 45. Alors qu'il se tenait là, Autrey ignorait qu'il était sur le point d'être impliqué dans une séquence d'événements, qui changerait le cours de sa vie et qui révélerait des vérités profondes sur la nature de l'esprit humain. Il remarqua un jeune homme de 20 ans, Cameron Hollopeter, qui était en train de faire une crise. L'homme parvint à se remettre debout, mais il trébucha et tomba du quai sur les voies entre les deux rails. Autrey vit les phares d'une rame en approche et prit une décision immédiate. Il sauta sur les voies, en pensant qu'il aurait le temps de tirer plus loin Hollopeter. Constatant que ce n’était pas possible, il protégea le corps d'Hollopeter avec le sien et l’enfonça dans un canal d’écoulement d'environ un pied de profondeur entre les voies. Le conducteur du train tenta de s'arrêter et les freins crissèrent, mais le temps qu'il puisse le faire, cinq wagons étaient passés au-dessus des deux hommes. Il s'en était fallu de peu ; les wagons passèrent si près d'Autrey qu'ils souillèrent de graisse son bonnet en laine bleu. Autrey entendit des badauds crier. "Nous allons bien ici !", leur cria-t-il en retour, "mais j'ai deux filles là-bas. Faites-leur savoir que leur père va bien !" Puis il entendit des cris de stupeur et des applaudissements de la part des badauds. Hollopeter, un étudiant de la New York Film Academy, fut conduit à l'hôpital, mais il ne souffrait que de bosses et de contusions. Autrey refusa l'aide médicale puisque, d’après lui, tout allait bien. Pourquoi Autrey avait-il agi de la sorte ? Il déclara au New York Times : ‘’Je n’ai pas l’impression d’avoir fait quelque chose de spectaculaire. J’ai juste vu quelqu’un qui avait besoin d’aide et j’ai fait ce qui m’a paru être juste.’’1 Il ajouta qu’en tant qu’ouvrier du secteur de la construction, il avait l’habitude de travailler dans des espaces réduits et que son évaluation dans ce cas précis s’était avérée ‘’plutôt juste’’. 43 Autrey était extraordinairement modeste, ce qui ne le protégea pas de l'adulation du public. Il devint une célébrité du jour au lendemain, avec des apparitions dans plusieurs programmes d'information télévisés nationaux du matin et dans des émissions de fin de soirée. Les récompenses affluèrent : des bourses d'études et des ordinateurs pour ses deux filles, une nouvelle Jeep Patriot, des abonnements pour voir les Nets du New Jersey, une carte de stationnement gratuit d'un an utilisable partout dans la ville de New York, et une année de trajets gratuits en métro, entre autres. Le magazine Time le classa parmi les 100 personnes les plus influentes du monde, en 2007.2 Il fut nommé ‘’CNN Hero’’, un titre attribué pour avoir fait la différence dans le monde. Il fut invité au discours sur l'état de l'Union devant le Congrès américain en 2007, où il reçut une standing ovation. POURQUOI TOUT RISQUER ? Pourquoi une personne risquerait-elle ou sacrifierait-elle volontairement sa vie pour une autre ? La réponse peut sembler évidente : elle se soucie tout simplement de la personne dans le besoin et fait preuve d'empathie ou d'amour à son égard. Mais cette réponse ne suffit pas aux biologistes de l'évolution, qui veulent savoir à quoi servent la sollicitude, l'empathie et l'amour. Que gagne l'individu à agir en fonction de ces sentiments ? Selon les principes de la biologie évolutive, nous sommes génétiquement programmés pour agir de manière à assurer notre survie et notre reproduction. Nos actes empathiques peuvent donc s'étendre aux personnes les plus proches de nous, à ceux qui partagent nos gènes - nos frères et sœurs, nos enfants, notre entourage familial - parce que les aider nous aide génétiquement sur le long terme. Nous pouvons aussi faire preuve d'empathie à l'égard de notre clan ou de notre cellule sociale, puisque nous pourrions un jour avoir besoin qu'ils nous rendent la pareille. Dans cette optique, des actions comme celles de Wesley Autrey constituent une hérésie biologique. Il n'avait aucun lien avec Cameron Hollopeter, que ce soit racial, social, professionnel, ou culturel. Les gènes d'Autrey n'auraient tiré aucun avantage à mourir en sauvant le jeune homme 44 blanc. Ainsi, d’après la biologie évolutive, Wesley Autrey aurait dû rester sur le quai du métro et laisser Cameron Hollopeter se débrouiller seul. Certains pourraient soutenir qu'Autrey a bien tiré profit du sauvetage d'Hollopeter. Il est devenu célèbre, ses filles ont reçu des fonds pour leurs études et des ordinateurs, et il a reçu des récompenses en espèces et d'autres avantages tangibles. Puisque son action a changé sa situation et rendu sa vie et celle de ses filles moins difficiles, peut-être y a-t-il eu un bénéfice génétique dans ce qu'il a fait. Mais il ne savait pas à l'avance que ces choses arriveraient. Et dans tous les cas, cela valait-il la peine de risquer ce qui ressemblait à une mort certaine ? Certainement pas. Dans cette situation dangereuse, la préservation génétique aurait dû permettre à Autrey de rester sur le quai avec ses filles, comme tous les spectateurs qui pensaient qu'il serait suicidaire d'agir comme il l'a fait. ‘’DEVENIR’’ QUELQU’UN D’AUTRE Joseph Campbell, le grand mythologue, s'intéressa aux raisons pour lesquelles les gens accomplissent des actes altruistes. Influencé par les opinions du philosophe allemand, Arthur Schopenhauer, Campbell releva : "Schopenhauer a posé une merveilleuse question. Comment se fait-il qu'un individu puisse tellement participer au danger et à la douleur d'un autre qu’oubliant sa propre protection, il se porte spontanément au secours de l'autre, au prix même de sa propre vie ?" Schopenhauer pensait que le sacrifice de soi pour un autre se produit, parce que le sauveteur réalise que lui et l'individu dans le besoin ne font qu'un. Au moment décisif, le sentiment de séparation est entièrement surmonté. Le danger qui menace la personne dans le besoin devient celui du sauveteur. Le sentiment antérieur de séparation est simplement fonction de la manière dont on vit les choses dans l'espace-temps : nous pouvons paraître séparés et nous sentir souvent séparés, mais la séparation n'est pas fondamentale. Parce que nous nous sentons unis à la personne dans le besoin, lorsque nous risquons notre vie pour la sauver, nous nous sauvons essentiellement nous-mêmes. 45 Campbell précisa : "Je pense que cette compassion spontanée transcenderait les frontières culturelles. Si vous deviez voir quelqu'un d'un monde tout à fait étranger - même une personne, une race ou une nation pour laquelle vous n'avez aucune sympathie - la reconnaissance d'une identité humaine commune susciterait une réponse. Et la référence ultime de la mythologie est cette entité unique, qui est l'être humain en tant qu'humain."3 Je n'ai jamais entendu un sauveteur demander si la personne dans le besoin immédiat était démocrate ou républicaine, pro ou anti-avortement, quelle était sa position sur le changement climatique mondial, ou si elle préfère la médecine allopathique ou l'homéopathie. Réagir face à un autre être humain dans le besoin outrepasse de telles questions au profit d'une réponse humaine plus profonde. Schopenhauer l'a compris. Ainsi qu’il l’écrivit dans son livre de 1840, Le fondement de la morale : "La compassion universelle est l’unique garantie de la moralité."4 Il précisa : "Mon Être intérieur véritable existe en fait dans chaque créature vivante, si réellement et immédiatement que ma conscience ne le connaît qu’en moi-même. Cette réalisation, dont la formule standard est Tat Tvam Asi, en sanskrit, constitue le fondement de la compassion sur lequel repose toute vertu authentique, c'est-à-dire désintéressée, et dont l'expression se trouve dans chaque bonne action."5 Je suis prêt à parier que Wesley Autrey n'avait jamais lu un traitre mot de Campbell ou de Schopenhauer. Il n'en avait pas besoin, et c'est le propos. En protégeant Cameron Hollopeter sur la voie d'une rame qui arrivait, il défia tous les instincts pour perpétuer ses gènes. Il était porté par l’Esprit universel qui nous unit tous, l'unité si clairement entrevue par des sommités, telles que Campbell et Schopenhauer. Au moment décisif, du point de vue de la conscience de l'Esprit universel, Wesley Autrey était Cameron Hollopeter. L’HÉLICO ABATTU Je suis fasciné depuis belle lurette par la raison pour laquelle les Wesley Autrey du monde agissent de la sorte, et il ne s'agit pas d'une simple curiosité philosophique. 46 J'ai servi comme chirurgien de bataillon au Vietnam, en 1968 et 1969, en pleine cambrousse, et à mille lieues de tout ce qui était aussi sophistiqué que les unités MASH popularisées dans la célèbre série télévisée. Mon univers se constituait d’un poste de secours primitif protégé par des sacs de sable et par des barbelés, avec un équipement minimal, en plus des missions en hélicoptère pour aider les soldats blessés. J'ai connu quelques moments comparables à ceux d'Autrey, où j’ai dû prendre une décision immédiate et risquer ma vie pour de jeunes hommes qui étaient dans le pétrin. Un jour d'octobre 1969, un hélicoptère s'écrasa pas loin du poste de secours de mon bataillon avancé. Je courus jusqu’au site du crash. A mon arrivée, l'hélicoptère renversé était encerclé par un groupe de soldats qui se tenaient à distance de sécurité, car ils s'attendaient à ce qu'il explose. Le pilote était encore conscient, mais il était coincé dans l'épave et il gémissait de douleur. Sans réfléchir, j'entrepris de dégager la porte de l'appareil renversé, j’entrai et tranchai les ceintures de sécurité qui retenaient le pilote. Un membre de mon équipe médicale me rejoignit et nous extirpâmes le pilote de l'épave pour le transporter en sécurité. Aujourd'hui encore, l'odeur du kérosène qui s'échappait des réservoirs perforés reste un souvenir vivace, mais heureusement, l'appareil n’explosa pas. Je mis le pilote sous intraveineuse, je lui administrai de la morphine pour soulager sa douleur, et je le fis embarquer dans un hélicoptère d'évacuation sanitaire qui le transporta jusqu’à des infrastructures médicales où il reçut des soins complémentaires. Ce n'est là qu'un des nombreux incidents similaires qui marquèrent mon expérience de guerre.6 De retour aux Etats-Unis, j'étais plutôt abasourdi, rétrospectivement. Avant d'aller au Vietnam, j'avais juré de ne jamais prendre de risques, par respect envers ma famille et ceux qui s’inquiétaient pour moi. Mais chaque fois que des situations comme celle du crash de l'hélicoptère se présentaient, ces résolutions s'évaporaient comme la brume matinale au-dessus de la jungle. C'était comme si elles n'avaient jamais existé. Il n'y avait aucune réflexion approfondie pendant ces moments décisifs, aucun calcul des conséquences, mais juste de l'action. Je me demandais pourquoi j’avais agi de la sorte. Jamais, je ne m’étais considéré comme un risque-tout. En tant que médecin, on m’avait appris à toujours garder 47 le contrôle dans la mesure du possible, à ne rien laisser au hasard, et à appliquer un raisonnement critique dans chaque situation. Que s’était-il passé ? Je me souviens du jour, environ un an après mon retour du Vietnam, où au hasard de mes lectures, je tombai sur la description de Schopenhauer — c-à-d comment, au moment crucial, la conscience du sauveteur fusionne avec celle de la personne qui le requiert, la séparation se dissout, et l'individualité est mise de côté, la division est surmontée, et l'unité devient réelle. Je sus tout de suite que c'était là l'explication de mon comportement irrationnel et risqué dans la zone de guerre. C'était comme si un voile avait été levé. Il s’agissait d’une révélation d'une clarté absolue, d’une épiphanie relative à une période agitée de ma vie que je n'avais pas su appréhender. Pour moi, au Vietnam, l'Esprit universel s'était fait chair. C’était un don inestimable pour lequel je tremble encore de gratitude. L'auteur, Joseph Chilton Pearce, dans son livre, Evolution's End, signale que le mot sacrifice, comme le mot sacrement, signifie "rendre entier". Le mot sacrifice a toutefois pris des connotations négatives, comme pour l'abattage d'un animal. Mais le sens originel du mot, à savoir, la complétude, est bien saisi dans l'expérience du don de soi à un autre. "Pour devenir entier, il faut laisser derrière soi toutes les parties", remarque Pearce, "puisque le Tout n'est pas la somme de ses parties, mais un état complètement différent. Maître Eckhart évoquait "tous les objets nommés" laissés derrière, quand on entre dans l'inconnu. Nous devons aller au-delà de la fragmentation des parties et quitter le monde de la diversité pour découvrir l'unité unique d'où tout jaillit."7 Mais comment ? Shankara, un philosophe indien du IXe siècle, écrivit : "On ne guérit pas une maladie en prononçant le nom du remède, mais en prenant le remède. On n’obtient pas la Libération en répétant le mot 'Brahman', mais en faisant directement l'expérience de Brahman..."8 Il en va de même avec le principe de l’unité. On peut bien lire tout Schopenhauer, Campbell et mille autres philosophes qui en ont exposé l’idée, mais celle-ci ne se traduira pas sans expérience. C'est ici qu'interviennent des événements comme celui de Wesley Autrey. Ces instants de vie ou de mort, où nous alignons totalement notre existence sur celle d’autrui, rendent réel le principe qui relie toutes choses dans l'unité. Ces expériences sont plus persuasives que tous les mots prononcés ou 48 écrits. A la suite de tels épisodes, nous pouvons balancer les livres, les sermons et les enseignements — puisque maintenant nous savons. Si vous décidez volontairement de vivre dangereusement, avec l'intention expresse de vous éveiller à cette Conscience, oubliez çà ; vous ne réussirez probablement pas et vous risquez de périr dans le processus. Le fait est que la conscience de l'unité nous prend le plus souvent par surprise, non pas dans des situations périlleuses, mais dans les situations les plus banales, comme écouter de la musique, contempler un coucher de soleil, entendre le rire d'un bébé, préparer un repas…ou simplement ne rien faire. Le champ des expériences déclics est spectaculairement varié, et quiconque cherchera à trouver une formule qui pourrait garantir l'expérience sera déçu. C'est dans ce domaine que la loi de l'effort inverse entre en jeu et où le paradoxe règne. D'où cette observation bouddhiste : Ce n’est que si on la pourchasse qu’on la perd ; On ne peut s’en emparer, mais on ne peut pas non plus s’en défaire, Et tandis qu’on ne peut ni l’un, ni l’autre, elle suit son propre chemin. On demeure silencieux et elle parle ; on parle, et elle est muette… (Yoka Daishi)9 Lorsque nous nous identifions si complètement à quelqu'un que les distinctions entre soi et l'autre sont surmontées, nous sommes entrés dans le royaume de l'Esprit universel. Cela nous prépare à des actions que nous n'envisagerions même pas dans notre état d'esprit quotidien, qui est centré sur nous-mêmes. Notre avenir dépendra de notre volonté d'adopter cette vision plus large. Aujourd'hui, ce n’est pas juste ‘’quelqu’un’’ sur les rails d’un métro ou des pilotes d'hélicoptères abattus qui ont besoin de notre aide, mais bien le monde entier et tout ce qui le compose. Votre participation à l’Esprit universel rend cette tâche envisageable. Et possible. 49 CHAPITRE 2 : LE SAINT PATRON DE L’ESPRIT UNIVERSEL Erwin Schrödinger, le physicien autrichien, fut l'un des plus brillants esprits scientifiques du XXe siècle. En 1933, on lui décerna le prix Nobel pour sa découverte de la mécanique ondulatoire, qui est au cœur de la physique quantique. Schrödinger croyait en un Esprit universel. Comme il le dit, "L'Esprit est par sa nature même un singulare tantum. Je devrais dire : le nombre total d'esprits est juste Un."1 Qu'est-ce qui est à l'origine de la vision de l'Esprit universel de Schrödinger ? Il est difficile d'identifier tous les vecteurs qui entrent dans la formation de la philosophie personnelle de quelqu'un, mais il est certain que les derniers mois de la Première Guerre mondiale et ses suites immédiates furent déterminants pour Schrödinger, comme le décrivit Walter Moore, le biographe expert de Schrödinger.2 AFFAMÉ, MALADE ET BRILLANT En janvier 1918, alors que la Grande Guerre s'était terminée dans le sang après avoir provoqué la mort de 16 millions de personnes, l'armée autrichienne était affamée et en lambeaux. La situation à Vienne, où vivait la famille Schrödinger, était sombre. L'entreprise familiale était ruinée, et les Schrödinger devaient faire face à de graves difficultés financières pour la première fois. La grand-mère maternelle de Schrödinger s'était tellement impliquée dans le mouvement pacifiste qu'elle avait été arrêtée et condamnée pour trahison. Sa mère, qui se remettait d'une importante opération pour un cancer du sein réalisée l'année précédente, était encore faible et elle souffrait. Schrödinger, âgé de 31 ans et célibataire à l'époque, connaissait également des problèmes de santé. En août 1918, on lui diagnostiqua une inflammation de la partie supérieure d'un poumon. Il s'agissait presque certainement de la tuberculose, car cette maladie était épidémique parmi la population urbaine affaiblie et mal nourrie. (Dans les années 1920, Schrödinger séjourna plusieurs fois dans un sanatorium à Arosa, en Suisse, où il découvrit son équation des ondes, ce qui lui valut le prix Nobel. Il mourra de la tuberculose à Vienne à l'âge de 73 ans). La nourriture était tellement rare que la famille mangeait souvent à la soupe populaire de la communauté. Au cours de l'hiver 1918-19, après la fin de la guerre, les choses empirèrent. L'approvisionnement en nourriture depuis la Hongrie fut interrompu, tout comme l'importation de charbon depuis la Tchécoslovaquie. Des milliers de Viennois étaient affamés et gelés. Les mendiants pullulaient dans les rues, et on croisait partout d'anciens soldats mutilés avec des décorations épinglées à leurs oripeaux. Les femmes mendiaient de la nourriture dans les campagnes et arpentaient les bois autour de Vienne en quête de combustible, dénudant des collines entières de leurs arbres et de leurs buissons. Des milliers de personnes faisaient la queue toute la nuit pour obtenir des rations alimentaires, assiégeaient le point de distribution et s'emparaient des vivres, de sorte que les femmes qui étaient derrière n'avaient plus rien. Un jour, alors qu'un cheval avait chuté dans la rue, la foule le dépeça en quelques minutes et s'enfuit avec la viande. Au cours de cette période agitée, Schrödinger poursuivit tant bien que mal son travail intensif de recherche en physique théorique à l'Institut de physique de l'université de Vienne, mais avec un intérêt supplémentaire. Comme il le dit luimême : "C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je me familiarisai avec Schopenhauer et, par son entremise, avec la doctrine de l'unité enseignée par les Upanishads." Schrödinger remplit tout une série de carnets de commentaires basés sur ses lectures des philosophes européens et orientaux. "C'est dans ces temps moribonds de l'Empire du Danube, écrivit Moore, ‘’qu'il forgea les bases de sa philosophie, qui devait rester remarquablement constante toute sa vie durant."3 Arthur Schopenhauer, que nous avons déjà évoqué précédemment, était connu comme un philosophe pessimiste, mais ses idées purent consoler Schrödinger dans la souffrance et l'agitation de quatre années de guerre et de destruction insensées. L'impact de la philosophie de Schopenhauer fut immense. Ce "géant solitaire" de la philosophie occidentale, comme l'appelait le romancier Arthur Koestler, influença des individus aussi différents que Nietzsche, Freud, Mann et 51 Wagner.4 Schopenhauer respectait la sagesse de l'Orient, en particulier les contributions indiennes du Vedanta et des Upanishads. Il baptisa ‘’Atman’’ son chien fidèle, un terme hindou qui désigne le principe spirituel de l'univers inhérent à tous les individus. Il gardait les Ecritures hindoues sur sa table de chevet et une statue du Bouddha recouverte de feuilles d'or, déguisé en mendiant.5 Parmi les idées de Schopenhauer qui purent réconforter Schrödinger dans la misère de Vienne ravagée par la guerre, figurait la compréhension qu'il avait de l'harmonie de la vie. Il soutenait que non seulement tous les événements d'une existence se mettent en place dans la trajectoire de la vie d'un individu, mais qu'ils s'inscrivent simultanément dans le parcours de tous les autres individus, même si le drame de la vie des autres lui est inconnu. Si on les considère dans leur ensemble, les vies multiples s'emboîtent comme un puzzle, dont le dess(e)in global est si complexe qu'il dépasse l'entendement d'un individu particulier. Selon Schopenhauer, "tout est interconnecté et tout est en phase."6 Schopenhauer voyait l'ordre dans le désordre et le hasard apparent, et donnait un sens au monde sens dessus dessous de Schrödinger. UN SEUL ESPRIT (UNIVERSEL) Schrödinger réfléchit profondément aux enseignements essentiels qu'il lut. Il les reformula avec ses propres mots, et ils devinrent les piliers qui le soutinrent toute sa vie durant.7 Dans des ouvrages, tels que Ma conception du monde, Qu'est-ce que la vie ? et L'esprit et la matière, il développa minutieusement le concept d'un Esprit unique, où la Conscience est transpersonnelle, universelle, collective et infinie dans l'espace et le temps, donc immortelle et éternelle. En adoptant une vision unitaire de la conscience humaine, Schrödinger reconnaissait ce qu'il appelait le "paradoxe arithmétique" - à savoir que, bien qu'il existe des milliards d'esprits apparemment séparés, la vision que les humains ont du monde est largement cohérente. Il n'y a qu'une seule explication adéquate pour cela, écrivit-il, "à savoir la fusion des esprits ou de la conscience. Leur multiplicité n'est qu'apparente ; en vérité il n'y a qu'un seul Esprit."8 52 Schrödinger pensait que nous souffrions d'une transe consensuelle, d'une illusion collective, par rapport à la nature de la conscience. Comme il le dit, "Nous avons résolument pris l'habitude de penser que la personnalité d'un être humain ... se trouve à l'intérieur du corps. Apprendre qu'elle ne s'y trouve pas réellement est tellement étonnant qu'on en doute et qu'on hésite à l'admettre. Nous avons pris l'habitude de localiser la personnalité consciente à l'intérieur de la tête d'une personne - je dirais à quelques centimètres derrière le point médian des yeux…Il nous est très difficile de prendre conscience du fait que la localisation de la personnalité, de l'esprit conscient, à l'intérieur du corps, n'est que symbolique, une aide à des fins pratiques."9 L'immortalité de l'Esprit constituait un élément essentiel de la vision de Schrödinger. Il écrivit : "J'ose dire qu'Il [l'Esprit] est indestructible. Il a une chronologie particulière : l'Esprit est toujours maintenant. Il n'y a en vérité ni avant ni après pour l'Esprit. Il n'y a que l'instant présent, qui comprend les souvenirs et les attentes…10 On peut affirmer que la théorie physique, dans son stade actuel, suggère fortement l'indestructibilité de l'Esprit par l’entremise du temps, du moins je le crois."11 Pour de nombreux Occidentaux, la (dé)mesure de l'holisme de Schrödinger peut être choquante. Il le reconnaissait, mais ne reculait pas, affirmant : ’’Aussi inconcevable que cela puisse paraître à la raison ordinaire, vous - et tous les autres êtres conscients en tant que tels - êtes tout en tout. Par conséquent, la vie que vous vivez n’est pas seulement un morceau de l’existence entière, mais elle est, dans un certain sens, le tout. Seulement ce tout n'est pas constitué pour être appréhendé d'un seul regard. C'est ce que les brahmanes expriment avec cette formule sacrée et mystique : Tat tvam asi (Cela, tu l’es). Ou qu'ils expriment encore avec des mots comme : ‘’Je suis en orient et en occident, Je suis en haut et Je suis en bas, Je suis ce monde tout entier.’’12 Pour Schrödinger, cette vision n'avait rien d'une fantaisie philosophique, elle était tout à fait pratique. Faisant écho à Schopenhauer, il déclara que l'unité avec les autres "sous-tend toute activité moralement valable",13 dont l'altruisme et l'héroïsme. Dans le cadre de l'unité avec les autres, des individus risqueront leur vie pour une fin qu'ils croient bonne, donneront leur vie pour sauver celle d'un 53 autre, et donneront pour soulager la souffrance d'un étranger, même si cela peut augmenter la leur. L'unité avec le Tout imprégnait la vie quotidienne de Schrödinger, en tant que scientifique. Mené correctement, le travail scientifique s'apparentait à sonder l'esprit de Dieu. Il écrivit : "La science est un jeu…L’incertitude consiste à savoir combien de règles Dieu lui-même a ordonné de façon permanente, et combien sont apparemment causées par votre propre inertie mentale…C'est peut-être ce qu'il y a de plus excitant dans ce jeu. Car ici, vous luttez contre la frontière imaginaire entre vous et la divinité - une frontière qui n'existe peut-être pas."14 Schrödinger ne voyait aucun conflit, mais l'harmonie entre son interprétation de la physique quantique et le Vedanta. Comme l’expliquait son biographe, Moore, "En 1925, la vision du monde de la physique était un modèle de l'univers, qui ressemblait à une gigantesque machine composée de particules matérielles séparables et en interaction. Au cours des années suivantes, Schrödinger, Heisenberg et leurs continuateurs imaginèrent un univers basé sur la superposition d'ondes d'amplitude de probabilité indissociables. Cette vision serait entièrement compatible avec le concept védantique du Tout en Un."15 Mais pas juste avec le Vedanta. Schrödinger citait avec approbation le magnifique traité d'Aldous Huxley, La philosophie éternelle, une anthologie d'écrits mystiques provenant du courant ésotérique des principales religions du monde.16 Cela suggère que Schrödinger souscrivait en principe à l'idée que "tous les mystiques parlent le même langage, car ils viennent du même pays."17 Si le Vedanta n'avait pas existé, il aurait trouvé la confirmation de sa vision dans d'autres traditions. Les étoiles ne se lèvent pas ; c'est la Terre qui oscille et tourne, faisant apparaître les étoiles. Il en va de même pour les grandes vérités. Bien qu'elles soient toujours présentes, elles attendent que nous nous bougions pour être vues. 54 SAINT PATRON DE L’ESPRIT UNIVERSEL ? Même s'il avait une connaissance approfondie de la philosophie orientale, Schrödinger était loin de représenter un "physicien spirituel". Il n'avait pas la prétention d'être un saint. Ses défauts personnels étaient évidents dans ses relations avec les autres, lesquelles étaient souvent tumultueuses. Comme le dit délicatement Moore, "il n'a pas réussi à intégrer pleinement ses convictions dans ses actes". Moore ajouta : "La Bhagavad Gita enseigne qu'il y a trois voies de salut : la voie de la dévotion, la voie des œuvres et la voie de la connaissance. De par son tempérament inné et de par sa formation initiale, Erwin était destiné à suivre cette dernière voie. Son intellect lui indiqua la voie et, tout au long de sa vie, il exprima sa foi dans le Vedanta via de gracieux essais, mais il resta ce que les Indiens appellent un Mahavit, quelqu’un qui connaît la théorie, mais sans être parvenu à en obtenir la réalisation pratique dans sa propre vie. La Chandogya Upanishad distingue un Mahavit, un connaisseur de la lettre, d’un Atmavit, un connaisseur de l'Atman".18 OK, parfait. Schrödinger serait sans doute d'accord pour dire qu'il n'était pas la voie, il ne faisait que l'indiquer. Mais en dépit de toutes ses imperfections, notre monde aurait bien besoin de plus de scientifiques comme lui. S'il y avait un saint patron de I'Esprit universel parmi les physiciens, ce serait Erwin Schrödinger. LE PROFESSEUR KOTHARI ET MA DETTE ENVERS L’INDE A titre personnel, j’ai moi aussi une dette envers l’Inde. En 1988, on me proposa de dispenser la conférence annuelle en mémoire du Mahatma Gandhi à la Fondation Gandhi pour la Paix, à New Delhi. L'invitation avait été lancée par le professeur D. S. Kothari, que je n'avais encore jamais rencontré. Kothari était l'un des physiciens indiens les plus connus du XXe siècle, et ses recherches sur la thermodynamique statistique et la théorie des naines blanches lui valurent une réputation internationale. Cette invitation comprenait 55 la possibilité de donner une conférence au Gujarat Vidyapith, l'université d'Ahmedabad fondée en 1920 par le Mahatma Gandhi, et de passer du temps à New Delhi avec le professeur Kothari. Avant mon voyage en Inde, le professeur Kothari me fit parvenir une copie de son article phare, "Atom and Self".19 Cet article me fut d'une aide précieuse dans mes efforts pour disséquer les relations entre la spiritualité, la physique et la conscience. Ses idées paraissaient découler d'une fusion parfaite entre l'intellect, l'intuition et l'expérience. Il s'agissait clairement d'une voix qui s'exprimait à partir d'une profonde compréhension personnelle. Son humanité et son humour ressortirent, alors que je lui demandai : "Professeur Kothari, est-ce que vous méditez ?" Alors octogénaire, il répondit : "Oh, non ! Mais j'envisage de le faire !" Le professeur Kothari me confia qu'il avait lu mon livre de 1981, Space, Time & Medicine20, dans lequel j'explorais les liens entre l'esprit et le corps, la conscience et la guérison, et comment ces phénomènes pouvaient être liés à de nouveaux domaines de connaissance, qui émergeaient dans les sciences physiques. Mais quel intérêt tout cela présentait-il pour la Fondation Gandhi pour la Paix ? Kothari m’expliqua que la foi de Gandhi en l'ahimsa, la doctrine de la non-violence envers tous les êtres vivants, était compatible avec ma prémisse selon laquelle la conscience était un facteur puissant de santé et de longévité. La conscience, dit-il, pourrait être considérée comme l'approche non violente ultime de la santé, si on la compare aux effets relativement violents des médicaments et des procédures chirurgicales modernes. D'où le rapport avec la perspective gandhienne. À l'époque, je travaillais sur un autre livre, Recovering the Soul, dans lequel j'affirmais que l'"Esprit non local"21 est infini dans l'espace et le temps, donc immortel, et qu'il ressemble ainsi au concept très ancien de l'âme. J'étais timoré concernant ces concepts, car personne en médecine, pour autant que je sache, n'avait appliqué le concept de non-localité à l'esprit. Le professeur Kothari me confirma que j'étais bien sur un terrain solide et qu’il partageait l'idée que la Conscience est non localisée et infinie, donc immortelle, éternelle et unique. Nous passâmes beaucoup d’heures à explorer ces idées, et il me donna la 56 confiance nécessaire pour poursuivre mes explorations. J'ai une dette envers lui que je ne pourrai jamais rembourser. Le professeur Kothari s’éteignit paisiblement chez lui en 1993, avec un exemplaire de la Bhagavad Gita sous son oreiller. 57 CHAPITRE 3 : EXPÉRIENCES VÉCUES RELATIVES À L’ESPRIT UNIVERSEL L'Esprit universel ressemble à une plateforme informatique invisible, non physique, avec une capacité de stockage infinie et sans utilisateur. Inutile d'établir des connexions, car tous les esprits sont déjà connectés de manière non locale, comme un ensemble unitaire. La distance et le lieu ne s'appliquent pas. "Il n'y a pas de là, là", comme le remarqua un jour Gertrude Stein à propos de sa maison d'enfance disparue à Oakland, en Californie.1 Cependant, quand on fait l'expérience de l'Esprit universel, on a tendance à décrire de telles occurrences dans le langage "voir-toucher-sentir" de la vie tridimensionnelle ordinaire. Cela n'a rien d'étonnant, car le cerveau humain n'est pas bien adapté à la compréhension des phénomènes transcendants et non physiques, et il ignore largement certaines expériences qui ne sont pas liées à la survie biologique. Ainsi, en accédant à l'Esprit universel et en établissant un contact de personne à personne avec un individu apparemment éloigné, on a coutume de qualifier cette expérience de télépathie, et on imagine classiquement quelque vibration ondulante, portée par une sorte de Pony Express cosmique, qui transporte la correspondance d'un endroit à l'autre et qui assure la liaison. Si l’on capte des informations sur un site éloigné, on considère généralement qu'il s'agit de vision à distance ou de clairvoyance, qui est relayée par quelque chose. Si l’on introduit des informations dans l'environnement par un acte intentionnel et si elles produisent un effet à distance, comme par exemple une guérison, on se dit qu'on a dû envoyer quelque chose pour entraîner l'événement à distance, "là-bas". Mais il n'y a pas de "là-bas". J'appelle ces occurrences variées des processus au-delà du cerveau et du corps. En 2009, au cours d'une tournée nationale pour la promotion du livre, La science des prémonitions, je fus assailli par des témoignages de personnes relatifs à ces expériences de l'Esprit universel. Je m’aperçus que presque tout le monde avait une histoire. Après une présentation dans une librairie, un groupe de personnes s'attardait généralement jusqu'à ce que la foule s'amenuise, puis celles-ci venaient me voir, et on me demandait : "Cela vous ennuierait-il, si je vous raconte une de mes expériences ?" Elles ajoutaient souvent : "Je n'en ai encore jamais parlé à personne auparavant." C'est parce qu'une stigmatisation est souvent attachée à des histoires comme celles-ci, ce qui fait que beaucoup de gens hésitent à les raconter, de peur d'être considérés comme bizarres. Voici quelques-unes des histoires que j'ai entendues. UNE SÉRIE DE NUMÉROS Une femme d'âge moyen établie sur la côte est des États-Unis éprouva soudain le sentiment puissant que son fils, qui vivait à des milliers de kilomètres de là, de l'autre côté du pays, était en grand danger. Elle essaya d'ignorer ce sentiment, mais il devint plus fort. Subitement, une série de chiffres lui apparut à l'esprit, dont la signification était tout à fait obscure. C'est alors qu'elle ressentit fortement le besoin de composer la série de chiffres sur son téléphone. Elle se retrouva alors en communication avec les urgences d'un grand hôpital situé dans la ville lointaine où habitait son fils. ‘’Puis-je vous aider ?’’, demanda une infirmière. ‘’Je n’en n’ai aucune idée. Je suis juste inquiète pour mon fils’’, bredouilla la femme. ‘’Comment s’appelle-t-il ?’’ Elle donna le nom de son fils à l’infirmière. ‘’Oh, on l’a admis aux urgences, il y a quelques heures. Le Dr Smith vient tout juste de terminer de s’en occuper. Je vais aller le chercher, et il pourra vous donner de ses nouvelles.’’ Le Dr Smith ne tarda pas à prendre le téléphone et il expliqua à la mère éberluée et anxieuse : "Votre fils a été impliqué dans un accident de voiture. Il a été gravement blessé, mais je suis heureux de vous dire qu'il va pouvoir se rétablir." Une histoire quasiment identique me fut racontée dans une autre ville par une femme qui s'était brusquement inquiétée pour sa fille sans aucune raison 59 apparente. Elle vit également une série de chiffres, les composa et elle fut mise en contact avec les urgences de l'hôpital, où sa fille était soignée à la suite d’un accident de voiture. UN AMI TRÈS INSISTANT Un jeune ingénieur s’envola pour l’Amérique du Sud dans un avion privé piloté par une connaissance. Il avait prévu de rendre visite à un ami qu'il n'avait plus revu depuis l'époque de l'université. Au moment de rentrer chez lui aux ÉtatsUnis, quelques jours plus tard, son ami débarqua dans sa chambre d'hôtel pour lui dire qu'il ne devait pas reprendre l'avion, car la nuit précédente, il avait rêvé que cet avion allait s'écraser et que toutes les personnes qui étaient à bord périraient. L'ingénieur répondit à son ami que cette prémonition était ridicule, et une dispute éclata. Une bagarre s'ensuivit, au cours de laquelle l’ami le plaqua au sol et le maîtrisa physiquement. Ce n'est que lorsque l'heure du départ de l'avion fut passée qu'il le libéra. L'ingénieur était furieux ; il devrait maintenant rentrer chez lui en prenant un vol commercial à ses propres frais. Puis la nouvelle tomba : l'avion privé venait bel et bien de s'écraser, tuant toutes les personnes à bord. Pendant la tournée de mon livre, le vol 447 d'Air France s'écrasa dans l'océan Atlantique, le 1er juin 2009, provoquant la mort de 216 passagers et de 12 membres d'équipage. Immédiatement après le crash, Stefan van Oss, un homme d'âge moyen habitant près d'Amsterdam, fut interviewé par la télévision néerlandaise. Van Oss avait réservé une place sur le vol fatal. Un de ses amis proches avait eu la prémonition que quelque chose de grave allait se produire, et que si Van Oss montait dans l'avion, il ne rentrerait jamais vivant chez lui. Van Oss accorda du crédit à la prémonition de son ami, annula sa réservation et survécut pour pouvoir en parler.2 LE CANCER EST JUSTE ICI 60 Une femme rêva qu'elle avait un cancer du sein. Particulièrement inquiète, elle se rendit chez son médecin, dès le lendemain matin. Elle lui indiqua l'endroit précis sur le haut de son sein gauche, où elle avait vu le cancer dans son rêve. "C'est juste ici !", dit-elle. Mais elle ne pouvait rien sentir, et son médecin non plus. On lui fit passer une mammographie, qui s'avéra normale. Bien que le médecin l'ait rassurée en lui disant qu'il n'y avait rien d'anormal et qu'il fallait attendre et voir ce qui se passait, tout en procédant à des examens fréquents, elle n'était pas satisfaite. "C'est le rêve le plus frappant que j'aie jamais fait !", protesta-t-elle. "Je suis certaine d'avoir un cancer du sein à cet endroit précis." Devant son insistance à aller plus loin, le médecin persuada un chirurgien de procéder à une biopsie à l’encontre de son meilleur jugement. ‘’Mais où ? Il n’y a rien, là’’, objecta le chirurgien. ‘’Ecoutez, pratiquez la biopsie à l’endroit qu’elle indique’’, dit le médecin. Quelques jours plus tard, le pathologiste recontacta le docteur avec le rapport. "C'est le cancer du sein le plus microscopique que j'ai jamais vu !", dit-il. "Vous n'auriez pas pu le sentir. Il n'y avait aucun signe, ni aucun symptôme. Comment l'avez-vous découvert ?" "Ce n'est pas moi", répondit-il. "C'est elle. Dans un rêve." LE PRESSENTIMENT D’UN MALHEUR En décembre 1972, un homme d'affaires américain était de passage au Nicaragua. Il séjournait depuis une semaine dans la capitale, Managua, et il comptait rester une semaine de plus. Il éprouva soudain le besoin impérieux de quitter la ville. Cela n'avait aucun sens, car un départ prématuré entraînerait probablement l'échec de ses négociations commerciales. L'urgence était telle qu'il savait qu'il devait partir le plus rapidement possible. Il rassembla donc ses affaires, se précipita à l'aéroport, puis quitta le pays par le premier vol disponible. Il se sentait stupide d'agir ainsi, jusqu'à ce qu’on l’informe de la catastrophe qui s'était produite, deux heures après son départ. Le 23 décembre, à 0 h 29, un 61 tremblement de terre de magnitude 6,2 survenait sous le centre de la ville et, dans l'heure qui suivit, deux violentes répliques se succédèrent. Le bilan faisait état de 5 000 morts, de 20 000 blessés et d’ un quart de million de sans-abri. L'hôtel où l'homme avait séjourné était entièrement démoli. L’EFFONDREMENT D’UN PONT Le 1er août 2007, une femme d'âge moyen rentrait chez elle à l'heure de pointe du soir à Minneapolis, dans le Minnesota. Son trajet était si routinier qu'elle disait pouvoir le faire les yeux bandés, mais cette fois-ci, son ennui fut interrompu par une envie inexplicable de prendre un autre itinéraire pour rentrer chez elle. Elle n’ignorait pas que toute autre route entraînerait un retard considérable, et donc elle résista à cette envie. Néanmoins, ce sentiment gagna tellement en intensité qu'elle s'engagea sur une autre route. Avant d'arriver chez elle, elle entendit à la radio dans sa voiture que le pont surplombant le Mississippi qu'elle empruntait régulièrement deux fois par jour, s'était effondré dans le fleuve, tuant 13 personnes et en blessant 145. Elle fut si secouée qu'elle dut arrêter son véhicule pour reprendre le contrôle de ses émotions avant de continuer sa route. LA SECRÉTAIRE SAIT Une jeune femme qui travaillait comme secrétaire dans un service médical très sollicité d'un grand hôpital métropolitain réalisa qu'elle savait à l'avance quels patients allaient connaître des urgences médicales, comme un arrêt cardiaque pendant son service. Mais elle n'avait aucune formation médicale, ni aucun contact direct avec les patients, et elle savait que si elle rendait publiques ses prémonitions, elle serait ridiculisée, voire licenciée. Lorsqu’elle apprit qu'une infirmière de son service s'intéressait à ces questions, elle se lia d'amitié avec elle et finit par s'ouvrir à elle. Au début de chaque garde, elle lui disait secrètement quels patients nécessitaient une attention particulière. Elle ne se trompait pratiquement jamais. L'infirmière et elle gardèrent leurs communications 62 secrètes pendant des années. Les deux femmes sont certaines que cela permit de sauver la vie de nombreux patients. UNE VAGUE SCÉLÉRATE Au début de l'année 1991, Marilyn Winkler de Dandridge, Tennessee, et son mari, David, décidèrent de marquer une pause dans leur rôle de parents et de partir en vacances sur l'île de Sainte-Lucie dans les Caraïbes.3 Sa belle-mère vint leur rendre visite pour garder leur fille de 15 mois, Kate. Après s'être installés dans un hôtel de Marigot Bay, à Sainte-Lucie, les Winkler montèrent à bord d'un bateau-taxi, un bateau à moteur de 7 mètres, qui devait les emmener jusqu'à la ville côtière de Soufrière, où ils avaient prévu de déjeuner. Tandis qu'ils longeaient la côte pendant les cinquante minutes du trajet, le temps était parfaitement calme et aucune tempête n'était annoncée. Bizarrement, Mme Winkler entreprit d’examiner le plancher du bateau et de ramasser de petits débris, comme un clou rouillé, pour les jeter par-dessus bord. Cela vira à l'obsession, car elle voyait ces objets comme des projectiles, si le bateau venait à faire naufrage. Il n'y avait aucune raison apparente de s'inquiéter. Elle était dans son élément sur les bateaux, elle était bonne nageuse et le temps était idéal. Sans cesse, elle regardait vers l'est et surveillait l’horizon, cherchant d'autres bateaux et n'en apercevant aucun. À proximité de Soufrière, Gregory, le barreur du bateau-taxi local, et Stan, un autre marin du coin, décidèrent d'entrer dans la baie de Soufrière en coupant au court par un passage dans un récif, plutôt que de contourner le récif et d'entrer dans la baie plus au large. Winkler sentit instinctivement que ce n'était pas la bonne option et commença à crier à son mari de prendre la barre des mains de Gregory et de les éloigner de la faille. Les hommes se moquèrent d'elle et lui adressèrent des remarques chauvines. Elle résista à l'envie de prendre la barre elle-même et entreprit de ranger ses affaires personnelles dans des sacs étanches, comme pour se préparer à une urgence. Elle regarda à nouveau autour d'elle et ne vit aucun autre bateau dans les environs. 63 À mi-chemin dans le passage, une vague gigantesque surgit de nulle part, qui souleva l’embarcation sur une crête de plus de 7 mètres, avant de la retourner complètement et de l'écraser en la réduisant en "cure-dents", comme le dit Winkler. Winkler et Stan se retrouvèrent 10 mètres sous la surface de l'océan. Puis, le temps parut s'arrêter, se souvint Winkler. Elle voyait les rayons sublimes du soleil qui filtraient et elle ressentait une paix totale. Ses pensées se dirigèrent alors subitement vers Kate, qu'elle entendit crier "Maman !" aussi distinctement que possible. Puis elle sentit deux mains derrière sa poitrine qui la soulevaient, en la tirant vers la surface, et elle commença à nager. Une fois remontée à la surface, elle regarda vers le rivage pour s'orienter. Elle vit que les trois hommes étaient remontés à la surface. Elle chercha à nouveau d'autres bateaux, mais n'en aperçut aucun. Puis, sorti de nulle part, un vieux pêcheur à la longue barbe grise apparut à quelques mètres de là. Il invita tranquillement les nageurs à monter dans son bateau et leur tendit la main à tour de rôle. Il les transporta à Soufrière, où des habitants s’agglutinèrent autour d'eux et les accompagnèrent jusqu'à une clinique. La marche s'avéra pénible, car ils durent s'arrêter fréquemment pour recracher de l'eau de leurs poumons. Gregory, le barreur, avait le nez cassé, et David avait une lacération du cuir chevelu qui saignait et qui nécessita 20 points de suture. Secoués et heureux d'être toujours en vie, ils prirent un vol dès le lendemain et rentrèrent chez eux, pour arriver tard dans la nuit dans le Tennessee. Ils dirent à la mère de David qu'ils avaient fait naufrage, et avant qu'ils ne puissent s'expliquer davantage, celle-ci raconta que la veille, la petite Kate, pendant qu'elle lui donnait son repas dans sa chaise haute, s'était tout-à-coup mise à dire : "Maman et papa se noient !" et "Papa saigne de la tête". Elle ajouta qu'un requin était dans l'eau. Bien que Winkler n'avait pas vu de requin, c’était plausible au vu de tout le sang qu’il y avait dans l'eau. Winkler déclara que sa fille pouvait à peine parler à ce stade de sa vie, qu'elle avait passé la totalité de ses 15 mois dans les Smoky Mountains, qu'elle n'avait jamais été à la mer et qu'elle ne savait peut-être même pas ce qu'était un requin. Mais Winkler n'avait aucun doute sur le fait qu'elle avait réellement entendu Kate dire "Maman !", alors qu'elle était dans l'océan. 64 La prémonition de la catastrophe de Winkler était particulièrement remarquable à plusieurs égards. Elle était si profonde qu'elle en parla aux autres, avant qu'elle ne se produise et commença à s'y préparer. Sa petite fille, à environ 3500 km de là, semblait savoir ce qui arrivait à ses parents, et elle parut parler à Winkler, alors qu'elle était sur le point de se noyer. Mais qu'en est-il des mains qu'elle sentit et qui la remontaient ? Et du vieux pêcheur qui arriva de nulle part pour les secourir - pourquoi son bateau n'avait-il pas fait naufrage avec le leur ? ANECDOTES OU HISTOIRES DE CAS ? La vie des gens ne se déroule pas comme une série d'expériences de laboratoire contrôlées. Des événements extraordinaires se produisent au cours de la plupart des vies, et il est stupide de vouloir les écarter parce qu'ils sont extraordinaires et uniques en leur genre. Le scepticisme à l'égard des histoires des gens peut être exagéré. Ainsi que l'a déclaré le philosophe et chercheur spécialisé dans la conscience, John Beloff, de l'université d'Édimbourg, "le scepticisme n'est pas nécessairement la marque d'une grande rigueur d'esprit ; il peut aussi être signe de lâcheté intellectuelle."4 Il y a un vieux dicton en médecine à propos des histoires des gens. "Si vous n'aimez pas l'histoire, vous la qualifiez d'anecdote. Si vous l'aimez, vous parlez d'une histoire de cas." Anecdotes ou histoires de cas ? A vous de décider. 65 CHAPITRE 4 : L’ESPRIT UNIVERSEL N’EST PAS UN FLOU INFINI Si tous les esprits individuels font partie d'un Esprit plus global, qu'est-ce qui empêche toute l'activité mentale de se fondre dans une sorte de confusion sans caractéristiques au sein de l'Esprit universel ? Qu’est-ce qui explique la spécificité et l'individualité que nous constatons dans des expériences de l'Esprit universel, au-delà du corps ? Comment une mère inquiète, qui sent que son enfant est en grande difficulté dans une ville lointaine, peut-elle savoir que c'est son enfant qui est concerné et non un autre enfant quelque part ailleurs dans le monde ? LA SÉLECTIVITÉ ET LA PRÉCISION DE L’ESPRIT UNIVERSEL Le psychologue Joseph Chilton Pearce, que je cite souvent dans ce livre, a réfléchi profondément à la question de la spécificité. Il s'oppose fermement aux théories New Age qui sont proposées comme explications. "Supposer que toutes nos pensées ne font réellement qu'une, que notre séparation n'est qu'une illusion est un non-sens", écrit-il. "Il y a des niveaux où les pensées peuvent, dans des conditions très particulières, s'échanger, et il y a des niveaux où elles ne le peuvent pas." Ce qui est heureux, car cela nous évite d'être submergés par un flot continu de pensées provenant de nos sept milliards de colocataires terriens. Etablissant un parallèle avec la découverte d'états intriqués entre des particules subatomiques ayant été en contact - où un changement dans une particule est associé à un changement égal et instantané dans une particule distante, quelle que soit la distance - Pearce observa qu'il existe des règles régissant ces connexions, sans quoi le monde serait dans le chaos. "Les particules ne sont pas toutes liées, ce qui serait un chaos aussi grand que si aucune particule n'était liée.1…Notre intuition d'une globalité sous-jacente ne devrait pas impliquer la fusion en une masse homogène."2 Parce que nos esprits ne se dissolvent pas dans l’uniformité, les événements spécifiques et individualisés relevant de l'Esprit universel sont préservés. L'Esprit universel est sélectif. Une mère alarmée peut se connecter avec son enfant, mais pas avec tous les enfants. Certains esprits peuvent affecter des gadgets électroniques spécifiques, mais pas tous les systèmes électroniques. Des visionneurs à distance peuvent se connecter à des scènes spécifiques, mais pas à la totalité du paysage planétaire. Que nous appelions l'Esprit universel la Source, le Tout, le Grand Tout, l'Absolu, l'Univers, l'Être pur, Dieu, Allah, etc., il ne s'agit pas d'un flou infini et sans caractéristiques. Il se manifeste dans nos vies de manière unique. Comment estce possible ? Une image utile est que l'Esprit universel est comparable aux cellules souches de notre corps. Les cellules souches sont pluripotentes, ce qui signifie qu'elles peuvent se transformer en tout type de cellule spécialisée du corps. Mais les cellules souches ne se développent pas toutes seules, en se transformant au hasard en n'importe quel type de cellule. Elles sont en attente. Quand elles sont sollicitées, ces cellules indifférenciées non dévolues se transforment en un type de cellule spécifique (cardiaque, cutanée, intestinale, sanguine, etc.) en fonction des besoins de l'organisme. A l’image des cellules souches, l'Esprit universel, la Source, attend des instructions et des sollicitations. C'est pourquoi les informations qui en émanent peuvent être très individualisées et non aléatoires. Par conséquent, les motifs, les spécificités et l'individualité caractérisent la manière dont l'Esprit universel se manifeste dans nos vies. Il répond aux besoins, aux souhaits, aux désirs et aux intentions des individus et des situations. L'Esprit universel peut faire éclore les pensées et les connaissances d'un savant, d'un Léonard ou d'un Einstein. Il peut permettre la découverte du feu ou l'invention de la roue. Il peut révéler la composition de la Joconde, le tableau périodique des éléments ou le secret du vol plus lourd que l'air. Ses possibilités créatives sont infinies. Comme nous l'avons vu, l'Esprit universel a également une fonction préventive. Il peut se manifester par le biais d'un rêve prémonitoire qui annonce une catastrophe naturelle ou une maladie qui menace. Ces révélations inspirées par le besoin sont assez courantes. Elles jaillissent, comme à partir d'un cadre de connaissance plus vaste. 67 L'auteur David Grann en donnait un exemple dans son livre palpitant, La Cité perdue de Z, qui retrace en détail les aventures du légendaire explorateur britannique, Percy Fawcett, dans la jungle amazonienne, au début du 20ème siècle. Les possibilités de périr dans un tel environnement sont nombreuses infections mortelles, prédateurs divers, famine, accidents, folie, massacre par des tribus hostiles - et pourtant, Fawcett avait la capacité étonnante de les déjouer presque toutes. Sa capacité à éviter les prédateurs était étonnante. Un jour, après avoir bondi par-dessus une vipère, il écrivit dans son journal : " Ce qui m'a le plus frappé, c'est l'avertissement de mon subconscient et la réaction musculaire instantanée…Je ne l'avais pas vue avant qu'elle ne file entre mes jambes, mais l'"homme intérieur" - si on peut l'appeler ainsi – l’a non seulement vue à temps, mais a estimé exactement sa taille et sa distance de frappe, et il a donné des ordres au corps en conséquence !"3 On qualifie souvent ce type de connaissance de "sixième sens" ou de "double vue", mais cataloguer quelque chose ne suffit pas à l'expliquer. L'esprit non local ou la conscience illimitée et non locale, qui entraîne la prémisse de l'Esprit universel, est un autre point de vue. Il est déraisonnable d'essayer de séparer les cellules souches du corps. Leur comportement et leur destin sont si intimement intégrés au corps qu'elles sont le corps. Similairement, il est déraisonnable de séparer la conscience humaine de la source d'information qu'est l'Esprit universel. Il n'y a pas de source séparée. Nous sommes Lui, et Il est nous. Ensemble, nous occupons une dimension en dehors du temps et de l'espace. Dans l'Esprit universel, toutes les possibilités, toutes les configurations d'informations, paraissent exister potentiellement, ‘’superposées’’ les unes aux autres, dans l'attente d'un signal pour se transformer en une réalité dans notre monde d'expérience. C'est une image que les physiciens reconnaîtraient immédiatement, car c'est celle qu'ils utilisent en physique quantique. La plupart des physiciens pensent qu'avant qu'une mesure soit effectuée au niveau quantique, une particule existe dans tous ses états théoriquement possibles. Il n'y a pas d'entités réelles à ce stade, seulement un ensemble de potentiels qui coexistent en une ‘’superposition’’ de tous les états possibles. Lors d'une mesure ou d'une observation, ces potentiels enregistrent un "effondrement de la 68 fonction d'onde", qui est une description mathématique, et ils se manifestent comme une seule des nombreuses configurations possibles, comme le fameux chat dans la célèbre expérience de pensée de Schrödinger. La mesure ou l'observation rend réels les potentiels virtuels. (Il existe d'autres interprétations en physique. Certains physiciens pensent qu'à la suite d'une observation au niveau quantique, toutes les possibilités se réalisent, et que nous ne sommes conscients que d'une seule d'entre elles l'interprétation dite des mondes multiples ou des univers parallèles de la théorie de la mesure quantique). Mais dans l'Esprit universel, ce n'est pas la mesure qui produit la transformation du potentiel en réel, mais le besoin. INTRICATION ET NON-LOCALITÉ Une autre image prometteuse qui a vu le jour pour expliquer nos liens intimes est l'intrication, un concept également tiré du monde de la physique quantique.4 On dit d'un objet qu'il est intriqué, s’il ne peut pas être entièrement décrit sans tenir compte d'un ou de plusieurs autres objets ; c'est comme si les entités séparées et distantes constituaient un seul système. L'intrication a été vérifiée expérimentalement à de nombreuses reprises au cours des trois dernières décennies, et elle est acceptée par la majorité des physiciens comme une caractéristique fondamentale de la nature.5 La non-localité est considérée comme le mécanisme qui sous-tend les effets de l'intrication. Comme le souligne le physicien Nick Herbert, "une connexion nonlocale relie un endroit à un autre sans traverser l'espace, sans s'affaiblir et sans délai." D’après Nick Herbert, ces connexions présentent trois caractéristiques distinctives. Elles sont directes (aucun signal de connexion n'est impliqué), totales (la force des corrélations ne décline pas avec l'augmentation de la distance) et immédiates (elles sont instantanées).6 69 Les implications de l'intrication et de la non-localité sont sidérantes, tellement sidérantes que certains physiciens ont eu beaucoup de mal à y croire. Ce qui est le cas d'Einstein, qui tourna en ridicule les connexions non locales en les qualifiant d' "actions fantomatiques à distance."7 Einstein s'est toutefois trompé dans ses objections, et l'incroyable est advenu. Comme le dirent le physicien, Menas Kafatos, et l'historien des sciences, Robert Nadeau, dans leur livre The Conscious Universe : Parts and Wholes in Physical Reality, "L'univers, à un niveau très élémentaire, pourrait être un vaste réseau de particules qui restent en contact les unes avec les autres sur n'importe quelle distance et en un rien de temps, en l'absence de transfert d'énergie ou d'information."8 Pour que des particules distantes démontrent des connexions non locales et une intrication, elles doivent avoir été en contact à un moment donné. D’après la théorie du Big Bang, toute la matière de l'univers était à l'origine en contact, concentrée dans un "point très chaud" de matière-énergie qui explosa, il y a environ 14 milliards et demi d'années, en donnant naissance à l'univers que nous voyons.9 Donc, si la théorie du Big Bang est valable, la condition pour des connexions non locales d'un contact initial a été remplie très tôt. Il y a peu de temps encore, les scientifiques pensaient que l'intrication se limitait au micromonde des atomes et des particules subatomiques, mais aujourd'hui, il est prouvé que l'intrication est une caractéristique de la biologie des créatures vivantes, nous y compris apparemment, comme nous le verrons plus loin dans cette première partie.10 L'intrication peut-elle expliquer la connectivité que l’on observe dans l'Esprit universel ? Le chercheur Dean Radin, un spécialiste de la conscience, pense que c'est possible. Dans son livre éclairant, Entangled Minds, il montre comment l'intrication peut s'appliquer au niveau mental et expliquer les diverses expériences de l'Esprit universel au-delà du cerveau, que nous examinons dans ce livre. 70 HOLOGRAMMES L'hologramme est une autre métaphore qui permet d'illustrer la relation entre les esprits individuels et l'Esprit universel. Dans les années 1980, l'éminent physicien David Bohm, professeur de physique théorique au Birkbeck College de Londres, développa son concept d' "ordre implicite" dans son livre de référence, La plénitude de l'univers. Bohm proposait l'ordre implicite comme explication de la cohérence universelle. Les caractéristiques essentielles de cet ordre sont que l'univers entier est d'une certaine manière contenu dans chaque partie, et que chaque partie est intégrée dans la totalité. Bohm suggérait l'hologramme comme "un moyen qui peut aider à donner un certain aperçu perceptuel immédiat de ce que peut signifier la totalité indivise…"11 Hologramme est dérivé de termes grecs signifiant "écrire le tout". Chaque partie d'un hologramme contient suffisamment d'informations pour reconstituer l'hologramme entier – ‘’écrire le tout", en somme. L'hologramme est remarquablement similaire à la métaphore du filet d'Indra, élaborée au 3ème siècle par l'école bouddhiste du Mahayana. Lorsqu’Indra a façonné le monde, il l'a fait sous la forme d'un filet ou d'une toile, dans lequel/laquelle il y avait un joyau chatoyant à chaque nœud. Le filet est d’une dimension infinie ; les joyaux sont donc en nombre infini. Dans la surface scintillante de chaque joyau se reflète l'image de tous les autres joyaux du filet un processus réfléchissant/miroitant infini, qui symbolise l'interpénétration, l'interconnexion et l'identité mutuelle simultanée de tous les phénomènes de l'univers.12 LE RECOUVREMENT Outre l'hologramme, Bohm utilise un exemple plus simple pour illustrer le recouvrement des parties et des ensembles. Considérons un récipient transparent rempli d'un fluide très visqueux et qui comporte un rotateur mécanique capable de remuer le fluide très lentement. Si l'on ajoute au fluide une gouttelette d'encre noire insoluble et si l’on fait tourner le rotateur, l'encre se transforme lentement en un fil qui s'étend dans tout le fluide, et elle finit par 71 apparaître comme si elle était répartie uniformément dans tout le fluide sous la forme d'une nuance de gris. Mais si l'on inverse le mouvement de rotation de l’appareil, la transformation s'inverse et la gouttelette d'encre noire réapparaît soudainement, reconstituée. La gouttelette d'encre a conservé son individualité, même si elle paraissait répartie uniformément.13 Similairement, les esprits individuels conservent leur individualité, même s'ils sont contenus dans l'Esprit universel. David Bohm était l'un des physiciens les plus éminents du 20ème siècle. Il était connu pour avoir défié hardiment l'orthodoxie scientifique, et ses intérêts s'étendaient à de nombreux domaines, tels que la philosophie, la psychologie, la religion, la biologie et la nature de la conscience. Il arriva à ses idées sur la Conscience unitaire par la voie rigoureuse de la physique moderne et par ses expériences personnelles. Ses dialogues avec le maître spirituel, Jiddu Krishnamurti, inspirèrent des milliers de personnes et sont toujours disponibles.14 Bohm et moi, nous avons appris à nous connaître un peu et échangé des idées sur le rôle du sens et de l'esprit dans la guérison. Un jour, dans une conversation de couloir au cours d'une petite réunion intime, je lui demandai son avis sur l'avenir de l'humanité. "Croyez-vous que nous nous en sortirons ?" Il marqua une pause, réfléchit intensément et dit : "Oui. Mais tout juste !" CHAOS ET FRACTALES Plus il y a d'alternatives, et plus le résultat est incertain. Plus grande est l'incertitude, et plus le potentiel de transmission de l'information est vaste. - Roy Lachman et coll.15 Un modèle expliquant comment les esprits individuels pourraient participer à l'Esprit universel a vu le jour à partir d'une source surprenante - un domaine des mathématiques appelé théorie du chaos et des fractales. 72 En 1975, le mathématicien Benoit Mandelbrot inventa le terme fractal à partir d’un terme latin signifiant "brisé", duquel est issu le mot fracture. Dans une structure fractale, des motifs similaires se reproduisent à des échelles de plus en plus petites. On se sert des fractales pour décrire des phénomènes partiellement aléatoires ou chaotiques, comme la formation des cristaux, la turbulence des fluides et la formation des galaxies. On retrouve des modèles fractals à tous les niveaux de la nature : dans les nuages, les lignes côtières, les flocons de neige, les cristaux, les réseaux de vaisseaux sanguins, les vagues océaniques, l'ADN, les fréquences cardiaques, divers légumes, comme le chou-fleur et le brocoli, les chaînes de montagnes, les réseaux fluviaux et les lignes de faille. L'art fractal est maintenant très répandu, grâce à des modèles d'une beauté stupéfiante générés sur ordinateur par des mathématiciens et des artistes fractalistes. Le mathématicien Ralph Abraham, de l'Université de Californie à Santa Cruz, est un expert de la théorie du chaos, qui traite des systèmes dynamiques extrêmement sensibles aux conditions initiales. Cela signifie que les prédictions à long terme sur le comportement de ces systèmes sont généralement impossibles. L'exemple le plus connu est celui de la météo et de "l'effet papillon", selon lequel le battement d'aile d'un papillon en Chine peut déclencher une tornade quelque part aux États-Unis. Les fractales constituent "une vaste zone d’effervescence et de frémissement" où des éléments différents se rassemblent, explique Abraham.16 Il utilise l'exemple d'une plage de sable pour illustrer comment les fractales se manifestent dans la nature. Sur une carte, un littoral apparaît nettement distinct. Mais lorsque nous observons de près la limite entre la terre et l'eau, ces distinctions nettes disparaissent. Sur la plage, il y a de l'eau dans le sable et du sable dans l'eau. "La transition entre la terre et la mer est une fractale", explique Abraham. "Elle est spatialement chaotique. C'est naturel. La Voie lactée est une plage de sable céleste. C'est également naturel. La nature nous enseigne la géométrie fractale et la théorie du chaos." Abraham pense qu'il existe des "fractales dans l’esprit" et des "fractales dans l'âme du monde". Il suggère que dans une psyché normale, les limites entre composantes de l'esprit, tels que la conscience de veille et l'inconscient, sont 73 "des fractales denses, qui permettent une sorte de porosité entre ces composantes de la psyché, et donc, l'intégration" - le modèle de la "plage de sable" du fonctionnement psychologique sain, pour reprendre ses termes. Dans un esprit malsain, ces "limites peuvent ressembler à des murs de béton ou à des rideaux de fer." Lorsque cela se produit, les composantes isolés de l'esprit ne peuvent pas communiquer entre elles. Il peut en résulter un trouble de la personnalité multiple, avec séparation et isolement de domaines mentaux. Les termes utilisés par Abraham pour définir une telle situation sont le ‘’dischaos’’ de la personnalité multiple, un syndrome de dysfonctionnement chaotique. Ce dysfonctionnement chaotique - le dischaos - peut également se produire à un niveau sociétal et mondial, suggère Abraham. Cela peut provoquer des troubles au niveau "du conscient et de l'inconscient collectif de notre société… Ainsi, des frontières trop fermes — les rideaux de fer — peuvent contribuer aux problèmes mondiaux." Abraham soutient que des frontières / limites fractales consistantes sont une "condition préalable à la stabilité et à la longévité d'une culture, ou à la santé d'un individu". Elles sont nécessaires pour permettre l'interconnectivité, la communication et l'intégration à la fois dans l'esprit des individus et entre les sept milliards d'esprits individuels sur la terre. L'alternative est celle de frontières / limites rigides qui interdisent la communication fluide, la tolérance et la compréhension, avec pour conséquence la désintégration des personnalités individuelles et de la société globale. Malheureusement, il semble que nous soyons en train de défractaliser notre société en établissant / instaurant des frontières / limites / barrières de plus en plus imperméables. Comme le note Abraham, "notre culture a consacré une attention excessive à la forteresse fortifiée... murs de béton autour de la ville, serrures sur les portes et les maisons, détecteurs de mouvement électroniques, caméras vidéo aux distributeurs automatiques de billets, et ainsi de suite." Des communautés murées nous séparent mutuellement au nom de la sécurité. Les armes à feu sont presque aussi nombreuses en Amérique que les Américains. Les manifestants qui occupent...Wall Street… et les 99 % se sentent de plus en plus en marge avec les 1 %. La courtoisie a pratiquement disparu des salles du 74 Congrès. Les barrières imperméables et non poreuses n'ont jamais semblé aussi généralisées. Pourtant, il y a ceux qui, comme Abraham, voient des moyens de nous relier dans la Grande Connexion. Frederick Turner, professeur d'arts et de sciences humaines à l'université du Texas, à Dallas, voit dans la science fractale une voie par laquelle les esprits individuels peuvent s'unir en un seul Esprit universel. Dans son livre, Natural Religion, il suggère qu'une expérience visuelle qui nous remplit momentanément d'un sentiment d'émerveillement - par exemple, une magnifique œuvre d'art ou un coucher de soleil éblouissant - "sidère l'esprit." D’après Turner, une "syntonisation ou un ajustement délicat" peut s'opérer dans le cerveau, grâce à laquelle "l'attrait étrange de l'Esprit divin" influence l'esprit individuel pour qu'il devienne "une miniature fractale de l'Esprit universel."17 Il existe une infinité de voies pour "sidérer l'esprit." Nous examinerons ultérieurement comment des personnes très créatives ont surmonté les effets ‘’dischaotiques’’, ‘’défractalisants’’ et abrutissants des habitudes, des carcans et des routines qui empêchent notre éveil à l'Esprit universel transcendant. LE ROUGE À LÈVRES DE BERGEN-BELSEN Lorsque les troupes britanniques libérèrent le camp de concentration de Bergen-Belsen, en Allemagne, le 15 avril 1945, elles y découvrirent 40 000 prisonniers répartis dans 200 baraquements. Elles tombèrent également sur 10 000 cadavres. La plupart des prisonniers étaient morts du typhus ou de faim. Par peur d'être infectés, les gardes allemands avaient refusé de les enterrer, et les prisonniers squelettiques restants n'avaient plus la force de le faire ; les cadavres avaient donc été jetés en tas tout autour du camp et laissés à pourrir. Les soldats britanniques étaient profondément choqués. Ils se mirent à vomir, lorsqu'ils atteignirent les barbelés, submergés par la puanteur de la mort. Ces troupes endurcies, qui avaient combattu les nazis dans toute l'Europe, pleuraient comme des bébés. Mais elles se mirent au travail et ensevelirent les cadavres au bulldozer dans une fosse commune. Quelque part parmi eux se trouvait la jeune 75 Anne Frank, qui avait noté dans son journal à Amsterdam, dès 1942, que des Juifs étaient enlevés et gazés. Le 28 avril, ils avaient tous été enterrés. Même si 500 détenus continuaient à mourir chaque jour, au moins il n'y avait plus de cadavres qui traînaient, ce qui remontait le moral. Il y avait de la nourriture, et presque tous les détenus avaient été désinfectés avec de la poudre de DDT. Leurs vêtements avaient été fumigés et leurs corps lavés. Les baraquements infectés furent brûlés au lance-flammes. Nicholas Best, qui fournit cette description dans son livre Five Days That Shocked the World, décrivit ainsi ce qui arriva ensuite : Un génie avait introduit du rouge à lèvres à l'intérieur du camp. Une importante livraison venait d'arriver, suffisamment pour que chaque femme de Belsen puisse se maquiller, si elle le souhaitait. Un très grand nombre d'entre elles le firent, en se souvenant avec bonheur qu'elles avaient été féminines et qu'elles pourraient l'être à nouveau un jour. Le rouge à lèvres se révéla être un stimulant énorme pour le moral et fit toute la différence entre la vie et la mort pour certaines femmes du camp.18 Le lieutenant-colonel britannique, Mervin W. Gonin, commandant de la 11th Light Field Ambulance, R.A.M.C., fut parmi les premiers soldats britanniques à libérer Bergen-Belsen en 1945. Dans son journal, il fournit une description plus graphique de l'effet du rouge à lèvres : C'est peu après l'arrivée de la Croix-Rouge britannique — bien que cela n'ait peut-être aucun rapport — qu'une très grande quantité de rouge à lèvres est arrivée. Ce n'était pas du tout ce que nous, les hommes, voulions. Nous réclamions des centaines et des milliers d'autres choses, et j'ignore qui a demandé du rouge à lèvres. J'aimerais tant pouvoir découvrir qui l'a fait. C’était une action de génie, du pur et simple génie. Je crois que rien n'a fait plus pour ces détenues que le rouge à lèvres. Des femmes étaient couchées sur leur lit, sans draps ni chemise de nuit, mais avec des lèvres rouge écarlate. Vous les voyiez se promener avec rien d'autre qu'une couverture sur les épaules, mais avec des lèvres rouge 76 écarlate. J'ai vu une femme morte sur la table d'autopsie. Elle serrait dans sa main un bâton de rouge à lèvres. Finalement, quelqu'un avait fait quelque chose afin qu'elles redeviennent des personnes. Elles étaient des personnes, et plus seulement un numéro tatoué sur leurs bras. Au moins, elles pouvaient s'intéresser à leur apparence. Ce rouge à lèvres a contribué à leur rendre leur humanité.19 Comment quelqu'un a-t-il su que le rouge à lèvres leur redonnerait la volonté de vivre et sauverait ainsi des vies ? Un individu anonyme a été capable de s'identifier si intimement à l'esprit de ces prisonnières affamées, souffrantes et mourantes qu'il ou elle a pu voir au-delà de l'évidence. Je suggère qu'il s'agissait là d'une manifestation de l'Esprit universel de tout premier ordre. L'horreur de Bergen-Belsen résulte de la rupture des relations entre des humains, et du fait que "l'autre" en est arrivé à être considéré comme moins qu'humain. L'épisode du rouge à lèvres est le genre de révélation qui peut se produire, lorsque des esprits s'unifient dans la Grande Connexion. De tels épisodes extrêmes sont des miroirs qui montrent à la fois le pire et le meilleur de ce dont les humains sont capables – la bestialité et l’angélisme. Ils soulignent le fait que l'unité, la communauté et la conscience de l'Esprit universel ne sont pas des subtilités philosophiques, mais des nécessités qui empêchent notre déchéance dans la dépravation. Ce sont des miroirs que l’on ne devrait jamais décrocher du mur. QUI EST AUX COMMANDES ? Qui ou qu'est-ce qui contrôle l'Esprit universel ? Qui ouvre et ferme le robinet de l'information ? Pour les chrétiens, c'est Dieu qui crée l'ordre et la forme à partir du vide indifférencié. Pour les hindous, ce sera l'interaction entre Shakti et Shiva qui déclenche le processus créatif de l'univers. Pour le physicien David Bohm, il s’agit d’ordres invisibles, "implicite" et "super-implicite", qui se déploient dans l'ordre visible "explicite" que nous voyons, touchons, entendons et sentons.20 Dans notre ère d'enchantement quantique, c'est l'interaction des fonctions d'onde et des observateurs qui produit le monde visible des choses. 77 AU-DELÀ DES MOTS Dans notre marché moderne des idées, il existe de nombreux modèles parmi lesquels choisir pour décrire les opérations de la conscience. Tout le monde semble vanter son candidat préféré. À un moment donné, cependant, toute discussion sur les mécanismes - qu'il s'agisse d'émergence, d'intrication, de nonlocalité, d'hologrammes, d'ordres implicites ou de tout autre processus - devient sans objet. Les sages, qui représentent le côté ésotérique des grandes traditions de sagesse, soutiennent unanimement qu'au fur et à mesure que la compréhension grandit, toutes les descriptions de l'absolu finissent par être transcendées. Le nom et la forme, qui sont les principales caractéristiques de notre existence quotidienne, deviennent obstructifs et n'ont plus guère d'importance. C'est ainsi que Maître Eckhart, un grand mystique chrétien allemand du 14ème siècle, a pu proclamer : "Rien n'est aussi semblable à Dieu que le silence."21 Le père Thomas Keating se fit l'écho d'Eckhart : "Le silence est le premier langage de Dieu ; tout le reste n'est qu'une mauvaise traduction."22 Dans la tradition hindoue, Swami Vivekananda déclara : "Le silence du chercheur est la forme de prière la plus éloquente."23 Et dans le bouddhisme zen, on a cet aphorisme : "Celui qui parle ne sait pas, et celui qui sait ne parle pas." Mais le silence ne signifie pas simplement se taire ; cela, une pierre peut le faire. Le silence signifie qu’un lieu s’est créé, où une forme supérieure de la connaissance peut entrer. Les mystiques considèrent ce passage au silence comme une condition préalable à l'union divine : l'absorption totale dans l'Esprit Universel, le Tout, l'Absolu, la Source. À ce stade, le langage est tout simplement dépassé, remplacé par l'Être. Quand le neurochirurgien, Eben Alexander accéda à cet état au cours d’une expérience de mort imminente due à une méningite presque mortelle, il se contenta de dire : "C'est indescriptible."24 Les merveilles qui se sont produites et la sagesse qui lui fut accordée se révélèrent sans mots ; le langage ordinaire était inutile. Ou, comme le dit Maître Eckhart : "Il est dans la nature de Dieu d'être sans nature."25 Aucune description n'est possible. Aucune description n'est nécessaire. 78 CHAPITRE 5 : LE SENTIMENT D’ÊTRE OBSERVÉ Winston Churchill observa un jour à propos de l'un de ses adversaires politiques : "Il lui arrivait de trébucher sur la vérité, mais il se relevait hâtivement et se dépêchait de continuer comme si de rien n'était."1 Nos rencontres avec les phénomènes de l'Esprit universel sont souvent comme ça. Bien qu'ils soient réels et qu'ils devraient nous faire réfléchir, nous n'y prêtons souvent pas attention. Prenons par exemple la sensation d'être observé. La plupart des gens ont déjà vécu cette expérience et en jetant un coup d'œil ou en se retournant, ont rencontré le regard de l'autre personne. Le biologiste britannique, Rupert Sheldrake, qui a étudié ce phénomène de manière approfondie, rapporte qu'entre 70 et 97 % des adultes et des enfants d'Europe et d'Amérique du Nord ont vécu de telles expériences.2 Le phénomène semble aussi fonctionner dans l'autre sens : des personnes rapportent avoir amené quelqu'un d'autre à se retourner et à croiser leur regard en le fixant. De telles expériences se produisent le plus souvent dans des lieux publics : à l'arrêt à un feu rouge, dans la rue, dans les bars et les restaurants, etc. Sheldrake qualifie de "septième sens" la capacité de détecter le regard perçant d'une personne éloignée. Il suggère que le septième sens englobe également la télépathie et les prémonitions. Pourquoi un "septième" sens? Sheldrake explique que ces capacités semblent appartenir à une catégorie différente des cinq sens normaux et qu'elles diffèrent également de ce que l'on nomme le ‘’sixième’’ sens, comme la capacité des animaux à détecter des stimuli électriques, magnétiques et thermiques.3 De nombreuses expériences montrent que des sujets peuvent détecter le regard d'une personne éloignée, même si celle-ci les observe par un système de télévision en circuit fermé. La sensation est fréquemment corrélée à une modification de la conductivité électrique de la peau de la personne observée. Il semble y avoir une connexion directe d'esprit à esprit entre les deux sujets – une imbrication de la conscience, une connexion entre des esprits distants, comme si les deux esprits ne faisaient temporairement qu'un. Ce phénomène est particulièrement fréquent en temps de guerre. En tant que chirurgien de bataillon au Vietnam, je côtoyais des fantassins de combat, y compris des membres des forces spéciales. Beaucoup de ces soldats attribuaient leur survie à un sens très développé, qui les avertissait qu'ils étaient observés par des soldats ennemis. Rupert Sheldrake évoque l'expérience de William Carter, qui dirigeait une patrouille de Gurkhas lors d'une opération antiterroriste en Malaisie, en 1951.4 La patrouille de Carter tomba sur un campement qui venait d'être abandonné. Pendant qu'ils inspectaient le site, Carter éprouva l'impression désagréable d'être observé. Cette impression s'accompagnait d'un profond sentiment de danger, comme si quelque chose lui bloquait la nuque. Il se retourna pour apercevoir un soldat ennemi à une vingtaine de mètres, qui pointait son fusil pour le tuer. Carter sut instantanément que l'un d'eux allait mourir et tira le premier. Il n’a aucun doute sur l'existence de la sensation d'être épié, et déclare : "Sans cela, je ne serais pas en vie aujourd'hui."5 L'apparition fréquente du sentiment d'être observé dans des situations de combat de vie ou de mort suggère que l'une des fonctions de cette capacité est la survie. Cette hypothèse est logique. Un organisme doté d'une capacité à percevoir le danger aurait plus de chances de survivre et de produire une descendance, notre impératif biologique. Dans une série d'entretiens avec des professionnels qui observent les autres pour gagner leur vie, comme le personnel de surveillance et la police, Sheldrake constata que la plupart d'entre eux étaient convaincus de la réalité de ce sens. Selon eux, certaines personnes semblaient savoir qu'elles étaient observées, même lorsque les observateurs étaient bien cachés. Les suspects se retournaient souvent et fixaient le véhicule dans lequel se trouvaient les policiers. Les détectives sont parfois formés à ne pas fixer trop souvent ou intensément le dos des personnes qu'ils suivent, afin de ne pas inciter l'individu à se retourner. Ces précautions sont souvent suivies, même à distance, par exemple lorsque les suspects sont observés à l'aide de jumelles. 80 Un marine américain raconta à Sheldrake son expérience en tant que tireur d'élite en Bosnie, en 1995. Lorsqu'il visait des terroristes notoires à travers la lunette de son fusil, ces individus semblaient savoir qu'il les visait. "Dans la seconde qui précédait l'exécution, une cible semblait, d'une certaine façon, établir un contact visuel avec moi. Je suis convaincu que ces gens détectaient, d'une façon ou d'une autre, ma présence à des distances de plus d'un kilomètre. Avec une précision troublante, ils fixaient directement mon propre objectif."6 Les photographes de célébrités rapportent des expériences similaires, dit Sheldrake. Des célébrités photographiées à leur insu à plus d'un kilomètre de distance se retournent souvent et regardent vers l'objectif de l'appareil. Les chasseurs et les photographes animaliers rapportent des faits similaires : l'animal, pour des raisons inconnues, se tourne vers le viseur ou l'appareil photo, comme s'il lisait dans l'esprit du traqueur.7 Pendant les mois d'été, ici, dans le nord du Nouveau-Mexique, je garde une mangeoire pour les colibris à l'extérieur de mon bureau. Je conserve des jumelles sur mon bureau et lorsqu'un colibri se pose sur la mangeoire, je saisis rapidement les jumelles pour le voir de près. Quasiment toujours, le colibri s'envole au bout de quelques secondes. Mais si je jette un coup d'œil rapide sans les jumelles et que je ne laisse pas mon regard reposer sur l'oiseau, il semble s'attarder à la mangeoire pendant des périodes beaucoup plus longues. C’est une observation non scientifique, je le sais, mais que j'ai faite à plusieurs reprises pendant plusieurs années. Certains propriétaires d'animaux de compagnie confièrent à Rupert Sheldrake qu'ils croyaient pouvoir réveiller leurs chiens ou leurs chats endormis en les fixant du regard.8 Beaucoup pensent que leurs animaux de compagnie peuvent sentir leur regard, même si l'animal ne peut pas voir leurs yeux.9 Ces rapports ne sont-ils que des "histoires" ? Ce sont des histoires, mais elles sont corroborées par des dizaines d'études de laboratoire et par des expériences qui démontrent la possibilité de détecter le regard d'un individu distant. Dans l'ensemble, ces études fournissent des preuves solides concernant la convergence, l'interaction et la connexion d'esprits distants. Défiant l'hypothèse 81 communément admise suivant laquelle des esprits individuels sont enfermés dans un cerveau, cette recherche soutient le concept d'un Esprit global, non localisé dans l'espace et le temps. Le fait que ces phénomènes se produisent aussi bien chez les animaux que chez les humains est important. Si une capacité est distribuée dans la nature chez différentes espèces, cela augmente considérablement la "crédibilité scientifique" des observations, comme si l'on observait un principe généralisé dans le monde naturel et non un phénomène isolé. Parce que nous nous sommes progressivement éloignés de la nature, nous avons de plus en plus de mal à reconnaître la portée de ces phénomènes. Les enfants d'aujourd'hui ont beaucoup plus tendance à regarder Animal Planet à la télévision qu'à s'aventurer dans la nature pour un contact réel avec le monde sauvage. Comparez cela à l'expérience de nos ancêtres, qui vivaient en contact intime avec la nature et ses créatures à chaque instant. Ils considéraient comme acquise la réalité d'une Conscience partagée avec les créatures, grandes et petites, une Conscience sans limites spatiales ou temporelles : l'Esprit universel, dont chaque être vivant est une parcelle. 82 CHAPITRE 6 : ÉVOLUTION À L’UNISSON Chaque printemps et chaque automne, ils se déplaçaient en vastes troupeaux s'étendant à perte de vue. Nul ne savait réellement combien ils étaient, car ils étaient innombrables. Les estimations oscillaient entre 50 et 150 millions. Leur passage provoquait une légère vibration et un profond grondement dans la terre, qui annonçaient leur venue à tout être vivant se trouvant sur leur chemin. Ils s'arrêtaient périodiquement pour se reposer et pour se nourrir et se couchaient la nuit. Puis ils se relevaient à l'aurore pour reprendre leur progression vers l'horizon, vers des destinations qui les attiraient depuis des millénaires. Ces animaux, c’était les magnifiques bisons d'Amérique. Les matins froids, leur souffle formait un énorme nuage givré qui flottait comme un halo au-dessus de l'immense troupeau — un signe que guettait tous les chasseurs. Les animaux se déplaçaient comme un organisme unique avec une volonté unitaire, qui entraînait la mort de beaucoup d'entre eux, puisque chaque individu ne pouvait plus évaluer prudemment le danger ni jauger les risques, lorsque l'esprit de groupe était aux commandes. A l’approche d'un cours d’eau, les animaux de tête s'aventuraient avec hésitation dans l'eau, en tentant de déceler les trous profonds et invisibles ou les sables mouvants, mais derrière eux, le troupeau continuait d’avancer en poussant et en bousculant les meneurs vers des zones de noyade et vers des sables mouvants. Des milliers de bêtes pouvaient ainsi périr, sacrifiées sur l'autel de la résolution butée d’un colossal troupeau. Les Amérindiens savaient lire dans l'esprit des bisons. Ils comprenaient les instincts qui moulaient les masses en un seul organisme et faisaient usage de cette connaissance pour pousser les bisons du haut de précipices, tels que les falaises de Chugwater dans le Wyoming et de Palisades dans le Montana.1 La rencontre avec leur nombre impressionnant laissait les hommes sans voix. En mai 1871, le colonel R. I. Dodge conduisait un chariot de Fort Zarah à Fort Larned, au bord de la rivière Arkansas, dans le sud-ouest du Kansas. Il tomba sur l'un des plus vastes rassemblements de grands animaux de la planète, le fameux troupeau des bisons du sud, qui migrait vers le nord depuis le Texas pour l'herbe d'été. Sur les 34 miles qui séparaient les forts, 25 s'effectuèrent au sein d'une "immense couverture brune de bisons", écrivit l'auteure, Mari Sandoz, dans son ouvrage classique, The Buffalo Hunters. Du haut de Pawnee Rock, Dodge put observer une masse solide et mobile d'animaux sur une distance de dix miles dans la plupart des directions. D'autres qui observèrent ce troupeau dirent qu'il faisait 25 miles de large, probablement 50 miles de profondeur, et qu'il mit cinq jours pour passer par un point donné. On estime qu'il y avait entre 4 et 12 millions d'animaux dans ce seul troupeau.2 Le troupeau se déplaçait tranquillement à cette occasion. Deux mois plus tôt, cependant, la rencontre du colonel Dodge avec les bisons avait été différente, et elle avait failli lui coûter la vie. Par un temps froid et venteux, le groupe de Dodge établit son camp dans le méandre d'un ruisseau en rapprochant les tentes et les chariots. Après l’extinction des feux de camp et que tout le monde se soit endormi à l'exception de la sentinelle, Dodge entendit un grondement faible, mais profond. Il en comprit rapidement l'origine : un immense troupeau de bisons qui fonçait droit sur le camp. Il savait que le troupeau devait être séparé, faute de quoi le campement serait écrasé et tous seraient piétinés. Il héla la sentinelle et trois autres hommes, et ils se positionnèrent entre les bisons qui chargeaient et le campement. Quand les animaux se trouvèrent à une trentaine de mètres, ils commencèrent à tirer le plus rapidement possible et à hurler. Un animal s'écroula, mais les autres suivaient. Les hommes pouvaient sentir la terre trembler sous leurs pieds. D'autres animaux tombèrent sous leurs tirs. Alors qu'il ne semblait plus y avoir aucun espoir, la masse déferlante s'écarta légèrement, puis davantage, puis obliqua pour éviter les hommes. Elle passa à 10 mètres d'un côté du campement et à 25 mètres de l'autre. Les hommes endormis se réveillèrent dans le vacarme et le tumulte des animaux et des coups de feu, paralysés par la peur et certains d'être condamnés. Les Amérindiens considéraient les bisons en cavale comme l'un des véritables périls des plaines. Ils avaient toujours des éclaireurs loin de leurs villages, en poste ou en mouvement. Ces individus pouvaient déterminer la distance et la direction d'un troupeau qui fonçait en écoutant attentivement, l'oreille collée au sol. Quand les chemins de fer se développèrent à l'ouest, les opérateurs découvrirent ces dangers sur le tas. Les troupeaux déchaînés fonçaient sur tout 84 ce qui se trouvait sur leur chemin, y compris sur les locomotives et sur les wagons. Les animaux de tête les percutaient de plein fouet, poussés par ceux qui étaient derrière, et si beaucoup étaient tués, le train en pâtissait également. Après que des trains aient déraillé deux fois en une semaine à cause de bisons qui chargeaient, les machinistes apprirent à s'arrêter à une distance de sécurité et à laisser passer les animaux.3 Le comportement grégaire du bison n'est bien sûr pas un modèle isolé. On sait que des mouvements remarquablement coordonnés se produisent dans le cadre des fameuses migrations des gnous en Afrique, ainsi que chez d'autres quadrupèdes. Ces modèles ne se limitent pas non plus aux grands mammifères. Les premiers colons blancs en Amérique mentionnèrent un comportement de groupe très organisé chez les pigeons voyageurs (Ectopistes migratorius). Le nom de l'oiseau vient du français passager, qui signifie "passer par". À l'époque de l'arrivée de Christophe Colomb, on estimait que sur les trois à cinq milliards d'oiseaux présents dans ce qui allait devenir les États-Unis, un sur quatre était un pigeon voyageur. Des nuées de volatiles, qui se comptaient par millions, répandaient suffisamment d'excréments en survolant les villages pour que les gens soient contraints de rester à l'intérieur. Comme le rapporte l'auteur, Charles C. Mann, dans son livre, 1491, les oiseaux se nourrissaient de faines, de glands et de noix sauvages, mais ils aimaient également les céréales comme le blé, l'avoine et le maïs, et ils détruisaient si souvent les champs que l'évêque du Québec excommunia officiellement l'espèce en 1703. Les pigeons ne parurent pas s'en apercevoir et la sanction ne porta pas ses fruits. Pendant la première partie du 19ème siècle, les pigeons voyageurs étaient tellement nombreux que peu de gens imaginaient qu'il était possible de les exterminer. En 1850, néanmoins, il y avait nettement moins de pigeons voyageurs. Quelques défenseurs de l'environnement comprirent qu'une tragédie se préparait, mais leurs efforts pour l'empêcher échouèrent. Le dernier pigeon voyageur connu, Martha, qui devait son nom à Martha Washington, expira le 1er septembre 1914 au zoo de Cincinnati. Son corps fut congelé dans un bloc de glace, puis expédié à la Smithsonian Institution, où il fut dépecé et 85 conservé. Martha se trouve encore dans les archives du musée, mais n'est pas présentée au public. Le centenaire de l'extinction du pigeon voyageur aura lieu en 2014. Certaines organisations, comme celle du Projet Pigeon voyageur, se préparent à commémorer l'événement "par le biais d'un large éventail de programmes locaux et internationaux, d'expositions, de formations et d'autres activités amusantes pour les personnes de tous âges."4 Le but principal de cette association est de sensibiliser les gens à la manière dont une telle catastrophe pourrait être évitée à l'avenir. L’un des oiseaux les plus doués en matière de comportement de groupe est l'étourneau sansonnet, dont les mouvements acrobatiques en grandes nuées constituent un genre de ballet aérien. En Angleterre, durant les mois d'hiver, des milliers d'étourneaux reviennent le soir après leur quête de nourriture à Otmoor, une zone humide herbeuse de 200 hectares dans le sud-est de l'Angleterre. De petites troupes fusionnent pour constituer de plus grandes nuées appelées murmurations et elles se mettent alors à tourbillonner et à tournoyer en créant des figures qui comptent parmi les plus élégantes de la nature.5 D’énormes bancs de poissons, comme les harengs, présentent également un comportement de groupe similaire en virevoltant à l'unisson, particulièrement lorsqu'ils sont poursuivis par des prédateurs. Lorsque des créatures témoignent d'un comportement de groupe, agissent-elles de manière irréfléchie et aveugle, ou cela implique-t-il quelque chose de plus ? Lorsqu'un éléphant meurt, le troupeau se rassemble souvent autour de l'animal mort, et il peut s'attarder pendant des jours, en se comportant comme s'il éprouvait un chagrin et un deuil réels. Il arrive même que des membres du troupeau ensevelissent l'animal mort avant de continuer leur chemin et de revenir plus tard sur les lieux de la mort pour vénérer les ossements. Des comportements ont également été observés chez des chiens, des chevaux et des gorilles, qui impressionnent les éthologues, en tant qu'expériences de deuil 86 authentiques, et qui sont décrits par David Alderton dans son livre Animal Grief : How Animals Mourn. Dans un récit qui évoque les obsèques d'une pie, une volée d'une quarantaine de volatiles se rassembla autour d'une pie, qui avait été tuée sur une route. Lorsque la voiture qui avait tué l'oiseau repassa par-là, le groupe de pies se précipita sur elle et la força presque à quitter la route.6 Dans un exemple similaire, un homme abattit un corbeau qui lui volait des œufs. En quelques jours, sa maison fut assiégée par une trentaine de corbeaux qui l'encerclèrent pendant plusieurs jours. L'homme renonça définitivement à la chasse.7 L’INTELLIGENCE EN ESSAIM OU DISTRIBUÉE Comment des quantités d'animaux, d'oiseaux et de poissons parviennent-ils à agir de manière concertée et coordonnée, comme si le groupe constituait une seule entité ? L'idée la plus connue est l'"intelligence en essaim" ou la "théorie des essaims", introduite dans les années 1980 par des chercheurs en intelligence artificielle et en robotique. Selon ce concept, les unités individuelles d'un groupe interagissent localement les unes avec les autres et avec leur environnement. Bien qu'il n'y ait pas de contrôle centralisé dictant le comportement des individus, les interactions locales et souvent aléatoires entre les individus conduisent en quelque sorte à l'émergence d'un comportement de groupe intelligent. En d'autres termes, l'individu n'est pas particulièrement intelligent, mais le groupe l'est. La théorie des essaims s'applique à des phénomènes naturels, tels que les troupeaux d'animaux, les nuées d'oiseaux, les bancs de poissons, les colonies de fourmis et de termites, les ruches d'abeilles et la croissance bactérienne.8 La théorie des essaims a des applications pratiques. Elle peut servir à déterminer la meilleure façon de délivrer des billets et d'embarquer des passagers dans des avions commerciaux, d'affecter des arrivées d'avions à des portes d'aéroport et de faire circuler des camions de la manière la plus efficace possible. Les scientifiques ont développé des logiciels pour des groupes ou pour des "essaims" de robots, en utilisant des règles simples qui imitent le 87 comportement des essaims d'insectes. L'objectif est d'utiliser des robots pour procéder intelligemment à des opérations dangereuses de déminage, de recherche et de sauvetage, qui mettraient en danger les premiers intervenants humains. Selon les scientifiques, des essaims de robots pourraient un jour explorer la surface de Mars.9 Quand des animaux, des oiseaux, des poissons ou des insectes se déplacent massivement, comment font-ils ? Si aucun des harengs d'un banc ne saisit la situation dans son ensemble, comment font-ils pour changer de direction en un éclair, comme une seule entité ? Selon les théoriciens de l'essaim, un des éléments clés est que personne n'est responsable. Il n'y a pas de "général" qui donne des ordres, qui prendraient du temps pour être communiqués au troupeau, à la nuée, au banc ou à la ruche. Au lieu d'ordres venant d'en haut ou de la tête, le comportement complexe est coordonné par des règles relativement simples. En 1986, Craig Reynolds, un chercheur en infographie, imagina un programme simple qu'il baptisa "boids"1 pour explorer ce que pourraient être ces règles. Dans sa simulation, des objets génériques semblables à des oiseaux, les boids, recevaient chacun trois instructions : (1) ne pas bousculer ses voisins, (2) voler dans la direction moyenne par rapport à ses voisins, et (3) rester à proximité de ceux-ci. Quand il exécuta le programme sur un écran d'ordinateur, il obtint une simulation frappante des mouvements imprévisibles et très réels observés dans les nuées d'oiseaux.10 Mais pourquoi les créatures suivent-elles ces lignes directrices et pourquoi constituent-elles d'immenses troupeaux, nuées, bancs ou ruches ? La réponse courante en biologie est qu'il y a un avantage à agir ainsi pour la survie. Un grand groupe d'animaux, d'oiseaux ou de poissons a davantage d'yeux pour repérer les prédateurs. En cas d'attaque, ils peuvent confondre le prédateur par des mouvements de masse bien coordonnés. Une masse d'individus offre un avantage pour localiser un partenaire, trouver de la nourriture ou suivre une route de migration. En tant que membre d'un groupe, chaque individu a 1 Le mot boid est une contraction de l’anglais bird-oid (qui a la forme d'un oiseau). 88 davantage de chances de rester en vie et de se reproduire que s'il est isolé et seul. Ah, si tout était si simple ! Même parmi les scientifiques qui s'intéressent à l'intelligence de l’essaim, ces événements "semblent encore miraculeux, même pour les biologistes qui les connaissent le mieux", selon Peter Miller, rédacteur au National Geographic. Les biologistes qui vivent dans la nature pendant de longues périodes et observent de près les créatures ont souvent le sentiment tenace que les belles formulations de la théorie de l’essaim ignorent quelque chose. En 2003, pendant cinq mois, des biologistes de la faune sauvage, Karsten Heuer et son épouse, Leanne Allison, suivirent la harde de caribous de la Porcupine, comptant 123 000 animaux sur plus de 1600 km, lors de sa migration depuis son aire d'hivernage dans le nord du territoire du Yukon, au Canada, jusqu'à son aire de mise bas dans le National Wildlife Refuge de l'Alaska.11 "C'est difficile à décrire avec des mots, mais quand le troupeau était en mouvement, il ressemblait beaucoup à l'ombre d'un nuage qui passe au-dessus du paysage, ou à une masse de dominos basculant en même temps et changeant de direction", déclara Heuer. Un domino heurtant le suivant, une succession de dominos qui basculeraient les uns après les autres : la cause à effet classique ? Pas exactement. Heuer poursuivit : "C'était comme si chaque animal savait ce que son voisin allait faire, et le voisin d'à côté et celui d'à côté. Il n'y avait aucune anticipation, ni aucune réaction. Pas de cause à effet. C'était comme ça."12 Ce genre de propos rend fous les biologistes. Il n'y a pas de place dans la biologie classique pour cette ''simple connaissance'', qui court-circuite la cause à effet. Ce qui se rapproche le plus de cette "simple connaissance" pour les biologistes, c'est l'idée d'instinct, c'est-à-dire l'inclination inhérente d'un organisme vivant à adopter un comportement particulier. Ces schémas d'action fixes ne reposent pas sur l'apprentissage, mais sont hérités. La plupart des théoriciens croient que les informations qui régissent le comportement instinctif sont câblées dans le système nerveux de l'individu, qu'elles sont contenues dans l'ADN des parents et transmises des parents à la progéniture. L'ADN est la cause ; le comportement instinctif est l'effet. 89 L'intelligence en essaim et les instincts sont sensés jusqu'à ce que l'on commence à examiner les petites exceptions qui ne concordent pas, comme ces observations "sans cause à effet" d'éthologues, comme Heuer et Allison. Je suggère la possibilité d'une intelligence collective - d'un Esprit universel qui ne dépend pas de l'information sensorielle – et qui pourrait opérer dans les troupeaux d'animaux, les nuées d'oiseaux et les bancs de poissons. UN ESPRIT DE GROUPE ? Ainsi que nous l'avons vu, les biologistes ont tenté d'expliquer le comportement de groupe des troupeaux, des hardes, des nuées et des bancs par des informations sensorielles captées par un animal auprès de son voisin immédiat, ce processus s'étendant à l'entièreté du groupe. Une telle explication élimine la nécessité d'une quelconque intelligence de groupe, ou du moins c'est ce que l'on dit. Mais il y a des problèmes avec les modèles informatisés, comme les boids de Reynolds. Comme le précise le biologiste britannique, Rupert Sheldrake, ce qui se passe sur un écran plat d'ordinateur n'a que peu de rapport avec le comportement de véritables nuées d'oiseaux en trois dimensions. Les modèles bidimensionnels, dit Sheldrake, sont "biologiquement naïfs".13 En 1984, le biologiste, Wayne Potts, de l'Université de l'Utah, filma les mouvements virevoltants de grandes nuées de bécasseaux variables, des petits échassiers de rivage, au-dessus de Puget Sound, dans l'État de Washington.14 Il constata que tout bouleversement dans l'orientation, d'un voisin à l'autre, pouvait s'opérer en 15 millièmes de seconde. Ces changements pouvaient être provoqués par des oiseaux isolés ou par de petits groupes localisés n'importe où dans la nuée, et se propager sous la forme d'une onde quasi-simultanée dans toute la nuée. Potts testa plus tard les bécasseaux en laboratoire pour voir à quelle vitesse ils répondraient à un stimulus. Il trouva qu'en moyenne, il fallait 38 millièmes de seconde à un oiseau pour déclencher une réaction de sursaut face à un éclair de lumière. Cela signifie qu'ils ne pouvaient pas se baser sur des indications visuelles de la part de leurs voisins pour changer d’orientation en vol beaucoup plus rapidement que le temps de réaction prouvé expérimentalement. Potts conclut néanmoins que les oiseaux individuels réagissaient bien 90 visuellement, non pas à leurs voisins, mais à ce qu'il qualifia d’onde directrice traversant toute la nuée. Pour Potts, "ces vitesses de propagation semblent se produire à peu près de la même manière que dans une chorégraphie humaine : les individus observent l'onde directrice qui s'approche et synchronisent leur propre exécution pour coïncider avec son arrivée". C’est peu probable, d’après Sheldrake. Les participants à une chorégraphie voient ce qui se passe devant ou à côté d'eux, mais pas ce qui se passe derrière eux. Pour que le modèle de la chorégraphie fonctionne au sein d'une nuée, il faudrait que les oiseaux fassent preuve d'une attention visuelle quasiment constante, à 360 degrés, ce qui n'est pas le cas. Comment pourraient-ils réagir quasiment instantanément aux vagues qui s'approchent d'eux par l'arrière ? Il leur faudrait des yeux à l'arrière de la tête. Or aucun oiseau, dit Sheldrake, ne possède une vision à 360 degrés, qu'ils aient leurs yeux à l'avant de la tête, comme les hiboux, ou sur le côté, comme les oies, les canards, les bécasseaux variables et les étourneaux. Que pourrait-il se passer d'autre ? "Depuis des décennies, des naturalistes spéculent sur le fait que les changements de direction dans les nuées d'oiseaux se produisent si rapidement qu'ils semblent dépendre d'une pensée collective ou de la télépathie", explique Sheldrake. "Ma propre hypothèse, c’est que les nuées d'oiseaux sont effectivement organisées de manière télépathique via des champs, les champs morphiques".15 Sheldrake examine la nature des champs morphiques dans ses livres novateurs, Une nouvelle science de la vie, La mémoire de l'univers et Le septième sens. Selon son hypothèse, les champs morphiques constituent de vastes champs d'influence qui modèlent le comportement et la pensée. Ils opèrent de manière non locale, indépendamment de l'espace ou du temps. Ils se sont formés au cours de la longue évolution et de la sélection naturelle. Les champs morphiques n'excluent pas l'importance de la vision ou de tout autre sens physique dans les nuées d'oiseaux ou dans le comportement de groupe de toute autre créature ; c'est simplement que la vision seule, ou que tout autre sens physique, ne peut pas expliquer la coordination des mouvements du groupe. On a aussi développé des modèles informatiques bidimensionnels qui ressemblent à des boids pour expliquer les mouvements coordonnés des bancs de poissons qui, de loin, ressemblent à un seul et même organisme. Leur 91 comportement le plus spectaculaire est la fameuse expansion éclair, au cours de laquelle le banc explose vers l'extérieur, lorsqu'il est attaqué par un prédateur, chaque poisson fuyant le centre. Une telle expansion peut se produire en l'espace de 20 millisecondes seulement, note Sheldrake. Là encore, il n'y a pas d'explication sensorielle simple à ce phénomène, puisqu’il est trop rapide pour que les impulsions nerveuses passent de l'œil du poisson à son cerveau, puis à ses muscles. En outre, les poissons se rassemblent en bancs la nuit, de sorte que la vision ne peut pas être essentielle. Même lorsque des poissons ont été temporairement rendus aveugles par des lentilles de contact opaques au cours d'expériences en laboratoire, ils sont restés capables de rejoindre le banc et d'y maintenir leur position. Les modèles informatiques ont également utilisé les variations de pression dans l'eau. Les variations de pression sont détectées par des organes sensibles à la pression, des lignes latérales qui courent le long du corps du poisson. Même quand les lignes latérales ont été sectionnées au niveau des ouïes, les poissons continuent à évoluer normalement en banc. Sheldrake relève des éléments qui suggèrent qu'une intelligence de groupe non sensorielle, semblable à un champ, est nécessaire pour expliquer les comportements organisés, non seulement des nuées d'oiseaux et des bancs de poissons, mais également des insectes sociaux, tels que les termites, les guêpes et les abeilles, des troupeaux fuyant un danger, des loups en expédition de chasse, et des foules humaines, des équipes sportives ou des groupes familiaux. Selon lui, les champs morphiques ont évolué au cours d’une longue période pour permettre aux membres d'un groupe de communiquer au-delà de leurs sens habituels. "C'est dans les champs morphiques des groupes sociaux que nous trouvons la base évolutive de la télépathie", note Sheldrake. La télépathie peut bien être tournée en dérision par les matérialistes purs et durs, mais selon Sheldrake, il n'y a rien de troublant là-dedans. Le phénomène pourrait même être prévisible. La communication non sensorielle est une capacité que toute créature peut développer dans un monde hostile, parce que, tout simplement, elle a une valeur de survie. Parce qu'elle contribue à la survie et donc à la procréation, elle 92 pourrait être incorporée dans la structure génétique d'une créature, de sorte qu'avec le temps, elle pourrait être utilisée par l'ensemble de l'espèce. Une telle capacité évoluerait presque certainement à un niveau inconscient, parce que l'analyse consciente et la prise de décision nécessitent un temps précieux, qui pourrait être fatal, dans l'évitement d'un prédateur. Cela suggère que la télépathie ou que la conscience non locale pourrait être présente inconsciemment chez presque tous les humains, à un certain degré. Même chez les sceptiques. Les champs morphiques de Sheldrake confèrent une structure et une spécificité à 1'Esprit universel. Les champs morphiques peuvent être spécifiques à une espèce, puisqu’ils ont évolué sous la pression de l'évolution pour s'adapter aux besoins de certaines créatures et pas à d'autres. Ainsi, les champs morphiques des nuées d'étourneaux diffèrent de ceux des bancs de poissons. Des insectes sociaux, comme les termites ont leurs propres champs morphiques. Ils savent construire des nids élaborés qui peuvent atteindre trois mètres de haut, avec des galeries, des chambres et des puits d'aération d'une énorme complexité. Même si le plan d'ensemble de la structure peut difficilement être saisi par un seul termite, la colonie le connaît dans son ensemble. Les essaims de guêpes et d'abeilles construisent des structures elles aussi complexes, mais différemment, peut-être guidées non seulement par un champ morphique généralisable aux insectes, mais par un champ morphique plus spécifique aux guêpes ou aux abeilles. Mais l'Esprit unitaire n'est pas entièrement spécifique à une espèce ; des informations peuvent "sauter d'une espèce à l'autre", pour ainsi dire. Les recouvrements sont fréquents. C’est ainsi que nous assistons non seulement à l'échange non local de pensées et d'intentions entre des parents et des enfants, des jumeaux, des amoureux, des thérapeutes et leurs clients, mais aussi entre des créatures très différentes, comme quand, par exemple, des animaux perdus reviennent vers leurs propriétaires humains en franchissant de grandes étendues inconnues et des obstacles incroyables, et ce, inexplicablement par des repères sensoriels ou la mémoire. 93 L'empathie, la compassion, la sollicitude et l'amour sont souvent les lubrifiants de la communication à distance chez l'homme, et peut-être également chez d'autres créatures. Comme le dit Sheldrake, "la télépathie est un aspect du septième sens qui permet aux membres d'un groupe de réagir aux mouvements et aux activités des autres, et de répondre à leurs émotions, à leurs besoins et à leurs intentions. Les sentiments communiqués par télépathie englobent la peur, l'alarme, l'excitation, les appels à l'aide, les appels à se rendre à un endroit particulier, l'anticipation d'arrivées ou de départs, la détresse et la mort", note Sheldrake.16 Comme exemple de communication inter-espèces à distance manifeste, Sheldrake mentionne la reine Elizabeth, notoirement férue d'animaux. L'entraînement de ses chiens de chasse à Sandringham, son domaine dans le Norfolk, est l'un de ses loisirs préférés. Le personnel de Sandringham affirme qu'il n'a pas besoin d'être prévenu de l'arrivée imminente de la reine, car les chiens le font. "Tous les chiens du chenil se mettent à aboyer, dès qu'elle arrive au portail, qui se trouve à 800 mètres de là", explique Bill Meldrum, le gardechasse en chef. "Nous ignorons comment ils peuvent le savoir, et ils ne le font avec personne d'autre."17 Ce constat nous conduit directement à l'exploration de la connexion du septième sens entre les animaux et les humains. 94 CHAPITRE 7 : L’ESPRIT COMMUN DES ANIMAUX ET DES HOMMES Les intelligences des hommes et des animaux peuvent-elles s'unir dans l'Esprit universel ? Lyall Watson, le biologiste, éthologue et aventurier sud-africain, dont les livres m'ont nourri pendant des années, écrivit : "Je pense qu'il pourrait bien y avoir une circulation de schémas ou d'instructions, qui franchit les barrières entre les espèces et qui permet même à des organismes radicalement différents d'emprunter les idées des uns et des autres.... Comme biologiste, je suis parfois conscient – surtout quand je suis immergé dans un cycle naturel - d'une sorte de Conscience intemporelle, illimitée par l'espace ou par les limites de ma propre identité. Dans cet état, je perçois les choses très clairement et je suis capable d'acquérir des informations presque par osmose. Je me retrouve, dans ces moments-là, avec des connaissances qui proviennent directement du fait que je fais partie de quelque chose de beaucoup plus vaste, une sorte d'écologie globale de l'esprit. Et l'expérience qui en découle est littéralement merveilleuse.1 De nombreux éléments tendent à prouver que Watson a raison : en ce qui concerne la conscience, les frontières entre les espèces ne sont pas fondamentales. BOBBIE, LE COLLIE Dans les années 1920, un chien de deux ans appelé Bobbie, un collie avec un peu de chien de berger anglais, fit sensation dans tout le pays. Ses propriétaires, M. et Mme Frank Brazier, des restaurateurs de Silverton, dans l'Oregon, étaient en vacances dans l'Indiana, lorsque Bobbie disparut. En dépit d'efforts intenses pour retrouver le chien, les Brazier ne réussiront pas. Le cœur brisé, ils reprirent la route vers l'ouest, sans aucun espoir de le revoir. Six mois plus tard, Bobbie réapparut, tout émacié, dans le restaurant familial de l'Oregon. Il monta au deuxième étage, grimpa sur le lit et réveilla Frank Brazier en lui léchant le visage. Personne n'arrivait à le croire. Quand le Silverton Appeal publia l'histoire, celle-ci se répandit comme une traînée de poudre dans les journaux de tout le pays. L'Oregon Humane Society mena une enquête pour vérifier les dires des Brazier. En interrogeant des personnes, elle fut en mesure de reconstituer l'itinéraire de Bobbie jusqu'à son domicile, qu'elle chiffra à environ 4 500 km, dont une grande partie au cœur de l'hiver. Bobbie ne suivit pas la route de ses maîtres vers l'Oregon, mais se déplaça plus indirectement sur un terrain qu'il n'avait jamais vu et qu'il n'aurait pas pu connaître. Il ne s'agissait pas non plus d'un sosie, car ses propriétaires purent confirmer son identité grâce à plusieurs marques et cicatrices uniques. La célébrité suivit. Bobbie reçut des médailles, un collier en or et des cadeaux d'Angleterre, de France, d'Australie et d'Amérique. Il reçut une clé de la ville de Vancouver, en Colombie-Britannique. Le Conseil des agents immobiliers de Portland lui offrit un bungalow miniature entièrement équipé pour son foyer. L'écrivain Charles Alexander lui consacra un livre, Bobbie : A Great Collie, publié par Dodd, Mead, and Company, en 1926.2 Bobbie joua son propre rôle dans un film muet, The Call of the West, dont une bobine se trouve dans les archives de la bibliothèque de l'Oregon Historical Society Research. Après sa mort, en 1927, Bobbie fut enterré avec les honneurs à l'Oregon Humane Society. Le maire de Portland prononça l'éloge funèbre. Une semaine plus tard, Rintintin, le berger allemand qui était la star de 23 films hollywoodiens, déposa une couronne sur sa tombe, au nom d'un chien.3 J’ai eu l’opportunité, au fil des ans, de discuter avec de nombreux publics à propos du phénomène de la connaissance à distance ou non locale, et j'utilise fréquemment comme exemple des animaux qui retournent à la maison. Je constate que l'explication qui revient le plus chez les critiques pour le cas de Bobbie et d'autres cas similaires est un sens de l'odorat très développé. Cette question fut abordée au cours d'une conférence que je donnais à la Smithsonian Institution, à Washington, où je fus interrompu par les commentaires d'un homme dans l'auditoire. "Ce sont des phéromones !", lança-t-il avec assurance. 96 "Le chien a senti des phéromones émises par ses maîtres dans l'Oregon. Les vents dominants soufflent d'ouest en est. Le chien a simplement suivi ce signal chimique jusqu'en Oregon". Les phéromones sont des substances chimiques qui sont produites par les mammifères et par les insectes, et qui sont disséminées en concentrations infimes dans l'environnement, en jouant un rôle dans l'attirance sexuelle entre les membres d'une même espèce. "À près de 4 500 km ?", demandai-je. "Et entre des membres d'espèces différentes ? Vous ne pensez pas qu'elles se dilueraient joliment sur plus de 4 500 km ?" Un autre homme dans l'assistance intervint pour avancer une autre explication. "C'est une pure coïncidence", déclara-t-il, sans la moindre ironie. "Le chien a retrouvé la maison dans l'Oregon grâce à un coup de bol extraordinaire". "Il y a pas mal de maisons à l'ouest de l'Indiana", répondis-je. " La probabilité de ne pas pouvoir retrouver la bonne maison par hasard est extrêmement élevée." Les deux hommes affichaient une confiance absolue dans leurs suggestions et ils restèrent de marbre face à mes commentaires. Cela me rappela que de nombreuses personnes préfèreront n'importe quelle explication à une communication d'esprit à esprit, même si leurs alternatives sont peu plausibles ou statistiquement improbables.2 Comment Bobbie retrouva-t-il le chemin de la maison en traversant 4500 km de terrain inconnu ? L'hypothèse de l'Esprit universel suggère que l'esprit de l'animal et que celui de ses maîtres font partie d'un Esprit plus vaste, qui autorise la circulation d'informations entre eux. Si le propriétaire de Bobbie savait comment rentrer chez lui, un tel savoir était tout autant accessible pour Bobbie. Il n'y avait pas deux esprits séparés qui communiquaient l'un avec l'autre, mais essentiellement un seul Esprit. Un tel partage, que ce soit entre humains ou entre animaux et humains, est presque toujours associé à de l'amour, de la bienveillance et de la compassion. Ce processus permit à Bobbie de "rentrer chez lui", un peu comme un avion de ligne qui suit un signal radio vers un aéroport éloigné, à la différence près qu'aucun signal électronique n'était 2 Je ne sais pas quelle est la probabilité, mais toujours est-il qu’à la seconde même ou j’ai traduit ces mots, deux tourterelles sont venues se positionner devant la baie vitrée de la véranda où je travaillais, soit à environ un mètre de moi, pour me regarder dans les yeux, avant de repartir calmement au bout de quelques secondes, NDT. 97 impliqué dans le cas de Bobbie et qu'il n'y a pas besoin d'un relais émotionnel dans le cas de l'avion de ligne et de l'aéroport. Le cas de Bobbie n'est pas unique. De nombreux cas suggèrent l'existence d'un lien entre l'homme et l'animal, qui transcende l'espace et le temps, un lien qu'il est difficile de rompre, même lorsque l'on fait tout pour y parvenir. Minosch, un chat allemand, aurait parcouru près de 2 500 km en 61 jours pour rentrer chez lui, après avoir été séparé de sa famille en vacances.4 Des milliers de cas similaires ont été rapportés. On peut sans doute considérer que certains de ces cas concernent des animaux qui se ressemblent, mais ce n'est pas le cas de tous ; souvent, l'animal qui revient a son collier et sa plaque d'identification d'origine, et peut être identifié par des marques distinctives. Les cas où l'animal qui revient semblent répondre aux besoins physiques et émotionnels d'une personne éloignée sont particulièrement fascinants. Il y a par exemple celui d'un soldat irlandais de la Première Guerre mondiale, dont la femme et le petit chien, Prince, vinrent s'installer à Hammersmith, à Londres, en 1914, pendant qu'il était envoyé avec l'un des premiers contingents sur les champs de bataille de France. Après avoir servi là-bas pendant un certain temps, il obtint une permission pour rendre visite à sa famille, mais après la fin de sa permission, Prince était complètement inconsolable et refusait toute nourriture. Puis le chien disparut. Pendant dix jours, sa femme tenta désespérément de le retrouver, mais en vain. Finalement, elle décida d'annoncer la nouvelle dans une lettre à son mari. Elle fut stupéfaite d'apprendre que le chien l'avait rejoint dans les tranchées d'Armentières, sous un bombardement intense. D’une manière ou d’une autre, Prince s’était frayé un chemin à travers les rues de Londres et 110 km de campagne anglaise, avait traversé la Manche clandestinement, parcouru une centaine de kilomètres sur le sol français, pour ensuite "retrouver son maître au milieu d'une armée d'un demi-million d'Anglais, et ce malgré le fait que les derniers kilomètres intermédiaires étaient sous le feu des obus qui éclataient, et dont beaucoup étaient chargés de gaz lacrymogène."5 98 PLUS QUE DES COÏNCIDENCES Les Drs J. B. Rhine et Sally Rhine Feather, qui travaillaient alors à l'université de Duke6, décrivirent dans leur étude classique sur des cas similaires à celui de Bobbie cinq catégories de comportement animal qui suggèrent l'existence d'une sorte de connaissance non locale, à distance : 1. La réaction à un danger imminent menaçant l’animal ou son maître 2. La réaction à la mort du maître dans un endroit éloigné 3. L'anticipation du retour du maître 4. L’orientation et le retour au foyer 5. Le pistage (retrouver son propriétaire en terrain inconnu et parfois dans un lieu inconnu jusqu'alors) Parmi ces catégories, la plus étonnante est peut-être celle du pistage. Pour prouver ce phénomène, quatre critères majeurs furent retenus : 1. La fiabilité des témoins 2. L'identification formelle de l'animal, par exemple à l’aide d'une malformation, d'une cicatrice ou d'une étiquette d'identification 3. La crédibilité et la cohérence des détails du cas 4. Des preuves concordantes, comme d’autres témoins Rhine et Feather relevèrent 54 cas de chiens, de chats et d'oiseaux qui répondaient à ces critères. Certains accomplissements des animaux sont tellement stupéfiants que c'est presque une garantie qu'ils seront ignorés par les sceptiques des formes de conscience extra-cérébrales. Prenons l'exemple de ce qui s'est passé dans un concours de pigeons en Europe, en juin 1995. Un pigeon femelle appartenant à David Dougal, du Northumberland, en Angleterre, était censé s'envoler de Beauvois, en France, pour rejoindre son domicile. Au lieu de cela, il se dirigea vers le sud-ouest, vers la côte de l'Afrique du Nord, et se posa dans un pigeonnier appartenant à Essoli Mohamed, au Maroc. En octobre, un deuxième oiseau, neveu du premier, quitta également le domicile de Dougal et parcourut 99 les 2 600 kilomètres qui le séparaient de sa tante. "Je ne pouvais pas le croire, lorsque j'ai reçu une autre lettre d'Essoli", dit Dougal. "Lorsque le premier oiseau a disparu, nous n'avons pas été très surpris, car la course s'est déroulée dans des conditions météorologiques déplorables, ce qui affecte le sens de l'orientation de l'oiseau. Mais nous n'avons aucune explication pour le neveu. Il n'avait que quelques semaines et il venait d'apprendre à voler". Dougal fut tellement étonné que le deuxième oiseau ait été capable de localiser le foyer d'adoption de sa tante parmi tous les autres pigeonniers du monde, qu'il permit aux deux oiseaux de demeurer au Maroc.7 Le légendaire J. B. Rhine déclara que ce genre de choses nécessitait des pouvoirs psi bien plus importants que ceux dont les êtres humains ont jamais fait preuve.8 C'est aussi le genre de choses qui pousse les sceptiques à se précipiter vers les "coïncidences" avec le désespoir d'hommes en train de se noyer qui s'accrochent à des fétus de paille. Parfois, c'est le propriétaire qui retourne chez lui, et non l'animal. Sheldrake démontra de manière convaincante que les animaux de compagnie semblent savoir quand leurs maîtres reviennent. Il passa cinq ans à réaliser des expériences méticuleuses qui confirment ce que de nombreux propriétaires d'animaux croient, à savoir qu'il existe un lien entre l'homme et l'animal qui fonctionne à distance, à la fois dans l'espace et dans le temps. Même lorsque l'expérimentateur essaya de piéger les chiens en variant l'heure de retour du propriétaire ou le moyen de transport, par exemple en taxi, les chiens paraissaient toujours savoir et être en alerte en se tenant à la porte ou à la fenêtre, quelques minutes avant que le propriétaire ne se montre. Cela se produisait même lorsque personne à la maison ne connaissait l'heure du retour du propriétaire. Les découvertes de Sheldrake ont fait l'objet d'un livre provocateur intitulé Ces chiens qui attendent leur maître et autres pouvoirs inexpliqués des animaux.9 Les chiens peuvent également savoir quand leurs maîtres ne rentrent pas à la maison. Dans leur livre, The Haunting of the Presidents, Joel Martin et William J. Birnes signalent que juste avant l'assassinat du président Abraham Lincoln au théâtre Ford de Washington, dans la soirée du 14 avril 1865, le chien de Lincoln 100 commença à s'affoler, "pratiquement au moment où le rideau se levait au théâtre Ford… Cet animal, d'ordinaire calme et paisible, se mit inexplicablement à aboyer de manière incontrôlée, comme s'il était pris d'une peur soudaine pour sa vie, et se mit à courir désespérément autour des appartements familiaux pour retrouver son maître, le président". Personne ne sut calmer le chien ; aucun membre du personnel de la Maison Blanche ne put tranquilliser l'animal. Le chien continua à courir dans les couloirs jusqu'à ce qu'il s'arrête, rejette la tête en arrière et se mette à gémir. Tout le monde pensait que quelque chose de terrible s'était produit et que le président était en danger. VALIDITÉ ÉCOLOGIQUE Les animaux sont souvent étudiés en laboratoire, mais le laboratoire n'est pas leur habitat naturel. Dès lors, il n'est pas étonnant que les laboratoires puissent inhiber ou étouffer les manifestations de l'Esprit universel chez les animaux. Comme le dit Susan J. Armstrong, professeure de philosophie et d'études féministes à l'université d'État de Humboldt en Californie, qui a beaucoup écrit sur les phénomènes psi chez les animaux : "Il est possible que les phénomènes psi soient en fait réfrénés par des environnements analytiques stériles et étroitement contrôlés."10 La validité écologique est une expression souvent utilisée pour décrire le point de vue d'Armstrong. Elle signifie que la recherche est menée de manière à ne pas fausser la façon dont le phénomène étudié se produit dans la vie réelle. Armstrong est convaincue de la valeur que peuvent avoir non seulement les expérimentations formelles, mais aussi les simples observations et les rapports de cas. "Les preuves expérimentales et non expérimentales peuvent se soutenir mutuellement", écrivit-elle. "L'abondance même de ces rapports est frappante. Cette abondance peut être considérée comme atténuant les déficiences des rapports individuels."11 Armstrong fournit un exemple personnel de la façon dont les liens émotionnels entre les humains et les autres espèces peuvent fonctionner à distance. À la fin des années 1970, elle avait comme animaux de compagnie un cocker et deux 101 perruches. Elle avait pour habitude de laisser les perruches voler librement dans le salon, puisque rien n'indiquait que le chien leur ferait du mal. Mais un aprèsmidi, alors qu'elle était sortie jardiner, elle ressentit brusquement un sentiment d'une violence inouïe, une émotion inexprimable par des mots. Elle se rua à l'intérieur pour découvrir que son chien venait de tuer l'une des perruches et qu’il lui arrachait les plumes pour la manger.12 PENSÉES PARTAGÉES ? Les propriétaires de chiens et de chats mentionnent souvent que leur animal de compagnie peut détecter leur humeur. De nombreux propriétaires d'animaux vont plus loin et affirment que leur animal peut parfois détecter leurs pensées et leurs intentions. Une enquête menée par Rupert Sheldrake auprès de propriétaires d'animaux de compagnie dans le nord-ouest de l'Angleterre révéla que 53 % des propriétaires de chiens et 33 % des propriétaires de chats pensaient que leur animal réagissait à leurs pensées ou à leurs ordres silencieux, et que des pourcentages similaires pensaient que leur animal était parfois télépathe avec eux.13 On peut citer l'exemple de la réalisatrice de documentaires néerlandaise, Renée Scheltema. Dans son documentaire primé, Something Unknown Is Doing We Don't Know What, elle décrivait comment son chat s'enfuyait et se cachait chaque matin où une visite chez le vétérinaire était prévue, bien que Scheltema n'ait pu déceler aucun indice susceptible de provoquer le comportement du chat.14 IMPLICATIONS POUR LA RECHERCHE De telles observations ont de sérieuses implications pour la recherche impliquant des animaux. Si l'Esprit universel englobe les humains et d'autres espèces, l'animal pourrait-il détecter l'humeur de l'expérimentateur et modifier son comportement en conséquence ? Les expérimentations de Sheldrake sur les chiens qui savent quand leurs maîtres rentrent à la maison constituent un bon exemple. Sheldrake est ouvert à l'idée d'une conscience élargie chez les animaux 102 de compagnie et à la capacité des humains et des animaux à communiquer de manière non locale, à distance. Les expériences minutieuses qu'il mène pour tester cette possibilité génèrent systématiquement des résultats positifs. Un de ses détracteurs, qui est un sceptique convaincu, affirme que lui ne peut pas les reproduire.15 L'hypothèse de l'Esprit universel rend ceci compréhensible. Si j'étais un chien, je ne coopérerais pas non plus avec lui. C'est le genre de chose que le président Woodrow Wilson avait à l'esprit : "Si un chien ne veut pas venir auprès de vous après vous avoir examiné, vous devriez rentrer chez vous et faire votre examen de conscience.", fit-il remarquer.16 DES QUESTIONS DE VIE ET DE MORT On a relevé des milliers de cas où "l'homme porte secours au chien" et "le chien porte secours à l'homme". Nous nous préoccupons beaucoup de nos chiens, et ils nous rendent la pareille. Dans bien des cas, il s'agit d'une question de vie ou de mort ; le sauveteur ne survit pas toujours, qu'il s'agisse du chien ou de l'homme. Précédemment, nous nous demandions pourquoi un être humain risquerait sa vie pour sauver une autre personne en danger extrême, quitte à se sacrifier dans le processus. Le mythologue Joseph Campbell et le philosophe Arthur Schopenhauer ont suggéré, comme nous l'avons vu, qu'au moment critique, les esprits des deux individus sont fusionnés en un seul Esprit ; les deux individus séparés ne font plus qu'un. Cela implique que, du point de vue de la Conscience, le sauveteur ne sauve pas un autre individu, il se sauve lui-même. La fréquence des sauvetages intervenant de l'animal à l'homme et de l'homme à l'animal suggère que le même processus est peut-être à l'œuvre. L'Esprit universel unit non seulement les êtres humains entre eux, mais aussi à leurs animaux de compagnie bien-aimés. Parfois, les liens intimes entre l'esprit des animaux de compagnie et celui de leurs propriétaires semblent littéraux, comme dans le cas de Sir Henry Rider Haggard, le romancier britannique auteur des Mines du roi Salomon. Le cas d’Haggard concernait Bob, son retriever noir. 103 Peu après minuit, le 10 juillet 1904, Rider Haggard poussa un cri dans son sommeil. Il haletait et il peinait à respirer. Il gémissait et il émettait des sons inarticulés, comme un animal blessé, quand sa femme le sortit d'un rêve. Il lui raconta qu'il avait commencé par un sentiment de détresse qui s'était transformé en une impression de lutter pour sa vie. La vivacité du rêve s'accrut encore jusqu’à ce qu’il ait l'impression d'être piégé dans le corps de son retriever bien-aimé, Bob. "J'ai vu ce bon vieux Bob couché sur le côté dans des broussailles au bord de l'eau", déclara-t-il. "Ma propre personnalité paraissait mystérieusement émaner du corps du chien, qui releva la tête dans un angle peu naturel face à moi. Bob essaya de me parler, et incapable de se faire comprendre par des sons, il me transmit mentalement, d'une manière indéfinie, la certitude qu'il était en train de mourir". Rider Haggard décrivit à sa femme une zone marécageuse proche de leur maison. Quatre jours plus tard, il retrouva le corps de Bob à environ 1,5 km de la maison, flottant dans la rivière Waverly. Il était grièvement blessé, avec une fracture du crâne et les pattes avant brisées. Un vétérinaire estima qu'il avait séjourné dans l'eau plus de trois jours, probablement depuis la nuit du 9 juillet. Deux cheminots pensaient que le chien avait probablement été heurté par un train. Ils supposèrent qu'un train avait heurté le chien sur le pont à peu près au même moment que le rêve de Rider Haggard.17 Une vaste littérature existe sur le phénomène inverse, à savoir les animaux qui pleurent la mort de leur maître. Un des cas les plus célèbres est celui de Greyfriars Bobby, un Skye terrier qui est devenu un symbole de loyauté en Grande-Bretagne. Lorsque son propriétaire, John Gray, un policier et veilleur de nuit, succomba à la tuberculose en 1858, il fut enterré sans pierre tombale à Greyfriars Kirkyard, dans la vieille ville d'Édimbourg. Bobby aurait passé les 14 années suivantes à garder la tombe en ne la quittant que pour aller manger. Selon un récit, le gardien du cimetière s'était lié d'amitié avec lui et lui donnait de la nourriture ; d'autres prétendent qu'il était nourri dans un restaurant voisin par des admirateurs. Lorsque Bobby mourut en 1872, il ne put être enseveli dans le cimetière même, car il s'agissait d'une terre consacrée. Il fut alors enterré juste derrière le portail de l'entrée principale sud de Greyfriars Kirkyard, non loin de la tombe de John Gray. Bobby était devenu célèbre. En 1873, une aristocrate, la 104 baronne Angela Burdett-Coutts, fit ériger une statue grandeur nature et une fontaine en son honneur, à l'extrémité sud du pont George IV d'Édimbourg. À l'origine, la fontaine comportait une partie supérieure à laquelle les humains pouvaient boire et une partie basse pour les chiens. Les "trois Bob" - Bobbie le collie, le Bob de Rider Haggard et Greyfriars Bobby illustrent différemment le fait que les esprits des hommes et des animaux peuvent se rejoindre dans I'Esprit Universel. Cette unité se manifeste de différentes façons. Pour Bobbie, la connaissance qu'avait son maître du chemin du retour à la maison sur une immense distance semblait être partagée et comprise par l'animal. Henry Rider Haggard se confondit avec Bob, son retriever, quand il fut blessé et mourut. Greyfriars Bobby semblait indissolublement lié à son propriétaire décédé, et il pleura son absence sur sa tombe pendant 14 ans. "Nous savons bien que nous nous sentons très mal, quand un animal de compagnie bien-aimé meurt, et il semble que nos animaux ressentent la même chose, quand quelqu'un qu'ils aiment disparaît", releva la journaliste Naomi Kane, éleveuse de chiens au Canada. Écrivant pour dogsincanada.com, un site web consacré aux chiens canadiens, elle ajouta : "Le lien entre l'homme et l'animal est une voie à double sens : nos chiens n'ont pas seulement des comportements que nous interprétons comme de l'affection, parce que nous sommes des êtres humains qui en ont besoin ; nos chiens nous retournent vraiment notre amour, et ils éprouvent la joie et la tristesse d'une véritable amitié.’’18 Jim Harrison, l'auteur et poète de renom, s'y entend avec les chiens. Alors qu'il se trouvait à New York dans le cadre de ses activités professionnelles, il appela sa femme dans leur maison du Michigan. Elle était préoccupée, parce que les setters anglais d'un voisin avaient disparu depuis toute une journée dans un blizzard du Midwest. Harrison avait chassé avec ces "splendides créatures", comme il les appelle, et il était particulièrement inquiet à leur sujet, car ils n'étaient pas habitués à passer la nuit dehors par des températures négatives, et son ami Nick, le propriétaire, craignait pour leur vie. Cette nuit-là, à New York, Harrison fit un rêve particulièrement frappant sur le chemin emprunté par les trois chiens. Celui-ci les conduisait notamment sur la tombe d'un ami, puis à 105 travers un marais et un ruisseau gelé jusqu'à une forêt dense bordant le lac Michigan. Le lendemain matin, Harrison considéra ce rêve comme étant un non-sens révélateur de la volonté de l'esprit de savoir où étaient partis les chiens. Il décolla de l'aéroport de LaGuardia pour arriver chez lui en milieu d'après-midi. Après vérification, il constata que les chiens étaient toujours perdus. Il se vêtit chaudement, avant de parcourir les 13 km jusqu'au cimetière qu'il avait vu en rêve. Il fut stupéfait de voir trois séries de traces traversant la tombe de son ami décédé. Il roula encore pendant trois kilomètres jusqu'à la destination dont il avait rêvé, sans rien voir. Mais lorsqu'il klaxonna, les trois chiens surgirent de derrière une grosse congère, où ils s'étaient manifestement enterrés pour tenter de rester au chaud. "Ils étaient bien contents de me voir, mais ils grimpèrent dans la voiture sans faire de commentaire", raconta Harrison.19 Harrison reconnaissait que "de telles expériences sont ce que les scientifiques qualifient d'anecdotiques, donc peu fiables, peut-être spécieuses, mais alors j'ai une longueur d'avance, puisque je ne me soucie pas de savoir si elles le sont ou non. J’ai plus tendance à croire ce merveilleux poète, Simon Ortiz, du pueblo Acoma, qui disait : "Il n'y a pas de vérités, il n'y a que des histoires."20 DES BONS SAMARITAINS DANS TOUTES LES ESPÈCES Si l'Esprit universel n'englobe pas que les humains, mais toutes les créatures, nous pourrions nous attendre à ce que les actes de sauvetage désintéressés impliquent toutes les combinaisons d'êtres sensibles, et pas seulement les chiens, et c'est exactement ce qui se passe. Ces sauvetages inter-espèces sont tellement fréquents qu'ils suggèrent que les comportements compatissants ne dépassent pas seulement les cultures, comme le disait le mythologue, Joseph Campbell, mais aussi les espèces. 106 DES ANIMAUX QUI SAUVENT DES ANIMAUX En mars 2008, deux cachalots, une mère et son petit, s'échouèrent sur Mahia Beach, à l'est de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande. Pendant une heure et demie, les sauveteurs tentèrent vainement de les remettre à l'eau. Les baleines étaient désorientées et s'échouèrent quatre fois de plus sur un banc de sable. Les sauveteurs et les baleines s'épuisaient, et les sauveteurs commençaient à croire qu'il serait nécessaire d'euthanasier les baleines pour leur éviter une mort lente et prolongée. C'est à ce moment-là qu'apparut Moko, un grand dauphin bien connu des nageurs de la région, qui s'approcha des baleines et qui les conduisit sur 200 mètres à travers les eaux peu profondes, le long de la plage, jusqu'à un chenal qui menait à la haute mer. Après avoir secouru les deux cachalots, Moko retourna vers la plage pour jouer avec les nageurs humains. "Je ne parle pas le langage des baleines, ni celui des dauphins", précisa l'agent de protection de la nature, Malcolm Smith, "mais il s'est manifestement passé quelque chose, les deux baleines ayant changé d'attitude, de la détresse à la volonté de suivre le dauphin, directement le long de la plage et jusqu'à la mer. Le dauphin a fait ce que nous n'avions pas réussi à faire. Tout s'est terminé en quelques minutes." Et il ajouta : "Je ne devrais pas faire ça, je sais, mais je suis entré dans l'eau avec le dauphin, et je lui ai donné une petite tape amicale, parce qu'il avait véritablement sauvé la mise."21 En mars 2011, sur Marco Island, en Floride, un doberman qui s'appelait Turbo tomba du haut d'un mur en béton dans un canal. Le chien n'avait aucune chance de pouvoir remonter par ses propres moyens. Turbo lutta 15 heures durant et finit par s'épuiser et se retrouver en état d'hypothermie, et c'est alors que des dauphins surgirent, et ils firent un tel raffut qu'ils attirèrent l'attention d'un couple voisin, Sam et Audrey D'Alessandro, qui étaient en train de charger leur bateau. Sam sauta à l'eau et assura la flottaison de l'animal au moyen d'une bouée. "Ils faisaient vraiment beaucoup de tapage et manquèrent presque de s'échouer sur le banc de sable là-bas", dit-il. "S'il n'y avait pas eu les dauphins, je n'aurais jamais vu le chien.’’ Le couple fit appel aux services de secours. Les pompiers arrivèrent et ils aidèrent à sortir le lourd animal de l'eau froide, pour finalement le ramener à son propriétaire.22 107 DES ANIMAUX QUI SAUVENT DES HUMAINS Les témoignages de dauphins qui protègent les humains remontent à la Grèce antique, et ils continuent de le faire. Le 28 août 2007, le surfeur Todd Endris, 24 ans, se fit attaquer par un grand requin blanc de 4 à 6 mètres de long au large de Marina State Beach, près de Monterey, en Californie. Sans aucun signe avantcoureur, le requin frappa à trois reprises, lacérant sa jambe droite et lui tailladant le dos. Tout à coup, un groupe de grands dauphins apparut et forma un cordon protecteur autour de lui, ce qui maintint le requin à distance et donna à Endris le temps de rejoindre le rivage. Les premiers soins prodigués par un ami permirent à Endris de survivre jusqu'à ce qu'il soit évacué par hélicoptère vers un hôpital, où un chirurgien le recousit. Six semaines plus tard, bien que toujours en rééducation, Endris était de nouveau dans l'eau, et il attribua aux dauphins le mérite de lui avoir sauvé la vie.23 Des événements semblables ont été rapportés dans le monde entier, comme à Ocean Beach, près de Whangerei, en Nouvelle-Zélande, en octobre 2004. Rob Howes, 47 ans, sauveteur chevronné, et trois sauveteuses s'entraînaient à nager à 100 mètres du rivage, lorsqu'un groupe de sept grands dauphins se dirigea rapidement vers eux et les bloqua. Les dauphins ont commencé à se comporter de manière "vraiment étrange", déclara Howes, "en tournant en rond autour de nous et en frappant l'eau avec leur queue". Howes se détacha alors du groupe et il aperçut un grand requin blanc de trois mètres de long à quelques encablures de là. Lorsque le requin commença à s'approcher de deux des jeunes femmes, dont Nicky, la fille de Howe âgée de 15 ans, les dauphins tournèrent protectivement autour des quatre sauveteurs pendant 40 minutes supplémentaires, en générant autour d’eux un écran de confusion - "un amas de nageoires, de dos et de têtes humaines", dit Howe. Toute cette activité frénétique attira l'attention d'un bateau de sauvetage, et à son approche, le requin abandonna la partie. "Les dauphins sont bien connus pour aider les êtres sans défense", indiqua le Dr Rochelle Constantine, de l'école des sciences biologiques de l'université d'Auckland. "C’est une réaction altruiste, et les grands dauphins sont particulièrement réputés pour cela."24 108 Un incident similaire, qui attira l'attention internationale, survint lors d'un concours de plongée en apnée en juillet 2009 à Polarland à Harbin, dans le nordest de la Chine. Les plongeurs concouraient pour retenir leur souffle le plus longtemps possible sans équipement respiratoire dans une piscine de 6 mètres de profondeur contenant des bélugas. L'eau avait été refroidie à des températures arctiques. La plongeuse Yang Yun, 26 ans, se sentait parfaitement bien pendant la plongée, mais lorsqu'elle tenta de remonter à la surface, elle fut prise de crampes dans les jambes en raison du froid glacial, et celles-ci ne réagirent plus. Yun était en train de couler, et elle était sur le point de se noyer. Yun raconta : "J'ai commencé à étouffer et à sombrer encore plus bas, et j'ai cru que c'en était fini pour moi, que j'étais morte, jusqu'à ce que je sente une force incroyable sous moi qui me propulsa vers la surface.25 Un béluga nommé Mila était venu à la rescousse de Yun. La baleine, qui était très familière avec les humains, prit la jambe de Yun dans sa bouche et nagea jusqu'à la surface, la remontant ainsi en sécurité et lui sauvant la vie. De tels incidents ne se limitent pas aux créatures marines. En août 2007, Fiona Boyd, 40 ans, agricultrice à Chapmanton, en Écosse, voulut conduire un veau vers un hangar, lorsque sa mère entendit les cris de son veau et attaqua l’agricultrice. "Tout ce dont je me suis rendu compte, c'est que j'étais allongée par terre - j'ai bien cru que j'étais morte ", raconta Mme Boyd. "Puis, chaque fois que je tentais de m'éloigner en rampant, la vache me rentrait dedans à nouveau. Personne n'était là pour m'aider. J'étais terrifiée et je pensais que les autres vaches suivraient, ce qui arrive parfois". Persuadée qu'elle allait être piétinée à mort, Mme Boyd se roula en boule pour se protéger des sabots de la vache. C’est alors que son cheval, Kerry, qui paissait tout près de là, chargea la vache, ce qui effraya l'animal en colère et ce qui donna le temps à Mme Boyd de se mettre à l'abri. Elle attribue à son cheval de 15 ans le mérite de lui avoir sauvé la vie.26 Binti Jua, une femelle gorille des plaines de l'Ouest âgée de huit ans, accéda à la célébrité internationale en août 1996, lorsqu'une caméra vidéo filma son sauvetage d'un enfant de trois ans dans un zoo de Brookfield, une banlieue de Chicago. L'enfant était parti en courant devant sa mère, s'était penché trop loin par-dessus une falaise en béton, et il avait fait une chute de six mètres dans l'enclos des primates, en hurlant. Binti Jua, dont le nom signifie "fille du soleil" en 109 swahili et qui portait son propre rejeton sur son dos, s'approcha du garçon inconscient, et le ramassa pour le déposer délicatement près d'une porte où des gardiens et des secouristes le récupérèrent. Puis elle se retourna comme pour protéger l'enfant des autres gorilles. Transporté d'urgence au centre médical de l'université Loyola dans un état critique, l'enfant finira par se rétablir. Des journalistes et des équipes de télévision du monde entier affluèrent à Brookfield. Des récompenses en argent et en bananes suivirent. Les politiciens ne furent pas en reste. La première dame, Hillary Rodham Clinton invoqua le nom de Binti Jua dans un discours prononcé lors de la convention nationale du parti démocrate à Chicago, déclarant : "Binti est une citoyenne typique de Chicago. Dure à l'extérieur, mais dotée d’ un cœur d'or à l'intérieur".27 L’ANNONCE AUX ABEILLES Les abeilles comptent parmi les créatures les plus vénérées de l'histoire de l'humanité. Dans les cultures anciennes du Proche-Orient et de la mer Égée, l'abeille était considérée comme un insecte sacré qui faisait le lien entre le monde naturel et le monde souterrain. Les abeilles figuraient dans les décorations des tombes, qui prenaient même parfois la forme de ruches. Référence était souvent faite à la prêtresse de Delphes, en la comparant à une abeille, et le don de prophétie d'Apollon lui aurait été conféré par trois jeunes abeilles. Dans la mythologie égyptienne, on raconte que lorsque les larmes du dieu du soleil, Râ, tombèrent sur le sable du désert, des abeilles en jaillirent. La corde de l'arc de Kamadeva, le dieu de l'amour hindou, est composée d'abeilles mellifères. Les abeilles sont associées à des états de conscience modifiés : l'hydromel, la boisson fermentée à base de miel, était un ancien breuvage crétois, encore plus ancien que le vin. Pour les Mérovingiens, les abeilles à miel représentaient l'immortalité et la résurrection.28 A une époque, apparut l'ancienne coutume de "l'annonce aux abeilles", qui prévoyait d’informer les abeilles de la mort de leur apiculteur. On rapporte qu'à la mort du roi George VI, "les apiculteurs allèrent informer les abeilles de son 110 décès, la tête couverte en signe de respect."29 Les ruches étaient parfois drapées de crêpe noir. Selon une variante, les abeilles de la ruche sont censées mourir à la suite du décès de leur gardien, à moins que les ruches ne soient déplacées ailleurs ; selon une autre version, il suffit de réorienter les ruches. La coutume est encore largement répandue. En 1961, à la mort de Sam Rogers, cordonnier et facteur du village de Myddle, dans le Shropshire, en Angleterre, ses enfants firent le tour de ses 14 ruches et annoncèrent sa mort aux abeilles. Selon l'Associated Press, en avril 1961, peu après que les proches de Rogers se soient recueillis sur sa tombe, des milliers d'abeilles provenant de ses ruches, situées à plus d'1,5 km de là, vinrent se poser sur le cercueil et autour de celui-ci, en ignorant les arbres en fleurs qui se trouvaient à proximité. Au bout d'une demi-heure, elles s’en retournèrent à leurs ruches.30 On songe ainsi au poème élégiaque de John Greenleaf Whittier, ''L'annonce aux abeilles'' : Je n’étais pas sans ignorer qu'elle parlait aux abeilles d'une personne Partie pour le voyage que nous devons tous accomplir. Le vieil homme s'assit, la soubrette continuant De chanter aux abeilles qui sortaient et rentraient. Et la chanson qu'elle chantait depuis lors A mon oreille résonne encore : "Restez au foyer, jolies abeilles, ne vous envolez plus ! Votre maîtresse Marie est morte et bel et bien partie !"31 En 2005, un apiculteur anonyme diffusa via Internet son expérience de "l'annonce aux abeilles". Dans un ancien livre de folklore, il avait lu qu'il fallait informer les abeilles des événements importants, tels que les naissances, les décès et les mariages au sein d'une famille, sous peine d'en subir les conséquences. Il n'avait pas pris l’avertissement au sérieux et, à son retour de l'enterrement de sa mère, il put constater que ses abeilles avaient essaimé et qu’elles étaient parties ailleurs, en laissant les ruches vides. 111 Un ami lui donna d'autres abeilles (il ne faut pas les acheter, selon le folklore), et pendant de nombreuses années, cet ami vint périodiquement récolter le miel. Puis l'ami tomba malade et mourut. L'apiculteur assista à ses funérailles et, comme pour la mort de sa mère, des années auparavant, il oublia de raconter aux abeilles cet événement important de sa vie. Et comme à l’occasion de l'événement précédent, il retrouva ses ruches vides. Cette fois, il fut de nouveau sauvé par un ami, qui devint son partenaire apicole pendant quelques années, jusqu'à ce que ce partenaire, lui aussi, meure subitement pendant son sommeil. Cette fois, l'homme avait compris et il avait bel et bien l'intention d'annoncer à ses abeilles la mort de son partenaire, mais dans la précipitation des événements entourant les obsèques, il ne put tout simplement pas trouver le temps. Une fois de plus, les abeilles désertèrent ses ruches. "Mais ce qui arriva par la suite me convainquit comme rien d'autre n'aurait pu le faire", écrivit-il. Un ami très cher perdit son fils de trois ans, victime d'un virus mortel, et la famille fut submergée par le chagrin. Les obsèques furent tragiques pour toutes les personnes impliquées. La cérémonie touchait à sa fin et une abeille pénétra à l’intérieur de l'église. À la vue de toutes les personnes en deuil, elle vola jusqu'au cercueil, puis pendant quelques minutes, elle bourdonna autour des fleurs qui recouvraient le cercueil. À présent, tout le monde avait les yeux rivés sur elle. Elle décrivit des cercles de plus en plus larges autour du cercueil, puis très lentement, elle se dirigea vers les trois membres de la famille endeuillée et elle tourna autour de leurs têtes, en s'attardant autour de la sœur du garçon décédé, âgée de cinq ans, qui était particulièrement bouleversée par la mort de son petit frère. Sans crainte, elle leva les yeux vers l'abeille qui vola jusqu'à une trentaine de centimètres de son visage avant de rester en vol stationnaire. Elle paraissait hypnotisée par l'abeille. Finalement, l'abeille quitta l'église. "Dans certaines cultures’’, écrivit l'apiculteur anonyme, ‘’l'abeille représentait l'âme d'une jeune personne. Elle s'envolait de la bouche du défunt au moment de sa mort. Toutes les cultures les considéraient avec respect et révérence et, dans certains cas, les vénéraient. Je sais que j'aime les abeilles et qu'elles me 112 manquent, même si ne vis plus à la campagne.... On peut se demander à quoi pensait J. K. Rowling, lorsqu’elle nomma Dumbledore le directeur de Poudlard. Dumbledore est un vieux nom anglais qui désigne une abeille."32 Les liens intimes entre les humains et des animaux en tous genres, et l'amour et l'affection que nous partageons avec eux, ont conduit de nombreuses personnes à espérer que ces liens continueront même après la mort. Cela n'a rien de farfelu : s'ils sont véritablement non locaux, ils sont illimités dans le temps. Comme le disait l'humoriste américain, Will Rogers : "S'il n'y a pas de chiens au paradis, alors quand je mourrai, je veux aller là où ils sont allés."33 Et Mark Twain : "Le chien est un gentleman ; j'espère aller dans son paradis, pas dans celui de l'homme."34 Certains sont convaincus que les animaux occupent un état pur et sans artifice que nous, les humains, nous avons perdu. Charles de Gaulle déclara : "Plus je connais les hommes, plus j’aime les chiens."35 Ou encore, comme l’a dit le dessinateur Charles M. Schulz, qui nous a donné Peanuts : "Toute sa vie, il a essayé d'être quelqu'un de bien. Mais, il échouait souvent car, après tout, il n'était qu'un humain. Il n'était pas un chien."36 D'autres laissèrent entendre que nos animaux de compagnie peuvent être des voies d'accès vers le domaine non local. Le romancier Milan Kundera écrivait : "Les chiens sont notre lien avec le paradis. Ils ne connaissent ni le mal, ni la jalousie, ni le mécontentement. S'asseoir avec un chien sur une colline par un après-midi radieux, c'est revenir à l'Eden, où ne rien faire n'était pas ennuyeux - c'était la paix."37 Chers amis des chats, ne désespérez pas ! Bien que les chiens occupent le haut du pavé, il existe de nombreux récits de chats volant à la rescousse, ayant sauvé des vies humaines d'incendies, de serpents venimeux et d'autres prédateurs, d'une dangereuse hypoglycémie ou d'un coma diabétique. Certains chats peuvent prédire les crises d'épilepsie. Dans l'Ohio, un homme en fauteuil roulant apprit à son chat Tommy à composer rapidement le numéro des urgences, ce que le chat fit un jour, en sauvant ainsi la vie de l'homme.38 Oscar, un chat d'un centre de soins et de rééducation du Rhode Island, prédit la mort des patients, avec une précision infaillible, en se pelotonnant sur leur lit jusqu'à six heures avant leur décès.39 113 Mark Twain déclara que "parmi toutes les créatures de Dieu, il n'y en a qu'une qui ne peut pas être rendue esclave de la laisse. Il s'agit du chat. Si l'on pouvait croiser l'homme avec un chat, cela bonifierait l'homme, mais cela dégraderait le chat."40 "Le plus petit félin se révèle être un chef-d'œuvre’’, conclut Léonard de Vinci..41 114 CHAPITRE 8 : DES ATOMES ET DES RATS Le physicien lauréat du prix Nobel, Richard P. Feynman, déclara un jour que "Tout ce que font les animaux, ce sont les atomes qui le font."1 Cette formule est généralement interprétée comme signifiant que le comportement des animaux est en fin de compte déterminé par les atomes, les molécules, l'ADN et les gènes. Plutôt que d'affirmer le matérialisme, l'observation de Feynman pourrait paradoxalement confirmer un aspect de la conscience qui dépasse le cerveau, puisque nous savons maintenant que les particules subatomiques, les constituants des atomes, affichent une propriété étrange, à savoir leur intrication. Il s'agit d'un comportement suivant lequel les particules, une fois en contact, demeurent interconnectées par la suite, quelle que soit la distance qui les sépare. Cette liaison est étonnamment étroite : un changement dans l'une correspond à un changement dans l'autre, instantanément et au même degré. Certains chercheurs pensent que les comportements intriqués des particules subatomiques pourraient, d'une certaine manière, étayer ces connexions distantes chez l'homme. Une telle hypothèse est étudiée en détail dans le livre pionnier, Entangled Minds, de Dean Radin, le scientifique en chef de l'Institut des Sciences Noétiques, en Californie. Radin suggère de "prendre au sérieux la possibilité que nos esprits soient physiquement intriqués avec l'univers... "2 Radin passe en revue des centaines d'expériences qui suggèrent de manière convaincante que l'intrication est plus qu'une métaphore de la manière dont les esprits se lient au niveau humain. Ainsi, si Feynman a raison - si tout ce que font les animaux, les atomes le font - il offre, sans s'en rendre compte, une explication indirecte du mécanisme qui étaye une image infinie et unitaire de l'esprit. Les manuels de physique classiques ne sont pas en phase avec les connaissances contemporaines. Ils continuent de dire que le monde intermédiaire des briques, des cerveaux et des animaux et le monde gigantesque des planètes, des étoiles et des galaxies sont les domaines de la physique classique, telle qu'elle est décrite par les lois de Newton et les théories de la relativité d'Einstein. Mais lorsque nous descendons à l'échelle des particules subatomiques et des atomes, nous franchissons une frontière invisible, où la physique classique cède la place à l'étrangeté du comportement quantique régi par le cadre fourni par la mécanique quantique. Comme les choses changent ! La couverture de la revue Scientific American de juin 2011 montre une tête humaine composée de minuscules particules, avec cette légende : "Vivre dans un monde quantique : la physique miniature exerce un pouvoir troublant sur le monde entier". Dans son article principal, le physicien d'Oxford, Vlatko Vedral, expliquait la nature de cette effervescence : Au cours des dernières années, les expérimentateurs ont pu observer des effets quantiques dans un nombre croissant de systèmes macroscopiques. L'effet quantique par excellence, l'intrication, peut se produire dans de grands systèmes, comme dans des systèmes chauds, y compris des organismes vivants, même si l'on peut s'attendre à ce que l’agitation moléculaire perturbe l'intrication....Jusqu'à la dernière décennie, les expérimentateurs n'avaient pas confirmé que le comportement quantique persistait à l'échelle macroscopique, mais aujourd'hui, ils le font de manière routinière. Ces effets sont plus répandus qu'on ne l'avait jamais soupçonné. Ils peuvent se produire dans les cellules de notre corps.... On ne peut simplement pas considérer [les effets quantiques] comme de simples détails qui n'ont d'importance qu'à l'échelle la plus petite.... Les intrications sont primordiales.3 Il n'y a apparemment aucune limite à l'étendue de l'intrication. Comme l'a montré le physicien, N. David Mermin, l'intrication quantique croît de manière exponentielle avec le nombre de particules impliquées dans l'état quantique d'origine, et il n'y a pas de limite théorique au nombre de ces particules intriquées4 ‘’Si tel est le cas", affirment le physicien, Menas Kafatos, et l'historien des sciences, Robert Nadeau, dans leur livre, The Conscious Universe : Parts and Wholes in Physical Reality, "l'univers, à un niveau très élémentaire, pourrait être un vaste réseau de particules qui restent en contact, les unes avec les autres, sur n'importe quelle distance et en un rien de temps, en l'absence de transfert d'énergie ou d'information."5 116 QUELQUE CHOSE D’INCONNU FAIT ON NE SAIT TROP QUOI Personne ne sait si les divers phénomènes au-delà du corps et du cerveau que nous explorons dans ce livre seront en définitive expliqués par l'intrication au niveau quantique. Voici ce que nous savons actuellement : (1) Les particules subatomiques sont intriquées ; une fois en contact puis séparées, un changement dans l'une correspond à un changement dans l'autre, instantanément et au même degré, quelle que soit la distance qui les sépare. Ces corrélations distantes et non locales ne font aucun doute ; elles ont été démontrées par une série d'expériences et elles sont acceptées comme faisant partie du canon de la physique moderne.6 (2) Les êtres humains se comportent également comme s'ils étaient intriqués ; ils peuvent partager des pensées, des sentiments et même des changements physiques en étant éloignés les uns des autres, même de l'autre côté de la planète. Ces phénomènes ont été documentés par des centaines d'expériences menées sur plusieurs décennies.7 Mais nous devons être prudents. Puisque nous ne savons pas réellement si l'intrication quantique est la même chose que l'intrication humaine, nous ne pouvons pas encore affirmer que l'intrication quantique est à l'origine de l'intrication humaine. Nous pouvons avoir affaire à des corrélations accidentelles de langage. Nous savons toutefois que (3) le vieux principe interdisant l'intrication dans les systèmes biologiques et vivants est tout à fait erroné.8 Les avertissements usés des sceptiques selon lesquels les phénomènes au-delà du cerveau et du corps sont impossibles, parce qu'ils "violent les lois de la nature" peuvent donc être rejetés sans aucune autre forme de procès. En attendant, nous sommes libres de nous interroger. Il se peut que l'intrication quantique des particules subatomiques soit une préfiguration primitive et élémentaire de l'unité qui trouve son expression la plus majestueuse dans la Grande Connexion, l'Esprit universel. Sir Arthur Eddington, l'astrophysicien britannique déclara en parlant du principe d'incertitude de la physique moderne : "Quelque chose d'inconnu fait on ne sait trop quoi."9 C'est une excellente devise pour explorer les phénomènes au-delà du corps et du cerveau et l'Esprit universel auquel ils renvoient. Elle exprime non seulement l'humilité, mais également l'admiration respectueuse et l'émerveillement. Et 117 l'émerveillement, disait Socrate, est le début de la sagesse. "Et, ajouta-t-il, probablement avec un clin d'œil, ‘’c'est le fait de savoir que l'on ne sait rien qui fait de vous la personne la plus intelligente de toutes."10 L’EMPATHIE DES RONGEURS Le manifeste influent du biologiste évolutionniste, Richard Dawkins, Le gène égoïste, publié pour la première fois en 1976, est devenu un best-seller dans le monde entier et il continue d'être largement lu. Le postulat de base de Dawkins est que, que nous le réalisions ou non, toutes les créatures vivantes, des microbes aux êtres humains, sont au service de leurs gènes, dont le seul but est la survie et la reproduction.11 Ces gènes sont des mystificateurs insidieux. Toutes les émotions supérieures que nous ressentons, telles que l'altruisme, la compassion et l'amour, sont de l'égoïsme déguisé. Il s’agit d’expressions détournées de "la loi génétique de l'égoïsme impitoyable universel12", ainsi que le dit Dawkins. Si nous pensons voir des comportements véritablement altruistes chez les autres ou en faire l'expérience nous-mêmes, conseille Dawkins, nous ne devrions pas être dupes. Tous les cas d'altruisme apparent tomberont dans une ou plusieurs des trois catégories qui révèlent un égoïsme sous-jacent : la sélection de parentèle, l’altruisme réciproque ou la sélection de groupe. Ici n'est pas le lieu d'analyser ces sujets en détail. Le chercheur d'Oxford, Charles Foster, le fait en langage clair dans son excellent livre, The Selfless Gene (Le gène altruiste), qui constitue un solide contre-argument par rapport à de nombreuses orientations prises par Dawkins dans son Gène Egoïste. Au bout du compte, pour Dawkins, les meilleurs anges de notre nature ne sont pas du tout angéliques ; ce sont des forces biologiques avides et égocentriques qui ne reculeront devant rien pour survivre et se reproduire. Les implications pour la société sont graves. "Soyez avertis que si vous souhaitez, comme moi’’, dit Dawkins, ‘’construire une société dans laquelle les individus coopèrent généreusement et de manière désintéressée pour un bien commun, vous ne pourrez guère compter sur l'aide de la nature biologique."13 Tout se résume-t-il à cela ? 118 J'ai connu des débuts difficiles avec les rats de laboratoire au cours de ma formation universitaire. Un spécimen particulièrement rebelle me mordit gravement au cours d'une expérience, alors même que je portais des gants de protection et que je le manipulais avec douceur. À l'époque, j'aimais bien les rats, mais à la suite de cette attaque, je devins réfractaire aux expériences sur les rats. Je réussis à pardonner aux rongeurs, dans une certaine mesure, mais à chaque fois que je regardais la cicatrice sur mon index, mes sentiments d'hostilité à l'égard des rats étaient renforcés. Mes amis défenseurs des droits des animaux me gratifient toujours d'un sourire entendu et bien senti, quand je leur raconte cette histoire. Ils prennent toujours le parti du rat, certains que justice a été rendue et ils ont raison. Mais plus récemment, j'ai remis au goût du jour ma relation avec les rats de laboratoire. Cela s'est produit de manière inattendue, comme une rémission soudaine et spontanée d'une maladie grave. Mon affection pour les rats est revenue grâce à la lecture d'une expérience publiée dans la prestigieuse revue Science, en décembre 2011. L'étude piquera au vif le biologiste Dawkins, car elle apporte des preuves solides de l'existence d'une empathie innée et inhérente. L'expérience suggère que dans la soupe génétique des mammifères, il doit y avoir un ou plusieurs gènes qui ne sont pas égoïstes. Cette expérience a été dirigée par une équipe de neuroscientifiques et de psychologues de l'Université de Chicago.14 Leur objectif était de déterminer s'il existe un véritable comportement empathique chez les mammifères non primates, en l'occurrence des couples de rats blancs de laboratoire. Les chercheurs placèrent un rat libre dans une arène avec un compagnon de cage enfermé dans un tube en plastique transparent. Le tube comportait à l'une de ses extrémités une porte que l'on pouvait ouvrir de l'extérieur. Le rat libre se comportait avec une agitation plus marquée, si son compagnon de cage était enfermé, par rapport à son activité, lorsqu’il était placé dans l'arène avec le tube vide. Au bout de plusieurs séances quotidiennes, le rat libre apprit à ouvrir la porte de la prison et à libérer son compagnon de cage. L'ouverture de la porte n'était pas une tâche facile, mais le rat libre s'y efforça jusqu'à ce qu'il maîtrise la technique. Après avoir découvert comment ouvrir la porte, le rat libre le faisait 119 presque immédiatement, lorsqu’il était placé dans l'arène avec son compagnon de cage. Un des chercheurs précisa : "Nous n'entraînons pas ces rats d'une manière particulière. Ils apprennent, parce qu'ils sont motivés par quelque chose en eux. On ne leur montre pas comment ouvrir la porte, ils n'ont jamais été familiarisés avec l'ouverture de la porte, et il est difficile d'ouvrir la porte. Mais ils continuent d'essayer et d'essayer, et ça finit par marcher."15 L'empathie pure paraissait intervenir. Par exemple, les rats libres ne se souciaient pas d'ouvrir la porte, quand un rat en peluche était placé dans le tube en plastique transparent, qu'ils ouvraient même si cela libérait leur compagnon dans une zone séparée, ce qui montrait qu'ils ne cherchaient pas juste de la compagnie. Par ailleurs, lorsqu'on invita le rat libre à ouvrir deux tubes, l'un contenant son compagnon de cage et l'autre une pile de pépites de chocolat, l'un de ses aliments préférés, il était tout aussi probable qu'il libère d'abord le rat enfermé que d'ouvrir d'abord le tube contenant les pépites de chocolat. Il arriva aussi que le rat libre récupère les pépites de chocolat en premier, mais ne les mange qu'après avoir libéré l'autre rat et partagé le chocolat avec lui. "C'était très probant", dit Peggy Mason, professeur de neurobiologie. "Cela nous dit qu'aider leur compagnon de cage était aussi important que manger du chocolat. Il pouvait se goinfrer avec la totalité du chocolat s'il le voulait, mais ce ne fut pas le cas. On a été choqué !"16 L'équipe de l'université de Chicago a mis en ligne une vidéo des rats en action sur YouTube, où elle a été visionnée par des milliers de personnes. Il est captivant de voir le rat libre chercher avec détermination à libérer son compagnon de cage, et de les voir se réjouir ensemble, après que le rat coincé ait été libéré, en se frottant le museau, en se touchant et en jouant. La vidéo "Empathy and Pro-Social Behavior in Rats" (Empathie et comportement prosocial chez les rats) est visionnable à cette adresse : http://www.youtube.com/watch?v=WzE0liAzr-8. 120 2ÈME PARTIE : FONCTIONNER AVEC L’ESPRIT UNIVERSEL 121 CHAPITRE 9 : L’ESPRIT DÉPASSE LE CERVEAU Le cerveau ne génère pas davantage la pensée que le fil ne génère le courant électrique.1 - Paul Brunton Le cerveau respire l’esprit, comme les poumons respirent l’air. - Huston Smith La principale objection à l'Esprit universel, c’est la croyance bien ancrée que la conscience est d’une manière ou d’une autre produite par le cerveau et qu'elle y est donc confinée. Les cerveaux restent dans la boîte crânienne et il doit en être de même pour l'esprit. Dans quelle mesure cette croyance est-elle étayée scientifiquement ? Karl Lashley, un psychologue comportemental américain, entraîna des rats à effectuer des tâches spécifiques, comme rechercher une récompense alimentaire. Ensuite, il provoqua des lésions dans des zones spécifiques du cerveau pour observer leur effet sur la persistance du comportement. Après des centaines d'expériences de ce type sur des rats, Lashley ne put trouver aucune localisation de la mémoire. Il récapitula ses recherches en ces termes : "Il n'est pas possible de démontrer la localisation isolée d'une trace mémorielle quelque part dans le système nerveux."2 Lashley conclut que la mémoire n'est pas localisée dans des régions spécifiques du cerveau du rat, mais qu'elle est répartie dans tout le cortex cérébral. Cela déboucha sur la conclusion paradoxale que "la mémoire est à la fois partout et nulle part en particulier" dans le cerveau du rat. DANS QUELLE MESURE VOTRE CERVEAU EST-IL NÉCESSAIRE ? Des centaines d'expériences telles que celle de Lashley soulèvent la question plus fondamentale concernant non seulement la relation du cerveau avec la mémoire, mais également sa relation avec la conscience en général. Certains défis sont réellement sérieux. Dans un article au titre provocateur — "Votre cerveau est-il vraiment nécessaire ?’’ — le neurologue britannique, John Lorber, se demandait si un cortex cérébral intact était indispensable pour une mentalisation normale.3 Lorber effectua des scanographies sur des centaines de personnes souffrant d'hydrocéphalie (excès de liquide dans le cerveau créant une pression) et il constata que beaucoup parmi elles avaient des fonctions intellectuelles normales ou supérieures à la normale. Le fait même de remettre en question le rôle du cerveau est encore un blasphème pour la science conventionnelle. La conscience est considérée comme une propriété émergente du cerveau, produite par son fonctionnement, purement et simplement. Mais que savons-nous réellement des origines de la conscience ? De nombreux philosophes et scientifiques respectés estiment que nous sommes dans l'ignorance à ce sujet. Le neurophysiologiste, Roger Sperry, lauréat du prix Nobel, abonde dans ce sens : "Les processus les plus fondamentaux du cerveau, auxquels la conscience est supposément associée, ne sont tout simplement pas compris. Ils dépassent tellement notre compréhension actuelle que personne, à ma connaissance, n'a pu, ne serait-ce qu'imaginer leur nature."4 Le physicien Eugene Wigner, lauréat du prix Nobel, partage le même avis : "Nous n'avons actuellement pas la moindre idée qui permettrait de relier les processus physico-chimiques à la conscience."5 Sir John Maddox, ancien rédacteur en chef de la prestigieuse revue Nature, a quant à lui écrit : "Ce en quoi consiste la conscience ... c'est ... une énigme. En dépit des merveilleuses réussites des neurosciences au cours du siècle dernier ... nous semblons toujours aussi loin de comprendre le processus cognitif que nous l'étions, il y a un siècle."6 Considérant ces grandes inconnues, l'hypothèse largement répandue suivant laquelle le cerveau produit l'esprit et que l'esprit y est confiné est remise en question, ce qui ouvre la porte à d'autres scénarios. 123 LE CERVEAU COMME RÉCEPTEUR DE LA CONSCIENCE Les scientifiques ont supposé pour de nombreuses raisons que l'esprit et le cerveau sont une seule et même chose. Lorsque le cerveau est endommagé à la suite d'un traumatisme physique ou d'un accident vasculaire cérébral, les fonctions mentales peuvent s'en trouver perturbées. Les carences en vitamines et la malnutrition peuvent entraîner une altération des processus de pensée, tout comme diverses toxines environnementales. Les tumeurs et les infections cérébrales peuvent également perturber les facultés mentales. Compte tenu de ces effets, il a semblé raisonnable de supposer que l'esprit et le cerveau sont essentiellement identiques. Mais aucune de ces observations ne prouve que le cerveau produit l'esprit ou que l'esprit est confiné à l'intérieur du cerveau. Prenons l'exemple de votre téléviseur. Bien que vous puissiez l'endommager physiquement et supprimer l'image sur l'écran, cela ne prouve pas que c'est le téléviseur qui produit l'image. Nous savons plutôt que l'image est due à des signaux électromagnétiques provenant de l'extérieur du poste lui-même et que le téléviseur reçoit, amplifie et affiche les signaux, qu’il ne les produit pas. Le concept de base suivant lequel le cerveau sert d'intermédiaire à l'esprit - mais n'en est pas la cause - est ancien. Il y a deux millénaires, Hippocrate, dans son essai "Sur la maladie sacrée", décrivait le cerveau comme "le messager de la Conscience" et comme "l'interprète de la Conscience."7 Ferdinand C. S. Schiller, philosophe d'Oxford, avança dans les années 1890 que "la matière était une mécanique merveilleusement conçue pour réguler, limiter et contenir la conscience qu'elle renferme". Il ajouta : "La matière n'est pas ce qui produit la conscience, mais ce qui la limite et en confine l'intensité endéans certaines limites..." Dans les cas de traumatisme cérébral, Schiller soutint que la manifestation de la conscience en avait été affectée, mais que la conscience ellemême n'avait pas été détruite. Il affirmait en outre que c'est l'oubli, et non la mémoire, qui a le plus besoin d'une explication. S'il n'y avait pas les limites du cerveau, selon lui, cela permettrait de se souvenir intégralement.8 124 Henri-Louis Bergson, le philosophe français qui se vit décerner le prix Nobel de littérature en 1927, pensait que le cerveau canalisait et limitait l'esprit en excluant les facteurs qui n'étaient pas nécessaires à la survie et à la procréation. Selon lui, le cerveau est à la fois "l'organe de l'attention à la vie" et un obstacle à une conscience plus vaste.9 Comme Schiller, il avança que les souvenirs se trouvent ailleurs que dans le cerveau et sont le plus souvent occultés à des fins pratiques, n’étant pas cruciaux pour les besoins biologiques de l'organisme.10 Il suggéra que les déficiences de la mémoire qui résultent de maladies du cerveau peuvent simplement indiquer que nous avons besoin d'un cerveau sain pour pouvoir retrouver et communiquer des souvenirs. Mais ces déficiences ne sont pas la preuve que les souvenirs n'existent que dans le cerveau.11 Le psychologue, William James, avait des opinions sur la conscience similaires à celles de Schiller et de Bergson. Dans sa conférence Ingersoll de 1898 à l'université de Harvard, il reconnut que les agressions physiques sur le cerveau traumatismes, excitants, poisons, arrêt du développement - peuvent effacer la mémoire ou la conscience et brouiller la qualité des idées d'une personne, mais que cela n'est pas nécessairement la preuve d'une fonction de production du cerveau. Il y a d'autres relations fonctionnelles possibles entre le cerveau et l'esprit. Il pourrait y avoir une fonction sélective et une fonction de transmission, comme une lentille, un prisme ou les touches d'un piano. "Ma thèse est la suivante : si nous considérons la loi suivant laquelle la pensée est une fonction du cerveau, nous ne sommes pas obligés de penser uniquement à une fonction de production ; nous avons également le droit de considérer une fonction sélective ou de transmission", selon James. Et cela, le psychophysiologiste ordinaire le néglige."12 Se faisant l'avocat du diable, James souleva une objection : l'hypothèse de la production n'est-elle pas plus simple et plus scientifiquement rigoureuse ? Du point de vue de la science empirique, James répondit que cette objection n'a aucun poids. Tout ce que nous observons, ce sont des variations concomitantes ou des corrélations entre des états du cerveau et des états d'esprit. James rappelle cette vénérable maxime de la science : la corrélation n'est pas la causalité. La nuit suit toujours le jour ; la corrélation est de 100 % ; mais cela ne signifie pas que le jour produit la nuit. 125 Beaucoup de scientifiques se vantent de ne pas croire aux miracles. Mais, selon James, si la conscience est effectivement produite par le cerveau, cela constituerait, "selon notre compréhension, un miracle aussi grand que si nous disions que la pensée est ‘‘générée spontanément’' ou ‘'créée à partir de rien". Il continua : La théorie de la production n'est donc pas plus simple ou crédible en soi que n'importe quelle autre théorie imaginable. Elle est seulement un peu plus populaire. Il suffit donc, si le pur matérialiste nous met au défi d'expliquer comment le cerveau peut être un organe de limitation et de sélection pour une certaine forme de conscience produite ailleurs, de lui demander à son tour d'expliquer comment il peut être un organe de production de la conscience fabriquée de toutes pièces. A des fins polémiques, les deux théories sont donc exactement sur un pied d'égalité.13 Aldous Huxley, qui aborda la nature de la conscience en 1954 dans Les portes de la perception, affirma l'idée que la fonction du système nerveux est ‘’éliminatrice’’ plutôt que productrice, en ce sens qu'il nous protège en éliminant les informations inutiles et non pertinentes que nous rencontrons continuellement dans notre existence quotidienne. Sinon, il n'y a aucune raison de principe pour que chaque personne ne soit pas capable de se rappeler tout ce qui existe dans l'univers. "Chacun d'entre nous est potentiellement l'Esprit au sens large", affirme Huxley. "Mais tant que nous sommes des animaux, notre préoccupation est de survivre à tout prix. Pour permettre la survie biologique, l'Esprit au sens large doit être canalisé à travers la valve de régulation que sont le cerveau et le système nerveux. Ce qui en ressort, c'est un maigre filet de conscience qui nous aidera à rester en vie à la surface de cette planète particulière". Au cours de l'histoire, certains individus ont appris à contourner la fonction de la valve de régulation du cerveau, dans une certaine mesure, nota Huxley, grâce à des exercices spirituels, à l'hypnose ou à des drogues, comme il apprit lui-même à le faire.14 126 Le neuropsychiatre, Peter Fenwick, est la principale autorité clinique britannique en matière d'expériences de mort imminente. Avec sa femme Elizabeth, il a recueilli les détails de 350 expériences de mort imminente auprès de personnes de toute l'Angleterre, de l'Écosse et du Pays de Galles. Leurs conclusions sont rapportées dans leur livre, The Truth in the Light, un ouvrage passionnant écrit avec le regard d'un neurologue expert qui en sait beaucoup sur la conscience et sur le fonctionnement du cerveau. Après avoir méthodiquement abordé les différentes hypothèses avancées pour expliquer les NDE – qu’il s’agisse des drogues, de la privation d'oxygène, de l'accumulation de dioxyde de carbone ou des endorphines - Fenwick conclut que tous ces facteurs ne suffisent pas. Il écrivit : Il est clair qu'il doit y avoir des structures cérébrales qui facilitent la NDE et qu'il s'agit probablement des mêmes structures qui facilitent toute expérience mystique.... Mais la question principale reste sans réponse. Comment se fait-il que cette expérience cohérente et hautement structurée se produise parfois durant l'inconscience, alors qu'il est impossible de concevoir une séquence organisée d'événements dans un cerveau dysfonctionnel ? On est forcé de conclure que, soit il manque à la science un lien fondamental qui expliquerait comment des expériences organisées peuvent survenir dans un cerveau désorganisé, ou que certaines formes d'expérience sont transpersonnelles, c'est-à-dire qu'elles dépendent d'un esprit qui n'est pas inextricablement lié à un cerveau.15 Fenwick examine sérieusement l'hypothèse selon laquelle le cerveau transmet, d'une façon ou d'une autre, la conscience, mais ne la produit pas, cette théorie de la transmission reposant sur l’hypothèse, comme nous l'avons noté, qu'il existe une forme de conscience extérieure au cerveau. Le cerveau est en contact avec cette source, dont il reçoit et modifie les informations. Fenwick propose que, bien que les souvenirs soient conservés partiellement dans le cerveau, une grande partie de la mémoire est stockée à l'extérieur du cerveau. Ce lieu de stockage hors site de la conscience survivrait à la mort du cerveau et du corps. Il pourrait aussi expliquer pourquoi de nombreuses personnes ont le sentiment de faire partie d'un tout plus vaste. 127 Fenwick reconnaît les problèmes posés par ce type de modèle. Il déclare : "Nous nous heurtons à la difficulté qu'il n'existe actuellement aucun mécanisme connu, qui relierait le cerveau à l'esprit de cette manière, ou qui permettrait à la mémoire d'être stockée en dehors du cerveau."16 Une autre faiblesse des théories de la transmission en général, ajoute Fenwick, "c'est que même si elles sont correctes, elles sont difficiles à tester. Une théorie de la transmission postulerait que, l'esprit étant transmis par le cerveau, les perturbations des fonctions cérébrales entraîneront des troubles de l'esprit, parce que la transmission est interrompue. Mais un argument similaire peut tout aussi bien être utilisé, si l'on soutient que l'esprit est situé dans le cerveau et qu'il en est une fonction. Dans ce cas également, un dysfonctionnement du cerveau provoquera un dysfonctionnement de l'esprit. Il n'existe pas d'expérience qui permette de distinguer facilement ces deux possibilités."17 Bien que toutes les théories de la conscience soient spéculatives, les théories de la transmission présentent un avantage certain. Elles peuvent prendre en compte les données empiriques affirmant notre capacité à acquérir des informations à distance et sans la médiation des sens physiques. Moyennant quelques ajustements, elles sont compatibles avec l'Esprit universel. Quel type d'ajustements ? Tout d'abord, les théories de la transmission de la conscience sont improprement nommées, ‘’transmission’’ venant de mots latins qui signifient "envoyer par-delà ou à travers". Rien ne prouve que quoi que ce soit soit réellement transmis ou envoyé au cours d'expériences distantes et non locales, et il y a de bonnes raisons à cela. Si la Conscience est véritablement non locale, comme le suggèrent les preuves, elle est infinie ou omniprésente dans l'espace et le temps. Il n'y a donc aucun endroit où la Conscience n'est pas, ce qui signifie qu'il n'est pas nécessaire de transmettre quoi que ce soit, d'un point A à un point B : c'est déjà là. De plus, si l'Esprit est véritablement non local, l'idée d'un lieu de stockage hors site, hors du cerveau, pour la Conscience n'a pas de sens. Stocker quelque chose, c'est le confiner, et l'essence de la non-localité est le non-confinement ou l'absence de localisation. Dans un modèle non local de la Conscience, il n'est donc pas nécessaire de se torturer l'esprit concernant le moyen dont la Conscience est transmise et l'emplacement éventuel d'un 128 support extracrânien de la mémoire, puisque la non-localité rend superflu ce genre de questions. La "transmission" est donc un concept tiré de la vision classique et mécanique du monde. Appliqué à des phénomènes non locaux, il donne une impression trompeuse sur la nature de la Conscience. Néanmoins, les théories de la transmission constituent une amélioration par rapport aux images de la conscience basées sur le cerveau, car elles libèrent la conscience de son asservissement au cerveau. Un jour, lorsque nous aurons appris à penser et à parler avec aisance des phénomènes non locaux, nous développerons un vocabulaire capable de tenir la route sans être contaminé par des termes inappropriés issus de la vision classique du monde. D'ici là, peut-être devrionsnous garder le terme "transmission" entre guillemets pour souligner son utilisation circonspecte et nuancée. Si nous voulons avoir la moindre chance de comprendre l'Esprit universel et la relation entre l'esprit et le cerveau, nous allons devoir apprendre à penser non localement, autrement nous courrons toujours après des problèmes qui ne s'appliquent tout simplement pas dans un monde non local. 129 CHAPITRE 10 : L’IMMORTALITÉ ET LES EXPÉRIENCES DE MORT IMMINENTE Comment pouvez-vous craindre une mort personnelle, si vous faites réellement partie de Dieu ? - VS Ramachandran1, directeur du Centre du Cerveau et de la Cognition, Université de Californie, San Diego Le seul secret que les gens gardent est celui de l’immortalité. - Emily Dickinson2 Mellen-Thomas Benedict, qui était un jeune créateur de vitraux, connut une expérience de mort imminente en 1982. Benedict était atteint d'une tumeur cérébrale inopérable, et on lui proposa une chimiothérapie qu'il refusa, puisqu’il souhaitait conserver une qualité de vie aussi élevée que possible pendant le temps qui lui restait. Sans assurance maladie, il fut admis en soins palliatifs, ce qui dura pendant environ 18 mois. Un matin, il se réveilla vers 4h30, en sachant que c'était le jour où il allait mourir. Il en parla à l'infirmière de l'hospice, et ils convinrent qu'elle laisserait son corps sans être dérangé pendant au moins six heures, parce qu'il avait lu que "toutes sortes de choses intéressantes se produisent, quand on meurt."3 Subitement, il fit l'expérience d'être en dehors de son corps. Il avait une vision panoramique et vit une magnifique lumière, éblouissante, la plus belle chose qu'il ait jamais vue. Celle-ci semblait être un canal d’accès à la Source ou au Soi supérieur. "Je m'y suis plongé", dira-t-il plus tard, "et ce fut tout simplement extraordinaire . C’était comme tout l'amour que vous aviez toujours voulu, et c'était le genre d'amour qui soigne, qui guérit, et qui régénère."4 Puis, la lumière se transforma en un mandala d'âmes humaines d'une beauté exquise. Benedict sentit que tous ses jugements négatifs et que toutes ses attitudes cyniques à l'égard de ses semblables cédaient la place à une vision positive, pleine d'espoir. Il communiqua avec la Grande Lumière. Il voyagea en conscience à travers la galaxie et il entrevit la totalité de l'univers. Il sentit qu'il était en phase de précréation avant le Big Bang. Sa conscience se dilata à l'infini. Il lui fut révélé qu'il n'y avait pas de mort, juste l'immortalité. Fort de cette certitude, tout le processus s'inversa alors et il retourna dans son corps.5 L'infirmière de l'hospice le retrouva sans signes vitaux. Elle ne put détecter aucune tension artérielle, ni aucun battement de cœur, même à l'aide d'un stéthoscope amplifié. Son moniteur cardiaque était au point mort. Elle respecta l'accord et laissa son corps tranquille. Il commença à se raidir. C'est alors qu'il se réveilla brusquement. En voyant la lumière à l'extérieur, il voulut se lever et se diriger vers elle et tomba du lit. L'infirmière entendit un bruit sourd et le retrouva par terre. Au bout de trois jours, il se sentit normal, mais différent par rapport à ce qu'il avait pu ressentir dans sa vie. Il put quitter l'hospice. Trois mois plus tard, un ami lui suggéra de retourner voir son médecin pour passer un nouvel examen. Des scanners cérébraux de suivi furent réalisés. En regardant les scanners ‘’avant’’ et ‘’après’’, le médecin dit : "Eh bien, il n'y a plus rien ici !" Benedict répondit gaiement : "Vraiment, c'est un miracle ?" "Non’’, répondit le médecin peu impressionné, ‘’ce sont des choses qui arrivent. C'est ce qu'on appelle une rémission spontanée." ‘’Mais c'était bien un miracle", dira plus tard Benedict, "et moi, je fus impressionné, même si personne d'autre ne l'était."6 LA QUESTION DÉCISIVE L'absorption de Benedict dans la Source ou dans le Soi supérieur, où il vit toute une série d'autres âmes humaines, est un thème récurrent chez les individus qui vivent des expériences de mort imminente. La tendance est très ancienne. Des récits fragmentaires figurent dans l'art et la littérature de tous les temps, comme la légende d'Er dans La République de Platon, écrite vers 300 av. J.-C. Dans le récit de Platon, un guerrier, Er, meurt au combat. Au moment où les corps des morts sont ramassés dix jours plus tard, le corps d'Er ne s'est pas décomposé. Il se réveille, deux jours plus tard, sur son bûcher funéraire et il témoigne de son périple dans le ciel de l'au-delà. Accompagné de nombreux compagnons, il 131 expérimenta des sentiments merveilleux, aperçut un puits de lumière arc-en-ciel plus resplendissant que tout ce qu'il avait jamais vu, et il rencontra de nombreuses divinités.7 Le concept d'une Source, d'une Âme et d'un Soi supérieur, qui fait souvent partie de l'expérience de mort imminente, est une affirmation de l’Esprit universel. Comme le dit Jung, "En plus de notre conscience immédiate, qui est de nature tout à fait personnelle ... il existe un système psychique de nature collective, universelle et impersonnelle, qui est identique chez tous les individus" (c'est nous qui soulignons).8 Dans notre culture matérialiste, la croyance en une âme qui survit à la mort physique est souvent considérée comme un piètre réconfort pour ceux qui ont peur de la mort et de l'anéantissement. Mais il y a deux raisons majeures pour faire abstraction de cette critique. D’abord, pour beaucoup, cette croyance générale est importante pour un fonctionnement sain. Ainsi, Jung dit : "En tant que médecin, je m'efforce toujours de renforcer la croyance en l'immortalité"9 et "La question décisive pour l'homme est de savoir s'il est relié à quelque chose d'infini ou non. C'est la question essentielle de la vie. Ce n'est que si nous savons que la chose qui compte vraiment est l'infini que nous pouvons éviter de fixer notre attention sur des futilités et sur toutes sortes d'objectifs qui n'ont pas d'importance réelle...’’10 George Orwell, auteur de l'effrayant livre, 1984, était du même avis et dit : "Le problème principal de notre époque est le déclin de la croyance en l'immortalité personnelle.’’11 Par ailleurs, l'opinion de la science est en train de changer. L'idée que la conscience cesse avec la mort n'est plus considérée comme une évidence. Ainsi que le dit l'éminent physicien, David Bohm, "finalement, tous les moments ne font réellement qu'un, ... c'est pourquoi le moment présent est l'éternité..... Tout, moi y compris, meurt à chaque instant dans l'éternité et renaît.’’12 Olivier Costa de Beauregard, un physicien français de renom trouve dans les mathématiques et la physique des preuves corroborant ‘’l'existence d'un inconscient collectif 132 omniprésent’’, qui ressemble à s'y méprendre à l'Esprit universel, immortel et intemporel.13 Le psychiatre, Ian Stevenson, de l'université de Virginie, recensa des milliers de cas d'enfants qui se souvenaient de vies antérieures, et dont les descriptions des existences précédentes se virent confirmées par ses recherches, ce qui suggère fortement la réincarnation.14 Et comme le dit l'astronome et auteur britannique, David Darling, dans son livre courageux, Soul Search, : "La mort nous attend, mais plus sous la forme d'une menace d'extinction. La mort peut signifier la fin du corps, du cerveau et du moi. Mais c'est précisément pour cette raison qu'elle marque le retour à une Conscience plus vaste et intemporelle. À la lumière de cette connaissance, toute peur se dissipe. Puisque le moi est une illusion, sa perte n'a aucune importance."15 Et ce qui n'est pas le moins important, il existe des preuves en faveur de la survie dans les expériences de mort imminente, qui sont rapportées par une proportion significative de la population américaine. Ces tendances sont décrites de manière convaincante par le philosophe Chris Carter dans son livre, Science and the Near-Death Experience, et par le cardiologue, Pim van Lommel, dans son livre, Mort ou pas ? Les dernières découvertes médicales sur les EMI, et par beaucoup d’autres auteurs. ALLERGIE À L’IMMORTALITÉ Même si la possibilité d'immortalité qui ressort des expériences de mort imminente apporte consolation et espoir à de nombreuses personnes, elle en exaspère d'autres. Par exemple, un neurologue d'une grande école de médecine a tenté avec acharnement de discréditer les expériences de mort imminente en affirmant qu'elles n'étaient rien d'autre que des processus physiques se produisant dans certaines zones du cerveau. Il estime qu'il est contraire à l'éthique de parler de survie après la mort : Les gens aiment à dire que ces expériences sont la preuve que la conscience peut exister en dehors du cerveau, comme une âme qui vit après la mort. J'espère que c'est vrai, mais c'est une question de foi ; il n'y a aucune preuve de cela. Les personnes qui prétendent le contraire utilisent 133 une fausse science pour susciter de faux espoirs et je pense que c'est trompeur et cruel, en fin de compte.16 Mais où se situe la cruauté ? Je pense qu'il est cruel d'assurer aux gens que la mort physique les anéantit complètement, alors que de nombreuses preuves suggèrent le contraire. La cruauté consiste à nier les preuves substantielles que l'esprit peut fonctionner avec une précision énorme, malgré le fait que le cerveau est gravement endommagé. La cruauté se manifeste chaque fois qu'une autorité supposée ignore les nombreuses recherches réalisées par des chercheurs rigoureux, d’après lesquelles la Conscience opère non localement, au-delà des contraintes de l'espace et du temps, ce qui implique l'infinité temporelle et donc l'immortalité. La cruauté ne consiste pas à donner de faux espoirs, comme le dénonce ce neurologue, mais à ôter tout espoir et à promouvoir des souffrances et des peurs inutiles en faisant une lecture erronée des données scientifiques. En 2011, je reçus une lettre de parents qui cherchaient du réconfort après le décès de leur fille bien-aimée, âgée de 19 ans. Atteinte d'une malformation cardiaque congénitale, elle avait subi plusieurs interventions chirurgicales et enduré beaucoup de souffrances durant sa courte vie. Ils avaient lu un livre écrit par un critique notoire des expériences de mort imminente et lui avaient écrit pour savoir s'il avait un minimum d'espoir concernant la survie de leur fille après sa mort. Il répondit : "Je ne peux pas donner beaucoup d'espoir. Il ne me reste moi-même que quelques années à vivre." Le couple voulait savoir ce que je pensais de sa réponse désolante. Je leur dis que je considère comme une quasi-certitude qu'un aspect de la conscience humaine est infini dans l'espace et dans le temps, qu'il est indestructible et immortel. Je leur dis que je croyais que la conscience de leur fille existait toujours et existerait pour l'éternité. Je leur demandai de ne pas me croire sur parole, mais de lire les preuves scientifiques apportées par de nombreux chercheurs et qui constituent la base de mes conclusions. Je les réorientai vers plusieurs des sources que je mentionne tout au long du livre. Si j'ai fait cela, c'est parce que les preuves d'une dimension non locale et infinie de la Conscience sont si nombreuses que je savais qu'ils n'auraient aucune difficulté à tirer leur propre conclusion, et qu'elle serait probablement à l'opposé du sinistre verdict du 134 détracteur qu'ils avaient consulté. C'était des gens intelligents, lui un expert en informatique, elle une avocate ; ils pourraient juger par eux-mêmes sans accepter le jugement de qui que ce soit, y compris le mien. Il y aura sans doute toujours des gens qui considèrent que c'est une faiblesse intellectuelle de croire en quoi que ce soit qui ressemble à l'âme. Comme le dit un jour avec dérision le regretté Lord Bertrand Russell, "je crois que lorsque je mourrai, je pourrirai et que rien de mon ego ne survivra."17Je pense que Russell avait raison ; son corps a sûrement pourri et rien de son ego n'a survécu. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. Nous sommes plus qu'un corps physique et un ego. Un élément de notre conscience est temporellement infini et fait partie de quelque chose de plus vaste : l'Esprit universel. LA PREUVE DU PARADIS GRÂCE À E. COLI ? Nous sommes peut-être sur le point de redécouvrir que mourir n'est finalement pas une si mauvaise chose.18 - Lewis Thomas Le Dr Eben Alexander, auteur du best-seller La preuve du paradis : voyage d'un neurochirurgien dans l'après-vie, acquiescerait.19 Neurochirurgien enseignant depuis 25 ans, en fonction à la Harvard Medical School et dans ses hôpitaux affiliés, il est l'auteur de deux livres et de près de 200 articles scientifiques, et c’est un expert réputé du fonctionnement du cerveau. Il s’est occupé de centaines de patients rendus comateux par des traumatismes, des infections, des tumeurs cérébrales, des AVC et des ruptures d'anévrisme. Rien de tout cela ne le prépara à ce qui lui arriva aux petites heures du 10 novembre 2008, quand luimême tomba dans le coma, fut mis sous respirateur et commença à recevoir des antibiotiques par voie intraveineuse. Son problème était une forme rare de méningite causée par E. coli, une bactérie associée aux épidémies d'intoxication alimentaire observées ces dernières années. L'état d'Alexander se détériora rapidement. L'équipe médicale s'attendait à ce qu'il meure et elle ne laissa entrevoir que peu d'espoir à sa femme et à ses deux fils. Mais contre toute 135 attente, il survécut. Le septième jour, quand on lui retira son tube respiratoire, il dit "merci". Mais quelque chose s'était produit entre les 10 et 17 novembre, qui bouleversa sa vie. Au cours de cette période, il vécut une expérience de mort imminente qui pulvérisa tout ce qu'il croyait savoir sur le cerveau humain et sur la conscience.20 La NDE d'Alexander fut "hyperréaliste et extrêmement nette et vivante", plus que la conscience de veille ordinaire. Il la considère à ce point "choquante" et réelle que c'est "indescriptible". L'expérience comporta plusieurs phases. La vision initiale était ''seulement floue et rudimentaire", avec un visage apparaissant par intermittence. Puis une "mélodie entraînante et sublime" se fit entendre. Alexander devint pareil à "un point sur l'aile d'un papillon, parmi des millions d'autres papillons splendides’’. A côté de lui, sur l'aile, se trouvait "une fille absolument ravissante", habillée "comme une paysanne... dans des tons pêche/orangé et bleu pâle, tout simplement magnifique". Bien qu'elle ne prononça jamais aucune parole, elle lui communiqua la pensée suivante : "Tu es aimé. Tu es chéri pour toujours. Il n'y a rien que tu puisses faire de mal. Tu n'as pas à t'inquiéter. Tout se passera bien pour toi." Ce message comprenait la prise de conscience qu'il ne pourrait pas rester dans ce lieu ; il devrait retourner à son existence terrestre. Alexander prit conscience d'une "Présence divine", une sorte de "supra puissance de la divinité". Il dit : "Je me situais loin au-delà ... de toute forme de conscience humaine. Il n'y avait en réalité qu'une seule Conscience". Alexander était entré dans l'Esprit universel. Il ressentit le temps comme une durée temporelle infinie. "Nous essayons toujours de séquencer les choses et de les présenter sous une forme et avec une description linéaires. Cela ne fonctionne pas vraiment", dit-il.21 Après sa NDE, Alexander se plongea dans la littérature relative à ces phénomènes pour essayer de comprendre ce qui lui était arrivé. Il s'impatientait par rapport aux sempiternels arguments utilisés par les sceptiques pour rejeter ces phénomènes. "Cette hyperréalité que les gens décrivent ... n'est pas quelque chose qui va être expliqué par [ce] petit discours simpliste sur les niveaux de CO2 et d'oxygène. Cela n’ira pas. Je vous le promets". Il ajoute : "Cela ne ressemble 136 pas du tout à une expérience de drogue. Beaucoup de gens sont venus me voir et m'ont dit : "Oh, on dirait une expérience de DMT" ou "Ça ressemble à la kétamine". Non, pas du tout. Cela ne correspond pas du tout à la réalité". Le Dr Alexander est un scientifique aux références irréprochables et au sommet de son art. Il apprécie la bonne forme de scepticisme, mais pas celle qui souffre de préjugés préétablis. Il reconnaît que "les scientifiques sont aussi enclins à s'accrocher à des dogmes et à des croyances imposés qu'un zélote religieux. Il faut donc veiller à prendre du recul et à vouloir connaître la vérité.... Il y a quelque chose au sujet de la Conscience que nos modèles primitifs ne saisissent pas. C'est beaucoup plus profond que je ne l'avais jamais réalisé auparavant". Grâce à l'E. coli, le Dr Alexander franchit une porte par laquelle il ne pourra jamais revenir. "Mon expérience m'a montré très clairement", dit-il, "qu'une Conscience incroyablement puissante et qui dépasse de loin ce dont je suis prisonnier ici dans le royaume terrestre, commence à émerger, quand vous vous libérez du mécanisme de filtrage du cerveau. C'est réellement étonnant. Et c'est ce qu’il nous faut expliquer. Des milliers, voire des millions de personnes ayant vécu une expérience de mort imminente en ont parlé". Les NDE ne sont toutefois qu'un moyen de passer par le chas de l'aiguille. "Les gens ne sont pas obligés de se trouver dans une situation de mort imminente", explique le Dr Alexander. "Il existe de nombreuses expériences mystiques qui se sont produites au cours des millénaires et qui relèvent du même mécanisme.’’ Il a raison, comme nous le verrons bientôt. Tout cela a déjà été dit dans des milliers de livres, d'articles et d'interviews depuis que les expériences de mort imminente apparurent sur la scène culturelle en 1975 avec la publication de La vie après la vie , du psychiatre Raymond Moody.22 Ce qui est nouveau dans le récit du Dr Alexander, c'est Alexander. Il n'est pas fréquent qu'un neurochirurgien de premier plan et expert du fonctionnement du cerveau s'avance pour défendre un phénomène qui se situe au-delà du cerveau et du corps, et pour déclarer avec passion que la Conscience existe indépendamment du cerveau humain. Ses arguments feront-ils mouche ? 137 Pour certains, oui, mais pas pour tous. Certains de ses médecins lui ont déjà déclaré sans ambages : "Certes, mais vous étiez extrêmement malade…’’ Peu importe. Ce qui est considéré comme "prouvé" est toujours en train d'évoluer. Même le physicien, Max Planck, prétendait que la science évoluait avec chaque enterrement. Il n'est pas nécessaire de convaincre tout le monde. Dix-huit pour cent des Américains continuent de croire que le Soleil tourne autour de la Terre,23 et quelques-uns restent convaincus que la Terre est plate,24 mais cela ne change rien aux faits. Alexander est optimiste. "Je pense que [la nouvelle vision de la conscience] va changer ce monde de façon merveilleuse", déclare-t-il. "J'ai bon espoir que la science et la spiritualité s'unissent et aident les gens à comprendre la véritable nature de notre existence. Un des effets secondaires sera que l'humanité, la grâce et l'harmonie que nous verrons dans le monde se développeront énormément au fur et à mesure que nous avancerons..." DES MILLIONS DE NDE Des enquêtes réalisées aux États-Unis, en Australie et en Allemagne suggèrent que 4 à 15 % de la population ont vécu une NDE.25 Une vaste étude menée aux Pays-Bas établit que 18 % des personnes ayant subi un arrêt cardiaque et se trouvant en état de mort clinique déclarèrent avoir vécu une NDE.26 Un sondage Gallup effectué dans les années 1980 estima qu'environ 13 millions d'Américains avaient vécu une NDE.27 Une étude conclut que, statistiquement, chaque jour aux États-Unis, près de 800 personnes vivent une NDE.28 L'argument de ceux qui doutent de la validité de ces expériences est qu'il s'agit du dernier souffle d'un cerveau malade, mourant, en manque d'oxygène, dysfonctionnel et en panne, mais ces dernières années, cette "explication" est devenue de plus en plus insoutenable, en raison de la découverte que ces expériences se produisent aussi bien chez des personnes en bonne santé que chez des personnes proches de la mort. En 1992, l'International Association for Near-Death Studies (IANDS) fit parvenir un questionnaire à ses membres leur demandant comment ils en étaient arrivés 138 à cette expérience, et elle reçut 229 réponses. Elle constata que 23 % des personnes avaient vécu le phénomène de mort imminente, alors qu'elles étaient cliniquement mourantes, 40 % au cours d'une maladie grave ou d'un traumatisme physique sévère, et 37 % sans avoir frôlé la mort ni subi de maladie ou de traumatisme. Le pourcentage le plus faible d'expériences de mort imminente dans cette enquête fut enregistré chez les personnes qui se trouvaient au seuil de la mort.29 Mais les expériences de mort imminente vécues par des personnes en bonne santé sont-elles les mêmes que celles vécues par des personnes proches de la mort ou gravement malades ? Le psychologue, Kenneth Ring, de l'université du Connecticut, pense que la réponse est oui. Ring est l'un des chercheurs les plus respectés dans le domaine des NDE. Il déclare : "Il n'est pas nécessaire d'être à l'article de la mort pour avoir le genre d'intuitions spirituelles qui sont typiques des expériences de mort imminente.... En outre, les transformations qui s'ensuivent ... peuvent également se produire sans que l'on ait frôlé la mort....L'élément déclencheur de l'expérience n'a pas d’importance. C'est ce qui vous arrive au cours de l'expérience qui importe, et non ce qui vous y a amené."30 Nancy Clark devrait le savoir. Titulaire d'un diplôme de cytologie (la cytologie est l'étude des cellules) du Women's Medical College de Pennsylvanie, elle enseigna la cytologie et elle fit de la recherche sur le cancer dans une grande université avant de prendre sa retraite pour se consacrer à l'écriture et à des conférences sur les expériences de mort imminente. Clark s'est épanouie dans la science et elle honore la méthode scientifique ; ce n'est pas le genre de personne qui rechercherait ce qui lui est arrivé. Au début des années 1960, longtemps avant que Raymond Moody n'alerte la culture occidentale sur l'expérience de mort imminente dans La vie après la vie31, on crut que Clark était morte en donnant naissance à son fils. Le problème était une éclampsie de grossesse, caractérisée par une sévère hypertension artérielle, des œdèmes et des convulsions. Elle perdit connaissance — tout en restant consciente de ce qui se passait. Elle vit son corps physique en contrebas, puis une source de lumière lui parvenant, et elle sentit la béatitude, la paix et l'amour 139 envahir tout son être. Par ailleurs, elle vit l'infirmière accoucheuse qui pesait sur sa poitrine en disant : "Revenez, Nancy, revenez !" L'infirmière ajouta alors : "Vous avez un fils." Clark décida de retourner dans son corps physique. Trop tard. Elle reprit connaissance à la morgue, allongée sur une surface métallique froide, avec un drap sur le visage. Elle ôta le drap et vit un autre corps sur un lit à roulettes à côté d’elle, également recouvert d’un drap. Puis, elle reperdit connaissance. La fois suivante où elle se réveilla, elle se trouvait dans une chambre d’hôpital. Elle était plutôt désorientée. Elle n'avait jamais entendu parler de NDE. On n'en parlait pas, le terme n'avait pas encore été inventé. Elle craignit de se retrouver dans un hôpital psychiatrique, si elle racontait à son médecin ce qu'elle avait vécu, alors elle garda le silence. Celui-ci refusa de discuter avec elle de ce qui avait mal tourné. Il lui tapota l'épaule, puis l'exhorta à "avancer dans la vie et à ne pas regarder en arrière, à oublier ce qui s'était passé". Elle obtempéra et n'en parla à personne jusqu'à ce qu'à l'âge de 38 ans, alors qu'elle était en parfaite santé, qu'elle enseignait et qu'elle faisait de la recherche sur le cancer, elle vécut une expérience presque identique. Elle se tenait sur un podium et prononçait l'éloge funèbre d'un ami décédé, lorsque la Lumière réapparut. Pendant que son corps physique continuait à fonctionner normalement et que l'éloge funèbre se déroulait sans anicroche, elle ressentit la sensation de quitter son corps physique pour entrer dans une autre dimension qu'elle appelle "la Lumière divine". Elle fit l'expérience d'une grande beauté, de l'extase et de la béatitude. Un amour inconditionnel l'envahit, comme elle n'en n’avait jamais ressenti. Sa vie défila devant elle. Clark "sentit l'illusion de son moi séparé fondre, tout simplement. J'aimais tout et tout le monde avec une Conscience immense, transformée". Elle "fusionna dans l'unité avec la Lumière divine, [et] la communication s'opéra par télépathie". Elle vit l’ami décédé, dont elle prononçait l'éloge funèbre, debout à côté d'elle, lui tenant la main, lui faisant savoir qu'il allait bien et qu'il était très heureux, et qu'il n'y avait aucune raison de s'affliger. Elle n'avait nullement envie de retourner dans le corps de Nancy sur le podium. Elle le fit toutefois, car elle savait qu'elle avait reçu la mission de partager avec d'autres ce qu'elle avait vécu. Elle se 140 sentait prête à le faire, parce qu’elle sentait qu'on lui avait donné accès à la "connaissance ultime". "Je connaissais tout ce qu'il y avait à connaître, le passé, le présent et l'avenir. Chaque mot et chaque pensée qui ont été ou qui seront jamais prononcés ou écrits m’étaient connus", dit-elle. Néanmoins, elle comprit plus tard qu'il ne lui était pas permis de se souvenir de l'ensemble de ces connaissances, mais seulement de certaines d'entre elles. "C'est ce que rapportent également toutes les personnes qui ont vécu une expérience de mort imminente", écrivit-elle. "C’est l’une des similitudes classiques et universelles en plus de trente ans de recherche scientifique."32 Clark avait pénétré dans le domaine de l'Esprit universel, où toutes les intelligences et toutes les informations se croisent et où l'on peut avoir accès à toutes les connaissances. Son expérience est identique à l'intuition d'Emerson, que nous avons vue dans l'introduction : ‘’Il y a un Esprit commun à tous les individus. Chaque homme est une voie d’accès au même et à la totalité…Ce que Platon a pensé, il peut le penser ; ce qu’un saint a ressenti, il peut le ressentir ; ce qui, à un moment donné, est arrivé à tout homme, il peut le comprendre. Qui a accès à cet Esprit universel est partie prenante de tout ce qui est ou de tout ce qui peut être accompli…’’33 Au bout d'un quart d'heure passé dans cet état extatique et idyllique, Clark retrouva son corps physique, qui continuait à prononcer l’eulogie. À la fin du service commémoratif, plusieurs personnes lui dirent que, pendant qu'elle parlait, elles avaient remarqué une lueur blanche autour de son corps. Même si elle était motivée à l'idée de transmettre son expérience aux autres, Clark se heurta à de nombreux obstacles. Elle perdit tous ses amis, qui la prirent pour une folle. Sa propre famille ne la crut pas. On la raillait, quand elle racontait ce qui s'était passé. Un pasteur protestant fondamentaliste lui interdit de parler de ce qui s'était passé, parce que Satan, disait-il, pouvait se déguiser en ange de lumière et qu'il opérait sans doute à travers elle. "Pour être honnête’’, dit-elle, ‘’je ne pense pas que moi non plus, j'aurais cru quelqu'un qui aurait raconté cette histoire". Mais les critiques ne la découragèrent pas. "Les sceptiques et les récalcitrants entreront, un jour, dans ce royaume transcendant, et ils 141 découvriront par eux-mêmes que ce que j'ai tenté de leur dire était vrai, après tout’’, dit-elle.34 L'inaptitude à communiquer ce que l'on a vécu au cours de ces expériences transcendantes provoque parfois de graves conflits. Comme le raconta une femme à Clark : "Au début, je n'ai pas parlé de mon expérience à beaucoup de gens, et maintenant je n'en parle qu'aux personnes que je sens prêtes à l'entendre. Mon mari, à l'époque de mon expérience, a divorcé. Il avait l'habitude de dire : "Tu n'es plus la même personne que j'ai épousée."35 Une autre femme raconta qu'après son expérience de mort imminente, "tout ne s'est pas passé sans heurts. Mon mari pensait que j'étais psychotique, ou peut-être n'était-ce qu'une excuse pour vouloir divorcer et être libre."36 Pendant que Clark donnait des conférences et écrivait sur ce qu'elle avait vécu, elle collecta 102 rapports de personnes ayant vécu des expériences similaires à celle qu'elle avait connue sur le podium. Ces personnes étaient en bonne santé et elles n'étaient pas du tout en danger de mort, lorsqu’elles vécurent leurs expériences transformatrices. Elles avaient entre 22 et 93 ans. Certaines étaient religieuses, d'autres spirituelles sans être religieuses, d'autres encore agnostiques ou athées. Leurs expériences se produisirent spontanément, sans signes avant-coureurs. Parmi les situations qui les ont précédés, citons le repos, le travail ou la récréation, la prière ou la méditation, conduire une voiture, les rêves, regarder la télévision, voler à bord d’un avion et parler au téléphone. A l’instar de Clark, elles ressortirent de ces expériences avec un but et un sens de la vie renouvelés et avec un sentiment de connexion et d'amour inconditionnel pour tout le monde. Elles décrivirent généralement cette expérience comme l'événement le plus important de leur vie.37 Clark estime que les termes d' "expérience de mort imminente" peuvent être trompeurs, étant la preuve vivante que l'expérience peut également se produire chez des personnes en parfaite santé. Elle est bien placée pour défendre ce point de vue, ayant vécu des expériences identiques, lorsqu’elle était cliniquement morte et lorsqu’elle était en bonne santé et qu'elle travaillait comme professeur de cytologie et chercheuse en cancérologie. Elle déclare catégoriquement : "Il n'y a pas de différence" dans ces expériences. 142 Les chercheurs le confirment. Ces dernières années, ils ont subdivisé les EMI. Outre l'expérience de mort imminente telle que celle vécue par Clark pendant son accouchement, il y a l'expérience similaire du même ordre qu'elle a vécue sur le podium. Une autre variante est l'expérience de peur de la mort associée à la peur aiguë d'une mort imminente. De telles expériences sont rapportées par des personnes confrontées à une mort apparemment inévitable, comme à l’occasion d'une chute en montagne ou d'un terrible accident de voiture. Une autre catégorie est l'expérience de mort ''imminente'', qui peut se produire au cours du processus graduel et prolongé de la mort, comme dans le cas d'une maladie mortelle qui s'éternise.38 Clark mérite toute notre attention. Ses expériences s'étendent sur cinq décennies. Elle a vécu une mort clinique et une EMI classique bien avant l'apparition de cette expression, ce qui exclut la possibilité que la suggestion et l'attente aient coloré son expérience. Deux décennies plus tard, elle a vécu une expérience analogue, alors qu'elle était bien portante et qu'elle prenait la parole au cours d'une cérémonie commémorative. Elle a vu les cultures occidentales passer du déni de ces événements à la reconnaissance du fait que des millions d'Américains ont vécu une forme ou l’autre de NDE.39 ‘’LA DERNIÈRE PERSONNE À QUI J’EN PARLERAIS’’ Les médecins ont encore du mal à s'accommoder de ces rapports. Par conséquent, à l'instar de Nancy Clark, de nombreuses personnes ayant vécu une NDE répugnent à révéler leurs expériences à leurs docteurs. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces événements sont très certainement trop peu signalés. Pim van Lommel, l’éminent cardiologue néerlandais, analysait pourquoi la plupart des patients gardent le silence sur ces événements dans son livre à succès, Mort ou pas ? Les dernières découvertes médicales sur les EMI.40 Il y mentionnait une conférence sur les NDE organisée en 1994 dans un hôpital universitaire des États-Unis, à laquelle assistaient environ 300 personnes. Au bout de quelques exposés et d’une histoire personnelle, un médecin se leva pour 143 dire : "Je suis cardiologue depuis 25 ans et je n'ai jamais rencontré d'histoires aussi absurdes dans ma pratique. Je pense que tout cela est totalement insensé ; je n'en crois pas un mot". Alors, un autre homme se leva pour dire : "Je suis l'un de vos patients. Il y a quelques années, j'ai survécu à un arrêt cardiaque et j'ai vécu une NDE, et vous seriez la dernière personne à qui j'en parlerais."41 La rupture de la communication entre les médecins et leurs patients à propos des NDE est lamentable. Mais les médecins ne sont pas seuls à fermer la porte. Comme nous l'avons vu, la famille proche de Clark refusa de la croire et elle perdit tous ses amis lorsqu'elle parla de sa NDE pendant l'accouchement. Tous pensaient qu'elle était dérangée. Voici un exemple de ce que l'on pourrait y gagner, si ces témoignages étaient reconnus. Une femme de 97 ans contacta Clark par téléphone, après avoir lu un article de journal que Clark avait écrit sur sa NDE. Cette femme âgée dit à Clark qu'elle aussi avait vécu une NDE pendant son accouchement et qu'elle n'en avait jamais parlé à personne. Elle avait eu peur de le faire. En pleurant, elle raconta à Clark son expérience transformatrice, pendant que Clark pleurait avec elle. Clark raconte : "Elle m'a dit qu'après toutes ces années passées à garder cette expérience pour elle, elle pouvait maintenant fermer les yeux pour l'éternité avec la paix qu'elle ressentait après m'en avoir parlé. Bénie soit-elle. Je ne l'oublierai jamais, ni la confirmation qu'elle a reçue en sachant que d'autres avaient vécu ce qu'elle avait vécu, ni qu'elle avait enfin pu en parler à un autre être humain sans être considérée comme une folle."42 EXPÉRIENCES DE MORT PARTAGÉE L'expérience de mort partagée est similaire à l'expérience de mort imminente chez les personnes en bonne santé. Dans son livre, Paranormal : Une vie en quête de l'au-delà, le psychiatre Raymond Moody déclare : "Les expériences de mort partagée ressemblent à des expériences de mort imminente, mais elles se produisent non pas chez des mourants, mais chez des personnes qui se trouvent à proximité d'un être cher en 144 train de mourir. Ces expériences spirituelles peuvent concerner plus d'une personne et ressemblent remarquablement à des expériences de mort imminente."43 La première fois que Moody entendit parler de tels événements, ce fut dans les années 1970, par l'intermédiaire du Dr Jamieson, une femme membre de la faculté de médecine de Géorgie. Jamieson rendait visite à sa mère, lorsque celleci fit un arrêt cardiaque. Le Dr Jamieson entreprit en vain une réanimation cardio-pulmonaire. Tandis que Jamieson, sous le choc, réalisait que sa mère était morte, elle fut sidérée de se retrouver à l'extérieur de son corps, en train de contempler la scène de la réanimation, comme depuis un balcon. En regardant à gauche, Jamieson aperçut sa mère qui flottait à côté d'elle. Puis, elle vit de la lumière se déverser dans la pièce, comme si elle provenait d'une "brèche dans l'univers". Dans la lumière se trouvaient des amis de sa mère, tous décédés au cours des dernières années. Sous les yeux de Jamieson, sa mère se dirigea vers la lumière et retrouva ses amis. Puis la lumière disparut et la brèche se referma. Jamieson se retrouva alors à côté de sa mère décédée, totalement perplexe par rapport à ce qui venait de se passer. Après avoir entendu le récit de Jamieson, Moody lui donna un nom : "l'expérience de mort partagée". Moody n'entendit plus parler d'expériences de ce type jusqu'au début des années 1980, quand on commença à parler partout librement des NDE. Des personnes se mirent à lui raconter qu'elles se trouvaient aux côtés de leurs proches mourants et qu'elles avaient vu une lumière mystique se diffuser dans la pièce. La forme géométrique de la pièce semblait aussi changer. Certaines personnes furent entraînées dans un tunnel de lumière en même temps que le mourant et participèrent à la revue/bilan de sa vie. Ces expériences impliquaient parfois des groupes de personnes. "C'était comme si les vivants vivaient des expériences de mort imminente", dit Moody. Une amie de longue date, l'autrice Joan Borysenko, me raconta un épisode de ce type. Le Dr Borysenko est une ancienne biologiste, spécialiste des cellules cancéreuses, à Harvard, où elle entreprit un changement de carrière important pour devenir une pionnière de la recherche en médecine psychocorporelle. Elle et son fils, Justin, 20 ans, se trouvaient au chevet de sa mère mourante dans une 145 chambre d'hôpital et lui avaient fait leurs adieux vers minuit, heure à laquelle elle s'était endormie. Ils savaient que sa mort était imminente. Borysenko et Justin étaient assis tranquillement de part et d'autre du lit. Elle priait et méditait les yeux fermés. Subitement, vers trois heures du matin, elle ouvrit les yeux et vit que toute la pièce semblait comme composée de lumière. "Je sais bien que cela pourrait être difficile à comprendre, mais c'était comme si tout était constitué de particules de lumière : ma mère, le lit et le plafond. Tout était si beau.’’ Borysenko regarda de l'autre côté du lit et vit que Justin pleurait. Des larmes coulaient sur son visage et il paraissait sidéré. Justin dit : "Maman, la pièce est remplie de lumière ! Tu la vois ?" "Oui, je la vois. Je vois la lumière", répondit-elle. Puis Justin ajouta : "C'est Mamy qui nous ouvre la porte de l'éternité pour que nous puissions l'entrevoir !’’44 Cela prit aussi une tournure personnelle pour Moody. Alors que sa mère était mourante, ses deux sœurs, leurs maris, Moody et son épouse étaient réunis à son chevet, à l'hôpital. Elle était dans le coma depuis deux jours, mais peu avant sa mort, elle se réveilla et elle dit au groupe qu'elle les aimait tous beaucoup. Kay, la sœur de Moody, lui demanda de répéter. Elle repoussa le masque à oxygène de son visage et elle répéta : "Je vous aime tous très fort !" Tous se tenaient la main et leur monde se transforma. La pièce sembla changer de forme. Quatre des six personnes se sentirent comme soulevées, et Moody sentit une force puissante, qui le tirait vers le haut. Une de ses sœurs indiqua une place près du bout du lit, en disant : " Regardez ! Papa est là. Il est revenu la chercher !" Tous les six signalèrent que la lumière dans la chambre avait changé, pour devenir douce et diffuse. Tous se sentaient joyeux. Un des beaux-frères de Moody décrivit avoir quitté son corps physique et être passé sur un autre plan avec sa belle-mère mourante. Ceci ne ressemblant à rien de ce qu'ils avaient déjà vécu, ils passèrent les jours suivants à essayer d'harmoniser tous les détails pour dresser un tableau cohérent. L'impact sur Moody fut profond. À cette époque, il était déjà internationalement connu comme la personne qui avait attiré l'attention du monde sur l'expérience de mort imminente. Après la mort de sa mère, il sut qu'il avait trouvé la phase suivante de l'œuvre de sa vie : l'expérience de mort partagée. 146 Dans ses conférences à travers le monde sur les NDE, Moody demanda à ses auditeurs s'ils avaient déjà vécu des événements similaires à ceux que lui et ses proches avaient vécus. Les témoignages affluèrent. Moody interrogea de nombreuses personnes en privé minutieusement. Avec la diffusion de l'information, des expériences de mort partagée furent également signalées à d'autres chercheurs sur les NDE. Tout le monde comprit qu'il s'agissait là d'une réfutation désastreuse pour les sceptiques, car ces événements extraordinaires concernaient des personnes qui n'étaient pas malades. Il en ressortit un tableau cohérent. Les expériences de mort partagée incluent la plupart des éléments traditionnels des NDE, comme les expériences de tunnel, la vision d'une lumière mystique rayonnante, les sensations extracorporelles, la revue bilan de la vie, etc. Moody distingue quatre éléments qui sont généralement présents. Il y a d'abord la musique souvent entendue par toutes les personnes qui accompagnent le mourant. Ils disent souvent que cette musique est la plus subtile et la plus belle qu'ils aient jamais entendue. On observe aussi des altérations géométriques dans l'environnement immédiat, comme si la pièce avait changé ou s'était évanouie et dilatée en même temps. Et puis, il y a la sensation partagée de voir une lumière d'un autre monde presque palpable et ressentie comme pureté, amour et paix. "La sensation partagée d'une lumière mystique par plusieurs personnes en bonne santé et qui ne sont ni malades ni mourantes", déclare Moody, ‘’contribue grandement à démolir l'argument des sceptiques suivant lequel la lumière vue par ceux qui ont des expériences de mort imminente n'est rien d'autre qu'un court-circuit du cerveau en train de mourir." Si un certain nombre de personnes qui ne sont ni malades, ni mourantes partagent une expérience mystique de lumière, alors cette lumière ne peut pas être générée par le cerveau mourant d'une seule d'entre elles."45 Une quatrième caractéristique qui distingue les expériences de mort partagée des NDE, c’est l'émission par la personne mourante d'une brume apparente, souvent décrite par les témoins comme de la vapeur, du brouillard ou une fumée blanche, qui prend souvent une forme humaine. De nombreux médecins, infirmières et employés d'hospices ont 147 rapporté à Moody et à d'autres chercheurs qu'ils avaient vu ce mystérieux brouillard. Bien qu'il ait constaté qu'il s'agissait de l'élément le plus constant signalé dans les expériences de mort partagée, Moody ne sait pas comment l'interpréter. Les expériences de mort partagée se déroulent sous le radar depuis un certain temps, bien avant que Moody ne les découvre. On peut citer le cas de la grandmère du psychologue, Ryan Rominger, de l'Institut de psychologie transpersonnelle de Californie. Le grand-père de Rominger se mourait d'un cancer et était alité depuis deux ans. Il était hospitalisé et bénéficiait de services complémentaires. Le jour de sa mort, sa femme, la grand-mère de Rominger, se trouvait dans sa chambre tout en ayant le sentiment que quelque chose allait arriver. Elle se leva et elle se dirigea vers le chevet du malade et se retrouva soudainement à marcher sur un sentier avec son mari dans un endroit d’un autre monde - semi-montagneux, luxuriant et verdoyant. Il lui parut beaucoup plus jeune, portait sa vieille casquette de chasse rouge et il n'avait plus de trachéotomie. Il souriait, tandis qu'ils marchaient main dans la main. Quand ils arrivèrent à une bifurcation, il dit, sans remuer les lèvres : "Viens avec moi." Elle répondit qu'elle ne pouvait pas et ils se séparèrent. Il descendit un sentier sur une petite colline et se dirigea vers une ville. Elle le regarda s'éloigner et suivit l'autre chemin. Puis elle reprit brusquement conscience, suffisamment pour savoir qu'elle était de retour dans la chambre d'hôpital et que son mari venait de mourir. Des infirmières étaient en train d'éteindre les machines et les appareils qui l'avaient maintenu en vie. Un pasteur et son fils étaient entrés dans la chambre pour être avec elle. Le pasteur était en train de la secouer en l'appelant par son prénom et lui disait : " Revenez, revenez. Ce n'est pas encore le moment de partir pour vous." Elle avait repris ses esprits pendant qu'il la secouait pour réaliser ce qui s'était passé.46 Il est peu probable que les sceptiques invétérés de l'expérience de mort imminente soient convaincus par les expériences de mort partagée et ils se retrancheront derrière des "hallucinations ou des délires collectifs", où des personnes émotionnellement stressées, crédules et éplorées voient ce qu'elles souhaitent voir. Mais on peut difficilement soutenir de telles critiques, comme le 148 montre une expérience collective de mort imminente comprenant un groupe d'individus qui ne sont pas connus pour leur vulnérabilité : une équipe de soldats du feu d'élite, coriaces et courageux. En 1989, une équipe de 20 pompiers forestiers confirmés fut héliportée sur une crête montagneuse pour contrôler un incendie qui brûlait en contrebas dans un épais bois de pins ponderosa et un sous-bois de chênes nains. Pendant qu'ils établissaient un coupe-feu, à leur grande horreur, le vent tourna et le brasier remonta vers eux avec une force explosive. Rapidement, ils furent encerclés par les flammes. La conflagration aspirait l'oxygène de l'air au niveau du sol, et les pompiers peinaient à respirer, en étant réduits à ramper sur les mains et les genoux. L'un après l'autre, les soldats du feu s'écroulèrent, en suffoquant à cause du manque d'oxygène. Jake, le chef d'équipe, se dit alors : " Ça y est, je vais mourir. Puis il se retrouva audessus de son corps, le contemplant de haut, alors qu'il gisait dans une tranchée. En dépit du brasier qui faisait rage, Jake se sentait totalement en paix. Il regarda autour de lui et il aperçut d'autres membres de son équipe qui planaient audessus de la scène, à proximité, et qui contemplaient leurs propres corps. L'un d'entre eux, José, avait un pied déformé. "Regarde, José, ton pied est droit !", remarqua Jake. C'est alors qu'une lumière radieuse apparut, que Jake décrivit comme "merveilleuse". Même si elle était extrêmement brillante, il pouvait la contempler sans se faire mal aux yeux. " À cet instant, tout était si parfait, et mon corps spirituel était si libre. J'avais l'impression que tout était sans limites", racontera-t-il plus tard. Jake vit son arrière-grand-père décédé qui se tenait dans la lumière. D'autres aïeuls apparurent également et son arrière-grand-père le guida tout au long de l'expérience et lui communiqua, par la seule pensée, qu'il avait le choix entre retourner dans son corps ou bien rester dans le lieu paisible et béatifique où il se trouvait. Jake fit comprendre à son arrière-grand-père qu'il serait affligeant de revenir dans un corps gravement brûlé et il lui fut répondu qu'il ne devait pas s'inquiéter ; ni lui ni aucun autre membre de son équipe ne souffrirait des conséquences de l'incendie s'ils choisissaient de retourner. 149 Jake choisit alors de retourner dans son corps physique. Ce faisant, il constata que certains des outils métalliques que lui et son équipe avaient utilisés avaient maintenant fondu. Alors que le feu faisait toujours rage, il réussit à gravir la pente abrupte pour se mettre en sécurité, comme s'il était entouré d’une bulle protectrice qui le protégeait des bruits et des turbulences de la conflagration. Arrivé au sommet de la crête, il y retrouva tous les autres membres de son équipe. Aucun d'entre eux ne pouvait croire qu'ils avaient échappé à une mort certaine, les seuls dommages se limitant à quelques cheveux roussis. Ils confrontèrent leurs observations et découvrirent que chacun d'entre eux avait vécu sa propre expérience de mort imminente en apparaissant parfois dans la NDE d'un autre. Comme Jake, ils avaient rencontré d'autres membres de leur famille et ils avaient eu le choix de retourner dans leur corps physique. Comme ils travaillaient ensemble tout au long de la saison estivale des incendies, ils continuèrent à discuter de leurs expériences qui se recoupaient et de leur délivrance miraculeuse.47 Les critiques rétorquèrent que les NDE collectives de ces soldats du feu prouvaient qu'ils avaient raison : ils étaient privés d'oxygène au niveau du sol et leurs cerveaux dysfonctionnaient. Mais comme nous l'avons vu, des personnes normales, en bonne santé et n'étant pas privées d'oxygène témoignent d'expériences extracorporelles, transcendantes, joyeuses et transformatrices similaires qui se produisent souvent spontanément. Et des personnes en bonne santé ont aussi des expériences de mort partagée avec leurs proches. Aucune explication physique n'a jamais été proposée pour expliquer cette gamme complète d'expériences comme étant le résultat d'un mauvais fonctionnement du cerveau. Les sceptiques pourraient bien recevoir une leçon de l'un des critiques les plus sévères que Moody ait jamais rencontré : son père. Le père de Moody était un ancien officier de l'armée pendant la Seconde Guerre mondiale et un chirurgien autoritaire et sans états d'âme. Il s'opposait tellement catégoriquement au travail de Moody qu'il le fit un jour interner dans un hôpital psychiatrique contre son gré. À l'approche de sa mort, son père tomba dans un coma d’où il ne reprendrait jamais conscience, selon ses médecins. Néanmoins, contre toute 150 attente, sa respiration se fit plus énergique et il ouvrit brusquement les yeux. Avec un sourire béatifique, il contempla les visages éberlués de ses fils et il leur annonça : " J'ai été dans un endroit magnifique. Tout va bien. Je reverrai tout le monde. Vous me manquerez, mais nous serons à nouveau réunis." "C'est sur cette déclaration’’, dit Moody, ‘’qu'il est mort. L'expérience de mon père sur son lit de mort avait fait de lui un croyant."48 L'expérience du père de Moody, qui n'était pas croyant, devrait inciter les sceptiques à la prudence : si vous ne souhaitez pas croire aux NDE, assurez-vous de ne pas en avoir une. SUPPRIMER LES LIMITES POUR DU BON Les expériences de mort imminente sont une immersion dans I'Esprit unitaire, universel et indivis. Dans les NDE et leurs variantes qui se produisent chez des personnes saines, il y a une dissolution des limites qui opèrent dans l'état de veille ordinaire. Les individus ressentent tous un sentiment d'unité profond avec tout ce qui existe. "Je ne faisais qu’un avec tout ce que je voyais, j’entendais, sentais, pressentais, croyais et pensais", dit un homme à la suite d’une expérience spontanée similaire à une NDE.49 Ils veulent partager ce sentiment de connexion avec les autres. "Je suis sortie de mon expérience en ne voulant rien d'autre qu'aider les gens à mieux comprendre l'unité de toute vie", dit une femme en bonne santé en décrivant son expérience similaire à une NDE.50 Le sentiment d'amour profond qui accompagne invariablement le sentiment d'unité ne se limite pas aux personnes connues dans la vie, mais s'étend inconditionnellement à toutes les créatures. Après avoir frôlé la mort à la suite d'un accident de laboratoire presque fatal, une jeune chercheuse observa "un changement distinctif et immédiat dans mon comportement ... une incapacité à tuer même les plus minuscules créatures, en allant jusqu'à ramasser des fourmis et à les transporter dans le jardin". La gratitude déborde pour les fruits, les légumes et les animaux qui ont donné leur vie pour ma subsistance."51 151 Le sentiment d'avoir accès à toutes les connaissances est fréquent et il s'accompagne de l'expérience de l'omniscience, et donc de l'abolition des limites de la connaissance. Ainsi, un individu en bonne santé décrivit son expérience assimilable à une NDE en ces termes : "J'ai eu connaissance de toutes les choses passées, présentes et futures, et j'ai été éclairé sur les origines, l'unité et la finalité, bien qu'aucun mot n'ait été prononcé."52 Après avoir vécu une expérience spontanée assimilable à une NDE, une jeune femme déclara : " La connaissance du monde naturel, de la manière dont tout fonctionne ensemble, m'est apparue immédiatement, comme si je m'étais endormie sans connaître la mécanique pour me réveiller en connaissant en détail comment tous les moteurs fonctionnaient.... J'ai fait l'expérience de l’unité avec la totalité et j'ai tout compris.’’53 Au cours d'une expérience comparable à une NDE qui se produisit spontanément pendant la méditation, un autre homme se vit montrer "comment toute la connaissance est accessible ici." Il rapporta qu'une présence humaine/spirituelle "a ouvert quelque chose, et j'ai vu toutes la connaissance accumulée au cours des siècles : l'histoire, les sciences, les arts, l'architecture, la religion, la médecine, les mathématiques. J'absorbe tout cela très facilement, et c'est un savoir illimité, et la présence humaine/spirituelle me dit : " Voyez, ce savoir est à votre disposition quand vous venez ici." Mais on lui indiqua également qu'il ne conserverait pas toutes les connaissances qu'il avait acquises à son retour.54 Une femme déclara : "Des tonnes d'informations semblèrent exploser dans mon cerveau, comme une bibliothèque vide qui se matérialisait soudain... en une Unité globale complète..."55 La "conversation" qui se déroule lors de tels événements est généralement décrite comme se produisant par la seule pensée. Cela suggère également que les esprits individuels s'unissent en un seul Esprit, ce qui rend possible des formes de communication extraordinairement intimes qui ne dépendent plus de la parole, ni de l’audition. La suppression des limites perdure lors du retour à la conscience ordinaire. Par exemple, de 55 à 89 % des personnes ayant vécu une NDE signalent une augmentation des phénomènes psychiques ou des capacités de guérison après leur NDE, une preuve supplémentaire que les séparations supposées entre individus à l'état de veille ne sont pas fondamentales.56 152 Toutes ces expériences s'accompagnent d'un sentiment ineffable de perfection, d'amour et de félicité qui est invariablement transformateur. Une telle transformation va de pair avec la confiance que ces événements sont des avantgoûts de ce qui attend peut-être tout le monde. Avant de conclure ce chapitre, voici un dernier témoignage sur la façon dont les esprits semblent être liés au-delà de la mort. En 1985, à l'âge de 18 ans, Dawn Wanzo était guitariste et cherchait à devenir artiste. Une nuit, elle rêva clairement que sa grande amie Lisa avait été tuée dans un accident de voiture, et elle se réveilla très perturbée. Plus tard dans la journée, elle raconta son rêve à Lisa, mais sans lui dire qu'elle était morte dans l'accident. Une semaine plus tard, Lisa trouva la mort dans un horrible accident de voiture et quand Dawn vit l'épave, elle constata qu'elle était exactement, telle qu’elle l'avait vue dans son rêve. Dawn était effondrée. Pendant 15 ans, elle s’efforça d'oublier la mort de Lisa et son incapacité à la prévenir en jouant, en écrivant et en enregistrant de la musique. Puis, en 2000, Lisa commença à apparaître à Dawn dans des rêves très vivants, cherchant à la convaincre qu'elle existait réellement, puisque cela semblait important pour l'aider à surmonter sa mort. Au cours d'une méditation particulière, Dawn se vit avec Lisa, assise à une table sur laquelle était étalée de la nourriture - un steak coupé en petits dés, une pomme de terre cuite au four, du maïs et une coupe à champagne remplie d'eau. "Pourquoi cette nourriture ?’’, demanda Dawn. "Tu n'en as plus besoin, là où tu es". Lisa lui fit comprendre qu'il s'agirait d'une validation de son existence réelle, et que Dawn était vraiment avec elle dans un autre monde. Quand Dawn rentra à la maison plus tard dans la journée, sa sœur était dans la cuisine en train de lui préparer un plat. C'était étrange, car elle ne le faisait jamais. Dans l'assiette, il y avait un steak coupé en dés, une pomme de terre cuite au four et du maïs. Dawn lui demanda pourquoi elle avait choisi ce menu et pourquoi elle lui préparait son assiette. Sa sœur lui répondit qu'elle ignorait pourquoi, qu'elle se sentait simplement d'humeur à le faire. Quand Dawn s’assit 153 à table, sa sœur plaça une coupe de champagne remplie d'eau à côté de son assiette. Cet épisode s'avéra être un moment décisif dans la manière dont Dawn surmonta la mort de Lisa. "Je ne voulais rien de plus que d'aider les autres à réaliser que nous sommes toujours liés à nos proches sur le plan spirituel", dirat-elle par la suite, "et qu'il n'y a pas de séparation."57 154 CHAPITRE 11 : LA RÉINCARNATION Il n’est pas plus étonnant de naître deux fois qu’une. - Voltaire1 Même si cela peut paraître étonnant - que des souvenirs, des émotions et des blessures physiques puissent se perpétuer d'une vie à l'autre - je pense que les preuves nous amènent à cette conclusion. - Dr Jim B. Tucker2, University of Virginia Health System, Une vie avant la vie Si un Asiatique me demandait une définition de l'Europe, je serais obligé de lui répondre : C'est cette partie du monde qui est hantée par l'incroyable illusion que l'homme a été créé à partir de rien, et que sa naissance actuelle est sa première entrée dans la vie. - Arthur Schopenhauer3 En 2009, une enquête du Pew Research Center révéla que 24 % des Américains déclarent croire à la réincarnation, c'est-à-dire au fait que les gens renaissent encore et encore dans ce monde.4 Il ne s'agit pas juste d'une croyance New Age, mais cela concerne les religions traditionnelles et tous les groupes raciaux. L'enquête conclut que 22 % des chrétiens, 34 % des Noirs et 29 % des Hispaniques partagent cette croyance. Dans ces cas qui relèvent de la réincarnation, la personne qui vient de naître reproduit souvent les souvenirs, la personnalité et les comportements de la personne décédée qui est censée s'être réincarnée. Dans l'intervalle qui précède la renaissance – celui-ci peut durer des semaines, des mois ou des années qu'advient-il de la conscience de la personne décédée ? Où va-t-elle avant de se fixer dans l'individu qui vient de naître ? Je suggère qu'elle "rentre chez elle", dans l'Esprit Universel. Mais examinons d'abord ce que nous savons de la réincarnation en nous penchant sur des cas précis. DES ENFANTS QUI SE SOUVIENNENT DE LEURS VIES ANTÉRIEURES Dans le domaine de la recherche qui traite de la possibilité de la réincarnation et des vies antérieures, un nom prime sur tous les autres : celui du Dr Ian Stevenson (1918-2007), qui fut professeur de psychiatrie, titulaire de la chaire Carlson, et directeur de la Division des études sur la personnalité (aujourd'hui Division des études sur la perception) au Centre des sciences de la santé de l'Université de Virginie. Personne d'autre n'a effectué des recherches dans ce domaine avec autant d'érudition, de rigueur et de dévouement au détail que lui. Stevenson a sillonné la planète, de l'arrière-pays birman aux villages reculés de l'Inde, en passant par les plus grandes métropoles du monde. Il a consacré des décennies à ratisser tous les continents, à l'exception de l'Antarctique, avec toujours le même objectif : enquêter sur des enfants qui semblaient se souvenir d'une vie antérieure. La portée de son travail est remarquablement universelle, et même les sceptiques sont généralement impressionnés par les milliers de cas qu'il a accumulés. De tels cas se retrouvent dans toutes les cultures, y compris la nôtre, et ils présentent une solide cohérence interne. En général, un enfant âgé de deux à quatre ans commence à parler d'expériences qu'il a vécues dans une vie antérieure, et souvent avec des émotions intenses. Cela n'a souvent aucun sens pour les parents. Presque toujours, l'enfant décrit sa mort dans sa vie antérieure, qui est souvent violente. D’après Stevenson, c'est l'une des raisons pour lesquelles le souvenir d'une vie antérieure n'est presque jamais une expérience agréable pour un enfant. Il ajoute : "Trop souvent, les enfants sont troublés par la confusion concernant leur identité, et cela devient encore plus grave chez les enfants qui, conscients d'être dans un petit corps, peuvent se souvenir d'avoir été dans un corps d'adulte, ou qui se souviennent d'une vie en tant que membre du sexe opposé. A ces prises de conscience angoissantes peut s'ajouter une division déchirante de la loyauté entre la famille actuelle et la famille précédente."5 Entre cinq et huit ans, au fur et à mesure que les souvenirs s'estompent, l'enfant cesse généralement d’évoquer sa vie remémorée. On peut citer l'exemple de Lekh Pal Jatav, né en décembre 1971 dans le village de Nagla Devi, dans le district de Mainpuri, en Uttar Pradesh (Inde). Lekh Pal 156 naquit sans les doigts de sa main droite, qui n'étaient que des moignons. Peu de temps après avoir commencé à parler, il dit quelques mots concernant une vie antérieure et répétait sans arrêt le mot "Tal, Tal", ce qui n'avait aucun sens pour sa famille. Par la suite, une femme du village de Nagla Tal, situé à environ huit kilomètres, se rendit à Nagla Devi et elle remarqua Lekh Pal dans les bras de sa mère. Ceci l’incita à lui raconter qu'un enfant de Nagla Tal avait eu les doigts sectionnés dans un accident, ce qui avait entraîné une malformation semblable à celle de Lekh Pal. Lekh Pal commença à parler de la vie de Hukum, l'enfant de Nagla Tal qui, à l'âge de trois ans et demi environ, avait mis la main dans les lames d'une hacheuse de fourrage pendant que son père ne regardait pas et s'était fait sectionner les doigts. Il dit avoir un père et une mère, ainsi qu'une sœur aînée et un frère cadet à "Tal". Les parents de Lekh Pal finirent par le conduire à Nagla Tal et les familles éloignées se réunirent. Les souvenirs et la malformation congénitale de Lekh Pal étaient-ils la preuve que Hukum s'était réincarné dans son corps ? Au vu des milliers de cas similaires, Stevenson pense que la réincarnation est la meilleure explication de ces événements, mais il admet qu'elle n'est pas la seule. Bien que fortement improbable, la séquence d'événements pourrait être due au hasard. Dans son livre, Where Reincarnation and Biology Intersect, Stevenson présente 35 cas, y compris des photographies qui couvrent un large spectre de difformités physiques et de taches de naissance qui semblent se transmettre d'une vie à l'autre. Outre le cas ci-dessus, on trouve des doigts malformés qui correspondent à l'amputation de doigts au moyen d'une épée dans une vie antérieure ; des taches de naissance qui correspondent à des blessures par balles de la personnalité remémorée ; des sillons de constriction congénitaux dans les jambes d'un individu qui se souvenait avoir été ligoté par des cordes dans une existence passée ; l'absence congénitale du bas d'une jambe qui correspond à une amputation accidentelle de la jambe dans la personnalité précédente ; et des taches de naissance qui correspondent à des brûlures, des coups de couteau et divers autres traumatismes survenus dans la vie de l'individu dont on se souvient. 157 Outre les souvenirs, les anomalies congénitales et les taches de naissance, Stevenson pense que des comportements peuvent se perpétuer d'une vie à l'autre. Par exemple, les enfants expérimentent souvent des phobies qui correspondent au mode de décès de la personnalité dont ils ont le souvenir. Un enfant qui se souvient d'une vie qui s'est terminée par une noyade peut craindre d'être immergé dans l'eau. Celui qui se souvient d'une vie qui s'est terminée par une fusillade peut manifester une phobie des armes à feu et des bruits forts. Si la mort a été causée par un accident de voiture, l'enfant peut avoir la phobie des voitures, des camions et des autobus. De telles phobies apparaissent souvent avant que l'enfant ne puisse parler, et il se peut qu'il n'y ait aucun précédent dans la famille qui puisse les expliquer. Des attirances inhabituelles se manifestent aussi. Elles peuvent prendre la forme d'un désir pour des aliments particuliers qui ne sont pas consommés dans la famille du sujet ou pour des vêtements totalement différents de ceux portés par les membres de la famille. Il peut y avoir des envies de tabac, d'alcool et d'autres drogues, dont on sait qu’ils étaient consommés par la personnalité précédente. Certains sujets font preuve d'aptitudes qui ne leur ont pas été enseignées ou qui ne leur ont pas été montrées, alors qu’on sait que la personnalité précédente les possédait. Il arrive que des enfants se souviennent de la vie passée d'une personne du sexe opposé. Ces enfants présentent presque invariablement des caractéristiques du genre de la personne dont ils se souviennent : ils se travestissent, jouent à des jeux du sexe opposé et ils manifestent des attitudes typiques de ce sexe. Comme pour les phobies, ces préférences s'atténuent au fur et à mesure que l'enfant grandit, mais certains enfants y restent farouchement attachés et, dans un cas, l'enfant devint homosexuel.6 "Je ne m'attends pas à ce que mes lecteurs acceptent facilement l'idée que l'esprit d'une personne décédée puisse influencer la forme d'un bébé né plus tard", concéda Stevenson.7 Pour surmonter cet obstacle, il décrivit différentes façons dont les images dans l'esprit d'une personne vivante peuvent créer des changements dans le corps de cette personne, et parfois dans le corps d'une 158 autre personne vivante. Il mentionna les stigmates et les phénomènes physiques associés à l'hypnose, comme preuves que les pensées d'un individu peuvent créer des effets démontrables et visibles sur son propre corps. Il évoqua les "impressions télépathiques" au moyen desquelles la conscience établit un pont entre des individus, à distance.8 (On appelle ces événements des "événements télésomatiques"). Il parla des "impressions maternelles", la possibilité que les pensées et les émotions d'une femme enceinte puissent créer des anomalies congénitales et des taches de naissance chez son nouveau-né. Il documenta comment la plupart des revues médicales publièrent de tels cas, encore au cours de ce siècle, jusqu'à ce que cette idée soit éclipsée par l’importance croissante de la génétique et de l'embryologie du développement – mais pas de façon pleinement convaincante, selon lui. "Je crois qu'il est préférable d’apprendre ce qui est probable sur des sujets importants que d'être certain sur des sujets insignifiants", dit un jour Stevenson.9 Ainsi, il n'est pas important de savoir si Stevenson a raison ou non dans chaque détail de son interprétation. Ce sont les grandes lignes qui comptent. Dans la mesure où il s'approche de la cible, certaines des hypothèses les plus profondes de la biologie moderne doivent être réexaminées, en particulier cette croyance non prouvée d’après laquelle la conscience émane du cerveau, y est confinée et disparaît avec la mort du corps. Stevenson n'essaie pas de démonter la science. Il reconnaît le rôle des influences génétiques et environnementales. Il inclut la réincarnation, non pas pour les remplacer, mais comme un "troisième facteur" qui expliquerait certaines des failles béantes que la biologie et les influences environnementales n'ont pas comblées.10 Certains individus peuvent ne pas comprendre la nécessité d'un troisième facteur qui aiderait à expliquer les malformations congénitales et les taches de naissance. Ils croient peut-être que la science actuelle peut faire le job. Mais Stevenson affirme que seulement 30 à 50 % des malformations congénitales peuvent actuellement être expliquées par des anomalies génétiques, des agents tératogènes, tels que la thalidomide et l'alcool, et des infections, telles que la rubéole, ce qui laisse 50 à 70 % des cas dans la catégorie "cause inconnue". En 159 outre, les généticiens ne peuvent pas nous dire pourquoi un fœtus et pas un autre est affecté, ni pourquoi une anomalie congénitale prend une forme particulière, ni pourquoi une tache de naissance apparaît à un endroit particulier. En revanche, la réincarnation explique pourquoi un défaut particulier ou une tache de naissance apparaît chez un individu et pas chez un autre, où il se trouve sur le corps et la forme qu'il prend.11 Pourquoi ne pas envisager des explications non génétiques pour les anomalies congénitales et les taches de naissance ? Selon Stevenson, on demande aux gènes d'expliquer bien plus que ce dont ils sont capables. Ils contiennent des instructions pour la production des ingrédients des protéines, mais ils ne nous apprennent pratiquement rien sur la façon dont les protéines et les autres métabolites s'organisent en cellules et en organes complexes qui constituent notre corps. Ces limites ne sont pas communément admises. "Certains généticiens n'hésitent pas à nous assurer qu'ils nous fourniront en temps voulu toutes les informations dont nous avons besoin pour comprendre l'embryologie et la morphologie", note Stevenson. Mais "cela équivaut à un billet à ordre sans valeur monétaire immédiate et, en attendant, nous sommes libres d'envisager la possibilité d'autres facteurs contributifs", comme la réincarnation.12 Quelle différence cela ferait-il si la réincarnation était acceptée ? Selon Stevenson, la conséquence la plus importante serait la reconnaissance de la dualité corps - esprit. "Nous ne pouvons pas imaginer la réincarnation sans la croyance corollaire que les esprits sont associés à des corps pendant notre vie familière, tout en étant également indépendants des corps au point d'en être totalement détachables et de survivre à la mort du corps qui leur est associé [et de s'associer ultérieurement à un autre corps]."13 En disant cela, Stevenson s'affirma comme un tenant du dualisme interactionnel, un concept relatif à l'esprit dont l’histoire est ancienne. Deux de ses plus brillants propagateurs récents sont William James, le père de la psychologie américaine, et le philosophe, Henri-Louis Bergson. L'idée principale du dualisme interactionnel est que le cerveau et la conscience interagissent, mais ne sont pas équivalents. Le cerveau traite les stimuli sensoriels et il affecte le contenu de la conscience, comme un transmetteur ou comme un récepteur, mais il ne 160 "génère" pas la conscience. La manière dont l'esprit et le cerveau interagissent réellement reste un mystère et, selon Stevenson, "cela fait partie du programme des futures recherches ; mais cela vaut également pour les déclarations faites avec assurance par de nombreux neuroscientifiques qui prétendent que l'esprit est réductible à l'activité cérébrale."14 ENTRE LES VIES Lewis Thomas, qui a longtemps été directeur de recherche au Memorial SloanKettering Cancer Center, n'a jamais été accusé de "verser dans le mysticisme". Néanmoins, il s'est demandé ce qu'il advient de la conscience après la mort, écrivant : "Il reste encore à expliquer cette disparition permanente de la conscience. Va-t-on rester éternellement bloqué avec ce problème ? Où va-telle ? Est-elle simplement stoppée net, dispersée dans l'humus, gaspillée ? Compte tenu de la tendance de la nature à trouver des utilisations pour des mécanismes complexes et compliqués, cela me semble plutôt contre nature. Je préfère penser qu'elle est, en quelque sorte, séparée au niveau des filaments de son attachement, et ramenée, comme une simple respiration dans la membrane de son origine, une mémoire fraîche au service d’un système nerveux biosphérique... "15 Ian Stevenson émit l'hypothèse d'un processus similaire. ‘’Je crois que nous sommes dans l’obligation d'imaginer un espace mental qui, nécessairement, diffère de l'espace physique qui nous est ordinairement familier", dit-il.16 "Je pense que l'introspection peut montrer que nos pensées occupent un espace mental distinct de l'espace physique, même lorsque nous sommes vivants....Cet espace mental, où des personnalités désincarnées pourraient exister a déjà été décrit de façon très détaillée par des philosophes bien informés des preuves des phénomènes que l'on qualifie aujourd'hui de paranormaux".17 Stevenson supposait que les pensées et les images mentales pouvaient abonder dans cet espace et que certaines d'entre elles pouvaient être réincarnées. Ces qualités diathanatiques (transmises au-delà de la mort), comme il les appelait, pouvaient comprendre des informations cognitives sur les événements d'une vie 161 antérieure, une variété de préférences et d'aversions et dans certains cas, des séquelles de blessures physiques ou d'autres marques de l'ancien corps. Il baptisa le véhicule intermédiaire porteur de ces qualités le psychophore, qui provient de mots grecs signifiant "support de l'âme" ou "support de l'esprit". 18 Le "psychophore" de Stevenson, le "système nerveux biosphérique" de Thomas et l'Esprit universel semblent similaires, sinon identiques — un véhicule pour la conscience dans une dimension non spatiale et intemporelle. Toutefois, l'information qui est reprise n'est pas transmise dans ses détails originaux, mais est beaucoup plus diluée, selon Stevenson. Cela vaut non seulement pour les pensées, mais également pour les phénomènes physiques. Par exemple, il écrivit : "Le corps du bébé présente des marques ou des défauts à l'emplacement des blessures [antérieures], mais pas les blessures elles-mêmes (à l'exception d'un saignement mineur occasionnel ou d'un suintement de liquide)".19 De même que les pensées ne reviennent pas dans les moindres détails, les marques et les défauts de naissance ne sont pas des reproductions exactes des plaies saignantes de blessures passées, mais ressemblent plus à des "cicatrices psychiques" résultant des blessures affectant le corps précédent. La réincarnation et les vies antérieures ont fait l'objet d'une attention considérable, ces dernières années – et à juste titre, selon Stevenson. Selon lui, "on a dit avec sagesse que la question d'une vie après la mort est la plus importante qu'un scientifique - ou que n'importe qui - puisse se poser". Pour ceux qui préfèrent les preuves à l'anecdote, le travail de Stevenson constitue une découverte rafraîchissante. C'est le résultat d'un chercheur inspiré qui procède méthodiquement, avec beaucoup de réserve et d'humilité. Ne croyez pas un seul instant que les livres du professeur Stevenson sont un exercice de dénigrement de la science. C'était un médecin qui respectait profondément les traditions scientifiques et qui honorait la méthodologie scientifique, qu'il utilisait dans ses recherches. En tant que médecin pratiquant la médecine interne, j'ai souvent soigné des patients qui devaient faire face à la mort imminente ou bien récente d'un enfant bien-aimé, et je leur ai souvent recommandé de lire le livre de Stevenson intitulé 162 Les enfants qui se souviennent de leurs vies antérieures, ce qui ne manquait pas de les consoler, puisque ce livre leur donnait des raisons de croire en la continuation de l'existence après la mort - non seulement pour l’enfant, mais aussi pour eux-mêmes, avec la perspective d'être à nouveau réunis avec leur enfant. LA RECHERCHE SE POURSUIT Les travaux du Dr Stevenson ont eu un impact profond sur beaucoup de philosophes et de scientifiques qui s'intéressent à l'origine, à la nature et à la destinée de la conscience humaine. Deux collègues compétents, les docteurs Bruce Greyson et Jim B. Tucker poursuivent ses travaux à l’Université de Virginie. Greyson et Tucker ont tous les deux travaillé en étroite collaboration avec le Dr. Stevenson avant son décès en 2007. Le Dr Greyson est professeur de psychiatrie et de sciences neurocomportementales et directeur de la Division des études sur la perception au Centre des sciences de la santé de l'Université de Virginie. Il est co-auteur de l'important ouvrage, Irreducible Mind,20 que je mentionne souvent dans ces pages. C’est l'un des chercheurs les plus productifs dans le domaine des études sur la mort imminente, et il est co-éditeur de Handbook of Near-Death Experiences. Le Dr Tucker est le directeur médical de la Child and Family Psychiatry Clinic de l'Université de Virginie et professeur agrégé de psychiatrie et de sciences neurocomportementales. Ses principales recherches portent sur les enfants qui semblent se souvenir de leurs vies passées et sur les souvenirs prénataux et de la naissance. Le livre du Dr Tucker, Une vie avant la vie, constitue une étude admirable de souvenirs de vies antérieures d’enfants, et une excellente analyse du travail du Dr Stevenson. 163 DE LA PLACE POUR MANŒUVRER On présume souvent que la croyance en la réincarnation est universelle chez les Asiatiques, mais il y a des exceptions notables. J'ai souvent rencontré des bouddhistes qui nient vigoureusement qu'une entité se perpétue d'une vie à l'autre et le Dr Tucker a connu des expériences similaires. Dans son livre, Une vie après la vie, il expliquait que les bouddhistes theravada, dans leur doctrine de l’annata — "pas d'âme" — soulignent qu'il n'y a pas de "moi" et donc pas d'entité pouvant se perpétuer d'une vie à l'autre. À la mort d'une personnalité, une nouvelle apparaît, tout comme la flamme d'une bougie qui s’éteint peut servir à allumer la flamme d'une autre. "Il est dit qu'il y a une continuité entre les personnalités, parce que les forces karmiques que la personne précédente a mises en mouvement conduisent à une renaissance subséquente, mais il n'y a pas d'identité", écrit Tucker. Ne se considérant pas comme un spécialiste du bouddhisme, Tucker dit néanmoins : "J'ai du mal à adhérer à ce concept ou même à le comprendre totalement, mais je peux au moins noter qu'en dépit de cette doctrine, la plupart des bouddhistes pratiquants croient, en fait, qu'une entité réelle renaît.’’ "Comme le note le Dr Stevenson'', écrivit Tucker, ''nos cas suggèrent certainement qu'un véhicule a ramené des souvenirs persistants avec lui dans la vie suivante. Quelque chose de plus que des souvenirs et des émotions semble avoir survécu." Comme dans toutes les grandes religions, il y a de nombreuses écoles bouddhistes et des interprétations contradictoires des convictions réelles du Bouddha sur la question de savoir si certains aspects de la conscience survivent à la mort physique. Comme le Dr Tucker, je ne suis pas un spécialiste du bouddhisme, et je reste perplexe devant la multitude de désaccords entre bouddhistes sur la question. Cette divergence d'opinions était peut-être prévisible, car les paroles du Bouddha n'ont été consignées par écrit qu'environ quatre siècles après sa mort. Auparavant, ses enseignements étaient transmis oralement. Qui sait quelle part d'interprétation y a été insérée ? Les désaccords sur la question de l'âme ne sont pas anodins. Nan Huai-Chin, une figure majeure du renouveau du bouddhisme chinois, déclara par exemple : "Mais quand cette 164 [doctrine de l'absence d’un moi] circula dans le monde intellectuel, et en particulier quand elle fut diffusée en Occident, certaines personnes pensèrent que l'idée bouddhiste de l'absence d'un moi était nihiliste et niait l'âme, et soutinrent que le bouddhisme est athée. C'est vraiment une plaisanterie ! "21 Si le Bouddha devait réapparaître aujourd'hui, que dirait-il des preuves scientifiques en faveur de l'Esprit universel ? Serait-il d'accord ou pas avec le fait que ces preuves indiquent un aspect de la conscience qui s'apparente à une âme ? Peut-être adopterait-il l'approche rafraîchissante de Sa Sainteté le Dalaï Lama. En 1983, le Dalaï Lama visita le CERN, le laboratoire européen de physique des particules, où il s'entretint avec un groupe de physiciens. Lorsque ces derniers lui demandèrent comment le bouddhisme réagirait s'il apparaissait clairement que ses principes étaient en conflit avec les découvertes de la science moderne, le Dalaï Lama répondit par l'intermédiaire d'un traducteur : "Nous devrions étudier nos écritures très attentivement et, en général, il existe une certaine marge de manœuvre."22 Merveilleuse réponse. Si seulement toutes les religions étaient aussi flexibles. La non-localité temporelle de la Conscience, amplement démontrée, suggère qu'un aspect de l'esprit ne peut pas mourir, même s'il le voulait. L'Esprit universel, le psychophore du professeur Ian Stevenson et le système nerveux biosphérique du chercheur Lewis Thomas sont des hypothèses qui visent à répondre à ces faits têtus. Peut-être est-il temps que toutes les religions, et pas seulement le bouddhisme, "manœuvrent" dans cette direction. 165 CHAPITRE 12 : LA COMMUNICATION AVEC LES DÉFUNTS L'Esprit universel peut-il constituer un canal par lequel un défunt peut influencer une personne vivante ? Dans toutes les cultures, on a entendu parler de personnes qui, soudainement et de manière inexplicable, perdent leur personnalité et leurs compétences normales, et adoptent des dispositions mentales entièrement nouvelles, y compris une personnalité différente et un nouvel ensemble de souvenirs et de capacités. Pour décrire un tel phénomène, on parle généralement de possession, ce qui implique que les changements sont dus à l'occupation du corps de la personne par quelqu'un qui est déjà mort, et peut-être contre la volonté du récipiendaire. Les psychiatres sont réfractaires à cette explication. Ils considèrent ces cas bizarres comme une forme de maladie mentale, comme la dissociation ou la schizophrénie. Dans son livre fascinant intitulé Paranormal Experience and the Survival of Death, le philosophe Carl B. Becker, de l'université de Kyoto, passe en revue plusieurs cas de possession, qui ont été examinés par William James, psychologue à Harvard. L'un des cas concernait Mary Reynolds, née en Angleterre en 1785 et venue s'installer avec sa famille à Meadville, en Pennsylvanie. À 19 ans, elle devint aveugle et sourde durant cinq ou six semaines. Un jour, elle se réveilla sans aucun souvenir de sa famille ni de son environnement, et sans aucune connaissance des choses qu'elle avait apprises. Sa famille la rééduqua comme si elle était un bébé, bien qu'elle avait un corps d'adulte. Au fur et à mesure de sa rééducation, elle adopta une personnalité et un caractère complètement différents de ceux qu'elle avait auparavant. Elle alternera entre les deux personnalités jusqu'à une quinzaine d'années plus tard, où, à l'âge de 36 ans, la seconde personnalité prendra complètement le dessus. Elle demeurera dans cet état jusqu'à sa mort, à l'âge de 61 ans.1 L'un des cas les plus spectaculaires est celui d'Iris Farczády, une jeune Hongroise bien éduquée, brillante en mathématiques et qui avait participé à des séances de spiritisme. À l'âge de 15 ans, elle changea radicalement de personnalité. Elle déclara être Lucía Altarez de Salvio, une ouvrière espagnole de 41 ans qui, selon Iris, était décédée au début de l'année à Madrid, en laissant derrière elle un veuf et 14 enfants. Lucía était l'antithèse d'Iris. C’était une ouvrière, une habitante des bas quartiers, touchée par la pauvreté, qui récurait les sols, nettoyait, lavait, cuisinait, chantait des chansons populaires et dansait le flamenco. Elle s'était mariée à l'adolescence et elle haïssait les classes supérieures. Après sa transformation en Lucía, Iris parla à partir de là couramment l'espagnol et ne comprit plus sa langue maternelle, le hongrois. Iris n'avait apparemment jamais appris l'espagnol, ni eu la possibilité de l'apprendre, n'ayant jamais fréquenté des personnes hispanophones. En 1998, Iris / Lucía fut interrogée par une équipe d'enquêteurs parapsychologues composée de Mary Rose Barrington, Peter Mulacz et Titus Rivas.2 Lucía, alors âgée de 86 ans, leur déclara qu'Iris était une personne différente, qui avait cessé d'exister en 1933. Dans leur rapport exhaustif, les chercheurs expliquent que les raisons pour lesquelles Iris aurait consenti ou se serait soumise à son "remplacement" par Lucía demeurent mystérieuses. Iris était issue d'une famille respectable, éduquée et cultivée. Comme elle avait participé à des séances de spiritisme dans sa jeunesse, les enquêteurs se demandèrent si elle ne s'était pas délibérément ouverte à l'invasion d'une personnalité différente, en l'inventant peut-être elle-même ou en acceptant d'être investie par l'esprit d'une personne décédée. Aucune de ces deux possibilités n'avait beaucoup de sens. Comme l'expliquèrent les enquêteurs, "nous devons nous demander pourquoi une écolière intelligente et prospère voudrait, même inconsciemment, être transformée en une femme de ménage espagnole sans éducation et d'âge moyen". Iris avait eu un mode de vie très confortable et elle prenait apparemment plaisir aux activités intellectuelles, telles que la littérature et les mathématiques. Elle n'avait jamais effectué des tâches ménagères grossières, comme la vaisselle et le ménage, mais voilà ce que l'Iris transformée s'infligea— la transition d'"une intellectuelle studieuse, imaginative, fantasque et à fleur de peau en une femme de ménage inculte, peu réfléchie, fruste, pratique et joviale ..." L'un des éléments les plus inexplicables dans le cas d'Iris est sa maîtrise de l'espagnol. Dans son analyse, l'équipe des enquêteurs établit une distinction 167 entre les connaissances et les compétences. Elle prend l'exemple de la pratique du piano. Il ne suffit pas de connaître les touches du clavier et de les associer à différents sons sur une partition. Jouer du piano exige beaucoup plus, disent-ils : entraîner différents groupes de muscles pour frapper plusieurs touches simultanément, développer le sens de l'emplacement de ces touches sur le clavier, tout en regardant la partition, etc. Il en va de même pour l'apprentissage d'une langue étrangère. Il ne suffit pas de connaître le vocabulaire ; il faut aussi connaître la grammaire, les expressions idiomatiques, les tournures de phrase et la prononciation. À cela s'ajoutent les variantes régionales, comme le dialecte madrilène dans le cas de Lucía. Un enquêteur précédent des années 1940 avait suggéré qu'Iris avait appris l'espagnol via la perception extrasensorielle (la télépathie),3 ce que l'équipe précitée considéra comme une idée "sidérante". Barrington, Mulacz et Rivas écartèrent la possibilité qu'une communication télépathique entre Iris et Lucía puisse expliquer les capacités qu'Iris en était arrivée à posséder. "Même si un grand nombre de mots d'une langue étrangère pourrait peut-être être attribué à la perception extrasensorielle, la maîtrise d'une langue au degré atteint par Lucía ne le pourrait certainement pas", notèrent-ils. "En tout cas, il n'existe aucun précédent dans toute l'histoire de la parapsychologie d'acquisition de compétences, telles que la prononciation correcte d'une langue ou d'un dialecte par l’entremise de la perception extrasensorielle. La maîtrise de la chorégraphie du flamenco et d'autres danses espagnoles (ou tziganes) [dont Lucía a fait preuve] entre clairement dans la même catégorie de "compétences". Les enquêteurs écartèrent également l'hypothèse de troubles mentaux, tels que la schizophrénie. Bien que la possession reste une explication plausible, Barrington, Mulacz et Rivas hésitèrent à l'invoquer : "Puisque l'existence même d'une entité capable de "posséder" ou d'"éclipser" un être humain n'est pas prouvée, elle ne peut pas être acceptée comme une "causa vera" [cause véritable]. Cela reviendrait à expliquer un inexplicable par un autre inexplicable". Au final, les recherches demeurent peu concluantes. Une possibilité qui n'a pas été envisagée par les enquêteurs est celle de l'Esprit universel — la "soupe cosmique" de Pearce, ou l'Esprit unique postulé par le physicien lauréat du prix Nobel, Erwin Schrödinger. Pour des raisons qui 168 demeurent obscures, Iris aurait pu puiser dans cette dimension informative, en extraire ce qui l'attirait et ce qui lui convenait, pour en revenir en tant que Lucía. Pour des observateurs extérieurs, un tel processus ressemblerait à s'y méprendre à une possession. LES MÉDIUMS Les médiums sont des personnes qui prétendent être en contact avec l'esprit des morts. Ils ont fait l'objet d'études intensives depuis les débuts de la recherche psychique, à la fin du 19ème siècle. Ils ont suscité l'intérêt de certaines des plus grandes figures de la psychologie, notamment William James et C. G. Jung. L'histoire de ce milieu est fascinante, comme en témoigne le livre captivant de Deborah Blum, une journaliste lauréate du prix Pulitzer, intitulé Ghost Hunters : William James and the Search for Scientific Proof of Life after Death. La médiumnité est l'un des domaines les plus polémiques et les plus controversés de la recherche sur la conscience. Je ne souhaite pas entrer dans la mêlée et je ne cautionne pas non plus les médiums ou la médiumnité. Il ne fait aucun doute que de nombreux cas, peut-être même la plupart, de contact apparent prétendu des médiums avec les morts peuvent s'expliquer par des facteurs ordinaires, comme la pêche à l'information, la lecture de l'expression, de la voix, de l'apparence et du langage corporel du participant à une séance, les vœux pieux ou la fraude, comme le fait de s'appuyer sur un réseau d'informateurs.4 Mais comme le disent Edward F. Kelly, psychologue à l'Université de Virginie, et ses collègues, lorsque tous ces cas ont été écartés, il reste un nombre substantiel de cas réellement troublants et soigneusement étudiés qui méritent l'attention, comme ceux qui ont attiré des chercheurs critiques, tels que William James.5 Par ailleurs, des méthodes nouvelles et ingénieuses d'évaluation des médiums sont aujourd'hui employées avec des résultats intrigants, comme dans le travail expérimental des chercheurs, Julie Beischel et ses collègues du Windbridge Institute6, et Gary E. Schwartz, du Human Energy Systems Laboratory du département de psychologie de l'Université d'Arizona.7 169 La majorité des personnes qui consultent des médiums espèrent recevoir une communication de leur proche décédé, suggérant qu'il ou elle a survécu de l'autre côté avec une personnalité intacte. Est-il important que notre personnalité terrestre nous accompagne dans l'au-delà ? Je ne l'ai jamais pensé. Je ne souhaite pas conserver cette personnalité pour l'éternité. J'espère une amélioration. Le chercheur, Charles T. Tart, un spécialiste de la conscience, partage cet avis. Il déclare : "Qui suis-je ? Si je suis quelqu'un qui a potentiellement accès à toutes les informations de l'univers, qu'est-ce qui me pousse à m'identifier complètement à la version étroite de moi-même, qui prétend que je ne suis rien que mon cerveau physique, pour commencer ?"8 LES MÉDIUMS NE SONT PAS SI INSOLITES QUE CELA Le mot ‘’médium’’ est souvent associé à des farfelus, aux séances de spiritisme et à l'occultisme, mais de nombreuses personnes tout à fait ordinaires semblent également être des médiums, sans même le réaliser. L'infirmière formatrice, Barbara Stevens Barnum, ancienne rédactrice en chef de Nursing & Health Care, analysa les expériences des infirmières relatives à ce qu'elle appelle la "conscience élargie" - des événements qui ne peuvent pas s’expliquer rationnellement et qui semblent transcender les sens physiques. Dans le cadre d'une enquête menée auprès de 121 infirmières en chef, toutes titulaires d'un doctorat ou d'une maîtrise, elle constata que 41 % d'entre elles décrivaient de telles expériences, qui impliquaient parfois des communications avec des personnes décédées. L'une de ces infirmières chevronnées relata un événement survenu un an après la mort de son mari.9 Elle s'était remariée, et elle et son nouveau mari nettoyaient l'arrière-cour d'une vieille ferme qu'ils avaient louée. Alors qu'elle ramassait, sans gants, des brassées de bois pourri infesté de termites, elle entendit la voix de son défunt mari lui dire, avec son accent cajun : "Arrête ! Recule, il y a un crotale làdessous !" Elle souleva le tas suivant de planches pourries avec une fourche, vit le serpent à sonnettes et le tua. "Merci !", dit-elle à son défunt mari. Deux jours plus 170 tard, elle retourna sur les lieux et l’aperçut. "Personne ne pourra jamais me convaincre que cette expérience n'a pas eu lieu", dit-elle. "Je suis saine d'esprit, mûre, adulte, productive, créative, active et normale. J'aimerais seulement savoir comment être plus réceptive et mieux contrôler mon ''nouveau'' sens.’’ Flippant ? Selon l'enquête de Barnum, "aucun témoignage ne faisait état de peur ou d'effroi ; au contraire, beaucoup décrivaient le réconfort apporté par le contact [avec la personne décédée]."10 Des expériences comme celles-là sont universelles. Lorsque le chercheur, W. D. Rees interrogea 227 veuves et 66 veufs, il découvrit que près de la moitié avait connu des "expériences de visitation" de la part de la personne décédée, et près de 15 % avaient pris la forme de messages oraux. Ces expériences concernaient les deux sexes, touchaient toutes les cultures, étaient courantes dans les petits villages comme dans les grandes villes, et concernaient aussi bien des agnostiques que des athées ou des croyants.11 Ces témoignages de communication avec les défunts, qu'ils proviennent de médiums ou d'autres personnes, peuvent réconforter les vivants, mais ils ne constituent pas le verdict final en matière de survie. Après tout, les sceptiques soutiendront toujours qu'ils sont le produit d'esprits dérangés. C'est la Conscience non locale, dans sa globalité, qui est la plus importante. La nonlocalité implique l'infinité dans l'espace et dans le temps. L'infinité dans le temps, c'est l'éternité. Ainsi, la Conscience non-locale n’implique pas simplement l'immortalité, elle l'exige. 171 CHAPITRE 13 : UNITÉ PRÉCOCE Il est prouvé que l'unité d'esprit entre les êtres humains commence très tôt dans la vie, dans la relation mère-enfant. Le psychologue du développement, Joseph Chilton Pearce, fit référence à une étude classique sur la façon dont les mères en Amérique du Sud et en Afrique n'utilisent pas de couches pour leurs enfants, mais les portent en écharpe sans jamais être souillées. Elles savent simplement quand leur bébé est sur le point d'uriner ou de déféquer.1 QUE SIGNIFIAIENT RÉELLEMENT LES SIGNAUX DE FUMÉE ? La possibilité que des esprits puissent se relier entre eux à des fins pratiques était considérée comme allant de soi dans les cultures prémodernes. David Unaipon, un aborigène australien décrit dans un journal de Melbourne qui rapporta ses propos comme ceux d'un "aborigène australien christianisé, intelligent et très instruit", précisa en 1914 comment l'utilisation des signaux de fumée dépendait de ce fait. Les Occidentaux témoins de cette coutume supposaient qu'une sorte de code était impliqué dans le signal. Ce n'est pas le cas, expliqua Unaipon ; la fonction du signal de fumée était d'attirer l'attention de chacun pour que des communications à distance puissent alors avoir lieu, d'esprit à esprit : Quelqu’un pourrait vouloir communiquer un message à son frère, qui se trouve peut-être à une trentaine de kilomètres de là ; il entreprendrait alors de lancer un signal de fumée, avant de s’asseoir et de concentrer son esprit sur son frère. La colonne de fumée serait vue par tous les Noirs à des kilomètres à la ronde, et ils se concentreraient tous afin de mettre leur esprit en état de réceptivité. Toutefois, seul son frère entrerait en contact avec lui, et il pourrait ainsi indiquer à son [frère] le message qu'il souhaitait transmettre.2 L'anthropologue, Ronald Rose, qui étudia les aborigènes, 40 ans plus tard, reçut également l'assurance que les messages des signaux de fumée ne se trouvaient pas dans la fumée elle-même. "Lorsque nous voyons la fumée, nous réfléchissons et souvent nous y voyons plus clair", lui confia un autochtone. Lorsque la personne éloignée voit la fumée, "elle se met à réfléchir. Et moi aussi, si bien qu'elle pense à ce que je pense."3 La fusion des esprits et le partage de pensées entre les indigènes interloquaient les Occidentaux chaque fois qu'ils entraient en contact avec eux, ce qui était fréquent. Dans son livre de 1927, The Sixth Sense, l'auteur, Joseph Sinel relata comment son fils, qui vivait parmi les tribus du sud du Soudan, avait découvert que "la télépathie était constante". Une fois, alors qu’il s’était égaré, des membres de la tribu vinrent tout simplement le chercher, bien conscients de sa situation. Une autre fois, alors qu'il avait trouvé une pointe de flèche et qu'il la rapportait, deux indigènes, qui étaient déjà au courant de sa découverte, vinrent à sa rencontre et lui demandèrent s'ils pouvaient l'examiner.4 Le psychologue, Joseph Chilton Pearce, fit état d'une étude portant sur les premiers colons anglo-saxons des montagnes du sud des Appalaches, isolés depuis des générations, et qui utilisaient la "télépathie", comme l'appelaient les chercheurs, comme moyen de communication quotidien, sans avoir aucune conscience de la nouveauté que cela représentait. "Pratiquement toutes ces communications "télépathiques" concernaient le bien-être général et les liens affectifs au sein de la cellule familiale", nota Pearce, "la mère appelant la famille pour le repas, pressentant si un des membres de la famille étant en détresse, ou quoi que ce soit."5 Le biologiste britannique, Rupert Sheldrake suggère que, durant la majeure partie de l'histoire de l'humanité, cette forme de capacité de perception était la norme. Il s’interroge : "Pourquoi avons-nous perdu une si grande partie de la sensibilité qu'avaient nos ancêtres ? On trouve beaucoup de récits de voyageurs en Afrique qui racontent que dans de nombreuses régions d'Afrique, les membres d'une tribu savent si quelqu'un arrive, si l'on a besoin de quelqu'un ailleurs, et ils iront simplement retrouver quelqu'un qui a besoin d'eux à 100 km de distance. Ils réagissent de la sorte en permanence. Avant l'invention du téléphone, c'est ainsi que faisaient les gens, et nous disposons de témoignages d'Indiens d'Amérique, d'Aborigènes d'Australie, et de récits de voyageurs. En règle générale, les anthropologues n'étudièrent pas ce phénomène, car ils 173 étaient convaincus que c'était impossible. Ils arrivèrent avec un état d'esprit rationaliste et ils ne documentèrent pas les aspects des cultures traditionnelles qui constituent les caractéristiques les plus intéressantes de ces cultures..... Même dans notre société, [cette capacité] n'est pas tout à fait perdue."6 PLUS QU’UNE FAҪON DE VOIR Quelqu'un qui a étudié la connaissance à distance dans les cultures prémodernes, c'est Douchan Gersi. Aventurier, explorateur et cinéaste, Gersi a passé la majeure partie de sa vie dans certaines des régions les plus isolées de la planète, à documenter des cultures qu'il appelle "les peuples de la tradition". Dans son livre captivant intitulé Faces in the Smoke, il décrivit comment la connaissance non locale de l'Esprit universel est utilisée de façon naturelle et fluide dans la vie de tous les jours dans ces cultures. Un jour, en traversant le désert du Sahara, Gersi croisa un nomade touareg qui était seul et assis à côté de son chameau. D'après les traces laissées, Gersi en déduisit qu'il occupait le même endroit depuis plusieurs jours. L'endroit paraissait être au milieu de nulle part, sans aucune caractéristique particulière, rien que du sable, de la pierre et des collines rocailleuses. Intrigué, Gersi s'arrêta pour partager un thé avec l'homme. Le nomade expliqua qu'il attendait un ami. Sept mois auparavant, alors qu'il se trouvait dans une ville appelée Gao au Mali, à environ 1 000 km de là, il avait fait le pacte avec son ami de se retrouver à cet endroit précis, à une heure précise. Chacun d'entre eux était en route et convergeait vers cet endroit depuis des directions différentes. En regardant autour de lui, Gersi doutait que quelqu'un puisse repérer cet endroit dans l'immensité environnante. La possibilité que deux personnes puissent converger ici, depuis des directions opposées, défiait son imagination. "On ne peut pas rater l'endroit", dit le nomade, tout en donnant des noms à tout ce qui les entourait. Le seul problème, c’était que le nomade était sur le point de 174 manquer d'eau ; si son ami n'arrivait pas dans les trois prochains jours, il devrait partir. Le lendemain matin, le Touareg dit à Gersi que les choses se déroulaient comme prévu. Il avait communiqué avec son ami pendant la nuit et celui-ci arriverait dans deux jours. " Vous avez rêvé de lui ? ", demanda Gersi. "Non, je n'ai pas rêvé de lui. Il m'a juste dit où il était", dit le nomade. Il expliqua que son ami l'avait informé qu'il avait dû faire un détour pour remplir ses poches d'eau. "Mais comment vous l'a-t-il dit ?", demanda Gersi. "Il me l'a dit dans mon esprit", dit le nomade. "Et de la même façon, je lui ai répondu que je l'attendrais". Toujours sceptique, Gersi patienta pour voir le résultat. Et deux jours plus tard, comme prévu, l’ami du touareg arrivait.7 Une autre fois, Gersi et ses collègues durent parcourir une distance périlleuse de près de 1 300 km à travers le Sahara, depuis Djanet, une ville algérienne proche de la frontière libyenne, jusqu'à Tombouctou, au Mali. L'itinéraire comprenait de vastes étendues de dunes de sable et de sables mouvants dangereux, des montagnes, des zones volcaniques rocheuses et des vallées profondes. Les cartes disponibles n'étaient pas précises et il aurait été insensé de tenter le voyage sans un guide. Gersi rencontra le chef de l'avant-poste militaire de Djanet, qui lui recommanda un homme nommé Iken comme meilleur guide pour le voyage. Aux dires du commandant, Gersi ne devrait pas s'inquiéter du fait qu'Iken était aveugle. Iken, alors âgé d'une cinquantaine d'années, avait passé son enfance et son adolescence avec son père, qui conduisait des caravanes dans tout le Sahara. Il devint par la suite caravanier à son tour et il fut finalement engagé comme guide 175 par la légion étrangère française. Vers l'âge de 30 ans, il contracta un trachome, une infection oculaire qui le rendit aveugle. "Avez-vous déjà fait ce voyage ?’’, lui demanda Gersi. ‘’Pas exactement…mais je vois très clairement ce que vous voulez faire’’, répondit Iken. Il expliqua qu'il était nécessaire qu'il s'assoie sur la roue de secours attachée au capot de la Land Rover. "J'ai besoin de respirer l'odeur du désert", dit-il, "... ‘’et d'entendre les différents bruits que font les pneus sur le sol ; cela m'en dit long sur le terrain". Il ne pourrait faire aucune de ces choses depuis l'intérieur de la voiture, dit-il. Et il ajouta : "Ne parlez pas en conduisant, mais regardez attentivement le paysage tout autour de vous.... Cela m'aide aussi à voir où je suis". C'était comme si Iken, devenu aveugle, pouvait absorber des informations, non seulement à partir du paysage environnant, mais également à partir des autres. S'ils savaient à quoi ressemblaient les choses, alors il le savait aussi. C'était comme si son esprit se confondait avec celui des autres. Les indications d'Iken étaient d'autant plus remarquables que le groupe de Gersi roulait souvent de nuit et sans phares. Iken se révéla être un formidable organe sensoriel humain qui fonctionnait à tous les niveaux, sauf au niveau visuel. Il arrêtait souvent le véhicule, s'agenouillait, caressait le sable et contemplait sa texture. Il respirait profondément et sentait le désert durant de longues périodes. Une fois, quand l'eau vint à manquer, il caressa les branches d'un grand buisson sec, huma tout autour et donna de nouvelles directives. Quelques heures plus tard, le groupe put trouver de l'eau. Grâce à l'aide d'Iken, le groupe de Gersi arriva à Tombouctou sans aucun incident.8 Privé de la vision physique, Iken faisait intervenir d'autres modes de connaissance — y compris celles des autres, grâce à la connexion et à la conjonction des esprits individuels. 176 CHAPITRE 14 : LES (IDIOTS) SAVANTS Un ensemble de preuves qui suggère l'existence de l'Esprit universel provient des (idiots) savants. Les (idiots) savants possèdent souvent des connaissances qu'ils n'auraient pas su acquérir sur la base de leur expérience ou de leur apprentissage, et qu'ils n'auraient pas pu formuler par eux-mêmes. Quoique les (idiots) savants soient souvent mentalement ou socialement déficients, ils possèdent fréquemment d'étonnants pouvoirs créatifs et intuitifs d'origine obscure dans des domaines tels que les mathématiques, l'art ou la musique.1 ILLETTRÉS, INADAPTÉS, INÉDUCABLES – ET BRILLANTS Le psychologue Joseph Chilton Pearce, qui analyse le syndrome de l’idiot savant dans son livre, Evolution's End : Claiming the Potential of Our Intelligence, a déclaré : "Les idiots savants sont sans formation, inaptes à en suivre une, illettrés, inéducables…Peu savent lire et écrire…Pourtant, chacun d’eux dispose d’un accès apparemment illimité à un domaine particulier de connaissances, que nous savons qu'ils ne peuvent pas avoir acquises...Demandez à des idiots savants en mathématiques comment ils obtiennent leur réponse et ils souriront, contents que nous soyons impressionnés, mais incapables de saisir les implications d'une telle question...Les réponses leur parviennent, mais ils ignorent comment, ils ignorent comment ils savent…Ceux qui déchiffrent la musique ne savent rien lire d’autre, et pourtant, ils manifestent une réponse sensori-motrice infaillible aux symboles musicaux..." Et voici le cœur du mystère : "Le fait est, avec les idiots savants, que dans la plupart des cas, pour autant qu'on puisse l'observer, l’idiot savant n'a pas acquis, n'aurait pas pu acquérir, et est tout à fait incapable d'acquérir, les informations qu'il dispense aussi libéralement [c'est nous qui soulignons]."2 Le "syndrome du savant" a été popularisé dans le film Rain Man, en 1988. Kim Peek, la personne atteinte de déficience mentale qui inspira le film, connaissait plus de 7 600 livres par cœur, ainsi que tous les indicatifs régionaux, les autoroutes, les codes postaux et les chaînes de télévision américaines.3 Leslie Lemke, un idiot savant aveugle, accuse un retard de développement et il souffre d'une infirmité motrice cérébrale. Il est né avec un glaucome, et les médecins durent lui enlever les yeux. Sa mère biologique le confia à l'adoption, et May Lemke, une infirmière, l'adopta, alors qu’il avait six mois. Il a 12 ans avant de pouvoir apprendre à se tenir debout et 15 ans avant de pouvoir marcher. Il a 16 ans, quand May le trouva en train de jouer le Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski au beau milieu de la nuit.3 Il venait d'entendre le morceau à la télévision. Sans avoir jamais étudié le piano, il joua bientôt tous les styles de musique, du ragtime à la musique classique. Il composait de la musique et il était en mesure de jouer des milliers de morceaux à la perfection, même s'il ne les avait entendus qu'une seule fois. Lemke fera sensation et il partira en tournée aux États-Unis, en Scandinavie et au Japon.4 Les capacités des idiots savants sont souvent considérées comme des curiosités sans grande valeur pratique, mais ce n'est pas toujours le cas. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement britannique utilisa deux idiots savants doués pour les mathématiques pour qu’ils servent d'ordinateurs humains qui étaient infaillibles, pour autant que l'on sache.5 Le psychologue David Feinstein6 rapporte qu'au moins 100 idiots savants aux capacités mentales prodigieuses ont été identifiés au cours du siècle dernier. Darold A. Treffert, un psychiatre spécialisé dans le syndrome des idiots savants, décrivit dans son livre, Extraordinary People,7 un idiot savant dont le vocabulaire conversationnel se limitait à un peu moins d'une soixantaine de mots, mais qui pouvait communiquer avec précision la population de toutes les villes des ÉtatsUnis comptant plus de 5 000 habitants, le nom, le nombre de chambres et l'emplacement de 2 000 grands hôtels américains, la distance entre une ville ou un village et la plus grande ville de l’État, des statistiques concernant 3 000 montagnes et rivières, ainsi que les dates et les éléments essentiels de plus de 2 000 inventions et découvertes de premier plan.8 On présenta à un idiot savant mathématicien un damier, dont la première des 64 cases contenait un grain de riz. On lui demanda ensuite combien de grains de riz il y aurait sur la dernière case, si l’on doublait le nombre de grains de riz sur 3 https://www.youtube.com/watch?v=ZWtZA-ZmOAM 178 chaque case. Quarante-cinq secondes plus tard, il fournit la bonne réponse, qui dépasse le nombre total d'atomes du soleil.9 George et Charles sont des vrais jumeaux réputés comme des "idiots savants calendaires". Ils sont incapables de s'occuper d'eux-mêmes et sont placés en institution depuis l'âge de sept ans. Si vous leur demandez quelle sera la date de Pâques dans 10 000 ans, ils vous répondent immédiatement, non seulement pour la date de Pâques, mais également pour d'autres données calendaires, comme l'heure des marées. Si vous leur demandez la date d'un événement antérieur à 1752, date à laquelle l'Europe est passée du calendrier julien au calendrier grégorien, leurs réponses tiennent compte du changement. Ils peuvent vous indiquer le jour de la semaine de la date de votre choix, que ce soit dans le passé ou dans l'avenir, sur une période de 40 000 ans. Donnez-leur votre date de naissance et ils vous indiqueront les jeudis où elle pourrait tomber. En plus de leurs compétences calendaires, ils apprécient jongler avec des nombres premiers à 20 chiffres, faisant ainsi preuve d'une aptitude complémentaire peu commune pour des idiots savants. En dépit de ces capacités prodigieuses, ils ne savent pas à additionner les nombres les plus simples. Si vous leur demandez comment ils savent passer d'un système calendaire à l'autre en 1752, ils seront déconcertés par une question aussi abstraite. En effet, ils ne savent pas ce que signifie "système calendaire".10 De nombreux cliniciens ont fait état d'idiots savants capables de perception extrasensorielle, ou PES. Dans un cas, George, un autiste savant incapable d’écrire son nom ou une phrase, savait lorsque ses parents décidaient à l'improviste d'aller le chercher à l'école (il prenait habituellement le bus). Il prévenait son professeur de l'arrivée de ses parents et il était devant la porte lorsque ceux-ci arrivaient. D'autres parents décrivirent leurs enfants autistes savants comme étant capables d’entendre des conversations hors de portée de voix, et comme étant capables de saisir des pensées non exprimées. Dans un cas, le père d'un idiot savant raconta que le verre de sa montre était tombé dans la salle de bain et qu'il avait tout de suite été remplacé, un fait connu de lui seul. Peu de temps après, sa fille lui relata l'incident avec des détails précis. 179 Dans un autre cas, un idiot savant put prédire avec précision, une semaine avant Noël, ce que contiendraient ses paquets cadeaux, bien qu'il n'eût aucun moyen de le savoir et qu'on ne lui eût donné aucun indice sur ce que seraient ses cadeaux. Un autre idiot savant pouvait prédire le moment où le téléphone sonnerait et qui appellerait. Ces cas et plusieurs dizaines de cas similaires furent répertoriés par le Dr Bernard Rimland dans le cadre d'une étude portant sur 5 400 enfants autistes. Rimland avait la conviction d'avoir observé de véritables capacités psi chez un grand nombre de ces enfants et il avait déclaré : "La probabilité statistique d'une connaissance due à une coïncidence est nulle."11 COMMENT FONT-ILS ? Les explications habituelles du syndrome du savant s'appuient sur des propensions génétiques qui ne sont pas encore comprises et sur des processus cérébraux obscurs. Le psychiatre Treffert, qui a étudié plus d'idiots savants que n’importe qui, propose la "mémoire ancestrale" comme explication. Il déclare : "Des idiots savants très doués "savent" ou ils "se souviennent" en particulier de choses qu'ils n'ont jamais apprises. Pour expliquer cette réalité - et c'est une réalité - il me semble qu’il faut invoquer un troisième type de mémoire - la mémoire ancestrale ou la mémoire génétique, qui existe à côté de la mémoire cognitive ou de la mémoire sémantique, et de la mémoire d'habitude ou de la mémoire procédurale..... Pour moi, cette mémoire ancestrale est simplement et uniquement le transfert génétique de la connaissance."12 Treffert reconnaît le concept d'inconscient collectif utilisé par le psychologue Carl Jung pour expliquer "les traits hérités, les intuitions et la sagesse collective du passé", ainsi que la notion de "mémoire raciale" invoquée par le neurochirurgien, Wilder Penfield. Mais pour Treffert, toutes ces propositions se ramènent aux gènes. Il déclare sans équivoque : " On peut parler de mémoire ancestrale ou raciale, d'intuitions ou même d'inconscient collectif, mais le concept d’une transmission génétique de connaissances d'un type complexe est nécessaire pour expliquer comment un idiot savant prodige se souvient de choses qu'il n'a jamais apprises.... Il semble que l'idiot savant prodige soit prééquipé à la base d'un grand nombre de logiciels qui contiennent déjà une 180 quantité considérable de données ou de connaissances factuelles. Il semblerait que l'accès à ce logiciel "préinstallé" puisse expliquer les compétences, les aptitudes et les connaissances innées, instinctives et exceptionnelles évidentes dans la maîtrise vaste et instantanée d’un domaine de fonctionnement particulier de l'idiot savant...C'est par ce même transfert et via ce même mécanisme que chacun de nous "sait" ou "se souvient", dans une plus ou moins large mesure, de choses qu'il n'a jamais apprises."13 Tout cela semble être une violation du principe de base de la biologie évolutive, qui stipule que les capacités qui contribuent à la survie de l'individu et à la procréation sont celles qui sont génétiquement transmises aux générations suivantes. Quelle est la valeur de la survie de la connaissance d'un tas d'informations presque illimitées et totalement insignifiantes, comme dans le cas de certains idiots savants ? Pourquoi ces informations auraient-elles été préinstallées mécaniquement dans les gènes de l'idiot savant ? Comment pourrait-il s'agir d'une "mémoire ancestrale", comme le suggère Treffert, alors que des informations comme celles concernant les hôtels mentionnées précédemment n'existaient pas, quand vivaient les ancêtres de l'idiot savant ? Les connaissances intégrées à la base et les informations héritées des ancêtres n'ont qu'une faible valeur explicative. Ces propositions semblent être une tentative désespérée qui vise à maintenir le cerveau et les gènes en charge des aptitudes des idiots savants. S'il y a jamais eu un billet à ordre scientifique avec peu de valeur de remboursement, ces tentatives pourraient bien en être un, puisque personne n'a la moindre idée de la façon dont les gènes, qui codent des protéines, pourraient expliquer de telles capacités, ou comment des faits non appris pourraient être stockés dans les gènes des ancêtres avant même que de tels faits n'existent. Le faible niveau d'intelligence des idiots savants peut constituer un avantage en limitant leur attention à une bande étroite et en éliminant les stimuli étrangers. Un nombre réduit de distractions pourrait augmenter le rapport "signal sur bruit’’ de la source d'information intemporelle et améliorer la réception de ce qui parvient à l'idiot savant. 181 En cet âge d'or des scanners du cerveau, les neuroscientifiques explorent des modèles d'activité cérébrale qui correspondent aux capacités des idiots savants.14 Les généticiens peuvent également identifier des configurations dans l'ADN des idiots savants qui sont en rapport avec leurs capacités. Mais dans les deux cas, cela ne prouvera pas que les mécanismes cérébraux ou les gènes expliquent ou causent ces facultés — pas plus qu'un téléviseur ne produit l'image qui apparaît sur son écran. Les cerveaux et les gènes pourraient plutôt être une station de relais pour des informations provenant de l'extérieur, tout comme l'image d'un téléviseur provient d'ailleurs. Comme le dit encore un vénérable principe scientifique, "corrélation n'est pas causalité". Ceux qui étudient le syndrome du savant admettent parfois qu'ils sont perplexes. Ils reconnaissent qu'ils sont confrontés à une énigme qui ne peut pas être résolue en continuant à se focaliser sur les suspects habituels que sont les gènes et le cerveau. Dans un article intitulé "Inside the Mind of a Savant", Treffert et Daniel D. Christensen écrivent dans Scientific American : "Tant que nous ne comprendrons pas ses capacités, nous ne pourrons pas prétendre comprendre la cognition humaine."15 Treffert concède encore : ‘’Il y a eu à peu près autant de théories qui ont tenté de répondre à cette question qu'il y a eu de chercheurs".16 Bien que les hypothèses continuent de pousser comme des mauvaises herbes au printemps, aucun modèle n'a émergé qui puisse expliquer tous les idiots savants. Dans les années 1970, la chercheuse, Jane Duckett, de l'Université du Texas à Austin, en appela à une "révision approfondie des théories" pour comprendre les capacités des idiots savants.17 Sa recommandation est toujours d'actualité. Il est tentant de considérer les idiots savants comme des entités propres, coupées de ceux qui les entourent. Dans beaucoup de cas, c'est loin d'être vrai. Comme le note Treffert, "l’une des plus grandes leçons est qu'ils ont été façonnés par bien plus que des circuits neuronaux. Les idiots savants prospèrent grâce au soutien apporté par l'amour inconditionnel, la foi et la détermination de ceux qui s'occupent d'eux".18 L'exemple classique est peut-être le pianiste Leslie Lemke, qui doit sans doute sa vie à l'amour et à l'attention de sa mère adoptive et de l'infirmière qui l'ont maintenu en vie pendant une décennie de dépendance quasiment totale. 182 Mais l'"entourage social" ne se limite peut-être pas au monde du voir, du toucher et du sentir, qui nous est familier. Il peut également impliquer ce grand lieu de rencontre de la conscience, l'Esprit universel. Voilà peut-être la "révision approfondie de la théorie" dont nous avons besoin, si nous voulons espérer percer le mystère fascinant des idiots savants. L'Esprit universel auquel les idiots savants accèdent peut-être serait accessible à tous. Il s'agirait d'une sorte de point d'eau pour la conscience, où la soif d'informations, de solutions créatives et de sagesse peut être étanchée. Cette source serait un lieu de rencontre pour tous les esprits qui ont jamais existé. C'est l'inconscient collectif de Jung, l’Âme suprême d'Emerson et divers autres termes qui sont apparus au cours de l'histoire pour désigner une dimension spatio-temporelle infinie de l'esprit. 183 CHAPITRE 15 : LES JUMEAUX Le corps et l’esprit sont des jumeaux, et Dieu seul sait les distinguer. - Algernon Charles Swinburne1 Je m'intéresse aux vrais jumeaux depuis que je suis en âge de réaliser que j'en suis un. Le fait d'être jumeau est la principale raison pour laquelle j'ai été attiré par le concept de l'Esprit universel. Mon frère jumeau et moi, nous avons ressenti un lien profond, tout au long de notre vie. De surcroît, je suis marié à une jumelle. Barbara, ma femme, a aussi partagé des expériences, qui ont un rapport avec l'Esprit universel avec son frère jumeau. Par respect pour la vie privée, je ne décrirai pas ces expériences, mais je me focaliserai sur la recherche sur les jumeaux qui fait désormais partie du domaine public. J’ai naturellement été fasciné, lorsque j'entendis parler pour la première fois des célèbres "jumeaux Jim" - Jim Springer et Jim Lewis - qui furent réunis à l'âge de 39 ans, après avoir été séparés pendant leur enfance et adoptés par des familles ouvrières distinctes dans l'Ohio.2 Leurs retrouvailles, en février 1979, furent un événement profondément émouvant pour tous les deux. "Je suis moi et il est lui, mais en même temps il est moi et je suis lui. Vous comprenez ?", dit Jim Springer au sujet de son frère. Non seulement chacun d'eux avait été appelé James par sa famille adoptive, mais chacun avait été marié deux fois - la première à des épouses prénommées Linda, la seconde à des épouses prénommées Betty. Jim Lewis avait eu trois fils, dont l'un s'appelait James Alan ; son frère, Jim Springer, avait eu trois filles et un fils, James Allan. Les deux jumeaux avaient autrefois possédé un chien baptisé Toy. Tous les deux préféraient la bière Miller Lite, fumaient à la chaîne des cigarettes Salem, conduisaient des Chevrolet, aimaient la menuiserie et ils avaient des ateliers similaires au sous-sol dans lesquels ils fabriquaient des choses similaires, ils n'aimaient pas le base-ball et ils adoraient les courses de stock-cars. Tous les deux se rongeaient les ongles à fond. Chacun d'eux avait été un élève médiocre dans le secondaire ; pour tous les deux, leur matière préférée était les mathématiques et leur matière la moins appréciée, l'orthographe. Ils fumaient et buvaient la même quantité d'alcool et ils avaient des maux de tête au même moment de la journée. Ils avaient une façon de parler et de penser similaire, une démarche similaire et une préférence pour les aliments épicés. Ils avaient en commun des comportements particuliers, comme une préférence pour tirer la chasse d'eau avant d'utiliser les toilettes.3 Tous deux avaient été adjoints du shérif dans leurs communautés respectives. Chaque jumeau était démonstratif et affectueux et laissait des mots d'amour pour sa femme éparpillés dans la maison. Ils avaient voté de la même façon pour les trois dernières élections présidentielles. Les deux hommes se souciaient peu du passé ou de l'avenir, et vivaient surtout au présent. Les deux jumeaux avaient passé des vacances en Floride sur la même plage. Leurs antécédents médicaux étaient similaires. Tous les deux avaient une acuité visuelle, une tension artérielle, un pouls et un sommeil comparables. Chaque jumeau souffrait d'hémorroïdes, avait pris cinq kilos de plus au même moment dans sa vie et souffrait d'un "syndrome de maux de tête mixtes", une combinaison de maux de tête dus à la tension et à la migraine. Ces maux de tête apparurent à l'âge de 18 ans chez les deux jumeaux et ils se produisaient en fin d'après-midi. Ils utilisaient même des expressions similaires pour les décrire. Les deux jumeaux avaient eu ce qu'ils croyaient être des crises cardiaques dans le passé, quoiqu'aucune maladie cardiaque n'ait pu être constatée chez l'un, comme chez l'autre. Chacun avait subi une vasectomie. Les tests d'ondes cérébrales enregistrées en réponse à divers stimuli étaient comme des copies conformes.4 Jim Lewis vivait à Elida, dans l'Ohio, dans une maison modeste à ossature en bois. C'était la seule maison du quartier à avoir un banc blanc autour d'un arbre dans la cour. Jim Springer vivait à Dayton, à environ 130 km au sud d'Elida. Sa maison était également la seule du quartier avec un arbre entouré d'un banc blanc. Quand l'histoire des jumeaux Jim fut racontée par un journaliste local, elle fut reprise par l'Associated Press. Le psychologue, Thomas J. Bouchard Jr. de l'Université du Minnesota en prit connaissance dans le Minneapolis Tribune et il comprit tout de suite qu'il s'agissait là d'une occasion rare d'étudier des vrais jumeaux élevés séparément. "C'était simplement de la pure curiosité scientifique", se rappelle Bouchard. "Je pensais que nous allions réaliser une 185 étude unique sur des jumeaux élevés séparément et qu’il en sortirait peut-être une petite monographie."5 Bouchard était passionné par la controverse "nature contre culture", par le débat sur l'impact relatif des influences génétiques par rapport aux facteurs environnementaux dans le façonnement de la constitution générale d'une personne. Les vrais jumeaux ont le même profil génétique. S'ils présentent des différences comportementales, psychologiques ou physiques significatives, cela suggère fortement que leurs différences en matière d'environnement et d'éducation prévalent sur les influences génétiques. Par ailleurs, s'ils restent identiques après avoir été séparés à la naissance dans des environnements différents, cela suggère que les facteurs génétiques prévalent par rapport aux influences environnementales. Bouchard ne perdit pas de temps. Moins d'une heure après avoir lu l'article, il obtint une subvention préliminaire de l'université pour financer une étude sur les jumeaux Jim, incluant des dizaines d'évaluations de la personnalité, des aptitudes, des examens médicaux et psychiatriques. Dans un test mesurant des variables de la personnalité, comme la tolérance, le conformisme, la maîtrise de soi, la sociabilité et la flexibilité, les résultats des deux Jim étaient si proches que l'on aurait pu croire que la même personne avait passé le test deux fois. Bouchard dit : "Sur le plan de l'intelligence, des capacités mentales, de leurs goûts et de leurs intérêts, ils étaient remarquablement similaires... La similitude se retrouvait dans les petites choses qui forment une personnalité... la façon de s'asseoir, la gestuelle, le débit de la voix, le langage corporel. Ils ressemblaient à des copies conformes."6 Au moment où Bouchard commença à étudier les jumeaux Jim, seulement 19 cas de jumeaux réunis avaient été rapportés aux États-Unis et la plupart avaient été élevés par des familles biologiquement apparentées. Ceci rendait Springer et Lewis d'autant plus uniques et intéressants aux yeux de Bouchard, dont la carrière avait été consacrée à l'élucidation des facteurs régissant la personnalité humaine. Le jour où les tests devaient commencer, Bouchard invita les Jim à déjeuner pour les informer des détails de l'étude. C'était la toute première fois qu'il travaillait avec des jumeaux identiques, et il était perturbé. Il devint comme 186 obsédé par de petits détails les concernant - la manière dont chacun se rongeait les ongles, par exemple. Les sourcils de chacun des Jim avaient une forme particulière et Bouchard se mit à compter distraitement le nombre de poils de leurs sourcils. L'un des deux lui dit : " Vous nous regardez si fixement !" Bouchard s'excusa. Il avait été sidéré par la similitude de leurs gestes, de leurs voix et de la morphologie de leurs corps. Ces deux hommes avaient vécu des vies tout à fait différentes et pourtant, si Bouchard fermait les yeux, il ne pouvait pas dire lequel des deux Jim parlait.7 La nouvelle s'étant répandue, les jumeaux Jim devinrent célèbres. Ils participèrent au show télévisé de Johnny Carson, causèrent avec le célèbre animateur Mike Douglas, rencontrèrent Jonathan Winters, également originaire de l'Ohio, et firent l'objet d'articles dans Newsweek, People et d'autres magazines. Comme le souligna Arthur Allen, journaliste au Washington Post, "lorsque les journalistes commencèrent à interviewer les jumeaux élevés séparément de Bouchard, ils s'intéressèrent surtout aux paires spectaculairement similaires, comme les jumeaux Springer-Lewis, mais ceux-ci s'avérèrent être des cas exceptionnels dans l'étude du Minnesota. La majorité des autres jumeaux n'étaient pas aussi semblables...Les gènes fabriquent des protéines qui contribuent à des processus chimiques qui jouent un rôle dans des événements neurologiques et existentiels complexes...Les gènes ne fabriquent pas vraiment ... des enfants violents ou des adultes dépressifs, et aucun scientifique digne de ce nom ne prétendrait le contraire". Ils ne font pas non plus en sorte que des jumeaux élevés séparément tirent la chasse d'eau avant d'utiliser les toilettes. Alors, quelle est l'explication ? Dans la science conventionnelle, il n'y en a pas. De telles anomalies sont considérées comme une interférence dans le système ou comme des cas marginaux, des expressions équivalentes à un haussement d'épaules de la part d'un scientifique.8 Écrivant pour le Smithsonian, le journaliste Donald Dale Jackson parut percevoir une dimension sacrée dans ces phénomènes : 187 La vérité finale des retrouvailles des Jims, ce ne sont pas les similitudes génétiques ou les différences environnementales, mais la conclusion joyeuse d'un lien restauré, d'un amour retrouvé - le triomphe de la famille. Les deux Jim reconnurent intuitivement cette vérité et y réagirent de la même manière, avec gratitude. Les scientifiques ne peuvent pas le prouver, mais peut-être que leurs âmes sont également identiques.9 Dans la foulée de son étude sur les Jim, d'autres paires de jumeaux identiques, qui avaient également été séparés à la naissance, prirent contact avec le Dr Bouchard. En l'espace d'un an, il avait déjà testé 15 paires de jumeaux et il avait des contacts en rapport avec 35 autres paires de jumeaux. Le projet déboucha sur la création du Minnesota Center for Twin and Adoption Research, des Twin Cities, de manière plutôt appropriée. À ce jour, plus de 100 paires de jumeaux séparés par la naissance ont participé au programme et passé une semaine à Elliott Hall dans les laboratoires du Dr Bouchard. Deux des sujets les plus remarquables de Bouchard furent deux jumelles britanniques d'âge moyen, Bridget Harrison et Dorothy Love, séparées depuis la prime enfance pendant la Seconde Guerre mondiale et élevées séparément dans des contextes socio-économiques très différents. À leur descente de l'avion à Minneapolis, elles portaient toutes les deux sept bagues et deux bracelets à un poignet, et une montre et un bracelet à l'autre poignet. Bridget avait baptisé son fils Richard Andrew, et Dorothy avait appelé le sien Andrew Richard. Le curieux "phénomène des noms" allait encore plus loin. Bridget avait baptisé sa fille Catherine Louise, et Dorothy avait appelé la sienne Karen Louise. Bouchard était interpellé par ce phénomène, puisque la possibilité d'une simple coïncidence est réduite par le fait que le choix d'un nom est une décision conjointe du mari et de la femme. Deux autres jumelles de Bouchard, Daphné Goodship et Barbara Herbert, qui avaient également été séparées pendant la Seconde Guerre mondiale, furent adoptées séparément, lorsqu'elles étaient bébés et élevées séparément. Comme les deux Jim, elles se retrouvèrent après 39 ans. Quand elles se retrouvèrent à la gare de King's Cross, à Londres, en mai 1979, toutes les deux portaient une veste en velours marron et une robe beige. Toutes les deux avaient des petits doigts 188 crochus, qui les avaient empêchées d'apprendre à taper à la machine ou à jouer du piano. Toutes les deux avaient l'excentricité de faire remonter leur nez. À l'âge de 15 ans, toutes les deux étaient tombées dans les escaliers, si bien que leurs chevilles étaient fragiles. À l'âge de 16 ans, chacune rencontra dans un bal l'homme qu'elle allait épouser, puis chacune fit une fausse couche avec son premier enfant, avant d'avoir deux garçons et une fille. Toutes les deux riaient plus que toutes leurs connaissances, et les chercheurs se souviennent affectueusement d'elles comme des deux jumelles rigolotes. Toutes les deux étaient des boute-en train, déclenchant toujours les fous rires de l'autre. Par ailleurs, lorsqu’on leur demanda si leur famille adoptive comptait des boute-entrain, tous les deux répondirent par la négative.10 Une autre paire de jumeaux très médiatisée fut celle formée par Oskar Stöhr et Jack Yufe, qui avaient les antécédents les plus radicalement différents de tous les jumeaux étudiés. Ils naquirent à Trinidad en 1933 d'un père juif et d'une mère allemande et ils furent séparés peu de temps après leur naissance. La mère d'Oskar retourna avec lui en Allemagne, où sa grand-mère lui donna une éducation catholique et nazie. Jack fut élevé par son père dans les Caraïbes dans la religion juive, et il passa une partie de sa jeunesse dans un kibboutz israélien. Quand ils se présentèrent à Bouchard, ils menaient des vies très différentes. Oskar était marié, superviseur industriel en Allemagne, syndicaliste déterminé et skieur. Jack gérait un magasin de vêtements à San Diego, était séparé et un bourreau de travail. Mais les similitudes étaient évidentes dès leur arrivée à l'aéroport des Twin Cities. Tous les deux portaient des chemises bleues à deux poches avec des épaulettes, des lunettes à monture métallique, et ils arboraient une moustache bien taillée. Leurs particularités correspondaient : ils aimaient les plats épicés et les liqueurs sucrées, étaient distraits et avaient l'habitude de s'endormir en regardant la télévision. Fait curieux, ils partageaient l'habitude particulière d'éternuer bruyamment en public pour obtenir une réaction, un trait qui déconcertait les scientifiques. Tous les deux tiraient la chasse d'eau avant d'utiliser les toilettes, portaient des élastiques aux poignets, lisaient des magazines dans leur intégralité et trempaient des tartines beurrées dans leur café. Selon Bouchard, " Pour certaines de ces choses, on ne peut que hausser les épaules et se dire que c'est entre les mains de quelqu'un d'autre."11 189 NATURE, CULTURE, ET ESPRIT UNIVERSEL Ces phénomènes de gémellité sont-ils le résultat de la "nature" ou de la "culture", de facteurs génétiques ou environnementaux ? L'équipe de Bouchard penche principalement pour une explication génétique, étant donné que les influences environnementales étaient si radicalement différentes dans un grand nombre de leurs cas. Mais en se focalisant uniquement sur deux possibilités pour expliquer les pensées et les comportements étonnamment similaires de vrais jumeaux élevés séparément, les chercheurs risquent d'omettre une autre possibilité essentielle. Si la Conscience est quelque chose d'illimité et d'unitaire, ces similitudes ne seraient pas surprenantes, puisque des jumeaux séparés - ou n'importe qui d'autre - pourraient partager des pensées par-delà les séparations de l'espace et du temps. Ils pourraient s'associer aux émotions et aux croyances de l'autre, ce qui, au fil du temps, pourrait aboutir à des comportements semblables ou identiques. L'Esprit non local pourrait agir de concert avec les facteurs génétiques en accentuant la tendance à la ressemblance. Dans ce cas, on pourrait se demander pourquoi ne sommes-nous pas plus semblables ? Puisque nous partageons la même Conscience, qu'est-ce qui nous empêche d'être des clones les uns des autres en paroles, en pensées et en actes ? Qu'estce qui rend possible notre riche diversité ? Si l'Esprit universel est réel - si nos esprits sont essentiellement illimités et interagissent les uns avec les autres comment devenons-nous des individus ? L'Esprit non local agissant en lien avec d'autres facteurs (comme les gènes et l'environnement) nous offre un modèle explicatif plus performant pour expliquer l'étrange similitude observée chez les vrais jumeaux élevés séparément. Ainsi, certains de leurs comportements sont si outrageusement semblables que les matérialistes les plus endurcis ont du mal à les expliquer, comme par exemple porter sept bagues, éternuer en public, aménager des bancs blancs autour d'un arbre dans le jardin, épouser successivement des partenaires portant le même nom, ou donner un nom identique ou similaire à ses enfants. La tentation est toujours grande d'attribuer ce qui ne s'explique pas facilement sur le plan génétique ou comportemental au hasard, le dépotoir ultime et préféré de l'inexpliqué. L'existence d'un Esprit universel non local et commun rend l'explication par le hasard moins tentante. 190 Bouchard et d'autres chercheurs qui étudient les jumeaux ont trouvé des preuves que certains jumeaux identiques élevés séparément sont plus identiques que des jumeaux élevés ensemble. Une telle constatation peut paraître surprenante, mais on doit savoir ce que c'est que d'être un jumeau. Les jumeaux identiques élevés ensemble ont souvent beaucoup de mal à établir leur identité individuelle. Ils sont souvent encouragés à se ressembler le plus possible, par exemple en s'habillant de la même façon. Par conséquent, ils peuvent se donner beaucoup de mal pour "être différents" afin d'affirmer leur individualité. Si des vrais jumeaux sont élevés séparément, ils ne se sentent pas comme des copies conformes et ils n'ont pas à lutter pour établir leur propre identité. Leur séparation peut donc paradoxalement leur permettre de se ressembler davantage que s'ils avaient été élevés ensemble. Beaucoup de personnes ont réagi presque dépressivement aux données sur les jumeaux, comme s'il s'agissait là d'une malédiction. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi. La recherche suggère qu’on peut vivre dans des environnements différents, être élevé par des parents différents, grandir dans des pays différents, avoir des amis différents et se marier avec des personnes différentes, tout en émergeant de ces expériences uniques pour se retrouver comme un clone virtuel de quelqu'un qui a les mêmes gènes, quelqu'un que l’on n’a jamais vu ni rencontré. Notre ADN semble se moquer du libre arbitre et de la volition. Comme Lawrence Wright le déclarait dans son résumé sur le sujet : "Lorsque nous lisons des articles sur des jumeaux séparés à la naissance et réunis à l'âge mûr pour découvrir qu'à bien des égards, ils sont devenus la même personne, cela suggère que la vie est quelque part un simulacre, que nous semblons seulement réagir consciemment aux événements, que les expériences de la vie qui, selon nous, nous ont façonnés ne sont guère plus que des décorations ou des curiosités collectées en chemin, et que les injonctions de nos parents et les traumatismes de notre jeunesse que nous croyions être les pierres angulaires de notre caractère n'ont peut-être pas eu plus d'effet sur nous qu'un livre que nous avons lu ou qu’une émission que nous avons vue à la télévision — qu'en fait, nous aurions pu vivre la vie d'un autre et être quand même qui nous sommes."12 191 Plutôt que la preuve d'une malédiction génétique, les études sur les jumeaux pourraient être précisément le contraire. Les comportements fort liés des jumeaux identiques et séparés peuvent être des leçons de liberté. Les jumeaux élevés séparément peuvent se rejoindre non localement dans une dimension particulière de la Conscience, en faisant des choix inconscients pour être en harmonie, se ressembler et partager. Ils peuvent illustrer le triomphe d'esprits qui, grâce à leur connexion à l'Esprit universel, sont libres de choisir la ressemblance et de se réjouir de la similarité. La corrélation de leurs pensées et de leurs comportements n'est peut-être pas une raison de déplorer notre asservissement à nos gènes, mais de célébrer notre liberté vis à vis d'eux. La tendance récurrente de la science matérialiste à nier le libre arbitre ne se limite pas aux jumeaux identiques élevés séparément, bien entendu ; elle s'applique largement aux humains en général. Cet effort comporte un soupçon d'hypocrisie et d'illogisme. Comme l’écrivit le psychologue Lawrence LeShan dans son livre pionnier, Landscapes of the Mind : "Imaginez quelqu'un qui dit : "Je n'ai pas de libre arbitre. Tout ce que je fais ou tout ce que je dis est déterminé par des forces mécaniques. Je suis un robot !’’ On l’enverrait chez un psychiatre. Mais si une personne titulaire d'un doctorat se lève dans un amphithéâtre et dit : "Tous les humains sont mécaniquement déterminés et n'ont pas de libre arbitre", on l’appellera un behavioriste, un psychanalyste ou un déterministe philosophiquement, on applaudira sa pensée brillante et on le nommera président de son département."13 Certains philosophes peuvent interpréter la similarité des jumeaux identiques comme étant une malédiction, mais les jumeaux ne voient pas les choses de cette façon. Pour eux, c'est une source de joie. Prenons, par exemple, les commentaires de Jim Lewis. "Ma mère m'a dit que j'avais un jumeau, quand j'avais à peu près six ans. J'ai commencé à être un peu plus curieux par rapport à cela, au fur et à mesure que je grandissais...J'ai toujours eu l'impression que je voulais avoir quelqu'un qui soit proche de moi. Je me sentais seul, je suppose.... Il y a environ cinq ans, je me suis lancé pour voir si je pouvais le retrouver. Je ne savais pas vraiment ce que je cherchais, j'espérais juste le rencontrer, je suppose." Après leur réunion, Jim Springer déclara : "Mon Dieu, nous profitons juste l’un de l’autre. Personne ne peut imaginer ce que nous ressentons." Jim 192 Lewis rédigea même un parchemin enroulé qu’il remit à son frère, et on peut y lire : "Le 9 février 1979 a été le jour le plus important de ma vie. Ce jour-là, nous avons entamé ensemble une relation qui durera toute notre vie, et nous ne serons plus jamais séparés."14 Lorsque les vraies jumelles précitées, Barbara Herbert et Daphné Goodship, se retrouvèrent à l'âge de 40 ans, elles découvrirent qu'elles avaient toutes les deux rencontré leurs futurs maris au cours d'une soirée dansante, à l'âge de 16 ans. Toutes les deux étaient tombées dans les escaliers la même année, avec des séquelles au niveau des chevilles, comme indiqué plus haut, entraînant une difficulté permanente à descendre les marches sans s'agripper à la rampe. En comparant leurs écritures, les chercheurs du Minnesota leur demandèrent de choisir une phrase et elles choisirent toutes les deux : "The cat sat on the mat" et toutes les deux firent la même faute de frappe. Toutes les deux tricotaient des cardigans avec les mêmes motifs et les mêmes couleurs. Après avoir été réunies, toutes les deux écrivirent le même jour au même magazine féminin pour poser la même question, sans se le dire. Toutes les deux gagnèrent dix livres à la loterie nationale, la même semaine. Lorsque Daphné gagna une bouteille de parfum Avon dans une tombola, Barbara remporta un prix lors d'un tirage au sort sponsorisé par la représentante locale de chez Avon.15 Selon Guy Lyon Playfair, un chercheur britannique qui étudie les jumeaux et auteur du livre édifiant, Les jumeaux et le mystère de la télépathie, "mes conclusions sont très claires : certaines coïncidences entre jumeaux sont effectivement dues à des facteurs génétiques, mais d'autres ne le sont pas, et il est généralement facile de déterminer lesquelles."16 Il n'est pas surprenant, écrivit-il, que Jonathan et Jason Floyd, des vrais jumeaux de 17 ans, aient dû subir une appendicectomie à deux jours d'intervalle, même si 500 km les séparaient, puisqu'ils étaient des "copies génétiques" et qu'ils avaient vécu des épisodes médicaux similaires tout au long de leur vie. Mais il y a aussi des choses étranges. Playfair était en droit de s'interroger : "Comment la génétique peut-elle expliquer que John et Michael Atkins soient tombés et se soient cassé la jambe exactement au même moment, alors qu'ils skiaient sur des glaciers différents dans les Alpes, bien loin l'un de l'autre ?17 Y a-t-il un gène associé aux chutes de ski ? On est bien sûr libre d'attribuer tous ces événements 193 aux gènes, aux coïncidences ou à des petits gremlins qui font chuter les skieurs, mais à un moment donné, pour la plupart des gens, un malaise intellectuel concernant les gènes et les coïncidences (et les gremlins !) s'installe au fur et à mesure que le nombre d'événements étranges s'accumule. L’EFFET CASABLANCA Playfair considérait de tels exemples comme des preuves de l'effet Casablanca, une expression qu'il tira de la célèbre réplique d'Humphrey Bogart dans le film Casablanca, au moment où son ancienne maîtresse, Ingrid Bergman, fait son apparition : "De toutes les guinguettes de toutes les villes dans le monde entier, c'est encore dans la mienne qu'elle entre", certaines coïncidences semblant tellement concordantes qu’elles réclament une autre explication. Cette suspicion se retrouve même chez des sceptiques, comme Peter Watson, qui écrivit : "Toutes les coïncidences relevées au Minnesota constituent-elles une sorte de camouflage, un signal pour quelque chose d'autre qui se produit à un niveau plus profond ?18 Playfair répondit par l'affirmative à la question de Watson, et j'en fais autant. Playfair : "Quelque chose ... continue d'être démontré, communiqué régulièrement, les vrais jumeaux fournissant plus que leur juste part de ces rapports, en dépit du fait qu’il y en a toujours qui refusent toujours d'admettre son existence ou même la possibilité de son existence". Je suggère que ce "quelque chose" est l’expression de 1'Esprit universel. 194 CHAPITRE 16 : LES PHÉNOMÈNES TÉLÉSOMATIQUES Dans les années 1960, le neuropsychiatre américain, Berthold E. Schwarz forgea le terme "télésomatique" à partir de mots signifiant "corps / éloigné".1 Schwarz documenta des événements durant lesquels des individus éprouvent des sensations ou des changements physiques réels similaires, bien qu’ils puissent être séparés par de grandes distances. On a rapporté des centaines d'événements télésomatiques au fil des décennies. Ils suggèrent que les personnes concernées sont en quelque sorte liées par la Conscience, comme si deux corps partageaient un seul et même esprit. COMME S’IL S’AGISSAIT D’UN CORPS UNIQUE Le critique social anglais John Ruskin fournit un exemple classique : Arthur Severn, le célèbre peintre paysagiste, se réveilla tôt, un matin et se rendit au lac voisin pour y faire de la voile. Sa femme, Joan, qui était la cousine de Ruskin, resta au lit. Elle fut brusquement réveillée par la sensation d'un coup violent et douloureux sur la bouche, sans raison apparente. Un peu plus tard, son mari Arthur était de retour et il tenait un chiffon sur sa bouche qui saignait. Il déclara que le vent avait brusquement tourné, au point que la bôme l'avait percuté au niveau de la bouche, en le faisant presque tomber du bateau, au moment même où sa femme avait ressenti le coup.2 En 2002, le mathématicien-statisticien, Douglas Stokes signala un cas similaire. Pendant qu'il donnait un cours de parapsychologie à l'université du Michigan, l’un de ses étudiants raconta qu'un jour, son père avait été éjecté d'un banc par un "coup invisible à la mâchoire". Cinq minutes plus tard, son père reçut un appel d'un gymnase local, où sa femme était en train de faire de l'exercice, et l'informant qu'elle s'était brisé la mâchoire sur une pièce de l'équipement de fitness. Un autre cas, qui concerne également le clan Severn, est plus malheureux. Un jour, alors que Joan Severn était tranquillement assise avec sa mère et sa tante, sa mère poussa brusquement un cri, s'affala dans le divan, se couvrit les oreilles de ses deux mains et s'exclama : "Oh, il y a de l'eau qui reflue précipitamment dans mes oreilles, et je suis sûre que mon frère ou mon fils James doit être en train de se noyer, ou les deux !" Alors, Joan regarda par la fenêtre et elle vit des gens qui se hâtaient vers le lieu de baignade tout proche. Peu de temps après, son oncle rentra à la maison, pâle et bouleversé, et il annonça que James s'était bel et bien noyé.3 RÉSONANCE EMPATHIQUE David Lorimer, un analyste avisé de la conscience qui dirige le Scientific and Medical Network, une organisation internationale qui est implantée au Royaume-Uni, a rassemblé de nombreux cas de télésomatique dans son livre très éclairé, Whole in One . Lorimer est frappé par le fait que de tels événements se produisent principalement entre des personnes qui sont émotionnellement proches. Il argumente résolument en faveur de ce qu'il appelle la "résonance empathique", qui, pour lui, relie les individus à travers l'espace et le temps. Le défunt psychiatre, lan Stevenson (1918-2007), de l'université de Virginie se pencha sur des dizaines de cas comparables, où des personnes éloignées présentaient des symptômes physiques similaires. Dans la plupart des cas, il s'agissait de parents et d'enfants, de conjoints, de frères et sœurs, de jumeaux, d'amants et d'amis très proches.4 Là encore, le point commun semble être la proximité émotionnelle et l'empathie ressenties par les personnes séparées. Dans un cas typique rapporté par Stevenson, une mère écrivait une lettre à sa fille, qui venait de partir à l'université. Sans raison apparente, sa main droite se mit à brûler si fort qu'elle dut poser son stylo, et moins d'une heure plus tard, elle reçut un appel téléphonique qui l'informait que la main droite de sa fille avait été gravement brûlée par de l'acide dans un accident de laboratoire au moment même où elle, la mère, avait ressenti cette douleur brûlante.5 Dans un cas rapporté par la chercheuse, Louisa E. Rhine, une femme se plia brusquement en deux en se tenant la poitrine, en proie à une vive douleur, et en 196 disant : "Quelque chose est arrivé à Nell ; elle est blessée !" Deux heures plus tard, le shérif se pointa pour l'informer que Nell, sa fille, avait été impliquée dans un accident de voiture et qu'un morceau du volant avait perforé son thorax ."6 LE JUMELAGE NE S’ARRÊTE PAS LÀ Comme nous l'avons appris dans le chapitre précédent, Guy Lyon Playfair est l'un des chercheurs spécialistes de la conscience les plus connus en Grande-Bretagne et l'auteur du livre édifiant, Les jumeaux et le mystère de la télépathie. Il a répertorié toute une série de cas documentés de télésomatique qui impliquent des jumeaux et des frères et sœurs non jumeaux. L'un de ces cas impliquait les vrais jumeaux, Ross et Norris McWhirter, bien connus en Grande-Bretagne pour être les coéditeurs du Livre Guinness des records. Le 27 novembre 1975, Ross fut abattu sur le seuil de sa maison du nord de Londres par deux hommes armés, d’une balle dans la tête et dans la poitrine. D’après une personne qui se trouvait avec son frère jumeau, Norris aurait réagi de manière dramatique au moment de la fusillade, quasiment comme s'il avait lui aussi été touché "par des projectiles invisibles."7 De tels cas sont invariablement considérés par les sceptiques comme des coïncidences, mais d'autres cas sont plus difficiles à ranger dans cette catégorie. Un exemple rapporté par Guy Lyon Playfair concerne deux vraies jumelles de quatre ans, Silvia et Marta Landa, qui habitaient dans le village de Murillo de Río Leza, dans le nord de l'Espagne.8 En 1976, les jumelles Landa devinrent des célébrités, après avoir fait l'objet d'un article dans le journal local à cause d'un événement étrange. Marta s'était brûlé la main sur un fer à repasser très chaud. Une grosse ampoule rouge se forma, et une ampoule identique se forma sur la main de Silvia, qui était partie rendre visite à ses grands-parents, à ce momentlà. Silvia fut emmenée chez le médecin, tout en ignorant ce qui était arrivé à sa sœur. Une fois les deux fillettes réunies, leurs parents constatèrent que les ampoules étaient de la même taille et se situaient sur la même partie de la main. 197 Ce n'était pas la première fois que ce genre de chose arrivait aux fillettes. Si l'une des jumelles avait un accident, l'autre semblait le savoir, même si elles n'étaient pas à proximité l'une de l'autre. Une fois, alors qu'elles arrivaient chez elles en voiture, Marta en sortit prestement et courut à l'intérieur de la maison, où elle se plaignit brusquement qu'elle ne pouvait plus remuer son pied. Pendant ce temps-là, Silvia s'était empêtrée dans la ceinture de sécurité, et son pied était coincé. Une autre fois, alors que l'une d'elles s'était mal conduite et avait reçu une gifle, l'autre, qui se trouvait ailleurs, avait immédiatement éclaté en sanglots. Des membres du bureau madrilène de la Société Espagnole de Parapsychologie eurent vent de l'incident de la main brûlée et décidèrent que le cas méritait d'être étudié. Leur équipe, constituée de neuf psychologues, psychiatres et médecins, se rendit chez les Landas, avec la coopération totale et l'approbation des parents des jumelles. Les chercheurs se mirent au travail avec une série de tests déguisés en jeux amusants pour les jumelles, de sorte que les petites filles ne se doutaient pas qu'elles participaient à une expérience. Pendant que Marta restait au rez-de-chaussée avec sa mère et quelques chercheurs, Silvia monta au deuxième étage avec son père et le reste de l'équipe. Tout ce qui se déroula sur les deux niveaux fut filmé et enregistré. Un des psychologues joua avec Marta en utilisant une marionnette. Silvia reçut une marionnette identique, mais on ne joua à aucun jeu. En bas, Marta attrapa la marionnette et la lança sur l'enquêteur. En haut, Silvia fit pareil en même temps. L’un des médecins de l'équipe décida ensuite de pratiquer un simple examen de contrôle et il éclaira l'œil gauche de Marta à l'aide d'une lumière vive. À l'étage, Silvia se mit à cligner rapidement des yeux, comme si elle tentait d'éviter la lumière vive. Le médecin procéda alors à un test de réflexe du genou en tapant trois fois sur le tendon du genou gauche de Marta. Au même moment, Silvia se mit à remuer sa jambe si brusquement que son père, qui ignorait que le test se déroulait en bas sur Marta, dut la contenir. Puis, on donna à Marta un parfum très aromatique à sentir. Pendant ce temps-là, Silvia secoua la tête et se couvrit le nez avec la main. Ensuite, toujours dans des pièces différentes, les jumelles reçurent sept disques de couleur et on les invita à les mettre dans l'ordre qu'elles souhaitaient, et elles les organisèrent exactement dans le même ordre. 198 On effectua encore d'autres tests, qui ne furent pas tous aussi spectaculaires que l'examen du réflexe du genou, mais l'équipe les qualifia tous de "très positifs" ou de "positifs", à l’exception d’un seul. Les tests des Landa confirmèrent ce que la plupart des chercheurs avaient constaté, à savoir que les enfants sont plus enclins que les adultes à ce genre de choses et que les résultats ont plus de chances d'être positifs, lorsque les expériences sont réalisées, non pas dans des laboratoires stériles et impersonnels, mais dans l'habitat naturel des sujets et dans un environnement détendu et encourageant. Cette dernière leçon a souvent été ignorée de manière flagrante dans la recherche sur la conscience par les expérimentateurs qui devraient être plus avertis. Les chercheurs ont dû apprendre à maintes reprises l'importance de la "validité écologique", c'est-à-dire le principe suivant lequel ce qui est testé doit pouvoir se passer comme dans la vie réelle. UN AVANTAGE POUR LA SURVIE Les événements télésomatiques sont souvent considérés comme guère plus que des coïncidences ou des curiosités bizarres, comme les mains brûlées simultanément des jumelles Landa. Mais il existe de nombreux cas où les événements télésomatiques ont une importance vitale. Ces cas sont importants, car ils montrent que le lien télésomatique a une valeur de survie, ce qui explique sans doute pourquoi il semble inhérent à l'être humain. L'un des cas portés à la connaissance de Guy Playfair concernait deux vrais jumeaux, Ricky et Damien, âgés d'à peine trois jours. Anna, leur mère, les allaitait pendant la nuit dans son lit, soutenue par des oreillers. En cette occasion particulière, l'un des jumeaux, Ricky, se trouvait devant elle, et l'autre, Damien, était couché sur un oreiller à sa gauche. Pendant qu'elle changeait le lange de Ricky, il se mit soudain à crier. C'était surprenant, même s'il n'avait que trois jours. "C'était un bébé très calme", dit Anna, tout comme son frère. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qui n'allait pas, puisqu’il avait été lavé et nourri. Et, toujours en train de crier, le corps de Ricky se mit à trembler, comme s'il était pris de convulsions. Anna raconte qu'il lui vint soudain à l'esprit que "les jumeaux se 199 transmettent des messages". Elle baissa les yeux pour vérifier comment allait Damien et, à sa grande horreur, elle s'aperçut qu'il n'était plus là - il s'était enfoncé sous les oreillers derrière elle, la tête la première. Elle l'attrapa directement et elle constata que son visage était bleu et qu'il avait la bouche fermée. Damien était en train de mourir par suffocation. Elle et sa fille aînée pratiquèrent la respiration artificielle et elles appelèrent une ambulance. Cet événement bouleversant connut une fin heureuse, et Anna conclut : "Sans aucun doute, Ricky a sauvé la vie de son frère. S'il n'avait pas crié et tremblé, je n'aurais jamais regardé après Damien, avant d'en avoir terminé avec Ricky, et à ce moment-là, il aurait été trop tard."9 Les vrais jumeaux adultes peuvent vivre des expériences similaires, avec par exemple le cas de Gloria Morgan Vanderbilt (1904-65) et de sa sœur jumelle, Lady Thelma Morgan Furness (1904-70). Dans Double Exposure : A Twin Autobiography, elles racontent qu’alors que Lady Furness attendait un bébé en Europe, Gloria se trouvait à New York. Gloria prévoyait de se rendre en Europe pour rejoindre sa sœur en mai, à la date prévue pour l'accouchement. Gloria dit qu'à la fin du mois de mars, alors qu'elle s'apprêtait à sortir déjeuner, elle éprouva de telles douleurs abdominales qu'elle dut annuler ses engagements et se mettre au lit. Elle raconte : "Je me souviens avoir dit ... que si je ne savais pas qu'une telle chose était hors de question, je penserais que je suis en train d'accoucher". Gloria réussit à dormir un moment et, à son réveil, elle se sentit normale et elle vit sur la table de nuit un télégramme de Lord Furness qui lui annonçait la naissance prématurée du fils de Thelma.10 Parfois, la douleur partagée est émotionnelle et non physique, comme dans un autre cas rapporté à Playfair. Il concernait une jeune universitaire américaine, alors étudiante à l'université de Stony Brook, à New York. Celle-ci se réveilla d'un sommeil profond à 6 heures du matin, heure de New York, en poussant un cri et en sachant avec certitude que sa sœur jumelle d'Arizona était en danger. Elle raconta à sa colocataire ce qui s'était passé et elle appela aussi sa mère. Celle-ci lui apprit qu'à 3 heures du matin, heure de l'Arizona, une voiture piégée avait explosé juste devant l'appartement de sa sœur jumelle, en brisant une vitre. Fort heureusement, sa sœur jumelle et son mari étaient indemnes. L'heure de 200 l'explosion de la bombe en Arizona coïncidait avec son réveil paniqué à New York. Même si les échanges télésomatiques ne touchent pas que les jumeaux, ils sont indiscutablement fréquents chez eux. Comme le dit Playfair, chez les jumeaux, on peut observer "le signal télépathique à plein volume, en quelque sorte, via lequel non seulement des informations sont transmises à distance, mais également des émotions, des sensations physiques et même des symptômes, comme des brûlures et des meurtrissures."11 Il a toutefois constaté que seuls 30 % environ des vrais jumeaux font ces expériences, mais chez ceux qui les font, les phénomènes peuvent être stupéfiants.12 La proximité émotionnelle est un facteur essentiel de la connexion gémellaire. Il a aussi été démontré que le fait d'avoir une personnalité extravertie et ouverte facilite le lien. Et, comme on le voit dans les exemples ci-dessus, "ce que les jumeaux communiquent le mieux, ce sont les mauvaises nouvelles, comme les dépressions, les maladies, les accidents ou, bien sûr, la mort". OBSTÉTRIQUE INTUITIVE On peut observer des connexions qui ne se limitent pas aux jumeaux chez des médecins qui sentent émotionnellement et physiquement quand leurs patients ont besoin de leur attention, comme si les deux individus partageaient le même corps-esprit. Larry Kincheloe, gynécologue-obstétricien à Oklahoma City, est un excellent exemple.13 Une fois terminée sa formation en gynécologie-obstétrique, Kincheloe intégra un groupe médical très traditionnel et il exerça pendant environ quatre ans sans aucun événement inhabituel. Un samedi après-midi, il reçut un appel de l'hôpital qui l'informait qu'une de ses patientes était en début de travail. Il donna les instructions de routine et, comme il s'agissait du tout premier bébé de la patiente, il supposa que l'accouchement n'interviendrait que dans quelques heures. En balayant chez lui, il ressentit le besoin impérieux de se rendre à l'hôpital. Il appela directement le service d'obstétrique et l'infirmière lui dit que tout allait bien ; sa patiente n'était dilatée que de cinq centimètres et l'accouchement n'était pas prévu avant plusieurs heures. 201 En dépit de cette assurance, la sensation s'intensifia et Kincheloe commença à ressentir une douleur au niveau de la poitrine, qu’il décrivit comme un sentiment analogue à celui qu'éprouvent les jeunes de 16 ans à la perte de leur premier amour - un sentiment douloureusement triste et mélancolique. Plus il essayait d'ignorer cette sensation, plus celle-ci devenait forte, jusqu'à ce qu'il ait l'impression de s'y noyer. À ce moment-là, il voulut absolument se rendre à l'hôpital. Il sauta dans sa voiture et fonça. Plus il se rapprochait de l'hôpital, mieux il se sentait, et quand il arriva dans le service d'obstétrique, il éprouva un sentiment énorme de soulagement. Quand il arriva au bureau des infirmières, l'infirmière de sa patiente sortait juste de la salle d'accouchement. Quand elle lui demanda pourquoi il se trouvait là, Kincheloe admit honnêtement qu'il l'ignorait, mais qu'il sentait qu'on avait besoin de lui et que sa place était là. Elle le regarda curieusement et lui dit qu'elle venait justement d'examiner la patiente et qu’elle n'était dilatée que de sept centimètres. C'est alors qu'un cri retentit dans la salle d'accouchement. Quiconque a déjà travaillé en salle d'accouchement sait qu'il y a une certaine tonalité dans le cri d'une femme, quand la tête du bébé est sur le périnée, à l'approche de l'accouchement, et il se précipita dans la chambre de la patiente juste à temps pour l'aider à accoucher d'un bébé en bonne santé. Après coup, quand l'infirmière lui demanda comment il avait su qu'il devait se rendre à l'hôpital, alors qu'on lui avait dit que l'accouchement n'aurait lieu que dans plusieurs heures, il ne sut que répondre. Depuis ce jour, Kincheloe commença à prêter attention à ces sentiments. Il apprit à leur faire confiance. Ayant expérimenté ces sentiments intuitifs des centaines de fois, il agit régulièrement en fonction d’eux. En général, lorsqu'il reçoit un appel du service d'obstétrique, il est déjà en train de s'habiller ou dans sa voiture en route pour l'hôpital. Il répond souvent au téléphone en disant : "Je sais. Je suis en route", sachant que c'est le service d'obstétrique qui l'appelle pour qu'il vienne. Un phénomène devenu si courant pour le personnel du service d'obstétrique que l'on dit aux nouvelles infirmières : "Si vous voulez le Dr Kincheloe, il suffit d'y penser et il rappliquera !" 202 Dernièrement, il éprouva ce vieux pressentiment, téléphona et s'adressa à une nouvelle infirmière qui s'occupait de l'une de ses patientes en phase de travail. Il lui demanda comment les choses se passaient et elle lui répondit que la patiente se reposait confortablement avec une péridurale et qu'elle avait un rythme cardiaque fœtal rassurant. Il lui redemanda si elle était certaine qu'il ne se passait rien qui réclamait son attention. Exaspérée, elle lui répondit : "Je vous ai dit que je viens tout juste de l'examiner et que tout va bien !" Dans le fond, Kincheloe entendit une autre infirmière lui dire : "Demandez-lui s'il a des douleurs à la poitrine". Confuse, la nouvelle infirmière lui posa la question. Il répondit par l'affirmative. Il entendit la nouvelle infirmière relayer sa réponse à l'infirmière plus âgée, qui lui dit : "Si le Dr Kincheloe a des douleurs à la poitrine, vous feriez mieux d'aller réexaminer la patiente." "Attendez une minute", dit la nouvelle infirmière à Kincheloe, et elle posa le téléphone pour aller réexaminer la patiente. Ensuite, il entendit le bruit de pas rapides qui revenaient, et elle lui annonça très vite que le bébé ne tarderait plus à sortir et qu'il devait se dépêcher. Les expériences du Dr Kincheloe montrent comment des sensations physiques peuvent servir de système de préalerte nous avertissant que quelque chose d'important est sur le point d’arriver. Le Dr Kincheloe peut sembler unique, mais il est plus probable que beaucoup de médecins et d’autres professionnels de la santé partagent ses vues et n'en parlent tout simplement pas. MÉDECINS, SCIENTIFIQUES ET PROFESSEURS : CE QU’ILS CROIENT Dans son livre fascinant, The Witch in the Waiting Room (La sorcière dans la salle d'attente), le docteur Robert S. Bobrow, professeur agrégé au département de médecine familiale de l'université de Stony Brook, décrit comment il a découvert que beaucoup de ses patients, infirmières et collègues croient en privé à des pouvoirs de l'esprit qui ne sont pas officiellement reconnus par la médecine. Ils gardent leurs croyances pour eux en raison de l'opprobre qu'elles susciteraient, si celles-ci étaient rendues publiques. 203 Bobrow mentionnait une enquête publiée en 1980 dans l'American Journal of Psychiatry qui posait la question suivante à des professeurs de psychiatrie, à des internes en formation, à d'autres professeurs de médecine et à des doyens d'écoles de médecine : "L’enseignement de la psychiatrie devrait-il comprendre des études parapsychiques ?'' Plus de la moitié des participants répondirent par l'affirmative. Les auteurs de l'enquête conclurent : "Nos résultats indiquent que les doyens des facultés de médecine et que le personnel enseignant en psychiatrie sont très fortement convaincus que beaucoup de phénomènes parapsychiques peuvent être une réalité, que des pouvoirs parapsychiques sont présents chez la plupart d'entre nous ou chez tout un chacun, que des facteurs non médicaux jouent un rôle important dans le processus de la guérison et, surtout, que l’enseignement de la psychiatrie devrait comprendre des études sur les phénomènes parapsychiques..."14 Beaucoup de sceptiques ont fait tout leur possible pour nier et pour brouiller ces tendances. On entend fréquemment les sceptiques dire que seul un pourcentage infime de médecins, de praticiens et d'enseignants en médecine croit aux phénomènes transcorporels de l’Esprit universel que nous examinons dans ce livre, et ces sceptiques laissent entendre que les médecins qui croient en ces choses ne sont pas en phase avec la tradition scientifique et tentent de ramener la médecine au Moyen Âge. Mais comme le démontre l'enquête précitée, la croyance en ces questions n'est pas le fait de quelques renégats, mais elle est largement répandue dans les milieux de la médecine clinique et universitaire. Une autre enquête nationale réalisée en 2004 analysait les croyances de 1 100 médecins américains aux spécialités diverses. Les enquêteurs découvrirent que 74 % d'entre eux croyaient que ce que l'on appelle des miracles s'était déjà produit dans le passé, et que 73 % croyaient qu'ils pourraient se produire aujourd'hui. (Je soupçonne que pour la plupart des médecins, un miracle ne signifie pas une violation, une suspension ou une atteinte à la loi naturelle, mais un phénomène pas bien compris. La plupart des médecins seraient probablement d'accord avec Saint Augustin pour dire que les dits miracles ne contredisent pas la nature, mais qu'ils contredisent ce que nous savons de la nature, ce qui est aussi mon point de vue). Cinquante-neuf pour cent des 204 médecins déclaraient prier pour leurs patients individuellement, et 51 % déclaraient prier pour eux collectivement.15 En examinant ces tendances, l'auteur, Stephan A. Schwartz concluait : "On comprend de plus en plus que des considérations indicibles, relevant pour la plupart du concept de l'Esprit non local, exercent une influence considérable sur la pensée de la population en général et de la communauté médicale."16 Les scientifiques ont généralement des convictions similaires. Une enquête réalisée en 1973 auprès des lecteurs de la revue britannique New Scientist leur demandait de donner leur avis sur la perception extrasensorielle, ou PES. (New Scientist définit son lectorat comme étant composé de scientifiques traditionnels actifs ou de lecteurs intéressés par la science). Sur les 1 500 personnes interrogées, 67 % considèrent la PES comme un fait établi ou au moins comme une forte probabilité. Quatre-vingt-huit pour cent considèrent la recherche psychique comme étant un domaine légitime de recherche scientifique.17 Dans une autre enquête menée auprès de plus de 1 100 professeurs d'université aux États-Unis, 55 % des spécialistes des sciences naturelles, 66 % des spécialistes des sciences sociales (à l'exclusion des psychologues) et 77 % des universitaires spécialisés dans les arts, les sciences humaines et l'éducation ont déclaré croire que la PES est soit un fait établi, soit une probabilité.18 Par conséquent, l'affirmation d’après laquelle la croyance aux phénomènes transcorporels que nous explorons est rare chez les médecins, les scientifiques et les universitaires chevronnés peut être qualifiée d'absurde. Cette idée est véhiculée par des sceptiques qui sont généralement mal informés de l'ampleur de la recherche dans ce domaine et qui s'y opposent pour des raisons idéologiques.19 Les événements télésomatiques sont plus que des phénomènes bizarres. Ils révèlent des canaux de communication entre des individus éloignés, dont l'un est souvent dans le besoin. Ils nous rappellent que derrière notre séparation apparente, il y a des filaments non physiques qui nous relient d'une manière qui n'est pas limitée par l'espace, le temps ou les barrières matérielles. Le fait que ces 205 connexions soient catalysées par des liens émotionnels suggère un aspect plus empathique et plus aimable de l'existence que ce que nous avons récemment supposé. 206 CHAPITRE 17 : ABSOLUMENT CONVAINCU En dépit des lamentations des sceptiques, les preuves en faveur de l'Esprit universel sont nombreuses. Elles ont été reproduites par des expérimentateurs dans des laboratoires du monde entier.1 Pour donner l'exemple d'un scientifique éminent, intimement impliqué dans ces questions, j’aimerais m'arrêter sur le physicien, Russell Targ.2 Les recherches de Targ, qui mettent en évidence une caractéristique infinie et non locale de la Conscience, sont exemplaires. Si on considère sa carrière de quarante ans dans la recherche sur la conscience au Stanford Research Institute (SRI) et ailleurs, il ne s'embarrasse pas d'équivoque. Dans un discours prononcé à Paris en 2010 et intitulé "Pourquoi je suis absolument convaincu de la réalité des capacités parapsychiques, et pourquoi vous devriez l'être aussi", il dit : Les données qui jalonnent ma carrière au SRI m'ont convaincu, sans l’ombre d’un doute, que notre Conscience est non locale, que notre Conscience est illimitée, que les facultés psi sont réelles, et que leur précision et leur fiabilité sont indépendantes de la distance et du temps. Je crois que ce que nous sommes est un reflet de notre extraordinaire Conscience non locale (et probablement éternelle).3 De nombreux phénomènes et résultats expérimentaux ont conduit Targ à sa vision de la Conscience. En 1974, lui et son collègue du SRI, le physicien Harold Puthoff, collaborèrent avec Pat Price, un commissaire de police à la retraite de Burbank, en Californie, dans le cadre de neuf expériences de vision à distance. Au cours de ces tests, on demanda à Price de décrire l'endroit où se trouvait Puthoff, qui s'était rendu sur un site éloigné. Sur un ensemble de 60 lieux possibles, Price obtint sept correspondances directes. La probabilité que ces résultats soient dus au hasard était de 3 sur 10 000. Les expériences de Price et d’Hammid (voir cidessous) furent publiées dans la revue Proceedings of the IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) en mars 1976. LA CIA NOUS APPELLE En 1975, la CIA demanda à Targ et à son équipe de trouver une personne inexpérimentée pour participer à des tests similaires. Targ choisit l’une de ses bonnes amies, la photographe Hella Hammid. Sur les neuf essais en double aveugle réalisés dans des lieux éloignés en plein air, elle obtint cinq correspondances directes et quatre correspondances au deuxième coup. La probabilité était d'une chance sur 500 000. Pourquoi la CIA était-elle intéressée ? En 1972, Targ et Puthoff avaient lancé le programme de vision à distance du SRI, en collaboration avec Pat Price et le peintre, Ingo Swann. Ils réussirent à examiner et à décrire un site cryptographique secret de la National Security Agency (NSA) en Virginie. Pat Price nomma le site et lut des mots codés dans des fichiers, ce qui fut confirmé par la NSA et par la CIA. La CIA souhaitait savoir si la vision à distance pouvait être utilisée à des fins d'espionnage, et leur attention fut captivée, lorsque Price décrivit et dessina à l'échelle une usine d'armement soviétique à Semipalitinsk, en Sibérie, avec une énorme grue à portique sur huit roues et une sphère d'acier camouflée de 20 mètres de haut qui était en construction. Deux ans plus tard, ces dessins furent confirmés par des photographies prises par satellite. En 1974, Price identifia et nomma le kidnappeur de Patricia Hearst, à partir de centaines de photos figurant dans l'album de photos d'identité judiciaires du service de police de Berkeley, en Californie, deux jours après l'enlèvement. Il localisa ensuite la voiture du kidnappeur, et il conduisit la police à 80 km au nord. En 1974, Ingo Swann décrivit pour la CIA l’échec d’un test de bombe atomique chinoise, en utilisant des coordonnées géographiques. Swann dessina la scène avec des crayons de couleur, y compris une file de camions et une représentation pyrotechnique du test raté. Tout cela trois jours avant le test réel. 208 En 1974, Targ et son équipe du SRI décrochèrent un contrat auprès de la NASA pour développer un programme d'enseignement de la PES. Targ mit au point un dispositif d'enseignement de la PES à quatre choix, qui procurait un feedback et des encouragements à l'utilisateur. L'appareil fut un succès : les utilisateurs apprirent à reconnaître une "sensation psychique unique", s’accompagnant d'un apprentissage et d'une réussite significative dans la pratique de la PES. Cet appareil, appelé ESP Trainer, est disponible sous la forme d'une application gratuite pour l'iPhone. L'armée américaine demanda à Targ et à Puthoff de choisir six officiers des services de renseignement de l'armée dans un groupe de 30, qui devaient ensuite être formés à la vision à distance dans le cadre d'un programme qu'ils avaient mis en place à Fort Meade, dans le Maryland. Ils collaborèrent avec les six officiers dans le cadre de 36 essais. Ceux-ci obtinrent 18 correspondances directes, où quatre des visionneurs à distance obtinrent des résultats, avec des probabilités de 3 sur 1 000. Les probabilités de réussite pour l'ensemble des résultats du groupe étaient de 3 sur 10 000. En collaboration avec le psychologue Keith Harary, Targ mit au point une expérience qui visait à prévoir l'évolution du marché de l'argent. Ils procédèrent à neuf essais au cours desquels ils devaient prédire l'évolution du marché de l'argent, cinq jours à l'avance. Les prédictions furent couronnées de succès, neuf fois sur neuf, ce qui rapporta 120 000 dollars à l'équipe. Une tentative de reproduire ce succès l'année suivante se solda par un échec, peut-être parce qu’ils devinrent trop gourmands et tentèrent d'accélérer le rythme des essais, en éliminant ainsi le retour d'information en temps voulu au visionneur par rapport à l'essai précédent, selon Targ. Plusieurs tentatives menées par d'autres expérimentateurs furent toutefois couronnées de succès.4 En 1996, en collaboration avec Jane Katra, deux mathématiciens, et en utilisant un protocole particulier, Targ et son équipe enregistrèrent 11 succès sur 12 essais pour prédire le cours de l'argent. En 1978, le remote viewer, Joe McMoneagle repéra dans la jungle africaine un bombardier soviétique Tu-22 Backfire abattu, avec des livres-codes à son bord, 209 alors que les satellites n'étaient pas en mesure de le faire. La réussite de sa tentative fut confirmée ultérieurement par le président Jimmy Carter.5 Deux ans plus tard, McMoneagle décrivit en détail la construction unique et secrète d'un sous-marin soviétique de classe Typhoon de 150 mètres de long dans un bâtiment en béton situé à plusieurs centaines de mètres de la mer, six mois avant son lancement. Le programme de remote-viewing du SRI se poursuivit pendant 23 ans, de 1972 à 1995, avec un financement de 25 millions de dollars de la part de la CIA, de la DIA, de la NASA, de la marine, de l'armée de l'air et des services de renseignement de l'armée de terre. Comme indiqué par Targ, les résultats scientifiques du programme furent publiés dans Nature, Proceedings of the IEEE et dans des revues sponsorisées par l'American Institute of Physics. Et des reproductions furent effectuées dans les universités de Princeton, d'Édimbourg et d'Utrecht.6 En résumé, Targ dit : "Sur la base des données expérimentales de la recherche psi dans mon laboratoire au SRI, je sais qu'un observateur peut focaliser son attention sur un endroit spécifique n'importe où sur la planète (ou au-delà) et souvent décrire ce qui s'y trouve. Les expériences du SRI ont montré que le remote viewer n'est pas lié au temps présent. En physique contemporaine, on appelle cette capacité à focaliser son attention sur des points éloignés dans l'espace-temps "la conscience non locale". Les données recueillies au cours des vingt-cinq dernières années ont montré qu'un remote viewer peut répondre à n'importe quelle question sur des phénomènes survenus n'importe où dans le passé, le présent ou le futur, et qu'il a raison plus de deux tiers du temps. Pour un remote viewer expérimenté, le taux de réponses correctes peut être beaucoup plus élevé."7 Comment tout cela fonctionne-t-il ? Comment les personnes et les choses sontelles connectées à distance à travers l'espace et le temps ? Targ utilise des modèles et des métaphores que nous avons déjà examinés. Il suggère que l'une des explications possibles est l'intrication quantique.8 A l'origine, on pensait que l'intrication n'existait que dans le domaine subatomique, mais on sait 210 maintenant qu'elle existe également dans les systèmes vivants.9 Une autre possibilité, c’est le concept d'ordre implicite du physicien David Bohm. Les caractéristiques essentielles de l'ordre implicite sont que l'univers entier est d'une certaine manière imbriqué dans chaque chose et que chaque chose est imbriquée dans la totalité.10 Une métaphore analogue que Targ trouve utile, c’est celle de l'hologramme. "Tel un hologramme'', écrivit Targ, ''chaque région de l'espace-temps contient des informations sur tous les autres points de l'espace-temps''. Ces informations sont facilement accessibles à notre conscience. Dans l'univers holographique, il y a une unité de conscience - un "plus grand Esprit collectif" - sans limites d'espace ou de temps."11 211 CHAPITRE 18 : DES AVIONS ABATTUS ET DES NAVIRES COULÉS Le remote viewing est la capacité prétendue d'une personne à acquérir des informations concernant une cible cachée à la perception physique, et généralement à une certaine distance. Les physiciens Russell Targ et Harold Puthoff commencèrent à utiliser cette expression en 1974, sur base d'expériences qu'ils menèrent au SRI International, anciennement connu sous le nom de Stanford Research Institute.1 MIEUX VOIR QUE LES SATELLITES ESPIONS Un exemple qui implique la sécurité nationale s'est produit au cours de l'administration du président Carter, lorsqu’un bombardier russe Tu-22 s'est écrasé dans une épaisse jungle africaine au Zaïre. Les satellites espions n'ayant pas réussi à localiser l'avion, l'armée de l'air et la CIA ont pu le retrouver en ajoutant le remote viewing à leurs méthodes habituelles. Racontant l'incident quelques années plus tard, Carter a déclaré : "Elle [l’observateur à distance] est entrée en transe, et pendant qu'elle était en transe, elle a donné des chiffres de latitude et de longitude. Nous avons focalisé nos caméras satellites sur ce point et l'avion était là". La description de Carter, qu’il s’est rappelé quelques années plus tard, est un résumé simplifié. Deux observateurs à distance étaient en fait impliqués, et plusieurs séances ont été nécessaires pour faire correspondre leurs dessins avec les images photographiques et cartographiques à haute résolution. Cependant, le résultat final est qu'ils ont effectivement localisé l'avion russe abattu grâce au remote viewing, alors que les méthodes conventionnelles avaient échoué, et que celui-ci a été récupéré pour l’analyse du renseignement. Lorsqu'une photo réelle du site du crash a été prise, elle montrait la queue de l'avion qui dépassait d'une rivière brune et turbulente. L'un des croquis d’un observateur à distance correspondait à cette photo avec des détails étonnants.2 L'Esprit universel rend la taille d'un groupe non pertinente. Si un individu possède une information, elle est en principe disponible pour tout le monde, en vertu de la connectivité et de l'intégration de tous les esprits en un seul. Cela ne signifie pas que l'information en question se manifestera nécessairement dans l'esprit des 7 milliards de Terriens. Cela dépend de nombreux facteurs, comme l'ouverture d'esprit et la pertinence de l'information par rapport aux besoins, aux souhaits et aux intentions d'un individu. Approfondissons un peu les choses. L’OPÉRATION DEEP QUEST L'un des individus les plus créatifs que je connaisse est Stephan A. Schwartz, avec qui j'ai le plaisir de travailler à Explore : The Journal of Science & Healing, où il est chroniqueur. Stephan est aussi chercheur principal au Center for Brain, Mind, and Healing de l'Institut Samueli, et chercheur associé au laboratoire des sciences cognitives des Laboratories for Fundamental Research. Il est responsable d’une publication sur le Web quotidienne sur schwartzreport.net. Stephan est un véritable Indiana Jones. Ses recherches et ses aventures l'ont conduit dans les coins les plus reculés de la planète. La passion de Stephan Schwartz est d'explorer comment la conscience opère dans le monde. Il est sans doute le plus connu pour son rôle dans le développement du remote viewing, qu'il utilise depuis près de 20 ans pour localiser et reconstruire des sites archéologiques dans le monde entier, dont beaucoup ont échappé aux découvertes pendant des siècles. Cela inclut des expéditions au Grand Banc des Bahamas pour trouver l'emplacement du brick Leander ; en Jamaïque, avec l'Institut d'archéologie nautique, pour sonder la baie de Sainte-Anne et localiser l'emplacement de la caravelle engloutie de Christophe Colomb, lors de son quatrième et dernier voyage ; et à Alexandrie, en Égypte, ce qui a permis la première cartographie moderne du port oriental d'Alexandrie et la découverte de nombreuses épaves. L'aventure égyptienne a également permis de découvrir le palais de Marc-Antoine à Alexandrie, le complexe du palais ptolémaïque de Cléopâtre et les vestiges du phare de Pharos, l'une des sept merveilles du monde antique.4 4 https://www.youtube.com/watch?v=klCzHhYYQjQ 213 Schwartz était fasciné par les prémices du remote viewing. Comment des individus ordinaires pouvaient-ils connaître des choses à distance dans l'espace et le temps ? Comment pouvaient-ils avoir des prémonitions d'événements futurs ou décrire des sites éloignés qu'ils n'avaient jamais vus ou dont ils n'avaient jamais entendu parler ? La plupart des personnes qui découvrent ce domaine pour la première fois imaginent qu'un genre de signal doit passer entre le capteur et le site éloigné, comme les signaux électromagnétiques impliqués dans les transmissions de radio et télévision. Mais lorsque Schwartz a passé en revue les expériences scientifiques réalisées, il n'a découvert aucune preuve du passage d'un quelconque signal électromagnétique. D'une part, la distance n'était pas un facteur dans ces événements. Si un signal électromagnétique était impliqué, on s'attendrait à ce qu'il s'affaiblisse avec la distance, ce qui signifie que la puissance et la précision du remote viewing devraient diminuer avec la distance croissante entre l’observateur à distance et le site ou l'événement auquel il tente d'accéder. Les données ont montré que ce n'était pas le cas : la distance n'avait aucune importance. De plus, le remote viewing ne pouvait pas être bloqué, même si l’observateur était placé dans des puits de mine, des cavernes ou des cages de Faraday, qui sont des boîtes métalliques qui bloquent la plupart des types de signaux électromagnétiques. Tout bien considéré, il semblait que rien de physique n'ait été transmis ou reçu lors du remote viewing. Il y avait une exception possible : les ondes électromagnétiques de très basse fréquence (ELF). Il s'agit d'ondes très longues, de l'ordre de plusieurs kilomètres, par opposition aux ondes courtes et à haute fréquence que l'on voit dans les transmissions radio ou télévisées. Les ondes ELF ont un fort pouvoir de pénétration et peuvent traverser des barrières physiques. Les eaux profondes constituent l'un des rares boucliers infaillibles contre leur passage. La transmission d'ondes ELF pourrait-elle expliquer le remote viewing ? Une des façons de répondre à cette question était de réaliser une expérience de remote viewing en plaçant l’observateur à une grande profondeur sous la surface de l'océan. Si l'expérience réussissait, ce serait une preuve solide que les ondes ELF 214 ne sont pas impliquées dans le processus, puisqu'elles seraient bloquées par l'eau de mer au-delà d'une certaine profondeur. Schwartz avait déjà servi aux plus hauts échelons de la marine américaine et il connaissait les rouages de la hiérarchie navale. Au cours de l'été 1977, il a pu avoir accès pendant trois jours à un petit submersible de recherche, le Taurus, qui devait subir des essais en mer près de l'île de Santa Catalina, au large du sud de la Californie. À cette époque, les chercheurs de la Marine avaient découvert la profondeur à laquelle les ondes ELF pénètrent dans l'eau de mer. Ainsi, si les observateurs à distance dans le sous-marin pouvaient décrire avec succès des personnes, des lieux ou des événements à la surface, pendant qu'ils se trouvaient en dessous du niveau de pénétration des ondes électromagnétiques ELF et de plus haute fréquence, alors le mécanisme du remote viewing ne pouvait pas impliquer la transmission de signaux électromagnétiques. "Et je me suis dit," dit Schwartz, "que tant qu’à faire, je vais aussi voir s'il est possible pour les observateurs à distance de localiser une épave inconnue jusqu'alors au fond de la mer.’’3 L'expérience est connue sous le nom de Deep Quest. Les physiciens Russell Targ et Hal Puthoff de l'Institut de recherche de Stanford y ont participé, ainsi que le physicien nucléaire Edwin May. Schwartz a remis des cartes nautiques de la région à deux visionneurs à distance - l'artiste new-yorkais, Ingo Swann et la photographe californienne, Hella Hammid. À l'époque, Swann et Hammid étaient considérés par beaucoup comme les deux ‘’voyants’’ les plus performants des États-Unis. Schwartz leur a demandé d'indiquer sur les cartes l'emplacement de l'épave inconnue et de décrire ce que l'on pouvait y trouver. Les deux observateurs à distance ont renvoyé leurs cartes marquées des emplacements de plusieurs épaves coulées, dont la plupart ont été confirmés par le Bureau des sites marins de l'U.S. Coast and Geodetic Survey. Il y avait cependant un site, marqué à la fois par Swann et Hammid, pour lequel le Bureau n'avait aucune référence. Non seulement les deux observateurs à distance ont indiqué indépendamment ce même site sur leurs cartes marines, mais ils l'ont également décrit de la même manière : un voilier avec un petit moteur à vapeur sur le pont. Ils ont signalé que le moteur à 215 vapeur du bateau avait pris feu, environ 90 ans auparavant, en provoquant par là le naufrage du bateau. Les chercheurs découvriraient la barre arrière du bateau gisant, la roue vers le bas et la tige qui en sortait, avec un treuil à proximité. Ils ont dessiné ces objets. En outre, Hammid a signalé qu'ils trouveraient un bloc de granit sur le site, et qu’il mesurait environ 1,5 m X 1,6 m X 1,2 m. Sachant que les sceptiques tenteraient de déboulonner l'expérience, Schwartz avait invité la scientifique, Anne Kahle, spécialiste renommée de l'espace et chef du groupe de recherche sur les applications terrestres des satellites, du Jet Propulsion Laboratory, à venir assister à tout, du début à la fin, et à conserver et contrôler tous les enregistrements de l'expérience. "Je voulais être certain", a déclaré Schwartz, "que nous avions une chronologie claire et irréprochable du moment où ils [les visionneurs à distance] ont fait les prévisions, de ce qu'étaient ces prévisions et de ce qui a été découvert sur le site." L'objectif était de combler toutes les lacunes et d'exclure les explications alternatives, de sorte que si l'expérience réussissait, l'explication la plus probable serait l'exercice d'une sorte de savoir à distance de la part de Swann et Hammid. Le premier jour de l'expérience, Schwartz a fait embarquer Swann et Hammid, les deux observateurs à distance, dans le submersible, et il leur a demandé de décrire l'endroit où se cachaient les physiciens Puthoff et Targ dans la région de Palo Alto, loin sur le littoral de la Californie. L'un des observateurs à distance a signalé qu'ils se cachaient dans un grand arbre et qu'ils étaient en train d'y grimper, et c'est précisément ce que faisaient les physiciens à ce moment-là. Ensuite, le submersible est descendu à un niveau inférieur au seuil ELF pour pénétrer l'eau de mer. À ce moment-là, Puthoff et Targ avaient changé d'emplacement. L'un des observateurs à distance a identifié ainsi le nouvel emplacement : "Ils se cachent dans un centre commercial. Il y a de grandes baies vitrées et des gens tout autour. Le sol est recouvert de carreaux rouges. Il y a aussi une grande roue qui tourne". La perception était de nouveau juste. Tous ces éléments se trouvaient dans l'environnement immédiat de Puthoff et de Targ. Ces résultats semblaient exclure la possibilité qu'un quelconque signal électromagnétique soit échangé entre les cibles en surface et les observateurs à distance dans le sous-marin. 216 Le lendemain, un navire en surface a largué un dispositif de radioguidage à l'endroit où, d’après les visionneurs à distance, se trouvait le bateau coulé, afin de guider le sous-marin vers le site précis. Il s'agissait d'une zone où l'équipage du submersible avait déjà plongé pendant des semaines, bien avant que Schwartz et son équipe n'arrivent dans la région. L'équipage n'était guère enthousiaste, disant qu'il avait déjà parcouru toute la zone et n'avait rien trouvé qui ressemble de près ou de loin à ce que Swann et Hammid décrivaient. Puis le système radio du sous-marin s'est mis à biper, et tout était là, exactement comme les visionneurs à distance l'avaient décrit - le gros bloc de pierre, le treuil, la barre à l’arrière avec la roue en bas et la tige qui pointait vers le haut. "Je pense que tout le monde," a dit Schwartz, "y compris moi, et certainement l'équipage du sous-marin, et les gars de l'Institut d'études marines et côtières [de l'Université de Californie du Sud], tout le monde était un peu sidéré par cela." Schwartz, qui a tout filmé passionnément, a réalisé un film sur cet événement, intitulé Psychic Sea Hunt.5 4 Pourrait-on invoquer une fraude ? Il est peu probable que Schwartz ait pu savoir où se trouvait l'épave, puisqu'elle ne figurait même pas sur les cartes marines du gouvernement. Schwartz et son équipe auraient-ils pu trafiquer le site en déposant à l'avance les pièces et les restes du bateau coulé, avant de dire ensuite "regardez ici" ? Il n'y a aucune évidence d’une telle possibilité et beaucoup d’évidence contre. Il aurait s’agi d'une entreprise énorme qui aurait attiré beaucoup d'attention. De plus, lorsque le submersible Taurus est arrivé sur le site, l'épave n'était pas discernable comme telle, n'étant qu'une ombre vague sur le fond de l'océan. Les algues poussent progressivement sur et autour des objets coulés au fond de l'océan. Le fait que le tapis d'algues recouvrant les parties du bateau englouti était intact constituait la preuve irréfutable qu'elles reposaient tranquillement depuis des années et qu'elles n'avaient pas été déposées là récemment, ni manipulées. Dans sa description de l’opération Deep Quest dans son livre, Ouverture sur l’infini,5 Schwartz a raconté comment il avait été attaqué au cours d'un dîner par un sceptique, à la suite de cette découverte : "Comment savez-vous qu'ils n'ont 5 https://www.youtube.com/watch?v=BEC-GBTTLBg 217 pas trouvé ces choses quelque part et qu'ils ne les ont pas juste balancées pardessus bord, avant de s’en retourner marquer votre carte ?", a-t-il dit. "A cause des algues", a répondu Schwartz, "ce qui l’a réduit à un silence bredouillant." D’autres experts de Deep Quest ont défendu la découverte contre les accusations des sceptiques. Don Walsh, alors doyen de l'Institut d'études marines et côtières de l'Université de Californie, et qui avait effectué la plongée la plus profonde dans un submersible, a déclaré dans un documentaire télévisé : "Nous connaissons les submersibles. Nous connaissons l'ingénierie des profondeurs océaniques. Ils [Schwartz et l'équipe de remote viewing] auraient dû nous battre sur tous les plans. Je dis simplement que cela n'est pas arrivé par hasard."6 L'équipe de Schwartz n'aurait pas pu non plus obtenir l'emplacement à l'avance, pour la simple raison qu'il n'était pas connu. Thomas Cooke, expert en sites marins pour le Bureau of Land Management, l'agence gouvernementale qui garde la trace des épaves marines, a déclaré : "Sur la base d'une étude intensive des sites dans les eaux de la Californie du Sud, je dois conclure que la zone sélectionnée par les extralucides de Schwartz était inconnue auparavant et qu’elle n'aurait pas pu être trouvée en fouillant dans de vieux papiers, dans des livres à la bibliothèque ou ce genre de choses…. Il y a 1653 épaves connues le long de la côte de la Californie du Sud et celle qu'ils ont trouvée n'en fait pas partie."7 La découverte aurait-elle été un coup de chance, "une de ces choses" qui arrivent parfois contre toute attente ? "La zone cible correspondait à un rectangle de 80 x 108 mètres", a déclaré Schwartz. "Elle était située dans une zone de recherche de 3900 km². Cela signifie que si la zone de recherche était recouverte d'une grille composée de rectangles de la même taille que la zone cible, il y aurait 451 389 rectangles de taille égale dans la grille…. Quelle est la probabilité de localiser la seule case correcte de la grille parmi les 451 389 cases similaires ? Il s'avère qu'il est très improbable de faire cela par hasard."8 Schwartz et son équipe avaient apparemment éliminé toutes les failles, comme ils s'y étaient préparés. Aujourd'hui encore, cependant, les détracteurs insistent 218 pour que la supercherie soit la meilleure explication de cette expérience étonnante. Schwartz ne perd plus de temps avec eux. Il estime que s'ils ne sont pas convaincus par Deep Quest que la connaissance à distance est réelle, il est peu probable qu'ils soient convaincus par aucune preuve. Quiconque souhaite explorer Deep Quest plus en profondeur peut le faire grâce à la mine d'informations disponibles sur le site web de Schwartz : http://www.stephanaschwartz.com. Deep Quest est l'un des 12 projets archéologiques qui ont fait appel avec succès à des visionneurs à distance pour localiser des sites perdus ou cachés. Dans son livre, Les Cavernes Secrètes du Temps9, Schwartz explique comment les archéologues utilisent depuis 100 ans des méthodes psychiques pour faciliter leurs découvertes. Dans son livre, Le Projet Alexandrie, il discute en détail de l'un de ses projets, l'exploration du port d'Alexandrie en Égypte. "Ce que nous avons appris", écrit Schwartz, "c'est qu'il est aussi facile de voir quelque chose de loin... que quelque chose... de près. La distance ne fait aucune différence. Il est aussi facile de voir quelque chose qui se passe demain que de voir quelque chose qui se passe aujourd'hui." Deep Quest impliquait deux esprits - celui d’Hammid et celui de Swann - qui, travaillant ostensiblement de manière indépendante, ont trouvé l'emplacement de l'aiguille dans la botte de foin exactement au même endroit. Travaillaient-ils en fait séparément, ou constituaient-ils un duo dans l'Esprit universel ? C'est difficile à dire. Quoi qu'il en soit, leur succès illustre la caractéristique de la connaissance non locale : la distance et le temps ne sont pas pertinents. 219 CHAPITRE 19 : LA HARPE DISPARUE ET L’ANGE DE LA BIBLIOTHÈQUE Elizabeth Lloyd Mayer était l'une des psychanalystes les plus courageuses pour faire face aux expériences étranges que j'aie jamais connues1. De nombreux thérapeutes considèrent ce type de cas comme une pathologie ; elle les considérait comme faisant partie de l'expérience humaine et tentait de les comprendre. Clinicienne et chercheuse de renommée internationale qui enseignait à l'université de Californie à Berkeley, "Lisby", comme l'appelaient ses amis, était l’auteure d'un grand nombre d'articles et d'ouvrages professionnels, dont celui posthume, Extraordinary Knowing : Science, Skepticism, and the Inexplicable Powers of the Human Mind. Peu avant sa mort prématurée en 2005, elle me reçut chez elle à Oakland, en Californie, pour parler de certains des "pouvoirs inexplicables" qu'elle explorait. Nos chemins s'étaient déjà croisés à l'université de Princeton, lors de conférences organisées dans le cadre du projet PEAR (Princeton Engineering Anomalies Research). Nos intérêts pour la guérison à distance se recoupaient et elle souhaitait discuter des recherches effectuées dans ce domaine. Il ne s'agissait pas d'une démarche anodine ; elle était membre de la faculté de recherche de l'Institute for Health and Healing du California Pacific Medical Center à San Francisco. Le livre qu'elle était en train d'écrire avait fait parler de lui bien avant qu'il ne sorte de presse - un rêve d'auteure. Les regards étaient tournés vers elle ; sa vision de la conscience, exprimée dans sa "théorie des coïncidences", fut qualifiée par le New York Times Magazine comme étant l’une des nouvelles idées "les plus excitantes" de l'année 2003. Lisby était également une musicienne talentueuse qui s'intéressait depuis toujours à la musique folk traditionnelle et à la musique classique. La première fois que je la rencontrai, elle m'expliqua que la musique avait indirectement éveillé son intérêt pour la "connaissance hors normes". Une harpe ancienne, rare propriété familiale, avait été volée après un concert de Noël dans un théâtre, où jouait sa fille d’onze ans, Meg. Lisby chercha à la récupérer en s'adressant à la police, à des marchands d'instruments dans tout le pays, aux bulletins d'information de l'American Harp Society et même en passant dans un reportage de la chaîne de télévision CBS. Rien n'y fit. Une amie proche finit par lui dire : "Si tu veux réellement récupérer cette harpe, tu dois être prête à tout essayer ! Essaie d'appeler un radiesthésiste". La seule chose que Mayer savait sur les radiesthésistes, c'était qu'ils essayent de localiser de l'eau souterraine à l'aide de baguettes fourchues. Mais les très bons radiesthésistes peuvent non seulement trouver de l'eau, mais aussi des objets perdus, lui dit son amie. Mayer prit au sérieux la suggestion de son amie et elle contacta Harold McCoy2, le président de la Société américaine des radiesthésistes, à Fayetteville, dans l'Arkansas, à plus de 2 500 km de chez elle. Pourrait-il l'aider à retrouver la harpe perdue ? Peut-être était-ce l'appel le plus important qu'elle ait jamais passé. "Donnez-moi une seconde…", dit McCoy. "Je vais vous dire si elle est toujours à Oakland." Après une pause, il poursuivit : "Eh bien, elle s'y trouve toujours. Envoyez-moi un plan d'Oakland et je localiserai la harpe pour vous." Sceptique, mais n'ayant rien à perdre, elle envoya un plan de la ville à McCoy, qui la rappela, deux jours plus tard. "J'ai localisé la harpe", dit-il. "Elle se trouve dans la deuxième maison à droite de la rue D, juste à côté de l'avenue L." Mayer ne connaissait pas ces deux rues, mais s'y rendit en voiture, nota l'adresse, puis téléphona à la police et lui donna le tuyau. La police refusa néanmoins d'intervenir, en déclarant que les informations fournies par un radiesthésiste ne justifiaient pas l'émission d'un mandat de perquisition. Ils classaient l'affaire. Ils étaient convaincus qu’un tel instrument de musique précieux et de grande valeur avait déjà été vendu et qu'il avait disparu à tout jamais. Le message implicite adressé à Mayer était d'oublier tout ça et de passer à autre chose. La police sous-estima Lisby. Celle-ci ne renonça pas. Elle afficha des tracts signalant la perte de la harpe dans une zone de deux blocs autour de la maison, puis elle attendit. Trois jours plus tard, un homme appela pour dire qu'il avait vu un tract et que son voisin avait récemment acquis une harpe, comme celle qui avait disparu et qu’il la lui avait montrée. Il lui proposa de récupérer la harpe et 221 de la lui rendre. Deux semaines plus tard, au terme d’une succession d'appels téléphoniques, la harpe fut restituée à Mayer, à 22 heures, sur le parking arrière d'un magasin Safeway ouvert toute la nuit. En rentrant chez elle une demi-heure plus tard, avec la harpe à l'arrière de son break, Mayer, en spécialiste du fonctionnement de la psyché, se dit : "Voilà qui change tout !"3 Harold McCoy, le radiesthésiste qui localisa la précieuse harpe de Mayer, mourut en juillet 2010. C'était un homme humble, mais perspicace, qui rayonnait de confiance et d'intelligence, ce qui n'est pas surprenant, dans la mesure où c'était un officier de renseignement militaire à la retraite, qui avait servi son pays pendant 24 ans. McCoy fonda l'Ozark Research Institute en 1992, peu de temps après avoir retrouvé la harpe de Mayer. L'ORI a pour vocation de mener des recherches sur le "pouvoir de la pensée", ce qui implique, entre autres choses, la guérison à distance, qui m'intéresse depuis longtemps.4 Ces intérêts mutuels furent à l'origine d'une invitation à prendre la parole à l'ORI en 2002 et à rencontrer McCoy, qui, en plus d'être un radiesthésiste, était aussi un guérisseur. Sa modestie et son approche pragmatique m'impressionnèrent. McCoy considérait que ses capacités n'avaient rien de spécial. Il pensait qu'elles étaient très répandues et qu'elles pouvaient se cultiver par un entraînement adéquat. On interprète généralement l'épisode de la harpe disparue comme un exemple de clairvoyance, d'extra-lucidité, d'acquisition d'informations sur le monde inexplicables par les moyens sensoriels. Je suggère une interprétation fondée sur I'Esprit universel. L'information sur sa localisation relevait de l'Esprit universel, dont font partie tous les esprits individuels. Harold McCoy savait comment puiser dans ce réservoir d'informations, en éludant les limites habituelles de nos vies. 222 L’ANGE DE LA BIBLIOTHÈQUE Le rôle que joue la nécessité en influant sur les informations qui nous parviennent de l'Esprit universel est suggéré par l'ange de la bibliothèque, un terme inventé de manière ludique par le romancier Arthur Koestler. Après avoir lu une vingtaine de témoignages dans lesquels un livre, une revue, un article ou une citation se présente soudainement au moment où l'on en a besoin, Koestler a déclaré que "l'on est tenté de penser à des anges bibliothécaires chargés de fournir des référencements".5 Un exemple a été rapporté à Koestler en 1972 par Rebecca West, qui faisait des recherches sur un épisode spécifique qui s'est déroulé pendant les procès pour crimes de guerre de Nuremberg : J'ai recherché les rapports à la bibliothèque et j'ai été horrifiée de constater qu'ils sont publiés sous une forme presque inutile pour le chercheur. Ce sont des résumés, et ils sont catalogués sous des rubriques arbitraires. Après des heures de recherche, je suis allée voir un assistant du bibliothécaire, et je lui ai dit : "Je ne le trouve pas ! Il n'y a aucun indice. Cela peut être dans n'importe lequel de ces volumes !" J'ai mis la main sur un volume, je l'ai sorti et je l'ai regardé négligemment, et non seulement c'était le bon volume, mais je l'avais ouvert à la bonne page !6 Un autre chercheur rapporte son expérience à la British Library, alors qu'il faisait des recherches sur les clowns et les illusionnistes. Il est tombé sur un livre relatif à la synchronicité, l'a ouvert au hasard et il a lu le fait relaté ci-dessus impliquant Rebecca West. Décrivant ce qui est arrivé ensuite, il a déclaré : J'ai déposé le livre et j'ai regardé la personne assise en face de moi de l’autre côté du plan de lecture. C'était l’un de ces personnages qui semblent demeurer en permanence dans les bibliothèques, un grand homme poussiéreux, sédentaire et portant des lunettes, qui lisait ‘’A Train of Powder’’, de Rebecca West. Le même livre qui rassemble ses écrits sur le procès de Nuremberg. Parmi les innombrables volumes que compte la British Library, et parmi les centaines de sièges de cette salle de lecture, 223 comment se fait-il que je me sois assis juste en face de cette personne, qui tenait ce livre particulier entre les mains ?7 L'auteur britannique Colin Wilson raconte que lorsqu'il écrivait son livre, ‘’L’Occulte’’, il cherchait une information, lorsqu'un livre est tombé de l'étagère et s'est ouvert à la bonne page.8 Dans son livre, ‘’Des cornflakes dans le porridge, un Américain chez les Anglais’’9, l’auteur Bill Bryson raconte sa rencontre avec l’ange de la bibliothèque. Après avoir proposé à un magazine de voyage un article sur les coïncidences extraordinaires, il s'est aperçu que, s'il disposait bien d’un tas d’informations issues d’études scientifiques sur les probabilités et les coïncidences, il n'avait pas assez d'exemples de coïncidences remarquables, proprement dites. Après avoir écrit une lettre au magazine pour lui dire qu'il ne serait pas en mesure de tenir son engagement, Bryson a laissé la lettre sur le dessus de sa machine à écrire pour la poster le lendemain, puis s'est rendu en voiture à son travail au Times de Londres. Sur la porte d'un ascenseur, il a vu un avis du rédacteur littéraire concernant la vente annuelle d'exemplaires de livres ayant fait l’objet d’une critique envoyés au Times. Bryson décrit ce qui s'est passé lorsqu'il s'est rendu à la vente : "L'endroit était plein de gens qui se bousculaient. Je me suis lancé dans la mêlée, et ce qui devait être le tout premier livre sur lequel mes yeux se sont posés était un livre de poche sur les coïncidences ! C'est une remarquable coïncidence, n'est-ce pas ? Mais voici la chose la plus étrange. Je l'ai ouvert et j'ai découvert que la toute première coïncidence dont il était question concernait un homme appelé Bryson." Geoff Olson, un écrivain et graphiste qui est basé à Vancouver, a écrit : "L'ange de la bibliothèque et le phénomène qui correspond suggèrent quelque chose qui rappelle un aspect de recherche Google au niveau de l'existence."10 Mais à la différence d’une recherche Google, celle-ci semble fonctionner en sens inverse. L'Esprit unique semble nous chercher, en téléversant des informations en fonction de nos besoins et en faisant parfois irruption dans la conscience sous la forme de l'ange bibliothécaire. J'ai un écran de veille avec le ‘’mot du jour’’, où des groupes successifs de mots se déplacent sur l'écran de l'ordinateur et puis s'arrêtent, un mot étant alors 224 sélectionné et sa définition affichée. Tout en cherchant des informations sur l'idée de l'ange bibliothécaire de Koestler dans son livre, Janus, j'ai jeté un coup d'œil à l'écran de mon ordinateur et constaté que le mot "Janus" avait été sélectionné ! Une coïncidence ? Peut-être. Mais l'auteure de science-fiction, Emma Bull, est peut-être plus proche de la vérité : "La coïncidence est le mot que nous utilisons, si nous ne savons pas voir les leviers et les poulies."11 Ou l'Esprit unique. Je trouve que "l'ange de la bibliothèque" de Koestler est une métaphore réconfortante. Cette idée que les anges sont attirés par les livres et les bibliothèques semble juste. Si nous y prêtons attention, peut-être trouveronsnous aussi des preuves de l'existence d'un "ange informatique" ou d'un "ange numérique", car les informations autrefois stockées uniquement sur des pages imprimées dans les bibliothèques sont de plus en plus disponibles en ligne. Je considère ces ‘’anges’’ comme des émissaires de l’Esprit unique, des ambassadeurs qui viennent nous rendre visite, quand nous nous y attendons le moins, et comme des rappels de notre connexion au sein d’un réseau unifié et universel d’Intelligence. 225 CHAPITRE 20 : LA GUÉRISON ET L’ESPRIT UNIVERSEL Le Dr Jeanne Achterberg était une psychophysiologiste et une pionnière du mouvement des soins de santé intégratifs. Figurant parmi les premiers chercheurs dans le domaine de l'utilisation de l'imagerie et de la visualisation dans la guérison, elle faisait autorité dans le domaine des dimensions psychologiques et spirituelles du cancer. Son intérêt pour la guérison la conduisit à faire de la recherche à Hawaï, au North Hawaii Community Hospital de Waimea, sur la Grande Île. Elle fut invitée à diriger une recherche financée par Earl Bakken, l’inventeur du stimulateur cardiaque implantable et le fondateur de Medtronic, le plus grand fabricant mondial d'appareils médicaux. Le Dr Bakken s'intéressait depuis longtemps à la guérison, et plus particulièrement aux techniques des guérisseurs hawaïens. Comme les guérisseurs traditionnels de toutes les cultures, leurs méthodes impliquent souvent des intentions de guérison à distance. De telles revendications sont-elles valables et peut-on les prouver ? Achterberg était bien décidée à trouver des réponses. Elle ne lança pas tout de suite son projet de recherche, mais elle entreprit plutôt de rencontrer des guérisseurs autochtones et de leur expliquer ses intérêts. Les guérisseurs lui accordèrent leur confiance et lui transmirent leurs méthodes. Deux ans plus tard, Achterberg était prête à commencer. Elle et ses collègues recrutèrent 11 guérisseurs. Ces guérisseurs ne s'intéressaient pas à la guérison à la légère ou à la petite semaine. Chacun d'entre eux pérennisait sa tradition depuis 23 ans en moyenne. Il fut demandé à chaque guérisseur de choisir une personne avec laquelle il avait travaillé avec succès dans le passé, pour laquelle il ressentait un lien d'empathie, de compassion et d'attachement, afin qu'elle soit la bénéficiaire de ses efforts de guérison. Les guérisseurs décrivirent leurs efforts de guérison de diverses manières : prière, envoi d'énergie, bonnes intentions, ou simplement pensées et vœux pour le plus grand bien des patients. Achterberg qualifia de tels efforts comme de l'intentionnalité à distance. Dans le cadre de la recherche, chaque sujet fut isolé du guérisseur pendant qu'on effectuait un scanner cérébral IRMf. Les guérisseurs envoyaient des messages d'intentionnalité distante aux sujets à des intervalles aléatoires de deux minutes, de sorte que les sujets n'auraient pas su anticiper l'instant de la communication de l'intentionnalité distante. Des différences significatives entre les conditions expérimentales (communication) et les conditions de contrôle (pas de communication) furent constatées chez 10 des 11 sujets. Pendant les périodes de communication, des zones spécifiques du cerveau des sujets s'éclairèrent sur l'IRMf, signalant une augmentation de l'activité métabolique. Ce phénomène ne se produisait pas au cours des périodes de non-communication. Les zones du cerveau activées pendant les périodes de communication incluaient les aires cingulaires antérieure et moyenne, le précuneus et les zones frontales. Il y avait moins d'une chance sur 10 000 que ces résultats puissent s'expliquer par le hasard (dans le langage scientifique, p = 0,000127).1 Cette étude suggère que des intentions de guérison motivées par la compassion peuvent exercer des effets physiques mesurables sur le bénéficiaire à distance et qu'un lien empathique entre le guérisseur et le bénéficiaire est un élément essentiel du processus. L'étude d'Achterberg aurait dû faire la une de tous les grands journaux du monde occidental, lorsqu'elle a été publiée en 2005, mais elle a été ignorée. La principale raison en est qu'elle allait à l'encontre de la neuromythologie de l'époque, qui insiste sur le fait que les esprits sont complètement séparés, individuels et confinés dans le cerveau. Pourtant, l'étude d'Achterberg n'était que l'une des nombreuses études qui aboutirent à des résultats similaires au cours des quarante dernières années. LA GUÉRISON ET L’ESPRIT UNIVERSEL Accéder à l'Esprit universel peut également transformer quelqu'un en guérisseur. Depuis 1983, un homme remarquable, John Graham, dirige le projet Giraffe Heroes, une association à but non lucratif qui rend hommage aux personnes qui se dévouent corps et âme pour le bien commun. Son association a aidé des 227 milliers de personnes à travers le monde à réaliser leur potentiel, en menant une vie consacrée à des actions caritatives. Aventurier dans l'âme, John embarqua sur un cargo à l'âge de 16 ans, et à 20 ans, il entreprit la première ascension directe de la paroi nord du mont McKinley, une ascension si précaire qu'elle n'a jamais été répétée. À 22 ans, il parcourut le monde en auto-stop en tant que pigiste pour le Boston Globe. Il sera arrêté en tant qu'espion et il aurait pu être exécuté. Il décrocha un diplôme en géologie à Harvard et un diplôme d'ingénieur à Stanford. Il passa 15 ans au service des affaires étrangères américaines et fut mêlé à la révolution libyenne qui porta au pouvoir un jeune lieutenant de l'armée nommé Mouammar Kadhafi. En tant qu'expert du renseignement, il passa près de deux ans au Viêt Nam pendant la phase finale de la guerre. Il participa plus tard à la planification stratégique nucléaire aux échelons les plus élevés. Il fit partie de la mission américaine aux Nations unies chargée de promouvoir les droits de l'homme à la fin des années 1970. En cours de route, il l'échappa belle à maintes reprises en frôlant la noyade, en traversant une avalanche, en se faisant tirer dessus par des tireurs d'élite et en flirtant avec la mort dans un navire de passagers en flammes et en perdition dans le Pacifique Nord. Qu’il semblait indestructible le poussa à se demander s'il n'était pas épargné pour apporter une contribution significative à la vie, mais en dépit de ses aventures incroyables, sa vie lui semblait de plus en plus vide et dénuée de sens. Sur un coup de tête, dans la trentaine, il rejoignit un groupe de méditation, ce qui s'avéra être l'aventure la plus importante d'une vie fertile en péripéties. Au cours d’une méditation, il commença à vivre des expériences extracorporelles : il sentit qu'il flottait, en apesanteur, avec sa conscience dans un coin du plafond, contemplant son propre corps assis sur une chaise. Il découvrit qu'il pouvait contrôler ses déplacements avec son esprit, de haut en bas et de gauche à droite. Il traversa le mur du bâtiment, puis revint à l'intérieur. Dans son livre intitulé Sit Down Young Stranger : One Man's Search for Meaning, il décrivit ainsi son expérience de l'Esprit universel : Je fis l'expérience d'une Totalité où toutes les âmes se fondaient, chacune faisant partie du Tout, non pas comme un pétale qui fait partie d'une fleur, 228 mais comme une vague qui fait partie de l'océan. Et cet "océan", c'était Dieu, le contexte ultime de nos vies et la force intelligente qui organise tout. Dieu n'était pas le Tout-Puissant séparé et anthropomorphique de ma jeunesse catholique, Celui qui me punissait ou qui me récompensait, et qui me condamnait ou qui m'absolvait, selon ses caprices. Moi et tous les autres, nous faisions partie intégrante de Dieu, nous faisions partie de la Totalité. Notre interconnexion à ce niveau constituait un aspect essentiel de la création et - si nous choisissons de la reconnaître - une base solide pour la compassion et pour la coexistence dans nos vies terrestres. De telles perspectives ne me sont pas parvenues par le biais de mon cerveau, comme si j'avais lu un nouveau livre brillant. J'ai fait l'expérience directe de ces compréhensions, sans les filtrer avec mon mental. J'ai vu ce que j'ai vu, et j'ai appris ce que j'ai appris, en étant au cœur de tout cela. Ces voyages en dehors du corps ... ont été les expériences les plus extraordinaires de ma vie. C'était ... rencontrer Dieu face à face. 2 Pendant une séance, Graham décrivit ce qui ressemble à une expérience de mort imminente. Alors qu'il commençait à flotter hors de son corps, deux lumières brillantes apparurent. Quoique éblouissantes, elles ne lui firent pas cligner des yeux. Elles s'approchèrent de lui, parcoururent une courte distance et s'arrêtèrent. Il entreprit alors de les suivre, et elles continuèrent sur leur lancée. Elles le guidèrent vers ce qui semblait être un tunnel lumineux, qui s'ouvrit bientôt sur "ce qui n'était pas tant un lieu qu'un état d'être extraordinairement paisible". Il était maintenant entouré d'une lumière blanche diaphane, "comme s'il marchait dans une prairie humide en regardant le brouillard au sol qui se dissipait dans le soleil du matin". Graham sentit la présence d'autres êtres, flottant tout comme lui et lui exprimant des salutations silencieuses. Le sentiment général était un sentiment de paix et de joie. Graham s'interrogeait sur le caractère réel ou non de ces expériences. Il reconnut qu'il pouvait s'agir d'hallucinations, de rêves ou de folie, et qu'il pourrait bien être fou. Mais après avoir lu plusieurs livres sur l'histoire de ce type 229 d'expériences, il en conclut : "Si j'étais fou, alors quelle coïncidence remarquable que tant d'autres personnes aient été pareillement folles pendant quatre mille ans !"3 Pour autant, il voulait un signe que ses expériences étaient bien valables et qu'il n'avait pas déraillé et perdu l'esprit. Via ses expériences méditatives, il en était arrivé peu à peu à croire que la raison pour laquelle il était venu dans cette vie et pour laquelle il n'avait pas été tué au cours des nombreux accidents évités de justesse dans ses aventures rocambolesques, c’était servir et guérir. Ce signe qu'il cherchait se manifesta par la guérison, non pas de lui-même, mais d'autrui. À la fin de l'été 1975, il visitait avec sa femme la ferme d'un ami dans les environs de Charlottesville, en Virginie. Plusieurs enfants s’amusaient sur une charrette à foin tirée par un vieux tracteur agricole, tandis que les adultes buvaient de la limonade et observaient la scène depuis le porche de la ferme. Tout à coup, un garçon de quatre ans, le fils d'un autre couple, se mit à hurler et à courir vers la maison. Les autres enfants signalèrent qu'il venait de poser sa main sur le pot d'échappement brûlant du tracteur. Sa main était gravement brûlée. Le propriétaire de la ferme, un médecin, courut chercher sa trousse de premiers secours. La mère du garçon le serra dans ses bras, mais le petit garçon affolé continuait de hurler de douleur. Graham décrivit ce qui se passa ensuite : Ce dont je me souviens alors, c'est d'un sentiment de calme et de confiance en soi immense. Je demandai calmement à la mère de me confier l'enfant. Ensuite, je plaçai la main brûlée de l'enfant entre mes mains, je fermai les yeux et je m'imaginai de nouveau dans le lieu de lumière. Le garçon cessa de crier. Après avoir retiré mes mains, sa main ne présentait plus aucun signe de brûlure. Il m'était impossible de prétendre que rien ne s'était passé. La mère récupéra son fils et me regarda dans les yeux sans mot dire. Les autres me regardaient fixement. ... Ce garçon fut la seule personne que j'ai jamais guérie avec mes mains.... Étant donné le scepticisme de mon esprit formé à la science, j'avais besoin 230 de cette preuve physique, et l'univers - Dieu - me la fournit. Depuis l'incident à la ferme, je n'ai plus jamais douté que ce que j'apprenais et faisais grâce à la méditation était réel.4 Les expériences de Graham, qu'il décrivit brillamment dans son livre enchanteur, constituent un exemple classique d'une personne catapultée dans la réalisation de l'Esprit universel grâce à la pratique bien établie de l'immobilisation et de l'approfondissement de l'esprit via la méditation, la contemplation, la prière et d'autres moyens similaires. Graham découvrit cette dimension de la Conscience où "toutes les âmes se fondent", cet "océan" qui est "Dieu", cette composition collective, où la diversité s'unifie grâce à l'unité. Graham retourna de son expérience de mort imminente avec le pouvoir de guérir. Joyce W. Hawkes est un autre exemple. Biophysicienne et biologiste cellulaire de formation, titulaire d'un doctorat de l'université de Penn State, Hawkes est membre de l'American Association for the Advancement of Science et l'auteure de plusieurs dizaines de publications scientifiques. À la suite d'une expérience de mort imminente, elle découvrit qu'elle avait le pouvoir de guérir. Hawkes dispose d’un cabinet privé dans la région de Seattle5, et elle est l'auteure de Cell-Level Healing : The Bridge from Soul to Cell. Jane Katra, qui est titulaire d'un doctorat en éducation à la santé et qui a enseigné à l'université de l'Oregon, est une autre guérisseuse post-NDE. Au cours d'un voyage en Asie du sud-est en 1974, elle fut prise d'un horrible mal de tête et fit un rêve au seuil de la mort, où on lui annonça qu'elle deviendrait guérisseuse. À son grand désarroi, cette prophétie se révéla exacte. De retour chez elle, la nouvelle Jane se heurta à ses collègues de l'université. Elle honora néanmoins sa vocation et entreprit d'utiliser son don de guérisseuse. L'histoire de Katra est racontée dans le livre, Miracles of Mind : Exploring Nonlocal Consciousness and Spiritual Healing, coécrit avec le physicien et chercheur parapsychique, Russell Targ. 231 Peut-être est-il approprié que les capacités de guérison résultent parfois d'une rencontre avec l'Esprit universel, le Tout. Après tout, le mot "guérison" provient de mots latins qui signifient complétude. 232 CHAPITRE 21 : LE CÔTÉ OBSCUR Les expériences impliquant l'Esprit universel sont souvent décrites comme une épiphanie ou une extase, mais il existe un côté obscur de l'Esprit universel qu'il serait irresponsable d'ignorer. Ian Stevenson, psychiatre et chercheur spécialiste de la conscience à l'université de Virginie, décrivit l’un de ses patients, dont l'évolution clinique suggérait que les symptômes mentaux pouvaient être liés aux pensées et aux intentions malveillantes d'autrui. Il s'agissait d'un professeur de 45 ans, qui était devenu si déprimé qu'il avait dû être hospitalisé. L’une des raisons principales de sa dépression était des désaccords avec des collègues de son département. Alors que son état paraissait s'améliorer, il empira brusquement un jour et il se plaignit de la dégradation de ses sensations. "Il apparut plus tard", écrivit Stevenson, "que l’aggravation de son état coïncidait temporellement avec des réunions de ses opposants dans son département qui, en fait, complotaient pour l'évincer de son poste."1 Stevenson supposait que son patient captait les intentions et les pensées négatives d'autrui. Des connexions malveillantes sont-elles inhérentes à l'Esprit universel ? Comme signalé par le chercheur Guy Lyon Playfair, spécialiste des jumeaux, le partage à distance des pensées et des sentiments prend parfois des dimensions macabres, comme dans le cas des jumeaux mâles conçus au printemps 1962 par Rozalia Cosma à Brasov, en Roumanie.2 Elle les baptisa Romulus et Remus, d'après les jumeaux légendaires abandonnés à leur triste sort, mais secourus et allaités par une louve. Romulus devint le fondateur et le premier roi de Rome. Comme c'est souvent le cas pour des jumeaux, les jumeaux roumains éprouvaient le partage des sensations à distance.3 En grandissant, quand l'un des deux avait un accident, l'autre éprouvait souvent de la douleur. À l'âge adulte, Remus s'établit à Cluj, dans le centre de la Roumanie, et Romulus élut domicile dans le port de Constanta, sur la mer Noire, à 800 km de là. Ils continuèrent à partager leurs émotions et leurs sensations physiques. La correspondance pouvait être déroutante. Ils contractèrent la jaunisse en même temps, et quand Romulus se cassa une jambe au cours d'une excursion dans les Carpates, Remus tomba dans un escalier à Cluj et se cassa lui aussi une jambe. Au cours de l'automne 1987, Remus commença à fréquenter Monika Szekely, et une semaine plus tard, Romulus commença à courtiser une fille qui s'appelait aussi Monika. Au printemps suivant, Remus épousa sa Monika et, en 1989, ils emménagèrent dans un nouvel appartement. Leur mariage connut rapidement des moments difficiles et ils se disputaient quotidiennement. Le 16 mai 1993, à 22 heures, Remus rentra ivre à la maison et sa femme lui cria qu'elle avait l'intention de prendre un amant. Il la plaqua contre un mur et elle s'empara d'un couteau. Remus le lui arracha des mains et la poignarda à 12 reprises. À minuit, il se rendit au poste de police pour se livrer. Le même soir, à 23 heures, Romulus avait une discussion avec Monika, sa petite amie. Alors que leur relation s'était déroulée sans heurts jusqu’alors, Romulus fut brusquement pris d'un accès de rage et l'étrangla. Il déclara à la police de Constanta : "Je ne sais pas pourquoi j'ai commis ce crime monstrueux. Quand j'ai commencé à étrangler ma petite amie, je me suis senti poussé par une force invisible, et je n'ai pas pu, ou peut-être pas voulu, lui résister." Les enquêteurs découvrirent que Remus avait commis son crime quelques minutes seulement avant celui de son jumeau. NUREMBERG Une réflexion cohérente et synchronisée et des émotions partagées relevant de l'Esprit universel peuvent être appréciables, voire indispensables, comme dans les cas des membres d'un orchestre, d'une équipe sportive ou d'une unité militaire. Mais dans d'autres situations, elles peuvent être désastreuses. Les rassemblements de Nuremberg, organisés chaque année de 1933 à 1938 après l'arrivée au pouvoir d'Adolph Hitler en Allemagne, avaient pour objectif de promouvoir une pensée cohérente et la solidarité entre le peuple allemand et le 234 parti nazi. Plus d'un demi-million de personnes du parti nazi, de l'armée allemande et de la population prirent part à ces rassemblements. Ils furent le théâtre d'expériences sensorielles uniques, comme ce fut le cas lors du rassemblement de 1937, durant lequel la cathédrale de lumière d'Albert Speer, construite à partir de 152 projecteurs, projeta des faisceaux verticaux dans le ciel, symbolisant les murs d'un grand édifice.4 Le vice-führer, Rudolf Hess, avec son discours d'ouverture lors du rassemblement de 1934, galvanisa les foules. Il s'agissait là d'un exemple classique de la manière dont des idées destructrices peuvent fédérer et se propager au sein d'un grand groupe et, finalement, dans toute une nation. LA FOLIE DES MASSES Le danger d'une pensée uniforme et unifiée est le sujet de l'un des livres les plus remarquables du XIXe siècle, Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds, du journaliste écossais Charles Mackay, publié en 1841 et toujours en cours d'impression. Dans un passage qui peut paraître inconfortablement contemporain, Mackay écrivit : "En lisant l'histoire des nations, nous constatons qu’à l’instar des individus, elles ont leurs humeurs et leurs singularités, leurs périodes d'excitation et d'insouciance, où elles ne se préoccupent guère de ce qu'elles fabriquent. Nous constatons que des communautés entières braquent subitement leur esprit sur un sujet puis se déchaînent à sa poursuite, que des millions de personnes sont simultanément impressionnées par une illusion et la pourchassent jusqu'à ce que leur attention soit attirée par une nouvelle folie encore plus captivante que la première. Nous voyons une nation brusquement saisie du plus haut au plus bas échelon du désir féroce de gloire militaire, une autre devenir tout aussi brutalement la proie de scrupules religieux, et aucune d'entre elles ne retrouvera la raison avant d'avoir versé des flots de sang et semé une moisson de lamentations et de larmes, dont héritera sa postérité."5 Le livre de Mackay est un réquisitoire féroce contre des coutumes et des idées qui, rétrospectivement, paraissent absurdes ou lunatiques, mais qui furent embrassées par la culture en général. Il cite par exemple la passion du duel, le mesmérisme, les croisades, les combines d'enrichissement rapide, l'obsession des reliques religieuses et la sorcellerie. 235 Ce thème fut récemment repris par le géographe Jared Diamond, lauréat du prix Pulitzer, dans un livre éclairant, ‘’Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie’’. Diamond montre comment des sociétés entières, tout au long de l'histoire, se sont aveuglées par des modes de pensée pathologiquement cohérents en suivant volontairement leurs certitudes jusqu'à leur propre destruction. LA PENSÉE DE GROUPE Une autre forme pathologique de la pensée unique cohérente, c’est la pensée de groupe, un type de discours pratiqué par un groupe cohésif dont les membres tentent de minimiser les conflits et de parvenir à un consensus sans évaluer les idées de manière critique. La pensée de groupe éteint la créativité individuelle et minimise la responsabilité des décisions prises. Les doutes et les alternatives individuelles étant mis de côté, des décisions hâtives et irrationnelles sont prises, de peur de perturber le consensus et l'équilibre du groupe. Irving L. Janis, psychologue de recherche à l'université de Yale, a analysé des exemples dans lesquels la pensée de groupe a probablement joué un rôle dans les désastres de la politique étrangère américaine, tels que l'incapacité à anticiper l'attaque japonaise sur Pearl Harbor en 1941, le fiasco de la baie des Cochons en 1961, lorsque l'administration du président John F. Kennedy a tenté de renverser le gouvernement de Fidel Castro à Cuba, et l'escalade de la guerre du Viêt Nam sous l'administration du président Lyndon B. Johnson.6 La pensée de groupe est toujours d'actualité au sein du gouvernement. Elle est devenue épidémique au Sénat américain. À l'instar d'un cœur malade au rythme implacable, le Sénat est pratiquement paralysé par l'idéologie et par la rigidité partisane, qui rendent quasiment impossible le compromis, un élément indispensable de la gouvernance démocratique. Le sarcasme de Will Rogers est toujours d'actualité : "On pourrait certainement ralentir le processus de vieillissement, s'il devait passer par le Congrès !"7 236 3ÈME PARTIE : L’ACCÈS À L’ESPRIT UNIVERSEL CHAPITRE 22 : LA SOUPE COSMIQUE Il y a là quelque chose, qui n’aime pas les murs et qui veut les abattre. - Robert Frost1 Certaines individus, et spécialement les enfants, font l'expérience de l'Esprit universel presque sans effort. A une époque où le psychologue du développement, Joseph Chilton Pearce, âgé alors d'une trentaine d'années, enseignait les sciences humaines au collège, il était plongé dans la théologie et la psychologie de Carl Jung. Pearce se décrivait lui-même comme étant "obsédé" par la nature de la relation entre Dieu et l'homme, et ses lectures sur le sujet étaient nombreuses. Un matin, alors qu'il se préparait pour un cours matinal, son fils de cinq ans entra dans sa chambre, s'assit sur le bord du lit et se lança dans un exposé de 20 minutes sur la nature de Dieu et de l'homme. "Il s'exprimait avec des phrases parfaites et publiables", écrivit Pearce, "sans pause ni précipitation, sur un ton neutre et monotone. Il utilisait une terminologie théologique complexe et me dit, semble-il, tout ce qu'il y avait à savoir. En l’écoutant, stupéfait, les poils de ma nuque se hérissèrent, j'avais la chair de poule et finalement, des larmes se mirent à couler sur mon visage. J'étais là au cœur de l'étrange et de l'inexplicable. La voiture qui conduisait mon fils à l’école maternelle arriva en klaxonnant, et il se leva et partit. J'étais déconcerté et j'arrivai en retard à mon cours. Ce que j'avais entendu était faramineux et dépassait de loin tous les concepts que je connaissais. Le décalage était tellement grand que je ne pus me souvenir de presque aucun détail et de peu de choses du vaste panorama qu'il avait présenté. Mon fils ne garda aucun souvenir de l'événement."2 L'interprétation de Pearce était que son fils, un enfant brillant, mais normal, avait répondu à un champ d'informations qu'il n'aurait pas pu acquérir. D'où vient alors cette information ? Le physicien Russell Targ a suggéré que nous vivons dans une "soupe", qui est la source de toutes les informations et de toutes les connaissances que nous avons sur le monde. Pearce l’appelle la "soupe cosmique", un domaine supérieurement organisé duquel on extrait sélectivement des informations. On utilise des termes différents pour définir cette ‘’soupe’’, comme nous l’avons noté. Qu'on parle de soupe cosmique, d'Esprit universel, de la Source, d’un champ de conscience ou de l'inconscient collectif, la Source est l'Intelligence même. Bien que les ingrédients de la soupe cosmique soient les mêmes pour tout le monde, dit Pearce, les échantillons que nous prélevons diffèrent : chaque individu se sert de ce dont il a besoin, ce qui fait que nos perceptions par rapport à cette soupe sont des perceptions sélectives, produisant l'individualité, la diversité et l'unicité.3 Le jeune fils de Pearce semblait avoir accédé à l'Esprit universel et puisé dans la soupe cosmique l'information qui répondait à un besoin, à cet instant. Cette information lui parvint spontanément, sans qu'il l'ait sollicitée, comme une grâce. De nombreuses personnes ont cependant appris à ne pas dépendre de la spontanéité, mais se sont appuyées sur des méthodes éprouvées pour accéder à volonté à l’Esprit universel. Pendant la méditation, la rêverie ou la prière, le temps est souvent perçu comme un éternel présent dans lequel les divisions du passé, du présent et du futur se fondent dans un maintenant qui englobe tout. Dans cet état, ce ne sont pas seulement les séparations temporelles qui disparaissent, mais aussi les séparations entre les personnes et les choses. Cet état est une porte d'accès à l'Esprit unitaire. Cette expérience est étonnamment courante. Elle surgit souvent spontanément, comme lorsque nous sommes transportés par des notes de musique vibrante. Depuis des millénaires, l'homme expérimente comment être au présent et conjuguer les divisions du temps. Les adeptes des différentes traditions spirituelles ont toujours connu ce territoire, ainsi que les poètes et les artistes. De nombreux scientifiques de haut vol sont aussi entrés dans cette dimension intemporelle et ont laissé des traces de leur expérience. C'est le cas de Barbara McClintock, prix Nobel de génétique, qui a déclaré : "Fondamentalement, tout est un. Il n'y a aucun moyen de tracer une ligne entre les choses. Ce que nous 239 faisons [normalement], c'est établir ces subdivisions, mais elles ne sont pas réelles. Je pense que les poètes [...] ont probablement une certaine compréhension de cela."4 LA CRÉATIVITÉ Notre aptitude à pouvoir prélever dans la soupe cosmique a de profondes implications pour la créativité. La créativité est généralement considérée comme un processus de découverte, de fabrication ou d'invention de quelque chose qui n'existait pas avant, mais quand les divisions du temps sont transcendées, il n'y a pas d'"avant" ; tout ce qui peut être connu existe déjà, d’une certaine manière, et n'a besoin que d'être réalisé, pas d'être nouvellement produit. L'Esprit universel, la soupe cosmique de Pearce ou la Source qui n'est pas compartimentée par l'espace et le temps, contient tous les ingrédients nécessaires pour formuler une nouvelle idée, composer une sonate, peindre ou sculpter une œuvre d'art. Puiser dans la Source est la vocation de tout individu créatif. Comme l'écrivit John Briggs dans son livre admirable sur la créativité, Fire in the Crucible, "Pour le génie créateur, l'ancienne perception qu'il est possible d'invoquer une identité entre l'universel et le particulier, entre le personnel et le vaste impersonnel, entre la partie et le tout, est omniprésente. Elle s'exprime à tous les niveaux du processus créatif et domine la vision créative. Dans leurs multiples dispositions et intentions, les individus créatifs sont engagés dans une recherche de plénitude et d'identité personnelle/universelle... "5 Ils sont en quête de l'Esprit universel. Le théoricien des systèmes, Ervin Laszlo, qui est également pianiste classique et l’auteur de 75 livres et de plus de 400 articles, en connaît un rayon sur la créativité. "Nous soulevons la possibilité que l’esprit des personnes exceptionnellement créatives soit en interaction spontanée et directe, bien que pas nécessairement consciente, avec d'autres esprits au sein même du processus créatif"6, dit-il. Et : "Qualifier des individus comme Mozart, Michel-Ange ou Shakespeare ... de "doués" et leurs réalisations d'"œuvres de génie", ne revient pas à expliquer leurs capacités, mais seulement à les étiqueter". Il propose que 240 certains actes de créativité, en particulier lorsqu'ils sont soudains et inattendus, "ne sont pas dus à un coup de génie spontané et largement inexpliqué, mais à l'élaboration d'une idée ou d'un modèle dans deux ou plusieurs esprits en interaction..."7 Ceux qui chérissent l'unicité, l'individualité et la propriété ne sont pas ravis par ce scénario. Voilà le problème : si tous les esprits sont en contact et partagent des informations, à qui revient le mérite ? Si les idées ne peuvent pas être attribuées à des personnes spécifiques, qu'en est-il alors de l'originalité et des réalisations individuelles ? Qui reçoit les honneurs? Les prix Nobel et Pulitzer devraient-ils être retirés ? Devrait-on restituer ceux qui ont déjà été décernés ? D'autres ne sont pas dérangés par cette connexion avec le Tout. Le romancier Joseph Conrad évoquait le "sentiment latent de fraternité avec toute la création, et la conviction subtile, mais invincible de la solidarité qui réconcilie la solitude d'innombrables cœurs."8 Le peintre, Piet Mondrian parlait de la communion de l'artiste avec quelque chose de plus grand que le moi individuel, et notait que "l'art a montré que l'expression universelle ne peut être créée que par une véritable équation entre l'universel et l'individuel."9 L'artiste Paul Klee comprenait que le Tout s'exprime à travers la partie. La "position de l'artiste est humble", disait-il, "il n'est qu'un canal".10 Le psychologue Erich Fromm partageait le point de vue de Klee. Fromm disait que le créateur "doit renoncer à s'accrocher à lui-même comme à quelque chose et commencer à s’éprouver uniquement dans le processus de la réponse créative ; assez paradoxalement, s'il peut s'éprouver lui-même dans ce processus, il se perd lui-même. Il transcende les limites de sa propre personne et, au moment même où il ressent 'Je suis', il ressent aussi ‘’Je suis toi’', je ne fais qu'un avec le monde entier."11 L'individu créatif se sent souvent uni, non seulement aux autres, mais aussi à son instrument. Comme le raconta le pianiste virtuose, Lorin Hollander, "Dès l'âge de trois ans, je passais tous mon temps au clavier, debout, mes mains posées sur le clavier, et je choisissais très précisément les sonorités que je choisissais, parce que je savais que lorsque je jouerais une note, je deviendrais cette note."12 Hollander parlait également de fusion avec les grands compositeurs. Je lui demandai un jour ce qu'il pensait du film Amadeus, qui dépeint la vie de Mozart, 241 et il me répondit : "Ce n'était pas Mozart". Comment le savait-il, lui demandai-je. "Parce que quand je joue du Mozart, je deviens Mozart", répondit-il.13 Le besoin de se fondre dans quelque chose de plus vaste - un Dieu, une Déesse, Allah, Brahman, l'Univers, l'Unique, etc. - sous-tend l'élan de nombreux individus très créatifs. Néanmoins, l'individu créatif ne peut jamais tout voir, étant mortel. Ce qui n'est pas fatal à sa vision. N'importe quelle partie du Tout fera l’affaire, car la Vérité est partout. ''Le monde dans un grain de sable'', de Blake. Pour l'artiste, cette Totalité doit s'affiner, se condenser, se concentrer, se fixer. Léonard de Vinci disait :"C'est là le vrai miracle, que toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les images de chaque partie de l'univers soient concentrées en un point unique."14 Pratiquement, il est bon pour l'écrivain et l'artiste d'essayer de ne communiquer qu'une partie de la Vérité, car rares sont ceux qui peuvent supporter la Vérité sans fard. D'où l'adage soufi, "Personne n'a vu Dieu et vécu" et les propos d'Emily Dickinson : "Dites toute la Vérité, mais en biaisant..."15 Ou, comme l'a dit un petit futé, "La Conscience est non locale, mais, silence, il ne faut le dire à personne !" Qu’en est-il de la logique ? Quel est son rôle dans la mise à profit des riches ressources de l'Esprit universel ? En 1945, le mathématicien, Jacques Hadamard mena une enquête auprès des plus éminents mathématiciens américains pour tenter de connaître leurs méthodes de travail, et en réponse à son questionnaire, Einstein répondit : "Les mots ou la langue, tels qu'ils sont écrits ou parlés, ne semblent jouer aucun rôle dans mon mécanisme de pensée.... Les termes conventionnels ou d'autres signes ne doivent être recherchés laborieusement qu'à un stade secondaire... "16 L'exemple d'Einstein n'est pas exceptionnel. Eugène Wigner, qui reçut le prix Nobel de physique en 1963, partageait son point de vue : "La découverte des lois de la nature requiert avant tout de l'intuition, la conception d'une illustration et un grand nombre de processus subconscients. La confirmation de ces lois est une autre affaire... la logique vient après l'intuition.’’17 Hadamard conclura de son enquête que pratiquement tous les mathématiciens nés ou résidant en Amérique évitaient non seulement l'utilisation de "mots mentaux", mais même 242 "l'utilisation mentale de signes algébriques ou d'autres signes précis....". Les images mentales [qu'ils utilisent] sont le plus souvent visuelles."18 Les dessinateurs représentent souvent des scientifiques avec des bulles d'équations mathématiques qui flottent au-dessus de leurs têtes, mais les mathématiques, comme le langage, se situent souvent au second plan dans leur processus créatif. L'un des exemples les plus remarquables est celui du physicien anglais, Michael Faraday, qu'Einstein plaçait sur un pied d'égalité avec Newton. La pensée de Faraday était presque entièrement visuelle et étonnamment dépourvue de mathématiques. En effet, il n'était pas doué pour les mathématiques, il n'avait reçu aucune formation formelle dans ce domaine et il ignorait tout de l'arithmétique, à l'exception des éléments les plus simples. En revanche, Faraday pouvait "voir" les tensions entourant les aimants et les courants électriques comme des courbes dans l'espace, et il forgea l'expression "lignes de force" pour les décrire. Dans son esprit, celles-ci étaient aussi réelles que si elles étaient constituées de matière solide. Pour Faraday, l'univers entier était constitué de ces lignes de force, et il voyait la lumière comme un rayonnement électromagnétique. Mais ce n'était pas un simple rêveur ; ses visualisations aboutirent à des résultats pratiques, comme l'invention de la dynamo et du moteur électrique.19 Le romancier-philosophe Arthur Koestler réalisa une étude historique sur un grand nombre de génies créatifs dans le domaine scientifique. Dans son œuvre monumentale, Le cri d’Archimède : l’art de la découverte et la découverte de l’art, il arriva à la conclusion que "leur insistance quasiment unanime sur les intuitions spontanées, la guidance inconsciente et les élans soudains d'imagination qu'ils sont incapables d'expliquer, suggère que le rôle des processus de pensée strictement rationnels dans la découverte scientifique a été largement surestimé..."20 Le Paradis perdu de Milton lui fut dicté par une muse, un "chant non prémédité", dit-il.21 Mais, comme indiqué, tout au long de l'histoire, les gens ont cultivé des états de conscience non ordinaires, comme la méditation, pour attirer les muses et faire avancer le processus créatif. Et comme le note Ervin Laszlo, "dans certains cas (relativement rares), ces "états inspirés" sont induits artificiellement par des 243 drogues, la musique, l'autohypnose ou d'autres moyens."22 Comme exemple remarquable, citons celui de Samuel Taylor Coleridge, qui aurait composé son poème épique, Kubla Khan, dans un sommeil induit par l'opium. Souvent, cependant, lorsque les gens utilisent des drogues pour stimuler leur créativité, bien qu'ils aient l'impression d'être entrés en contact avec "la Totalité", cela ne se traduit pas par grand-chose, voire rien du tout, lorsque la drogue se dissipe. La plupart des "œuvres d'art" produites sous l'influence de substances chimiques altérant l'esprit finissent à la poubelle - qui, aux dires d'Einstein, est l'outil le plus important du scientifique. L’URGENCE ET LES HEURES PASSÉES À LA FENÊTRE Le sentiment d'urgence profonde peut catapulter une personne dans un état de créativité accrue. Comme le soulignait Samuel Johnson, "croyez-moi, monsieur, lorsqu'un homme sait qu'il sera pendu dans quinze jours, cela concentre merveilleusement son esprit !"23 Par exemple, le mathématicien français, Evariste Galois, à l'âge de 20 ans, consigna par écrit ses brillantes contributions à l'algèbre supérieure dans les trois jours qui précédèrent un duel au cours duquel il pensait, à juste titre, qu'il serait tué. Arthur Koestler décrivit une crise expérientielle du même ordre. Emprisonné pendant plusieurs mois à Séville en 1937, pendant la guerre civile espagnole, Koestler fut menacé d'être exécuté, parce qu'il était soupçonné d'être un espion, et il ignorait s'il serait encore en vie d'un jour à l'autre. Dans sa cellule, il vécut des expériences qu'il jugeait proches des sentiments décrits par les mystiques, à savoir un sentiment d'unité avec toutes choses. Il évoqua ainsi ses "heures passées à la fenêtre" : Les "heures passées à la fenêtre" m'avaient rempli d'une certitude directe qu'un ordre de réalité supérieur existait, et que lui seul donnait un sens à l'existence... que le temps, l'espace et la causalité, que l'isolement, la séparation et les limites spatio-temporelles du moi n'étaient que des illusions d'optique...C'était un texte écrit à l'encre invisible ; et même si on 244 ne pouvait pas le lire, le fait de savoir qu'il existait suffisait à modifier la texture de notre existence et à rendre nos actions conformes au texte.24 LA PRÉPARATION : ‘’DIEU N’ÉLOIGNERA PAS LES MOUCHES D’UNE VACHE QUI N’A PAS DE QUEUE’’ Même si les percées et les révélations soudaines suggèrent que notre entrée dans l'Esprit universel est tout à fait spontanée, cela aide d’ouvrir la porte, ce qui se fait le plus souvent par une préparation, en perfectionnant son art ou sa technique. Ce n'est pas seulement le hasard qui favorise l'esprit préparé ; l'Esprit universel favorise aussi la préparation. Ce point a été particulièrement mis en évidence dans le monde spirituel. Comme le disait Huston Smith, historien des religions, de la tradition chrétienne, "Tout est un don, mais rien n'est gratuit."25 Vivekananda, de la tradition hindoue, abondait dans le même sens, au 19ème siècle : "Le vent de la grâce de Dieu souffle toujours, mais vous devez hisser la voile."26 Le message de l'Islam est le même. Comme le disait paradoxalement Bayazid Bastami, un mystique soufi du 9ème siècle : "La connaissance de Dieu ne peut s’atteindre en cherchant, mais seuls ceux qui cherchent trouvent."27 Lame Deer, un homme médecine sioux, exprima le sentiment que rien n'est gratuit dans le domaine spirituel : "Tel que je le vois maintenant et tel que je le ressens, je veux que mes visions soient le fruit de mon propre jus, de mes propres efforts, à la manière dure et ancienne. Je me méfie des visions que l’on obtient facilement... La véritable lumière, la plus grande extase ne viennent pas de là.’’28Dans le même esprit, les Fulanis, une tribu d'Afrique de l'Ouest, prolongent cette idée et en font un principe général : "Dieu n'éloignera pas les mouches d'une vache qui n'a pas de queue...’’ 245 CHAPITRE 23 : LE MOI Pourquoi êtes-vous malheureux ? Parce que presque tout ce que vous dites et faites, c’est pour votre propre personne - et elle n’existe pas. - Proverbe chinois Certains individus résistent au concept de l'Esprit universel, parce qu'ils veulent conserver et protéger leur individualité, leur sentiment personnel. Si l'on supprime le moi, disent-ils, ils ne seront plus personne. Mais à quel point est-il vital ? Depuis des décennies, l’idée d’un moi est la victime d'un concours de démolition dans les milieux scientifiques. Un flux constant de livres de scientifiques matérialistes s'est attaqué au sentiment personnel - ce sentiment d'être, fondamental et essentiel, objet de l'introspection, qui fait que je suis "moi" et pas quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, les scientifiques semblent rivaliser pour déterminer qui sera le mieux en mesure de faire table rase de cette idée. Le bouddhisme aurait pu leur épargner cette peine. Le Bouddha enseigna, il y a 2 500 ans, qu'il n'y a pas de moi substantiel auquel s’attaquer. Le moi, disait-il, est une illusion, un amalgame d'émotions, de peurs, de désirs, d'envies et d'aspirations – ce qu'il appelait des attachements – et qui font obstacle à l’évolution et à la transformation. Le Bouddha serait donc d’accord pour dire que les scientifiques qui tentent de se défaire du moi sont sur la bonne voie, puisque le moi est une non-entité. Il ne faut pas confondre le "moi" et le "Soi". Comme l'affirme le psychologue Arthur J. Diekman, de l'université de Californie à San Francisco, "le cœur de la subjectivité - le "Soi" - est identique à la Conscience. Il faut distinguer ce "Soi" des divers aspects de la personne physique et de son contenu mental, qui constituent le "moi". La plupart des discussions sur la Conscience confondent le ‘’Soi" et le "moi". L'identité de la Conscience et du "Soi" signifie que l’on connaît la Conscience en étant celle-ci..."1 Même Einstein, peut-être le scientifique le plus célèbre de l'histoire, reconnaissait la valeur de la rupture avec l'esclavage de l'ego personnel. Dans un langage qui semble résolument oriental, il disait : "La véritable valeur d'un être humain se détermine avant tout dans la mesure et le sens où il est parvenu à se libérer du moi."2 La situation actuelle est ironique. La science moderne, ennemie déclarée du monde spirituel, est en l'occurrence au service de la spiritualité. Le message de la science - à savoir que le moi est une illusion - est conciliable avec de nombreuses grandes traditions de sagesse et il peut constituer une étape sur le chemin de la spiritualité. Ainsi, la science est devenue une alliée involontaire de la spiritualité. Mais les efforts de la science pour éradiquer le moi sont aussi hypocrites. Quiconque a passé beaucoup de temps dans les milieux scientifiques académiques réalise rapidement que les scientifiques peuvent avoir l'ego et le sentiment du moi le plus hypertrophié de la planète. Ils paraissent désireux d’éliminer le moi chez les autres, mais pas chez eux. LA GUERRE CONTRE LE MOI Comme figure emblématique des scientifiques qui ont tenté de mettre le moi en boîte, citons le Prix Nobel, Francis Crick, codécouvreur de la structure de l'ADN. Dans son livre intitulé L'hypothèse stupéfiante : à la recherche scientifique de l'âme, il écrivit : "Les activités mentales d'une personne sont entièrement dues au comportement des cellules nerveuses, des cellules gliales et des atomes, ions et molécules qui les composent et les influencent.3 ..."Vous", vos joies et vos peines, vos souvenirs et vos ambitions, votre sentiment d'identité personnelle et votre libre arbitre, vous n’êtes en fait rien d'autre que le comportement d'un grand assemblage de cellules nerveuses et des molécules qui leur sont associées. Comme aurait pu le formuler Alice, de Lewis Carroll, "Vous n'êtes rien d'autre qu'un paquet de neurones."4 Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Beaucoup de scientifiques matérialistes veulent non seulement démolir le moi, mais également le concept de la conscience. Et c'est là que le jeu devient vraiment drôle, puisqu’en éradiquant la 247 conscience, les scientifiques et les philosophes matérialistes font la guerre à leur propre esprit. Par exemple, le philosophe et spécialiste des sciences cognitives, Daniel Dennett, de l'université Tufts, a déclaré que nous sommes tous des zombies, que personne n'est conscient.5 Il s'inclut lui-même dans cette généralisation et semble en être plutôt fier. Des patients ont été déclarés mentalement inaptes pour des raisons moindres. Comment la science est-elle devenue hostile au moi ? Voici quelques-unes des étapes qui vont dans ce sens : Dans les années 1960, les neurophysiologistes et lauréats du prix Nobel, Roger Sperry et Michael Gazzaniga sectionnèrent le corps calleux de plusieurs personnes qui souffraient d'épilepsie réfractaire, et ils découvrirent que l'hémisphère gauche du cerveau pouvait être conscient de choses dont l'hémisphère droit n'était pas conscient, et vice versa, ce qui suggérait l'idée que le sentiment d’un moi unique et indivisible est une illusion. Au cours des années 1970, le neurophysiologiste Benjamin Libet découvrit que certains mouvements corporels s'enregistraient dans le cerveau, 350 millisecondes avant qu'un individu ne prenne consciemment la décision de bouger cette partie du corps. Cela remit en cause l'hypothèse du libre arbitre. C'est comme si le cerveau disait au moi conscient ce qu'il devait faire, et non l'inverse. D'autres chercheurs, comme Todd E. Feinberg et Antonio Damasio, continuèrent d’étudier la manière dont le sentiment du moi se développe et se perpétue. Dans son livre, The Ego Trick, le philosophe Julian Baggini, de l'University College de Londres, explique qu'il n'y a rien de fondamentalement neuf dans ces développements. Le rejet d'un moi intrinsèque remonte aux premiers temps de la science. En 1664, l'anatomiste anglais, Thomas Willis publia Cerebri Anatome, un essai détaillé qui visait à contourner la nécessité d'un moi en expliquant comment des parties du cerveau produisaient les "esprits animaux" censés animer la pensée et l'action. Les empiristes britanniques, John Locke et David Hume soutenaient que ce qui fait de vous la même personne au fil du temps, c'est la continuité de votre vie mentale, et non un moi indépendant. Depuis la 248 diffusion de ces idées, la connaissance du cerveau s'est affinée, et elle est devenue objectivement utile, bien sûr, "mais philosophiquement parlant, [la science moderne] n'a réellement fait que compléter les détails et enfoncer les derniers clous dans le cercueil des conceptions archaïques de l'âme et du moi", écrivit Baggini. Le consensus actuel, c’est qu'il n'y a pas d'endroit dans le cerveau où "tout se combine", pas d'endroit dans le cerveau où réside le sentiment du moi, ni l'âme. L'âme et le moi ne sont que des concepts illusoires. Ces impressions se manifestent simplement - le mot à la mode est "émergent" – lorsque les différentes parties du cerveau interagissent harmonieusement. "Le Bouddha, qui croyait qu'il n'y a pas de moi permanent, mais rien qu'une série d'expériences conscientes connectées, partageait à peu près le même point de vue", écrivit Baggini. "Les neurosciences le confirment et expliquent les mécanismes de ce moi dénué de centre..."6 Mais, là encore, on peut entendre des échos contradictoires, comme quand des scientifiques éprouvent un sentiment d'accomplissement personnel et d'autosatisfaction en ayant banni la notion du moi. Ou quand des spécialistes des sciences cognitives, comme Dennett utilisent leur propre conscience pour réfuter l'existence de la conscience. Mark Vernon, auteur, journaliste et physicien britannique, souligna l'absurdité de cette position : "Alors, lorsque vous lirez la prochaine fois que la conscience est un épiphénomène, que les humains sont des zombies ou que nous sommes des phénotypes jetables, riez un bon coup. Que des sujets humains puissent même porter un tel jugement sur eux-mêmes est en soi la preuve que nous sommes bien plus que cela."7 LA SPIRITUALITÉ ET LE MOI Le fait que la science soit parvenue à démolir le moi n'est pas extraordinaire. Les traditions spirituelles s'y emploient depuis des millénaires, comme nous l'avons dit. Et pas seulement le bouddhisme. Le même message est implicite dans le Nouveau Testament, quand Jean le Baptiste dit, en parlant du Christ : "Il faut qu'Il croisse et que je diminue."8 249 Le problème, c'est que la science ignore quand s'arrêter. A la place de se contenter d’occire le moi, la science a tenté de commettre un double homicide, en tuant aussi la conscience. Le Soi devient un dommage collatéral. Carl Jung estimait qu'il n'y avait aucun moyen d'éviter ce qu'il appelait le côté "psychique" de la vie. Selon lui, "c'est un préjugé presque absurde de supposer que l'existence ne peut être que physique. En fait, la seule forme d'existence dont nous ayons une connaissance immédiate est psychique. Nous pourrions tout aussi bien dire, au contraire, que l'existence physique n’est qu’une simple inférence, car nous ne connaissons la matière que dans la mesure où nous percevons des images psychiques transmises par les sens."9 Le grand échec de la science, c'est qu'ayant dépouillé la vie du moi et de l'âme, elle n'a rien à mettre à leur place, hormis l'idée que les humains doivent simplement se comporter en hommes, vivre noblement et avancer courageusement dans les ténèbres. Aux yeux de beaucoup, cela ne suffit pas. C'est la raison pour laquelle les preuves suggérant l'existence de l'Esprit universel sont importantes. L'Esprit universel, dont participent tous les esprits individuels, nourrit l'élan humain vers la transcendance. Beaucoup de preuves montrent que les gens retirent plus qu'une satisfaction émotionnelle des croyances spirituelles, qui comprennent le sentiment d'être connecté à "quelque chose de plus grand". Comme l'ont montré l'épidémiologiste social, Jeff Levin, et beaucoup d’autres chercheurs, des centaines d'études indiquent qu'en moyenne, les individus qui suivent une voie spirituelle dans leur vie vivent beaucoup plus longtemps que les autres, et qu'ils sont moins touchés par des maladies graves, comme les maladies cardiaques et le cancer.10 Les avantages tangibles d'une orientation spirituelle sont rarement reconnus dans les efforts récents déployés pour décrire les croyances spirituelles comme n'étant rien de plus que des fantasmes nuisibles, d’auteurs, tels que Richard Dawkins (Pour en finir avec Dieu), Christopher Hitchens (Dieu n’est pas grand : comment la religion empoisonne tout ; The Portable Atheist), Daniel Dennett (Breaking the Spell : Religion as a Natural Phenomenon) et Sam Harris (The End of Faith). 250 RIEN, NÉANT, PERSONNE Dans son livre primé, Epiphanies, la psychothérapeute Ann Jauregui dit : "Depuis Freud ... on s'est focalisé comme un laser sur l'unicité de l'individu. Dans le domaine de la psychothérapie, l'accent a été extraordinairement mis sur la valeur du développement du "sentiment de soi" ou d'un "ego autonome" ; la "séparation-individuation" est considérée comme indispensable pour grandir. Tout ce langage est lié à la notion occidentale d'un esprit humain individuel et limité."11 Cependant, il existe des exemples remarquables d'individus qui semblent faire un pied de nez à l'idée d'un moi entier, et ils le considèrent comme une commodité arbitraire qui peut parfois les gêner. Quand c'est le cas, ils s'en débarrassent temporairement pour devenir sans identité ou plus personne, en quelque sorte. UNE EMPATHIE POUR L’ORGANISME ‘’Regarder un objet, c’est venir l’habiter.’’ - Maurice Merleau-Ponty12 On peut citer l'exemple de Barbara McClintock, lauréate du prix Nobel et généticienne, qui travailla sur les gènes, les chromosomes et les plants de maïs. Elle déclara un jour que son succès était dû au fait qu'elle avait "de l'empathie pour l'organisme."13 C'est un euphémisme. McClintock entrait psychologiquement dans un problème si profondément qu'elle devenait le problème. Elle avait le sentiment de pouvoir se glisser dans le microscope pour côtoyer les gènes afin d’observer de plus près leur comportement. Elle cessait d'exister en tant que personne, et en émergeant de la contemplation du problème, elle ne se rappelait littéralement plus son nom. "Les choses sont bien plus merveilleuses que ce que la méthode scientifique nous permet de concevoir", disait-elle. 251 McClintock a toujours été un peu bizarre. Précoce dès l'enfance, elle ne cessa de sortir des sentiers battus. Elle pratiquait la méditation orientale, explorait les perceptions extrasensorielles et elle expérimentait le contrôle mental de sa propre tension artérielle et de sa température. Un jour, Joshua Lederberg, lauréat du prix Nobel, biologiste et généticien moléculaire, visita son laboratoire et il s'exclama : "Bon Dieu ! Ou cette femme est folle, ou c'est un génie !'' Pour éprouver "de l'empathie pour l'organisme", il faut oser être l'organisme. Ce qui signifie dépasser les limites qui nous séparent les uns des autres et des autres formes de vie. Ce qui signifie accéder à l'Esprit universel. Le polymathe allemand, Johann Wolfgang von Goethe, le savait. Goethe, l'auteur de Faust et de beaucoup d'autres œuvres diverses, s’opposait à la méthode scientifique de l'époque mettant l'accent sur l'objectivité, la neutralité et la distanciation. Il pensait que la compréhension de la nature passait par la participation. Par exemple, pour comprendre une plante, il faut entrer dans sa vie. Il qualifiait son approche scientifique "d’empirisme délicat qui, le plus intérieurement, se rend identique à l'objet et devient par là-même la théorie réelle."14 Le thème de la science participative de Goethe fut repris 130 ans plus tard par Heinz Kohut, un éminent psychanalyste américain d'origine autrichienne. Kohut estimait que la méthodologie scientifique conventionnelle était "distante de l'expérience", déconnectée de l'observation réelle. Il proposa comme alternative une approche "proche de l'expérience", suivant laquelle les données pouvaient être acquises directement à partir de l'empathie et de l'introspection. L'empathie était cruciale, selon lui, pour éviter que les recherches scientifiques ne soient "de plus en plus déconnectées de la vie humaine."15 Il pensait que l'élimination de l'empathie de la science avait abouti à une approche froide, indifférente et rationnelle, qui favorisait les objectifs des régimes totalitaires brutaux et qui avait conduit à "certains des projets les plus inhumains que le monde ait jamais connus."16 "Pour résumer, Kohut dit que le nouvel idéal de la science "pouvait être condensé en une seule phrase évocatrice : nous devons aspirer non seulement à l'empathie scientifique, mais aussi à une science empathique’’17 - en d'autres termes, une science de l'amour, ce qui n'est possible qu'en supprimant 252 les démarcations tranchées que nous appliquons pour établir la choséité du monde. Pour ceux qui objectent que cela conduirait à de la pseudo-science approximative, l'évidence suggère le contraire, comme le prouvent l'expérience et les réalisations de McClintock. Comme le montre John Briggs dans son livre, Fire in the Crucible, on peut dresser une longue liste de grands noms de la science qui attribuent leurs intuitions extraordinaires à des moments où le sentiment d'identité fut temporairement abandonné.18 Ils oublièrent qui ils étaient et où ils étaient. Ils partirent ailleurs - dans une rêverie, dans des rêves, dans une absence mentale - et l'idée clé leur apparut de manière inattendue, comme une épiphanie, une révélation, une dissolution des limites entre ce monde et l'autre. QUAND LE MOI DISPARAÎT : LE PARCOURS DE SUZANNE SEGAL Mais ce n’est pas toujours aussi simple. Comme l'a dit Bouddha, "des événements se produisent, des actes sont accomplis, mais il n'y a pas d'auteur individuel de ces actes". Bien que l'objectif de nombreuses traditions spirituelles soit de transcender l'auteur individuel illusoire, une expérience d'absence de soi n'est pas toujours plaisante. Un jour de 1982, Suzanne Segal, une Américaine de 27 ans vivant à Paris, monta dans un autobus et se retrouva subitement, sans avertissement, dépourvue d'ego et de tout sentiment d'identité personnelle. Voilà comment elle décrivit son expérience : " Je levai le pied droit pour grimper dans le bus et j'entrai en collision frontale avec une force invisible qui s'introduisit dans ma conscience, à l’instar d’un bâton de dynamite explosant silencieusement, soufflant la porte de ma conscience habituelle, la faisant sortir de ses gonds, me séparant ainsi en deux. Dans l'espace béant apparaissant, ce que je nommais jusque-là "moi" fut puissamment projeté en dehors de son emplacement habituel, à l'intérieur de moi, vers un nouvel emplacement situé à environ 30 centimètres à l’arrière et à la 253 gauche de ma tête. Je me situais maintenant derrière mon corps, en contemplant le monde sans utiliser les yeux du corps."19 Lorsqu’elle ouvrit les yeux, le lendemain matin, le sentiment d'être sans identité était encore là. Son esprit "débordait d'inquiétude". Était-ce une psychose ? De la schizophrénie ? Cela allait-il partir ? Effrayée et confuse, elle se noyait dans un tourment mental. Elle n'était plus certaine d'être saine d'esprit. Elle avait l'impression que son propre nom ne se rattachait plus à personne.20 Elle avait l'impression que son "... corps, que son esprit, ses paroles, ses pensées et ses émotions étaient tous vides ; qu’ils n'avaient plus de propriétaire, plus personne derrière eux."21 Pendant des années, elle consulta toute une série de thérapeutes pour tenter de donner un sens à ce qui s'était passé. Le diagnostic officiel était un ‘’trouble de la dépersonnalisation’’. Segal n'était pas une néophyte. Bien des années avant le "choc de l'arrêt de bus’’, elle avait été une chercheuse spirituelle sincère, adepte de la méditation et des retraites, mais elle avait cessé ces pratiques. Elle finit par se tourner vers des enseignants spirituels de la communauté bouddhiste californienne pour obtenir de l'aide. A la suite de la diffusion de son histoire, elle reçut des lettres de félicitations de la part de nombreux maîtres spirituels, tant orientaux qu'occidentaux. Selon eux, elle était spontanément entrée dans l'état d'absence d'ego que de nombreux chercheurs spirituels s’efforcent d'atteindre. L’une des lettres qu'elle reçut de la part d'un célèbre gourou indien disait : " Quelle expérience merveilleuse ! Elle doit rester éternellement avec vous. C'est la liberté parfaite. Vous avez atteint moksha, l'état des sages réalisés."22 Après la perte de son sentiment d'identité, Segal réussit à rester très fonctionnelle. Elle décrocha un doctorat en psychologie. Elle approfondit ses connaissances sur les caractéristiques psychologiques de la dépersonnalisation, de la déréalisation et de la dissociation. Lorsque son autobiographie, Collision with the Infinite, fut publiée en 1996, elle entreprit de faire des présentations publiques et elle commença à animer des groupes de dialogue hebdomadaires. Douze ans après sa rupture initiale avec son moi, Segal entra dans une autre phase de son expérience, qui impliquait un sentiment d'unité avec tout le reste. 254 Voici ce qu'elle écrivit : "Au milieu d'une semaine particulièrement mouvementée, je roulais vers le nord pour rencontrer des amis, lorsque je pris soudainement conscience que je roulais en moi-même. Pendant des années, il n'y avait plus eu de moi du tout, mais ici, sur cette route, tout était moi, et je roulais en moi pour arriver où j'étais déjà. Essentiellement, je n'allais nulle part, car j'étais déjà partout. Ce vide infini que je me savais être m'apparaissait maintenant comme la substance infinie de tout ce que je voyais."23 Segal avait accédé à un état de conscience non-locale. Cela dura deux ans. Les symptômes antérieurs et les vieilles peurs réapparurent, mais cette fois avec plus d'intensité qu'auparavant, et ils devinrent psychologiquement problématiques. En février 1997, à l'âge de 42 ans, elle déclinait mentalement et physiquement. Elle fut hospitalisée et ses médecins découvrirent une tumeur cérébrale maligne. Elle mourut deux mois plus tard. On ignore toujours dans quelle mesure sa tumeur cérébrale a pu contribuer à ses expériences ou si elle a joué un rôle quelconque. En psychologie transpersonnelle, on dit qu'avant de transcender la personne, il faut d'abord en être une, et qu’avant de transcender l'ego, il faut d'abord en avoir un. Le message, c’est que les premières étapes fondamentales de la maturation psychologique ne peuvent pas être court-circuitées ou contournées sans risque. Faire autrement, c'est comme essayer de courir sans avoir d'abord appris à marcher. Certains indices suggèrent que ce type de problème a pu affecter Segal. Durant les derniers mois de sa vie, elle découvrit des souvenirs d'abus subis pendant son enfance. Pour autant, personne ne peut prétendre comprendre parfaitement la psyché de cette femme attachante, complexe et magnifique. Suzanne Segal fut une exploratrice courageuse de la vie intérieure. Elle mit son âme à nu pour que d'autres puissent apprendre de son expérience. Son héritage continue d'inspirer des milliers de personnes. Son parcours nous rappelle sobrement que le "dépassement de soi" n'est parfois pas aussi béat, comme on l'imagine souvent, et que les voies spirituelles qui encouragent un tel dépassement de soi ne sont pas pour les mauviettes.24 255 Incidemment, je n'ai jamais été à l'aise avec les suggestions d'après lesquelles l'expérience négative de Segal de n'être personne serait le résultat de traumatismes enfouis dans son passé. Je peux me tromper, mais il y a un soupçon de désespoir dans ce raisonnement, ainsi qu'un soupçon de culpabilisation de la victime. Il me semble qu'il serait beaucoup plus honnête de simplement dire que cet abandon de soi n'est pas une garantie de bonheur émotionnel. Il est simplement purement ce qu'il est. Cette perspective d’acceptation de l'expérience vécue selon ses propres termes est illustrée dans l'allégorie taoïste des goûteurs de vinaigre, qui se déroule au 6ème siècle avant J.-C. Confucius, Bouddha et Lao Tseu, le fondateur du taoïsme, se tiennent autour d'une cuve de vinaigre et trempent chacun un doigt dans le vinaigre et le mettent en bouche. "Plutôt aigre !", commenta Confucius. "Amer !", rétorqua Bouddha. "Juste authentique !", conclut Lao Tseu. Les disciples de Lao Tseu ont peut-être inventé ce scénario à des fins promotionnelles. Quoi qu'il en soit, la réponse de Lao Tseu est généralement interprétée comme signifiant que les expériences désagréables ou déplaisantes de la vie ne doivent pas être aseptisées, ignorées, ni intellectualisées, mais considérées comme faisant partie du flux naturel de la vie. L’ORDINAIRE EST L’EXTRAORDINAIRE Les connexions intimes entre individus par la voie de l'Esprit universel sont souvent associées à des phénomènes extraordinaires, tels que la connaissance à distance, la connaissance d'événements avant qu'ils ne se produisent, la communication à distance entre personnes, etc. J'ai connu de nombreuses personnes qui étaient fascinées par ces phénomènes et qui s'efforçaient de les manifester dans leur propre vie, comme s’ils étaient d'une suprême importance. Pourtant, les grandes traditions spirituelles mettent l'accent sur l'ordinaire, la discrétion et la simplicité. Les feux d'artifice spirituels sont généralement considérés comme des distractions. À titre d'exemple, on peut citer sainte Thérèse d'Ávila qui, dans une lettre écrite en janvier 1577, déclarait : "J'ai encore eu des extases. C'est très embarrassant. Plusieurs fois en public... pendant 256 Matines, par exemple. J'ai tellement honte que j'ai juste envie de me cacher quelque part !25 Un étudiant du bouddhisme zen rapporta à son maître que pendant sa méditation, il avait eu des visions de Lumière et de la véritable bouddhéité. Le maître répondit sobrement : " Continuez de méditer. Cela passera."26 Dans une histoire similaire, le maître zen Joshu annonça un jour que le jeune moine Kyogen avait atteint l'état d'Eveil. Très impressionnés par cette nouvelle, plusieurs de ses pairs allèrent lui parler. "Nous avons entendu dire que tu étais éveillé. Est-ce vrai ?", lui demandèrent ses condisciples. "Oui, c'est vrai", répondit Kyogen. "Dis-nous comment tu te sens", dit l'un de ses amis. "Toujours aussi pauvre", répondit le très éclairé Kyogen.27 Les personnes qui suivent une voie spirituelle prennent souvent conscience de la préciosité de l'instant présent. Ainsi, Adair Lara, auteure, journaliste et enseignante, remarqua : "Et certains, comme moi, commencent tout juste à estimer la puissante religion de la vie ordinaire, une spiritualité marquée par des sols fraîchement lavés, de la vaisselle empilée et des vêtements séchant sur le fil."28 Néanmoins, même l'ordinaire peut s'avérer trompeur. Si l'ordinaire est érigé comme une fin en soi, il peut être aussi tyrannique que le désir d'extraordinaire. C'est l'équilibre qui compte, la volonté d'accepter, sans juger, tout ce qui arrive, parce qu’on sent l’adéquation sous-jacente de toutes choses. C'est ce qu'illustrent l'enseignement du zen, selon lequel "établir des distinctions est la maladie de l'esprit", et l'identité paradoxale de Jésus, qui est à la fois l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier. Comme le disait Maître Eckhart, ce prédicateur provocant de l'Allemagne du 14ème siècle, "Tout loue Dieu. Les ténèbres, les privations, les imperfections,, le mal aussi louent Dieu et Le bénissent."29 Paul Tillich, un des théologiens chrétiens les plus respectés du 20ème siècle, souscrivait à ce paradoxe en disant : "Dans son sens originel, la notion de sainteté englobe autant le divin que le diabolique....L'auto-affirmation de l'Être sans le non-être ne serait même pas une auto-affirmation, mais une auto-identité fixe et immuable. Rien ne serait manifesté, rien ne serait exprimé, rien ne serait révélé.... Sans le 257 négatif que Dieu doit surmonter en Lui-même et dans ses créatures, son autoaffirmation positive resterait lettre morte. Il n'y aurait pas de vie... "30 Florence Nightingale, la fondatrice des soins infirmiers laïques modernes, était une femme profondément spirituelle, qui comprenait ces subtilités. ‘’Tout le monde nous dit que l'existence du mal est incompréhensible, alors que je crois qu'il est beaucoup plus difficile - voire impossible - de concevoir l'existence de Dieu (ou même d'un homme bon) sans le mal. Le bien et le mal sont des termes relatifs, et aucun n'est intelligible sans l'autre’’31, dit-elle.. Jung partageait cet avis. "La personne entière", disait-il, "est celle qui a à la fois marché aux côtés de Dieu et lutté contre le diable."32 Cette ambiguïté sans concession est exigeante, et c'est l'une des raisons pour lesquelles les voies spirituelles ésotériques n'ont jamais été aussi populaires que les certitudes réconfortantes en noir et blanc de la plupart des religions. Mais pour ceux qui pénètrent ces enseignements, il n'y a pas de retour en arrière possible. En outre, il ne s'agit jamais d'opposer l'Esprit universel à l'esprit individuel, ou le collectif au personnel. On ne parle pas de contre, mais d’avec. Les opposés se complètent, se définissent, s’éclairent et se stimulent mutuellement. Ainsi que le disait ce grand enseignant du zen que fut Alan Watts : "Le grand principe de la métaphysique est le suivant : tout intérieur a un extérieur, et tout extérieur a un intérieur."33 "Après l'extase, la lessive", dit mon aphorisme favori. Tout comme le divin valse avec le terrestre, l'Esprit universel danse avec l'esprit individuel. 258 CHAPITRE 24 : L’ESPRIT UNIVERSEL EST-IL DIEU ? Quelle œuvre que l'homme ! Si noble dans sa raison, Si infini dans ses facultés, Si expressif et si admirable dans sa forme et dans ses mouvements, Si semblable à un ange dans ses actions, Si semblable à un dieu dans son appréciation. - William Shakespeare, Hamlet, Acte 2, Scène 2 Ce qui atteste que Dieu est en moi, me rend fort. Ce qui tend à faire ressortir que Dieu se situe en dehors de moi, Me rend pareil à une verrue et de la vermine.1 - Ralph Waldo Emerson L'idée de l'Esprit universel, dont font partie intégrante tous les esprits individuels, conduit naturellement à la question suivante : l'Esprit universel est-il Dieu ? Si l'Esprit universel est la source de toutes les informations connues et connaissables, alors Il est omniscient. L'omniscience est une caractéristique généralement attribuée au Divin. Et si l'Esprit universel est non local - non localisé dans des points spécifiques de l'espace, tels que des cerveaux ou des corps, et non confiné dans des points spécifiques du temps, tels que le présent -, alors Il est omniprésent et éternel. L'omniprésence et l'éternité sont également des caractéristiques généralement attribuées à Dieu, l'Absolu, le Divin, le Tout. L'Esprit universel non local implique donc la prémisse inévitable que nous partageons des caractéristiques communément réservées à Dieu. Est-ce pourquoi Jésus a déclaré : "N'est-il pas écrit dans votre loi : J'ai dit : Vous êtes des dieux "2 et "Le royaume de Dieu se situe au-dedans de vous "3 ? Et pourquoi les anciennes Upanishads de l'Inde proclament Tat tvam asi, "tu es Cela" ? L'idée d'une divinité intérieure n'est pas très bien accueillie dans les cultures occidentales. Nos religions dominantes nous assurent que nous naissons en tant que pécheurs indignes, condamnés à la perdition, à moins d'être rachetés par un acte salvateur. Revendiquer notre divinité naturelle, plutôt que de reconnaître notre indignité naturelle est considéré comme un blasphème. Les personnes qui revendiquèrent une telle prise de conscience l'ont souvent payé de leur vie. On peut citer l'exemple de Maître Eckhart dans l'Allemagne du 14ème siècle. Eckhart prêchait à ses fidèles : "S'il est vrai que Dieu s'est fait homme, il est aussi vrai que l'homme s'est fait Dieu....". Là où Je suis, il y a Dieu, et là où Dieu est, Je suis.... Voir Dieu pareillement en toute chose, c'est être un homme... "4 Ce genre de discours attira les foudres de l'Inquisition, qui fondit sur Eckhart avec férocité. Cet homme doux et compatissant fut condamné pour hérésie, et il aurait probablement été brûlé sur le bûcher s'il n'était pas mort avant la fin de son procès. L’un des témoignages les plus éloquents des temps modernes sur l'union du divin et de l'humain en un seul Esprit est celui du physicien Erwin Schrödinger, lauréat du prix Nobel de physique. Pour lui, "la Conscience est un singulier, dont le pluriel est inconnu ; ... il n'y a qu'une seule chose et ce qui semble être une pluralité n'est qu'une série d'aspects différents de cette seule chose, produite par une supercherie (la maya indienne) ; la même illusion se produit dans une galerie de miroirs ... "5 Pour Schrödinger, cet Esprit universel singulier, c'est Dieu. Sans aucun équivoque. Dans l'Esprit universel, les humains ne sont pas "comme" Dieu ou "semblables" à Dieu. Ils sont Dieu. Schrödinger était conscient de la controverse théologique que cela suscitait : Dans la terminologie chrétienne, dire : "Je suis donc Dieu tout-puissant" semble à la fois blasphématoire et insensé. Mais ne tenez pas compte de telles connotations, ici.. En soi, l'idée n'est pas neuve. À ma connaissance, les premières traces remontent à 2 500 ans ou plus. Dans les premières grandes Upanishads, la reconnaissance que l'Atman = Brahman (le Soi personnel égale le Soi éternel omniprésent et omnipénétrant), loin d’être blasphématoire, était considérée dans la pensée indienne, comme la quintessence de l'intuition la plus profonde par rapport aux événements qui se produisent dans le monde. Après avoir appris la prononciation 260 orale, tous les adeptes du Vedanta s'efforçaient d'assimiler dans leur esprit cette pensée la plus grandiose qui soit. Par ailleurs, les mystiques de nombreux siècles, indépendamment les uns des autres, mais en parfaite harmonie ... ont chacun décrit l'expérience unique de leur vie en des termes condensable en cette phrase : Deus factus sum (je suis devenu Dieu). Pour l'idéologie occidentale, une telle pensée est restée étrangère, malgré Schopenhauer et d'autres qui l'ont défendue, et des vrais amoureux qui, en se regardant dans les yeux, prennent conscience que leur pensée et leur joie sont numériquement une, et pas simplement semblables ou identiques ... Une goutte d'eau dans l'océan ne fait qu'un avec l'océan tout entier en termes de composition chimique, mais pas en termes de volume et de puissance. De même, un être humain peut être identique à l'Absolu à certains égards, mais pas à d'autres. Jusqu'où va notre unité avec le Divin par l'intermédiaire de l'Esprit universel ? La réintégration de l'humain et du divin est le thème de la "philosophie éternelle", popularisée par l'excellent livre du même nom d'Aldous Huxley. (Huxley reconnaissait que c'était Leibniz qui avait inventé l'expression ‘’philosophia perennis’’’). La philosophie éternelle, écrivit Huxley, est... la métaphysique qui reconnaît une Réalité divine substantielle au monde des choses, des vies et des esprits ; la psychologie qui trouve dans l'âme quelque chose de semblable, voire d'identique, à la Réalité divine ; l'éthique qui place la finalité de l'homme dans la connaissance du Fond immanent et transcendant de tout ce qui existe.6 Personne n'a mieux décortiqué le lien entre l'humanité et le divin que le philosophe des religions, Huston Smith dans ses livres, Forgotten Truth : The Primordial Tradition et Beyond the Post-Modern Mind. Dans l'optique de donner un sens à l'identité Dieu-homme que Schrödinger et Huxley exprimèrent 261 avec tant de force, Smith utilise le concept de la hiérarchie, qui n’est qu’un moyen de classer des choses en fonction d'un certain critère. "La hiérarchie est un vilain mot", disait le romancier Arthur Koestler, qui croyait pourtant à son importance. "Chargé d'associations ecclésiastiques et militaires, il donne à certains l'impression erronée d'une structure rigide ou autoritaire. Cela dit, les hiérarchies sont omniprésentes dans le monde naturel, poursuivit Koestler, "qu'il s'agisse de systèmes inanimés, d'organismes vivants, d'organisations sociales ou de modèles de comportement."7 (Pour minimiser la résistance évoquée par le concept d'une hiérarchie verticale à échelons supérieurs et inférieurs, un autre moyen de représenter ces rapports est la hiérarchie "imbriquée", que l’on représente comme un arrangement de cercles concentriques, avec l’élément le plus ‘’basique’’ au centre et les éléments ‘’plus développés’’ occupant des cercles successifs vers la périphérie. L'abandon de l'échelle verticale au profit de cercles concentriques traduit plus efficacement le ‘’rapport avec’’ que le "pouvoir sur’’). Smith trouve inestimable le concept de la hiérarchie pour répondre à la question du rapport entre l'homme et Dieu. Il s'agit globalement d'une question d'être. Pour lui, "la réalité est graduelle ; l'être se développe avec les niveaux qui s'élèvent". L’ascension est utilisée ici au sens figuré, bien sûr. Il ne s'agit pas d'une ascension littérale, ni d'un déplacement spatial quelconque."8 Smith sait qu'il s'engage sur un terrain délicat en évoquant un tel concept. "Bien qu'il ait été banal au point d'être universel dans le passé, [l'être] est [...] très difficile à saisir pour la conscience moderne. Que peut signifier le fait de dire que X est plus que Y ou plus réel ? ... Être plus réel, c'est avoir plus de propriétés d’’être9. Selon Smith, six de ces propriétés sont (1) le pouvoir, (2) la durée, (3) le lieu, (4) l'unité, (5) l'importance et (6) la valeur10. L'unité et l'unicité impliquent des gradations dans ces propriétés d'être. Une goutte d'eau peut se fondre et ne faire plus qu'un avec l'océan tout entier, mais comme nous l'avons mentionné, elle diffère de l'océan en termes de puissance, de localisation et d'importance. De même, un esprit individuel peut se fondre non localement dans l'Esprit universel, mais en différer, notamment en termes de puissance. Comme le déclara le sage hindou Shankara au 8ème siècle : 262 Même s'il n'y a aucune différence, je relève de Toi, Mais Toi, Seigneur, Tu ne relèves pas de moi ; La vague relève de la mer, en vérité, Mais la mer ne relève pas de la vague.11 Le livre acclamé du philosophe de Harvard, Arthur O. Lovejoy, The Great Chain of Being (La grande chaîne de l'être), traite gracieusement de ces distinctions. Il a montré que la continuité et l'unité du monde constituaient un spectre graduel hiérarchisé, ce qu'Aristote appelait la scala naturae. Il écrivit : Le résultat, ce fut la conception du plan et de la structure du monde que, tout au long du Moyen Âge et jusqu'à la fin du 18ème siècle, de nombreux philosophes, la plupart des hommes de science et, en fait, la plupart des hommes instruits, accepteront sans discussion - la conception de l'univers comme une "Grande Chaîne de l'Être", composée d'un nombre immense, ou... infini... de maillons allant, hiérarchiquement, de l'espèce la plus modeste d'existence... à l'ens perfectissimum... en passant par "tous les degrés possibles"....12 L’ignorance des gradations de l'être peut entraîner ce que l'on a appelé une "erreur de catégorie", où des choses d'un certain ordre sont présentées comme relevant d'un autre ordre ou lorsqu'une propriété est attribuée à quelque chose qui ne peut pas avoir cette propriété.13 Des exemples que l’on utilise souvent sont l’assimilation du menu avec le repas ou d’une carte avec le territoire. Comme exemple qui se fait passer pour de la science, il y a l'assimilation de la conscience non matérielle au cerveau matériel. Un autre exemple précédemment évoqué consiste à dire qu'une seule goutte d'eau est identique à l'océan sans restriction. Une erreur similaire se produit, lorsque nous disons que l'esprit d'un individu est identique à l'Esprit divin, sans prêter attention aux gradations d'être, telles que celles mentionnées par Huston Smith. Le théoricien intégral et auteur Ken Wilber parle d'une erreur analogue qu'il appelle la confusion pré/trans. Cette confusion se produit lorsque, par exemple, nous mettons sur un pied d'égalité des niveaux "supérieurs" et "inférieurs" de réalisation psychospirituelle. Wilber pense que Freud était ''coupable'' d'une 263 confusion pré/trans en assimilant la réalisation mystique de l'unité avec le Divin à une régression dans des états infantiles d'unité océanique. Il suggère que Jung commit involontairement la même erreur, mais dans l'autre sens, en ne sachant pas distinguer certaines formes mythiques primitives primordiales de la réalisation divine réellement archétypique, ce qui poussa Jung et ses disciples dans "la situation extrêmement inconfortable de devoir considérer les archétypes comme étant à la fois très primitifs et très divins", écrivit Wilber. Les thérapeutes jungiens sont contraints tour à tour, selon Wilber, "de vénérer les archétypes et de trembler en leur présence, puisque leurs "archétypes" - qui sont en fait un mélange d'archétypes réels et de formes mythiques très primitives – oscillent/alternent entre la splendeur transrationnelle et le chaos prérationnel". Bien que Wilber se considère comme un jungien à bien des égards, il estime qu'en la matière, "les théories de Jung ont grand besoin d'être révisées."14 Wilber pense que les archétypes divins constituent une traction transcendante plutôt qu'une poussée primitive par derrière. C'est là, écrivit-il, que la psychiatrie moderne s'est égarée. "Je n'ai pas vraiment besoin de mentionner’’, dit-il, "la confusion que les analystes et les psychologues orthodoxes commettent habituellement ; ils prennent des éléments véritablement archétypiques et les présentent comme des exemples parfaits de cognition infantile ou mythique (ou magique) régressive."15 Alors, peut-on faire confiance aux affirmations comme quoi on a accédé à l'Esprit universel, on a fait l'expérience d'une connexion divine ? Comment savoir si toutes ces affirmations ne sont pas une formidable erreur de catégorie ou confusion pré/trans ? La schizophrénie et la folie sont réelles. Mais la réalisation mystique de l'union divine, de la fusion avec l'absolu, de la citoyenneté de l'Esprit universel l'est tout autant, disent de nombreux chercheurs. Dans son style inimitable, Wilber s'attarda sur ces questions dans son livre, Une brève histoire de tout : Les mystiques et les sages sont-ils fous ? ... Ils racontent tous la même histoire de s'éveiller un matin pour découvrir que l'on ne fait qu'un avec le Tout, d'une manière intemporelle, éternelle et infinie. 264 C'est au moins plausible. Et dites-moi : cette histoire chantée par les mystiques et par les sages du monde entier est-elle plus folle que l'histoire du matérialisme scientifique, suivant lequel toute la séquence est une fable racontée par un illuminé, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie absolument rien ?... Laquelle de ces deux histoires semble vraiment complètement dingue, au juste ? …Et je pense que les sages indiquent la même profondeur en vous et en moi et en chacun d’entre nous. Je pense qu'ils sont branchés sur le Tout…Votre identité est effectivement le Tout, et vous ne faites plus partie intégrante de ce courant, vous êtes ce courant; et le déploiement du Tout ne se fait pas autour de vous, mais en vous.16 Ainsi, à la question de savoir si l'Esprit universel est Dieu, nous pouvons répondre : "Non, mais..." Il y a des différences profondes entre ces deux dimensions de l'Esprit universel des humains et de l'Absolu, comme le souligna Huston Smith. D'où l'ancien principe suivant lequel "le supérieur comprend l'inférieur, mais l'inférieur ne comprend pas le supérieur". Ignorer de telle différences peut conduire à l'inflation de l'ego et à un orgueil démesuré. Néanmoins, les similitudes sont réelles et ne devraient pas être minimisées. Nous partageons des qualités avec le Divin, tout comme la simple goutte d'eau de l'océan est une version réduite de l'océan lui-même. Ignorer ces similitudes peut renforcer l’idée désolante que nous sommes des créatures méchantes, iniques et errantes dès la naissance. Comme dans la plupart des domaines, l'équilibre est la clé. L'expérience Deus factus sum de Schrödinger - "Je suis devenu Dieu" - devrait s'accompagner d'un avertissement : ce genre de déclaration peut s’avérer dangereux pour la santé. Les raisons furent données par Schrödinger lui-même : elle "semble à la fois blasphématoire et insensée." Mansur al-Hallaj (app. 858-922) était écrivain et enseignant du soufisme, la tradition ésotérique et mystique de l'islam. De nombreux maîtres soufis estimaient que les idées mystiques ne devraient pas être partagées avec les masses, mais al-Hallaj lui les proclamait. C'est là que la controverse autour de lui 265 enfla. Il commença à se faire des ennemis. Pour ne rien arranger, il tombait parfois en transe, ce qu'il attribuait à la présence de Dieu. Au cours de l'une d'elles, il proclama : "Je suis la Vérité", ce qui fut interprété comme signifiant qu'il prétendait être Dieu, puisque "la Vérité" est l'un des quatre-vingt-dix-neuf noms d'Allah dans l'islam. Un jour, il déclara également : "Il n'y a rien d'autre que Dieu d'enveloppé dans mon turban." Il montrait également son manteau, en disant : "Il n'y a rien d'autre que Dieu dans mon manteau." Il était clair qu'il croyait en l'union complète avec le Divin, que Dieu résidait en lui, et que lui et Dieu n'étaient pas semblables, mais qu'ils étaient devenus une seule et même chose. Il appelait Dieu son seul Soi. Ces déclarations lui valurent d'être emprisonné. Avant son exécution, il demanda à ses coreligionnaires de le tuer, en disant que l'important pour l'extatique est que l'Unique le réduise à l'unité. Il devait savoir ce qui allait se passer. Au bout de dix ans d'emprisonnement, il fut condamné à mourir. Son exécution publique fut un exemple de la férocité que peut susciter la revendication de l'identité divine. Il fut conduit à la potence au milieu des railleries, quant à son identité de Dieu, et il reçut 500 coups de fouet. Sa flagellation fut interrompue avant sa mise à mort pour qu'il puisse apprécier ce qui allait suivre. Al-Hallaj fut alors découpé en morceaux. Ses bras, ses jambes, sa langue et finalement sa tête furent tranchés. Même décapité, on dit qu'il souriait. Le lendemain, son tronc fut brûlé ; le surlendemain, ses cendres furent jetées au vent. Sa tête fut accrochée au mur de la prison, puis transportée dans les quartiers environnants afin de dissuader les fauteurs de troubles.17 6 Des tas de personnes ont senti l'affinité de tous les humains avec l'Unique, mais sans aller aussi loin qu'al-Hallaj. Par exemple, un jeune journaliste effronté demanda un jour à Mère Teresa : "Êtes-vous une sainte ?" Elle lui enfonça un doigt osseux dans la poitrine et lui répondit : "Oui, tout comme vous !"7 Maître Eckhart se montra moins réservé, en déclarant : "L'œil par lequel je vois Dieu est le même que celui par lequel Dieu me voit. Mon œil et l'œil de Dieu 6 Sur le même thème, on pourra trouver sur Partage-pdf.webnode.fr dans la section des articles : • La vérité qui dérange : sommes-nous prêts à l’accepter et à la vivre ? – Aravind Balasubramanya, NDT. 7 Sur le même thème, on trouvera sur Partage-pdf.webnode.fr dans la section des articles : • Chaque saint a un passé, et chaque pécheur (ou pêcheur !) un avenir… -- Aravind Balasubramanya, NDT. 266 sont un seul et même œil : une seule et même vision, une seule et même connaissance, un seul et même amour."18 Plotin n'était certainement pas en reste. Il y a près de deux millénaires, il écrivit : "Sans doute ne devrions-nous pas parler de voir, mais plutôt que de vu et de voyant, parler hardiment d'une simple unité. Car dans cette vision, on ne fait pas de distinction et il n'y a pas deux. L'homme ... se confond avec le Suprême ... ne fait qu'un avec lui."19 Al-Hallaj aurait abondé dans le même sens. 267 CHAPITRE 25 : DÉGAGER LA SERRURE DE CE QUI L’ENCOMBRE Lumière céleste, Rayonne en moi et illumine toutes les facultés de mon esprit, Confère lui la vision, dissipe et disperse tout le brouillard qui y stagne, Afin que je puisse voir et parler des choses invisibles à la vue des mortels. - John Milton1 On est des "voyeurs qui regardent par le trou de la serrure de l'éternité", d'après le romancier, Arthur Koestler. "Mais on peut au moins tenter de dégager la serrure, qui bloque même notre vision limitée."2 Ainsi, tout au long de l'histoire, les hommes ont utilisé une variété étonnante de méthodes pour éliminer le filtre du cerveau et pour intensifier ce qu'Aldous Huxley qualifiait de "maigre filet de conscience". James Merrill, lauréat du prix Pulitzer et l'un des plus grands poètes américains du 20ème siècle, se servait d'une planche Ouija, avec le concours de son ami de longue date, David Jackson. "La planche avance à un rythme soutenu, peut-être 600 mots à l'heure", précisa Merrill. Par ce moyen, Merrill communiquait avec des amis décédés et des esprits "d'un autre monde", selon lui. Les messages étaient transcrits, lettre par lettre, puis Merrill remaniait et réécrivait les transcriptions. Lorsqu’on lui demanda s'il aurait pu écrire ses grands poèmes sans l'aide de ce système, il répondit : "Il semblerait que non". Comment le processus fonctionnait-il ? "On pourrait considérer le système comme un mécanisme qui permet de temporiser'', expliqua Merrill. ‘’Il permet d'étaler dans le temps et tout ce vocabulaire ce qui aurait pu parvenir en un éclair à un saint ou à un illuminé. Compte tenu de la quantité de détails et de mes propres limites, c'était sans doute la méthode la plus efficace.... Cela m'a fait réfléchir à deux fois sur l'imagination.... Victor Hugo disait de ses voix qu'elles étaient comme ses propres forces mentales multipliées par cinq."3 William Butler Yeats employa une méthode inhabituelle pour intensifier son maigre filet de conscience, ce qui se traduisit par l’une des poésies et proses les plus inspirées du 20ème siècle. Dans Une Vision, il constata que sa "poésie récente avait gagné en assurance et en puissance." Yeats expliqua qu'il devait ce changement dans son travail à "une expérience incroyable", qui se déroula le 4 octobre 1917, lorsque sa femme, Georgie Hyde-Lees, le surprit en s'essayant à l'écriture automatique. Le philosophe Michael Grosso décrivit la scène en ces termes : "Des propos profonds et passionnants furent formulés, et un - ou des auteurs inconnus - déclarèrent : " Nous sommes venus vous offrir des métaphores poétiques." C'est ainsi que débuta un extraordinaire partenariat créatif que Yeats poursuivit avec sa femme pendant trois ans... Le texte était le produit d'un effort commun, les transcendant tous les deux, qui étaient plus comme des secrétaires de l'entité psychologique qu'ils produisaient conjointement." Au total, une cinquantaine de cahiers d'écriture automatique furent rédigés, dont Yeats s'inspira pour produire certaines de ses œuvres les plus majestueuses.4 UN ARTISTE ATYPIQUE Certains des exemples les plus spectaculaires de l'utilisation d'états modifiés de conscience pour contourner le mécanisme de filtrage du cerveau sont observés dans ce que l’on appelle l'"art outsider", qui inclut "les œuvres d'enfants, de primitifs, de personnes incarcérées, de personnes âgées, l'art populaire, l'art brut, l'art psychotique et, d'une manière générale, toutes les formes d'art et de création d'images émanant de personnes non instruites, culturellement démunies, isolées et marginalisées."5 Le cas d'Adolf Wölfli (1864-1930), schizophrène paranoïaque interné pendant la majeure partie de sa vie, est un exemple frappant. Ayant grandi dans la pauvreté, victime d'abus physiques et sexuels pendant son enfance et devenu orphelin à l'âge de dix ans, Wölfli était prédisposé aux actes violents et aux agressions sexuelles. Il passa une grande partie de sa vie en isolement à la clinique de la Waldau à Berne, en Suisse, un hôpital psychiatrique. 269 En 1899, alors qu'il était hospitalisé, il se mit spontanément à écrire et à dessiner. Walter Morgenthaler, médecin à la clinique de la Waldau, reconnut le caractère unique et la qualité des dessins de Wölfli et il lui consacra un livre en 1921, qui le fit connaître pour la première fois au monde de l'art. La production de Wölfli était énorme. Comme le releva Michael Grosso, "de 1908 à 1930, il entreprit une œuvre monumentale, mélange d'histoire personnelle authentique et de fantaisie cosmique, un ensemble soigneusement unifié, agrémenté de poèmes en prose, d'illustrations et de compositions musicales." Ce fou mentalement inadapté laissa derrière lui 45 volumes, 16 cahiers, soit 25 000 pages bien remplies, ainsi que des centaines de dessins qui sont aujourd'hui accrochés à côté de l'œuvre de Paul Klee, en Suisse."6 Son succès est d'autant plus étonnant qu'il n'avait accès qu'au strict nécessaire. Il échangeait souvent des petites œuvres avec ses visiteurs pour obtenir des crayons, du papier et d'autres matériaux. Morgenthaler indiqua : Chaque lundi matin, Wölfli reçoit un nouveau crayon et deux grandes feuilles de papier journal non imprimé. Le crayon est déjà usé en deux jours, et il doit alors se contenter des bouts de crayon qu'il a gardés ou de ce qu'il peut demander à quelqu'un d'autre. Il écrit souvent avec des moignons de cinq à sept millimètres de long et même avec des bouts de mine cassés qu'il manipule avec doigté en les tenant entre ses ongles. Il collecte soigneusement le papier d'emballage et tout autre papier qu'il peut glaner auprès des gardiens et des patients de son secteur, sans quoi il serait à court de papier avant le prochain dimanche soir. À Noël, la maison lui offre une boîte de crayons de couleur, qui lui permettent de tenir deux ou trois semaines au maximum. Wölfli inclut une notation musicale originale dans son art. Il s'agissait au départ d'un effort purement décoratif, qui évolua ensuite vers de véritables compositions, qu'il jouait sur une trompette fabriquée avec du papier. Ses œuvres musicales suscitèrent beaucoup d’intérêt. On trouve des enregistrements professionnels dans le commerce et des téléchargements gratuits.7 270 Le surréaliste français André Breton considérait l'œuvre de Wölfli comme "l'une des trois ou quatre œuvres majeures du vingtième siècle."8 Wölfli confia qu'il n'avait aucune idée sur la manière dont il y était parvenu. D'une manière ou d'une autre, cet homme étonnant a réussi dans les conditions les plus sommaire à transformer le maigre filet de conscience de son cerveau en un torrent impétueux. LES DAIMONS Certaines personnes décrivent ce que l'on pourrait appeler dans la terminologie d'aujourd'hui des assistants ou des coachs personnels qui guident leurs décisions de manière invisible, derrière les rideaux de la conscience, en les aidant à surmonter les contraintes quotidiennes imposées par le filtre cérébral. Tout au long de sa vie, Socrate fut guidé par un daimon, une voix intérieure intelligente, dans les petites comme dans les grandes affaires. "Ce qui rend Socrate si extraordinaire, c'est qu'il semble avoir parfaitement fusionné son intellect critique conscient avec son daimon subliminal", écrivit Grosso. "Chez la grande majorité des êtres humains, ces deux éléments sont presque toujours complètement dissociés et déconnectés, souvent à un coût émotionnel et spirituel élevé."9 Le daimon, ou guide intérieur, a parfois sa propre voix, comme dans le cas de Jeanne d'Arc, l'adolescente vierge qui guida la France dans sa lutte contre l'Angleterre au cours de la guerre de Cent Ans. Jeanne fut guidée par des messages subliminaux et des voix tout au long de sa brève vie. Parfois associées à des lumières et à des visions de saints, ces voix commencèrent à s'adresser à elle à l'âge de 13 ans, en lui disant de prier et de se rendre à l'église. Elles finirent par la pousser à sauver la France et lui donnèrent des conseils en matière de stratégie et de tactique militaires. Elle pouvait invoquer les voix en priant. Elles l'accompagnèrent tout au long de la procédure judiciaire, quand ses accusateurs l'inculpèrent de sorcellerie. Elles prédirent même l'heure exacte de sa mort. 271 Une intelligence plus profonde que le moi individuel et rationnel semble nous attendre, si nous apprenons à y accéder. Parfois, elle semble nous rencontrer à mi-chemin, sous la forme de guides, de daimons ou de voix. Dans d'autres cas, comme chez Merrill et Yeats, les informateurs sont plus impersonnels. Cette fusion de l'esprit individuel avec un Esprit supérieur est souvent vécue comme une inspiration qui élève l'individu au-dessus des préoccupations immédiates de l'existence ordinaire. L'intégrité dans la poursuite de l'objectif devient plus importante que la vie même. Socrate affirmait ainsi que la mort en martyr n'est pas une mauvaise chose. Lorsque Jeanne renonça provisoirement à sa mission, ses voix l'incitèrent à revenir sur son renoncement. Les affaires terrestres et la vie elle-même sont importantes, mais elles furent éclipsées par des valeurs, un sens et un dessein plus élevés, révélés par une intelligence supérieure. Je ne veux pas dire que tous ceux qui entendent des voix et qui prétendent avoir une ligne directe avec la sagesse supérieure ont accès à une source d'information valable. La maladie mentale est une réalité. Je suggère toutefois que des personnes comme Merrill et Yeats soient écoutées. Où sont parties les voix ? Apparemment, elles sont toujours là, pour peu que l'on veuille bien les écouter. Dans une enquête menée dans les années 1980 auprès de 375 étudiants et portant sur les hallucinations auditives, 71 % des personnes interrogées signalèrent qu'elles avaient eu des hallucinations vocales au cours de l'état de veille. 30 % d'entre elles signalèrent des hallucinations auditives au cours de l'endormissement et 14 % d’entre elles signalèrent des hallucinations vocales au moment du réveil. Près de 40 % des personnes interrogées auraient entendu appeler leur nom à l'extérieur. 11 % entendirent leur nom être prononcé depuis le siège arrière de leur voiture, tandis qu'un pourcentage similaire déclara avoir entendu Dieu parler "d'une voix réelle."10 Le fait que le terme "hallucination" soit utilisé dans des questionnaires de ce genre indique le scepticisme profondément ancré dans notre culture à l'égard de ces questions, mais des individus créatifs, comme Merrill et Yeats ne se soucient guère de la manière dont les chercheurs décrivent la source de leur 272 inspiration. Leur expérience est-elle réelle ou imaginaire ? Provient-elle de leur inconscient ou d'une autre dimension ? Ils ne s'embarrassent pas de ces questions. Ce qui compte, c'est que le filtre est devenu poreux, que la valve de régulation s'est ouverte au maximum et que le maigre filet de conscience s'est transformé en un raz de marée. L'Esprit universel n'est pas une banque d'informations cryptées qui ne serait accessible qu'à un petit nombre. N'importe quel mot de passe fera l'affaire. Une méthode d'accès telle que les voix ou les planches de ouija peut paraître dérisoire, voire même rebutante pour certaines personnes qui préféreront l'expérience de la rêverie, d'un coucher de soleil, d'un vers d'Emily Dickinson, d'une tapisserie de Rebecca Bluestone ou de l'accord final étourdissant de la chanson "A Day in the Life" des Beatles. LA MALÉDICTION DU PRAGMATISME Il n'y a pas de formules qui garantissent l’accès au domaine de l'Esprit universel. Même quand des accessoires sont utilisés, comme avec Merrill et Yeats, l'accès reste ce qu'il a toujours été - une question d'être et non de faire. On définit une intention, puis on écarte le mental du chemin. C'est pourquoi les manifestations les plus spectaculaires de l'Esprit universel – telles que les révélations, les épiphanies, la créativité - ont lieu quand l'esprit discursif, rationnel et laborieux a été neutralisé par la rêverie, la méditation, les rêves ou toute autre forme de relâche. Les approches musclées, agressives et privilégiant l'ego ne fonctionnent pas. L'intrusion égoïste - tenter d'accéder à l'Esprit universel pour en tirer quelque chose - s'apparente à un cambriolage avec effraction. Les alarmes se déclenchent et le réseau de communication s'arrête. On s'approche de l'Esprit universel avec respect, en reconnaissant une source de sagesse et d'intelligence supérieure à la sienne. On attend alors patiemment et on est reconnaissant pour ce qui est donné. L'Esprit universel adore l'incertitude, l'imprévisibilité et la liberté. Il est ouvert à la vie, aux possibilités et à une variété infinie. Le moyen le plus sûr de condamner 273 notre interaction fructueuse avec l'Esprit universel, c'est de figer le processus d'accès en lui donnant une forme spécifique et définie. C'est la malédiction de notre époque. Si quelque chose s'avère efficace, des sites web et des best-sellers apparaissent du jour au lendemain pour réduire le phénomène en question à sept étapes faciles ou à un plan en une semaine, souvent avec une garantie de remboursement et le parrainage de célébrités. Le pragmatisme est une tentative pour diminuer l'incertitude, que nous détestons. Mais en bétonnant la chose, on la restreint et on la coupe de la vie, et elle cesse de se déployer d'une manière qui soit porteuse de vie. Dans notre culture caractérisée par le manque d'attention, nous voulons quelque chose de certain, et nous le voulons tout de suite. Nous sommes friands d'approches qui pompent la vie des choses, et lorsqu’elles déçoivent, comme c'est systématiquement le cas, alors nous passons à la prochaine grande nouveauté. Le yoga, qui s'est développé dans l'Inde ancienne comme une discipline permettant d'acquérir la clarté spirituelle et la sérénité, est un exemple concret. Nous l'avons réduit à une forme d'exercice qui est devenu extrêmement populaire. On vise actuellement à en faire un sport olympique. Selon une proposition, chaque yogi disposerait de trois minutes pour effectuer sept poses, dont cinq seraient obligatoires. Ils seraient notés par un panel de juges sur la force, la flexibilité, la synchronisation et la respiration.11 Qu'en penserait Patanjali ? Un autre exemple de pragmatisme obtus, c’est la tentative de certains chercheurs d'étudier les effets curatifs de la prière par des moyens très artificiels qui ne ressemblent guère à la façon dont la prière est utilisée dans la vie réelle. Il n'est dès lors pas surprenant que de tels efforts soient souvent infructueux. Sur le plan de l'Esprit universel, le concrétisme est un piège. Quand les voies d'accès à l'Esprit universel sont formalisées, la porte se ferme. Mais pour ceux qui comprennent l'interaction entre le vide et la plénitude, et l'action inhérente au lâcher-prise, la porte de l'Esprit universel est toujours ouverte. 274 CHAPITRE 26 : LES VOIES DU RÊVE ‘’Imaginez-vous rêver pour vous seul ?’’ - Doris Lessing, L’invention du représentant de la Planète 81 Les rêves sont un moyen universel d’accéder à l'Esprit unique. Dans le rêve, le sentiment d’être un moi individuel confiné dans l'ici et le maintenant est suspendu et il est remplacé par des expériences qui ne connaissent aucune limite personnelle, spatiale ou temporelle. Dans les rêves, nous ne sommes pas entravés par la contradiction, par le paradoxe ou par la raison. Pour ces raisons, la créativité s'épanouit souvent dans les rêves. Le rôle des rêves dans l'histoire de la science et de la médecine a été sousestimé, en grande partie parce que les scientifiques préfèrent l'image du penseur logique, rationnel et analytique à celle du rêveur. En général, les informations acquises pendant les rêves ne sont pas quelque chose dont les scientifiques sont désireux de parler publiquement. Il existe toutefois de délicieuses exceptions. J'ai récemment été invité à m'adresser à un grand nombre de médecins de médecine interne lors d'une conférence destinée à les informer des dernières avancées dans notre domaine. Mon sujet portait sur la nature de la conscience et la façon dont elle se comporte souvent d’une manière non reconnue par les manuels médicaux, y compris les rêves précognitifs, dont j'avais parlé dans mon livre, Le pouvoir des prémonitions.2 Je savais que le sujet était controversé et, quand j'ai commencé à parler, je m'attendais à moitié à ce que l'auditoire parte. Personne ne l'a fait, cependant, et pendant la période de questions/réponses, certaines personnes ont commencé à décrire leurs propres expériences. Une spécialiste en médecine interne s'est levée et a déclaré sans ambages : "Je vois des chiffres dans mes rêves. Je vois les résultats des tests de laboratoire de mes patients — avant même de les demander". D'autres médecins ont révélé des expériences qu'ils n'avaient jamais révélées à personne, et après la conférence, d'autres encore m'ont approché en privé pour faire de même. Ceci, ainsi que d'autres événements , m'amène à penser que les rêves et les "connaissances étranges", comme les appelle l'un de mes collègues, sont beaucoup plus courants que nous ne le pensons. PLONGÉES DANS L’INCONSCIENT Les expériences oniriques de médecins, d'inventeurs, de mathématiciens et de scientifiques renforcent l'image de l’Esprit unique comme réservoir d'informations et d'intelligence pouvant être utilisé de manière pratique. Ce point de vue a été avalisé par Arthur Koestler dans sa brillante exploration de la créativité, Le cri d’Archimède – La découverte de l’Art et l’art de la Découverte. Koestler a qualifié les rêves de "partie essentielle du métabolisme psychique… Sans ce plongeon quotidien dans les sources anciennes de la vie mentale, nous deviendrions probablement tous des automates desséchés. Et sans les plongées exploratoires plus spectaculaires de l'individu créatif, il n'y aurait ni science, ni art".3 Une nuit, Elias Howe fit une plongée spectaculaire dans l'inconscient. Pendant des années, Howe avait vainement tenté de perfectionner sa machine à coudre, mais il était toujours confronté à des problèmes d'aiguille. Et puis, une nuit, il rêva qu'il était capturé par des sauvages, qui le traînèrent devant leur roi. Le roi lui fixa un ultimatum : Si, dans les 24 heures, Howe n'avait pas mis au point la machine à coudre, alors il mourrait, transpercé par une lance. Le temps imparti s'étant écoulé, quelques sauvages menaçants s'approchèrent de Howe, tout en brandissant leurs lances pour le tuer. Les mains en l'air pour parer l'inévitable, Howe remarqua alors que chacune des pointes de lance avait un trou en forme d'œil près de la pointe. Il se réveilla tout excité, en réalisant que le trou de l'aiguille de la machine à coudre devait se situer à la pointe, et non au milieu ou en bas, où il avait tenté de le mettre. Il courut de son lit jusqu’à l’atelier, lima une aiguille à la bonne taille, perça un trou près de la pointe et il l'inséra dans la machine.4 Le reste, comme on dit, appartient à l'histoire. Dans son livre monumental, Our Dreaming Mind, Robert L. Van de Castle, ancien directeur du laboratoire du sommeil et du rêve de la faculté de médecine de l'université de Virginie, fit cas de plusieurs cas où l'esprit de scientifiques put 276 s'ébattre de manière non localisée pendant le temps du rêve, avec des conséquences étonnantes.5 Il rapporta qu'au début du 20ème siècle, le chercheur Edmond Maillet avait envoyé un questionnaire à un groupe de mathématiciens qui avaient exercé leur profession pendant au moins dix ans. Quatre de ses correspondants décrivirent des "rêves mathématiques", dans lesquels une solution s'était effectivement dégagée pendant le rêve ; huit reconnurent avoir trouvé un début de solution ou une idée utile pendant le rêve ; et quinze autres décrivirent comment, au réveil, ils avaient trouvé des solutions complètes ou partielles à des questions posées la nuit précédente.6 Srinivasa Ramanujan, le mathématicien du 20ème siècle, est considéré comme un géant dans son domaine. Ramanujan jouissait certainement d'un avantage sur ses collègues : ses rêves incluaient un mentor hors normes. Dans un article paru en 1948 dans Scientific American et intitulé "Mathematics and the Imagination", il rapporta comment la déesse hindoue, Namakkal, apparaissait dans ses rêves et lui révélait des formules mathématiques qu'il vérifiait à son réveil, un modèle qui s'est poursuivi pendant toute sa vie. En 1869, Dimitri Mendeleïev, professeur de chimie à Saint-Pétersbourg, fit un rêve qui changea le monde. Il s'était couché, frustré par ses tentatives de classer les éléments chimiques en fonction de leur poids atomique. "J'ai vu en rêve", a-til rapporté, "un tableau où tous les éléments trouvaient leur place correctement. À mon réveil, je l'ai immédiatement noté sur une feuille de papier. À un seul endroit, une correction ultérieure m'a paru nécessaire." Le résultat fut le tableau périodique des éléments. Le rêve permit aussi à Mendeleïev de prédire l'existence et les propriétés de trois nouveaux éléments, qui furent découverts dans les 15 années suivantes.7 L'exemple le plus célèbre de scientifique rêveur est peut-être celui de Friedrich A. von Kekule, professeur de chimie à Gand, en Belgique. Kekule tentait sans succès de déterminer la structure de la molécule de benzène. Il s'endormit, assis sur une chaise, et il vit des atomes qui virevoltaient devant lui en formant des structures et des agencements variés. Bientôt, de longues files d'atomes se dessinèrent et prirent la forme d'un serpent. Puis, l'un des serpents saisit sa propre queue dans sa bouche et il se mit à tournoyer. En un éclair, Kekule se 277 réveilla et commença à travailler sur les implications des images du rêve. Cela déboucha sur l'idée que le benzène était une structure cyclique à six atomes de carbone, ce qui révolutionna la chimie organique. Dans un discours prononcé lors d'une réunion scientifique en 1890, il conclut son allocution devant ses collègues en rendant hommage au processus de découverte : "Apprenons à rêver, messieurs, et alors nous pourrons peut-être trouver la vérité."8 Une des découvertes légendaires de la recherche médicale moderne, l'insuline, est liée au rêve. Frederick Banting, un médecin canadien, menait des recherches sur le diabète. Une nuit, en se réveillant d’un rêve, il nota les mots suivants : " Ligaturer le conduit du pancréas d'un chien. Attendre quelques semaines jusqu'à ce que la glande se ratatine. Ensuite, la couper, la laver et filtrer le précipité." Cette procédure lui permit de découvrir l'hormone de l'insuline, qui s'avéra être salvatrice pour des millions de diabétiques. Elle permit également à Banting d'être anobli - un mot intéressant, considérant sa révélation nocturne.9 La liste des découvertes scientifiques influencées par les rêves est plutôt longue : la découverte par James Watt du procédé de fabrication de billes sphériques pouvant être utilisées comme des projectiles ; la découverte par David Parkinson aux Laboratoires Bell d’un directeur de canon entièrement électrique, connu sous le nom de dispositif M-9, le précurseur des systèmes de guidage utilisés plus tard dans les missiles antiaériens et antibalistiques ; l'invention par Ernst Chladni de l'euphonium, un nouvel instrument de musique, etc.10 Le rêve reste l'une des voies les plus courantes pour accéder à l'Esprit universel. Au fur et à mesure que la nature globale de la Conscience sera mieux estimée par la science, les scientifiques sceptiques comprendront que le fait d'être qualifié de rêveur est un grand compliment. LES RÊVES PRÉMONITOIRES Lorsque les gens rêvent de choses qu'ils n'ont jamais connues et d'événements avant que ceux-ci ne se produisent, le rôle du rêve comme voie d'accès à une source d'information potentielle, comme l'Esprit Unique intemporel semble particulièrement plausible. On peut trouver un exemple historique dans le 278 journal de Stephen Grellet11, un missionnaire quaker français. Trois mois avant que l'armée de Napoléon n'envahisse la Russie, la femme du comte Toutschkoff, un général russe, fit un rêve qui se répéta une deuxième et une troisième fois, la même nuit. Dans ce rêve, la comtesse Toutschkoff se trouvait dans une auberge qu'elle n'avait jamais vue auparavant, dans une ville qu'elle ne connaissait pas, lorsque son père entra dans la pièce, en conduisant son jeune fils par la main. D'un ton lugubre, il lui dit : "Ton bonheur est terminé. Il — c'est-à-dire son mari, le général Toutschkoff — est tombé. Il est tombé à Borodino." La comtesse se réveilla en proie à une grande angoisse, secoua son mari et lui demanda où se trouvait Borodino. Il n'en avait jamais entendu parler. Ils cherchèrent Borodino sur une carte sans parvenir à la trouver. Avant que les armées françaises n'atteignent Moscou, le général Toutschkoff fut placé à la tête de l'armée de réserve russe. Un matin, peu de temps après, le père de la comtesse, qui tenait le fils de celle-ci par la main, entra dans la chambre d'une auberge où elle séjournait et, en proie à une grande détresse, s'écria : "Il est tombé. Il est tombé". La comtesse se rendit compte qu'elle se trouvait dans la même chambre que dans son rêve ; même la scène à l'extérieur des fenêtres était telle qu'elle l'avait rêvée. Elle apprit alors que la bataille où son mari avait été tué s'était déroulée près d'un obscur village appelé Borodino. LES RÊVES COLLECTIFS Les rêves collectifs ou mutuels sont ceux où deux personnes ou plus décrivent des rêves similaires, la même nuit. Les rêves partagés sont ceux où deux personnes ou plus rêvent l'une de l'autre dans un espace et un temps communs, et rapportent indépendamment des environnements, des conversations et des interactions similaires dans le rêve.12 Le chercheur psi, Stanley Krippner, dans une étude interculturelle des rêves, rapporta un exemple unique de rêve mutuel impliquant deux Japonaises. La première fit le rêve suivant: "Je suis dans le hall d'un grand hôtel. Il y a un grand pilier en marbre. Mon amie, Aiko, est là et je la poignarde avec un couteau. Je ne sais pas pourquoi je la poignarde. Personne ne semble remarquer ce que j'ai 279 fait." La deuxième femme fit le rêve suivant : "Je suis dans le hall d'un hôtel. Il y a un grand pilier et je me tiens près de lui. Ma jeune sœur entre. Elle s'approche de moi et elle me poignarde avec un couteau. Ma jeune sœur s’appelle Tomoko. Je suis morte du coup de couteau."13 Ces rêves presque identiques pourraient bien sûr être imputables au hasard, à une coïncidence ou à un signalement imprécis, mais dans des cas tels que celuici, où il n'y a pas d’événements, pas d’indices sensoriels et pas d’expériences communes évidentes qui auraient pu inciter les deux femmes à faire le même rêve (à l'exception de l'identité de l'agresseur), on cherche d'autres explications. Je suggère que nous pouvons voir l'Esprit Unique en action. En d'autres termes, les rêves peuvent coïncider, non pas parce que deux personnes rêvent, mais parce qu'un seul Esprit est à l'œuvre. Le neuroanthropologue Charles D. Laughlin de l'Université Carleton à Ottawa, au Canada, est un spécialiste du rêve partagé ou mutuel.14 Il rapporta que lorsque l'anthropologue Marianne George faisait du travail de terrain chez les Barok de Nouvelle-Guinée, elle développa une relation étroite avec une cheftaine importante qui était son soutien au sein de la tribu. George commença à faire des rêves, où son hôtesse lui disait de faire certaines choses, et le matin, les fils de son hôtesse passaient pour s'assurer que George avait compris les instructions de la vieille femme pendant la nuit, et répétaient mot pour mot ce que la vieille femme lui avait dit dans ses rêves. Les fils dirent à George que la distance à laquelle ils se trouvaient, lorsque leur mère souhaitait communiquer avec eux n'avait pas d’importance et que le rêve serait de toute façon transmis. La vieille femme mourut, mais les rêves partagés continuèrent à survenir. Comme de son vivant, les fils de la femme continuèrent à vérifier la visitation du rêve et le message, ce qui dans un cas orienta George vers l'emplacement exact d'une ancienne maison longue, qu'elle avait essayé de localiser à des fins de datation au carbone 14.15 Les angoisses et les rêves partagés pénètrent parfois par les fissures nocturnes au sein des cultures modernes, et ce malgré notre insistance à croire qu'ils ne peuvent pas se produire. En 1882, le révérend A. B. McDougall, originaire d'Hemel Hempstead dans le Hertfordshire, au sud-est de l'Angleterre, séjournait 280 chez des amis à Manchester, à 143 miles de là. À son réveil, il trouva un rat dans son lit et il en fit part à son hôte. Ce matin-là, une de ses cousines, qui logeait chez McDougall à Hemel Hempstead, descendit prendre son petit-déjeuner et raconta un rêve étrange qu'elle avait fait, "dans lequel un rat paraissait ronger les extrémités de ma malheureuse personne". La mère de McDougall reçut une lettre de la part de son fils qui rapportait ce qui s'était passé à Manchester. Elle lui répondit en l'informant du rêve de la femme et en ajoutant qu'ils avaient toujours considéré la femme qui rêvait comme une sorcière, parce qu' "elle était toujours au courant de tout presque avant que cela ne se produise."16 Les rêves collectifs et mutuels sont des cartes de visite de l’Esprit unique. Ils rappellent que les frontières qui séparent les esprits individuels ne sont pas absolues. Quand des connexions avec d'autres personnes sont réalisées en rêve, certains rêveurs décrivent cela comme une épiphanie, comme la réalisation saisissante que leur conscience est infinie, transcendante, sans limites, et ne fait qu'un avec la conscience des autres. UN AVERTISSEMENT OU COMMENT SE FAIRE ARRÊTER Si le rêve collectif peut être très grisant, il peut également provoquer des problèmes, comme dans le cas de Steve Linscott, qui fut réveillé par un rêve, en octobre 1980 à Chicago. Il rêva qu'un homme qui tenait dans sa main un objet contondant s'approcha d'une fille. Après s'être rendormi, il rêva que cet homme "la frappait à la tête. Elle était à quatre pattes et elle n'offrit aucune résistance. Le sang giclait partout". Plus tard dans la journée, il aperçut des voitures de police, pas loin de sa maison. Une jeune femme avait été brutalement battue à mort dans un immeuble voisin. Linscott raconta son rêve à sa femme et à ses collègues de travail, et tous le pressèrent de le signaler à la police. Ce qu'il fit, et quelques semaines plus tard, on l’accusa du meurtre de la jeune femme. La police déclara qu'il connaissait trop de détails précis du meurtre pour qu'il s'agisse d'une coïncidence. Linscott fut reconnu coupable et condamné à 40 ans de prison. Ce n'est qu'après que ses avocats aient interjeté appel à plusieurs reprises que les poursuites furent abandonnées par les procureurs.17 281 Ce cas est assez révélateur de l'incrédulité de notre culture à l'égard de la connaissance non locale, c'est-à-dire de l'obtention d'informations au-delà de la portée des sens physiques. Non seulement nous avons du mal à reconnaître cet ancien mode de connaissance, mais nous sommes même prêts à emprisonner des personnes qui y ont recours. Nous ne sommes pas si éloignés que nous aimerions le croire de l'époque des bûchers de sorcières et de l'Inquisition espagnole, où des personnes étaient exécutées avec ardeur pour avoir reconnu publiquement leur don de "double vue". RANDOMANIA, STATI-CYSTITE ET COINCE-IDENTISME AIGU Aucun des exemples précédents n'est susceptible d'être pris au sérieux par ceux qui sont convaincus que l'Esprit se limite au cerveau, au corps et à l'ici et maintenant. D'après mon expérience, aucun rêve, aussi spectaculaire ou improbable soit-il, ne peut ébranler la foi de ceux qui "savent" à l'avance que de telles choses sont impossibles. Tout rêve qui correspond à la réalité peut être rejeté comme une coïncidence. Cette dévotion à la coïncidence et au phénomène du hasard a été baptisée "randomania" par le chercheur britannique David Luke, de l'université de Greenwich à Londres, un spécialiste de la conscience.18 Une des critiques les plus pertinentes de la manière dont les sceptiques jouent avec les coïncidences est celle du célèbre romancier et dramaturge britannique, J. B. Priestley, dans son livre magistral, L'homme et le Temps. A propos des rêves prémonitoires, il écrivit : ‘’Il y a un point au-delà duquel les coïncidences se transforment en quelque chose d'autre, ce qui nous pousse à demander une explication, tout comme il y a un point au-delà duquel le détachement scientifique peut se transformer en un préjugé borné…Les personnes qui adoptent [ce] point de vue prétendent écrire sur un détachement scientifique impossiblement pur. Tout ce qu'elles demandent, nous disent-elles, c'est que ceux d'entre nous qui sont assez fous pour croire en de telles expériences les soumettent à des "études bien contrôlées", à des tests de laboratoire, etc. 282 Mais il se peut que nous ayons affaire ici à une gamme d'expériences qui ne peuvent tout simplement pas être contrôlées, ni testées, qui se dissipent dès qu'elles entrent dans le champ de l'expérience et de la preuve scientifiques…Et je ne suis pas surpris que les psychologues expérimentaux - dont certains tentent de traiter la psyché comme s'il s'agissait d'un morceau de sodium - n'aient pas de rêves prémonitoires : leur mentalité s'y oppose.’’19 Priestley était fasciné par les rêves prémonitoires. En 1963, au cours d'une interview accordée à la BBC, il lança un appel au public britannique pour recueillir des témoignages de rêves prémonitoires, et il fut submergé par les réponses. Une femme écrivit qu'elle avait dit à trois personnes avec lesquelles elle prenait son petit-déjeuner et qu'elle venait de rêver qu’à la fin du petit-déjeuner, un paysan était arrivé avec 33 œufs dans un seau. Plus tard, alors qu'elle se trouvait au milieu de l'escalier, trois œufs supplémentaires lui furent remis. Ça, c'était son rêve. Et peu de temps après son petit-déjeuner réel, un paysan est arrivé et lui a tendu un seau qui, selon lui, contenait trois douzaines d’œufs. Elle les transposa dans un panier et paya l'homme. Quelques minutes plus tard, son mari lui signala qu'il avait compté les œufs et constaté qu'il y en avait 33, et non trois douzaines. Alors que la femme les comptait elle-même, elle fut appelée d'en bas par un individu qui la rejoignit au milieu de l'escalier. L'individu lui expliqua que trois œufs avaient été retirés du seau par erreur, et lui remit trois œufs pour que le compte soit juste. Priestley déclara : "Trente-trois plus trois œufs dans le rêve ; trente-trois plus trois œufs dans les faits réels. Vous pouvez appeler cela une coïncidence, tout comme vous pouvez qualifier cela de crucherie ou de n'importe quoi d'autre, mais si vous cessez de vous accrocher aux coïncidences et cherchez à expliquer toute cette histoire, vous pourriez faire voler en éclats un certain type de monde."20 Le remplacement de ce monde brisé est un monde où le temps linéaire n'est plus un tyran, et où les causes ne précèdent pas toujours les événements. 283 CHAPITRE 27 : L’AMOUR EST LE DERNIER MOT Il n’y a que deux voies : celles de l’amour et du manque d’amour. - Mencius, 300 av. J.-C. L'amour est une voie d'accès à l'Esprit universel, car l’amour tempère les forces de l'isolement, de la séparation et de l'individualité. L'individualité est un complément à la relation et à l'unité qui est appréciable, mais en excès, elle peut conduire à un sentiment exagéré de soi et empêcher de réaliser que nous sommes unis les uns aux autres et à toutes choses. D. H. Lawrence déclara de manière tranchée, "la haine n'est pas le contraire de l'amour, le contraire de l'amour, c'est l'individualité."1 Il ne s'agit pas d'une simple spéculation. Le dépassement de la séparation a des effets qui peuvent être mesurés dans des études de laboratoire. En trois décennies de recherche expérimentale au laboratoire PEAR (Princeton Engineering Anomalies Research), Robert G. Jahn, un ancien doyen de la faculté d'ingénierie de Princeton et ses collègues ont démontré que les couples émotionnellement liés étaient exceptionnellement doués pour ce qui était de leur capacité mentale à communiquer de l'ordre à des séquences de uns et de zéros aléatoires produites par des générateurs d'événements aléatoires. Par ailleurs, des binômes d'individus émotionnellement proches peuvent échanger mentalement des informations, même en étant séparés par des distances continentales ou mondiales. Pour résumer comment tout cela se passe, Jahn nota : "La réussite de la stratégie [...] implique un certain degré d'estompement des identités entre l'opérateur et la machine, ou entre le percipient et l'agent [le récepteur et l'émetteur]". Et, bien sûr, c'est aussi la recette de toute forme d'amour : le renoncement aux intérêts égocentriques des partenaires en faveur du couple."2 En d'autres termes, l'amour peut changer l'état du monde physique. SURMONTER LA SOLITUDE Puisque l'amour transcende l'individualité, comme le souligne Lawrence, il peut aider à surmonter l'isolement et la solitude, associés à toute une série de problèmes de santé.3 À première vue, la forte prévalence de la solitude n'a pas de sens. À notre époque obsédée par l'électronique, ne sommes-nous pas plus intimement connectés que jamais ? Pas nécessairement. "Dans un monde surpeuplé, où des milliards de personnes sont en contact étroit les unes avec les autres grâce aux médias imprimés ou électroniques, il semble paradoxal que la solitude soit devenue une maladie du 21ème siècle en forte progression", constata le Dr Eva Bell. ‘’Les grands buildings, les appartements exigus qui ressemblent à des cages à lapins, les emplois stressants et la vie urbaine impersonnelle n'encouragent pas la convivialité."4 La définition de Thoreau est toujours d'actualité : "Une ville est un endroit où des centaines de personnes seules vivent ensemble."5 Bien que les téléphones portables soient considérés comme des appareils qui connectent les gens, ils peuvent avoir la conséquence inattendue de diminuer le désir de se connecter socialement avec les autres, contribuant ainsi à la solitude et à l'isolement à long terme. Dans une étude réalisée à l'Université du Maryland, des chercheurs procédèrent à une série d'expériences sur des groupes d'utilisateurs de téléphones portables, décrites dans leur article intitulé "The Effects of Mobile Phone Use on Prosocial Behavior" (Les effets de l'utilisation du téléphone portable sur le comportement prosocial), le comportement prosocial étant défini comme une action destinée à bénéficier à une autre personne ou à la société dans son ensemble. Les chercheurs constatèrent qu'après une courte période d'utilisation du téléphone portable, les sujets étaient moins enclins à se porter volontaires pour une activité de service communautaire, lorsqu'on le leur demandait, par rapport à un groupe de contrôle. Les utilisateurs de téléphones portables étaient aussi moins déterminés à résoudre les problèmes mondiaux, même en sachant que leurs réponses s'accompagneraient d'un don d'argent à une œuvre de bienfaisance. L'attention moindre portée aux autres se vérifia même quand on demanda aux utilisateurs de téléphones portables de se représenter leur téléphone et de réfléchir à son utilisation. Quelles en sont les raisons ? Selon les chercheurs, "le téléphone portable évoque directement des sentiments de connectivité avec les autres, ce qui répond au besoin humain fondamental d'appartenance." Selon eux, ceci a pour conséquence de diminuer 285 le désir de se connecter réellement socialement aux autres ou de s'engager dans des comportements empathiques et prosociaux.6 La solitude est aussi en corrélation avec l'utilisation d'Internet.7 Une étude a démontré que les discussions en ligne augmentaient la solitude et ne la diminuaient pas.8 Ce phénomène était particulièrement évident sur le site web "I am lonely will anyone speak to me" (Je me sens seul, quelqu'un veut-il me parler ?) qui devint le principal lieu de rencontre en ligne pour les personnes seules en 2004.9 En raison de son énorme popularité, le site fit l'objet d'articles dans Wired, The Guardian, et The New Yorker.10 Jacob Needleman, professeur de philosophie à l'Université d'État de San Francisco, se heurta au problème de la solitude de manière tout à fait inattendue. Il demanda à l'une de ses classes quels étaient, d’après ses étudiants, les problèmes majeurs de notre société. Il obtint les réponses habituelles : l'éclatement de la famille, la guerre nucléaire, l'environnement, etc. Et puis un étudiant mentionna la solitude, et Needleman demanda : "Combien de personnes ici présentes se sentent fondamentalement seules ?" Tout le monde leva la main. "J'étais stupéfait", dit-il. Il posa ensuite la question à une autre classe, plus nombreuse et composée d'un éventail de personnes beaucoup plus large, et tous les élèves, sauf deux, levèrent la main. Un étudiant nigérian de 35 ans dit alors : "Vous savez, quand je suis arrivé du Nigeria en Angleterre, je ne comprenais pas ce que les gens voulaient dire quand ils disaient qu'ils se sentaient seuls. Ce n'est que maintenant, après avoir vécu aux États-Unis pendant deux ans, que je sais ce que signifie être seul". Il expliqua que dans sa culture, la solitude n'existait tout simplement pas. Il n'y avait même pas de mot pour la désigner. Même s'il y avait beaucoup de douleur, de souffrance et de peine, la solitude n'existait pas. "Quelle est donc cette solitude que nous éprouvons ?’’, demande Needleman. "Les gens sont coupés, non seulement les uns des autres, mais aussi d'une certaine force d'harmonisation en eux-mêmes. Ce n'est pas juste que '’je suis seul’', c'est que le '’je’' est seul. Il nous manque une relation harmonieuse essentielle avec une force universelle."11 286 La "relation harmonieuse essentielle" qui fait défaut ne sera pas comblée par Twitter, Facebook ou tout autre site web de réseautage social parmi les centaines qui sont accessibles.12 Le candidat pour être une force de connexion universelle à la hauteur de la tâche, c'est l'Esprit universel. Pas besoin de cotisation, d'ordinateur ou de téléphone intelligent. L'Esprit universel fait déjà partie intégrante de notre équipement d'origine. LE RETOUR DE L’AMOUR Le philosophe Neal Grossman, ancien professeur de l`Université de l`Illinois à Chicago, a passé des dizaines d`années à analyser les expériences de mort imminente (NDE). Comme nous l'avons vu, les NDE suggèrent qu'un élément de conscience existe en dehors du cerveau et qu'il peut perdurer après la mort physique. Les personnes qui se remettent d'une NDE racontent souvent qu'elles ont vécu une expérience qui transcende la conscience individuelle. Cette conscience s'accompagne universellement d'un profond sentiment d'amour qui se prolonge après la NDE. Selon Grossman, "il y a un message caché dans toute cette recherche [sur les NDE] .... Le message, c'est l'amour universel. Chaque personne qui a vécu une expérience de mort imminente est convaincue que la finalité de la vie est de développer notre capacité à donner et à recevoir de l'amour."13 Les NDE sont un point d'entrée dans l'Esprit universel, dont la carte de visite est l'amour. Pour certains, injecter de l'amour dans la science - comme tentent de le faire Jahn, Grossman et d'autres - c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est la preuve définitive que nous cherchons à entraîner la science dans les bas-fonds de la sentimentalité, ce qui sera sa ruine. Mais il existe un autre point de vue, selon lequel l'amour réhabilite la vie et la science aussi, par extension. Aldous Huxley déclarait : De tous les mots usés, tachés et écornés de notre vocabulaire, "amour" est sûrement le plus souillé, malodorant et poisseux. Braillé du haut de millions de chaires et crooné lascivement par des millions de hautparleurs, il est devenu un outrage au bon goût et aux sentiments décents, 287 une obscénité que l'on hésite à prononcer. En dépit de tout cela, il faut bien le prononcer, puisqu’après tout, c'est l'Amour qui a le dernier mot.14 En médecine, mon domaine, c'est aussi le premier terme. Considérons l'art du diagnostic, sur lequel tout le reste repose. Diagnostic vient de mots grecs qui veulent essentiellement dire "une connaissance qui existe entre deux personnes". Le diagnostic n'est pas l'affaire d'une seule personne, n'est pas réservé à quelqu'un qui porte une blouse blanche et un stéthoscope. Il est optimal, si le médecin et le patient se rencontrent dans ce que Whitman a défini comme une "vaste similitude". Le diagnostic implique cet estompement des identités que Jahn observe dans ses expériences de laboratoire réussies. Tout au long de l'histoire, la primauté de l'amour fut confirmée à d'innombrables reprises par ceux qui firent l'expérience de plusieurs variantes de l'Esprit universel - à la faveur d'états modifiés, d'expériences mystiques, de rêveries, d'épiphanies ou de moments hautement créatifs. Le psychologue, Carl Rogers remarqua dans ces expériences une "tendresse délicate et sensible à l'égard des autres", ce à quoi Huxley ajouta : "Et pas uniquement votre tendresse, la tendresse cosmique, la bonté fondamentale de l'univers - malgré la mort, malgré la souffrance."15 Du point de vue du sens commun, reconnaissait Huxley, l'affirmation d’après laquelle l'univers est fondamentalement bon est "la divagation d'un illuminé’’. L'affirmation d’après laquelle Dieu est amour "bafoue toute expérience et est totalement fausse". Mais le sens commun ne se fonde pas sur une Conscience absolue, étant la résultante de conventions, de souvenirs organisés de paroles d'autres personnes, d'expériences personnelles limitées par la passion et les jugements de valeur, d'idées reçues et d'intérêts personnels flagrants."16 Les mesures qui cherchent à purger la vie de l'amour peuvent conduire à des situations qui seraient comiques si elles n'étaient pas aussi graves. C'est particulièrement évident dans le domaine des soins de santé. Dans un grand hôpital que je connaissais, un groupe d'infirmières qui souhaitaient ajouter une autre dimension à leurs compétences habituelles se déplaça en dehors de la ville pendant un week-end pour suivre un cours de toucher thérapeutique, une 288 technique de guérison, qui implique des intentions aimantes et compatissantes. Lorsque la directrice des soins infirmiers en fut informée, elle manifesta sa colère et fulmina. Quand les infirmières retrouvèrent leur poste, le lundi suivant, il y avait un grand panneau dans le service des soins infirmiers qui annonçait : "IL N'Y AURA PAS DE SÉANCES DE GUÉRISON DANS CET HÔPITAL !’’ Dans un autre cas, une infirmière très connue dans le pays fut invitée à donner une conférence dans un grand hôpital. Mais quand les organisateurs découvrirent qu'elle avait l'intention de parler de diverses techniques de guérison, ils annulèrent l'invitation en prétextant : "Nous ne sommes pas encore prêts pour votre visite, mais nous avons bien l'intention de vous réinviter, lorsque nous nous lancerons dans la guérison." L'infirmière décommandée déclara ironiquement : "Je me demande bien ce qu'ils fabriquent maintenant !" Dans un autre grand hôpital, les infirmières n'avaient pas le droit de toucher les patients, sinon pour prendre leur pouls et leur tension artérielle. Les "touchers trop appuyés", comme les massages du dos et des pieds, étaient interdits. L'objectif de la réglementation était d'empêcher les infirmières de pratiquer des techniques de guérison par les mains, qui deviennent de plus en plus populaires dans les soins infirmiers américains. Je suis ravi de dire que les infirmières américaines sont en première ligne pour restaurer la guérison dans les soins de santé.17 Sans leur courage et leur sagesse à toute épreuve, les soins de santé américains seraient encore plus lamentables qu'ils ne le sont aujourd'hui. Certains des pères fondateurs de la médecine moderne savaient que l'amour guérit, qu'on l'appelle bienveillance, empathie, compassion, ou que l'on parle de bonnes manières. Sir William Osler est généralement considéré comme le père de la médecine scientifique occidentale. Après avoir révolutionné l'enseignement et la pratique de la médecine au Canada et aux États-Unis, en 1905, au sommet de sa gloire, Osler fut attiré en Angleterre, où il fut nommé titulaire de la chaire de médecine à Oxford. 289 Un jour, il se rendait à la cérémonie de remise des diplômes à Oxford, vêtu de sa robe universitaire. En chemin, il s'arrêta chez son ami et collègue, Ernest Mallam, dont le jeune fils était gravement malade de la coqueluche. L'enfant ne réagissait pas aux soins de ses parents ou des infirmières et il semblait mourant. Osler aimait beaucoup les enfants et il avait une complicité particulière avec eux. Il jouait souvent avec eux et les enfants l'admettaient volontiers dans leur monde. Aussi, lorsque la figure familière d'Osler fit son apparition dans son impressionnante robe de cérémonie, le petit garçon fut enchanté. Jamais il n'avait vu un tel spectacle ! Après avoir brièvement examiné l'enfant, Osler éplucha lentement une pêche, la coupa, la sucra et la donna, petit morceau par petit morceau à son patient ravi. Bien qu'Osler estimât que la guérison était improbable, il revint pendant les 40 jours qui suivirent, à chaque fois vêtu de sa robe imposante, et il donna personnellement à manger au jeune enfant. En quelques jours seulement, le vent avait tourné et la guérison du petit garçon devint une évidence.18 Je subodore qu'Osler savait que les pensées aimantes et compatissantes d'un guérisseur créent des changements physiques mesurables chez les autres, comme les expériences de Jeanne Achterberg et d'autres études sur la guérison le montrent.19 Les personnes peuvent réagir physiquement à nos pensées, comme le révèlent des études EEG et IRMf sur des cerveaux éloignés, même si la personne éloignée n'est pas consciente qu’on les émet. La tentative qui vise à exclure les intentions d'amour de la guérison afin de l'aseptiser et de la rendre objective repose sur une mauvaise compréhension de ce que sont des soins médicaux décents. UN CLICHÉ MERVEILLEUX Dire que "Dieu est amour" est un cliché, mais un bon cliché. C'est ce que pensait Jung. Dans son autobiographie, ''Ma vie : Souvenirs, Rêves et Pensées'', il dit : "L'homme peut bien tenter de nommer l'amour, l'affubler de tous les noms qu'il peut commander, et toujours se fourvoyer à l'infini. S'il possède un grain de sagesse, il déposera les armes et nommera l'inconnu par le plus inconnu…par le nom de Dieu ."20 290 L'univers entier est peut-être imprégné d'amour. Il serait même possible de détecter des expressions rudimentaires de l'amour, sorte de proto-amour, dans le domaine subatomique. Au fur et à mesure que nous évoluons vers des systèmes de plus en plus complexes, l'amour devient plus reconnaissable pour atteindre son expression la plus complète chez les humains avec notre participation à l'Esprit universel. J'ai illustré ce spectre universel de l'amour dans le tableau qui suit : SPECTRE UNIVERSEL DE L’AMOUR SYSTÈMES PREUVES DE EXPRESSIONS DE EN INTERACTION L’INTERACTION L’INTERACTION Les humains L’amour, l’empathie, interagissent entre eux la compassion, la de manière non locale, bienveillance, l’unité, c'est-à-dire à distance, la Conscience sans bénéficier collective, l’Esprit d'échanges universel ou unique, d'informations Dieu, la grande Déesse, sensorielles ou Allah, le Tao, l’Absolu Humains avec humains énergétiques. De nombreuses études contrôlées sur les intentions de guérison à distance et des centaines de phénomènes télésomatiques et de vision à distance on été rapportés. Humains et animaux Des dizaines d'études comportant divers types d'intentions de guérison à distance ont été 291 L’amour, l’empathie réalisées en utilisant des animaux supérieurs comme sujets. Des animaux de compagnie perdus reviennent auprès de leurs propriétaires en parcourant de grandes distances dans des endroits où ils ne sont jamais allés. Humains et organismes Des dizaines d'études vivants contrôlées ont porté sur L’amour, l’empathie les effets à distance de la prière et d'autres types d'intentions positives de guérison à distance, dans lesquelles divers organismes "inférieurs" – bactéries, champignons, levures - sont les sujets, ainsi que des graines, des plantes et des cellules de différentes sortes. Humains et machines L'homme peut ‘’Ne faire plus qu’un’’ complexes influencer mentalement avec la machine, le comportement ‘’tomber amoureux’’ de d'appareils la machine, électroniques interconnexion, unité sophistiqués de biofeedback, comme l'atteste le bilan collectif de plus de 40 ans de recherche sur le biofeedback dans des 292 centaines de laboratoires. L'homme peut également influencer mentalement des générateurs d'événements aléatoires et d'autres appareils électroniques à distance, comme l'ont démontré le laboratoire PEAR (Princeton Engineering Anomalies Research) et d'autres institutions. Humains et machines simples L'homme peut interagir ‘’Ne faire plus qu’un’’ avec, influencer à avec la machine, distance le ‘’tomber amoureux’’ de comportement la machine, de pendules oscillant interconnexion, unité librement, de dispositifs mécaniques (cascades) et d'appareils relativement simples, comme le confirment des études menées au laboratoire PEAR (Princeton Engineering Anomalies Research) et ailleurs. Appareils/systèmes D'après les principes Résonance physiques complexes généralement admis sympathique ou en physique, les harmonique oscillateurs harmoniques couplés, tous les instruments de musique courants et les circuits 293 de radio et de télévision interagissent et entrent en résonance les uns avec les autres. En général, toutes sortes de systèmes physiques - qu'ils soient mécaniques, électromagnétiques, dynamiques fluides, mécaniques quantiques ou nucléaires – présentent des vibrations interactives synergiques avec des systèmes similaires ou avec leur environnement. Particules subatomiques Une fois en contact, Comportement corrélé les particules non local ; amour subatomiques, telles rudimentaire ou proto- que les électrons amour ? présentent des changements simultanés, quelle que soit la distance qui les sépare, au même degré. Le théorème de Bell, l'expérience d'Aspect et bien d'autres confirment ces phénomènes. ‘’Toutes sortes de systèmes physiques’’, écrivit Robert G. Jahn, ‘’qu’ils soient mécaniques, électromagnétiques, dynamiques fluides, mécaniques quantiques ou nucléaires présentent des capacités de vibrations interactives synergiques avec des systèmes similaires ou avec leur environnement. Les oscillateurs 294 harmoniques couplés, tous les instruments de musique courants, les circuits de radio et de télévision, les composants atomiques des molécules, tous impliquent cette résonance "sympathique", d'où émergent des propriétés remarquablement différentes de celles qui caractérisent leurs composants isolés."21 Que signifie l'affirmation suivant laquelle toutes sortes de systèmes physiques sont en "résonance sympathique" les uns avec les autres ou avec leur environnement ? "Sympathie" vient du grec sympatheia, "ressentir ensemble" ; "résonance" est dérivé du latin resonantia, "écho". L'univers est-il un vaste écho de ressenti et de sensibilité ? D'amour ? Un spectre universel de ressenti, de sensibilité et d'amour culminant dans l'Esprit unique - Walt Whitman, le barde de l'Amérique, l'a vu, l'a écrit, et l'a vécu. Je laisse donc à Walt le dernier mot là-dessus : Une vaste similitude qui entrelace tout ... Toutes les âmes, tous les corps vivants, aussi différents soient-ils ... Toutes les identités qui ont existé ou qui peuvent exister Dans ce monde ou dans tout autre monde, Toutes les vies et toutes les morts, la totalité du passé, du présent et du futur, Cette vaste similitude les embrasse, les a toujours embrassés, A tout jamais les embrassera, les soutiendra et les contiendra.22 295 ÈME 4 PARTIE : LES PERSPECTIVES 296 CHAPITRE 28 : FAIRE ÉVOLUER LA SCIENCE Si les preuves que j'ai présentées jusqu'à présent sont aussi abondantes et convaincantes que je le suggère, pourquoi les controverses sur la conscience persistent-elles ? Pourquoi y a-t-il une telle résistance à l'idée que les esprits individuels peuvent opérer au-delà du corps, en violant les limites de l'espace et du temps, et à la possibilité qu'ils puissent communier dans la Grande Connexion de l'Esprit universel ? Pourquoi tous les scientifiques chevronnés ne sont-ils pas d'accord sur ces questions ? Les raisons sont extrêmement complexes et trop variées pour être analysées ici en détail. Néanmoins, au risque de paraître querelleur, je veux examiner quelques-unes des raisons les plus évidentes pour lesquelles ces disputes ne finissent jamais. Il est important de les examiner, parce qu'elles constituent des blocages. Pour que la science évolue, on doit les éliminer, d'une façon ou d'une autre.1 La science a régulièrement procédé à un écrémage, pour ainsi dire, en admettant des données que la communauté scientifique approuve et en ignorant celles qu'elle juge inacceptables. Thomas Kuhn, l'historien des sciences et le philosophe qui est à l'origine de l'expression "changement de paradigme", a décrit cette tendance dans un ouvrage influent, La structure des révolutions scientifiques..2 Ce qui est refusé à la publication dans les revues professionnelles n'a parfois que peu ou pas de rapport avec la véracité des données elles-mêmes. Les décisions relatives à l'octroi de bourses de recherche et à la publication d'articles semblent souvent être prises selon ce que l'on a qualifié de méthode GOBSAT – soit ‘’good old boys sat around a table’’, littéralement ‘’de bons vieux garçons assis autour d'une table’’...3 Parmi les informations qui ont été mises de côté figure un vaste ensemble de preuves concernant la façon dont la conscience se manifeste de manière non locale dans le monde, sans être contrainte par l'espace, le temps et les limites physiques du cerveau et du corps. Ces accusations pourraient paraître exagérées et injustes pour ceux qui ne connaissent pas les modalités quotidiennes de la pratique scientifique. L'image que privilégient les scientifiques est celle de personnes ouvertes d'esprit et prêtes à accepter n'importe quelle preuve, pour autant qu'il s'agisse d'une preuve. Mais ce n'est souvent pas le cas, la science étant comme la saucisse : même si vous l'appréciez, vous ne voudrez peut-être pas visiter l'usine et voir comment on la produit.4 Pour un aperçu des réactions arbitraires, capricieuses, voire parfois malveillantes des scientifiques face à de nouvelles idées, je vous recommande le récit divertissant de l'écrivain scientifique, Hal Hellman sur "dix des disputes les plus vives de tous les temps" dans chacun de ses deux livres, Great Feuds in Science et Great Feuds in Medicine.5 Les querelles de titans entre scientifiques et médecins ne sont pas neuves et sont parfois féroces. Quand le médecin, William Harvey présenta des preuves détaillées de la circulation du sang dans l'Angleterre du 17ème siècle, il fut accusé ‘’d’entreprendre de renverser la rationalité et la providence, non seulement de la nature, mais qui plus est de Dieu’’, d’après l’historien, Roger French."6 Presque aussi grave, Harvey eut l'audace de contredire les plus grands. ‘’Aristote observa toutes choses et personne ne devrait oser contester ses conclusions’’, souffla un médecin contemporain.7 Harvey portait toujours un poignard sur lui, peut-être parce qu'il craignait des représailles en raison de ses idées renégates, que certains considéraient non seulement comme une hérésie scientifique, mais également comme une hérésie théologique. C’était un peu comme si Jonas Salk avait porté un pistolet, après avoir mis au point le vaccin contre la poliomyélite. Comme illustration du ridicule qui prévalait alors, citons le commentaire de l'éminent médecin allemand du 18ème siècle, Leopold Auenbrugger, qui fit remarquer que "le sort de ceux qui ont illustré ou amélioré les arts et les sciences par leurs découvertes a toujours été d'être assaillis par l'envie, la malveillance, la haine, la destruction et la calomnie."8 Auenbrugger savait de quoi il parlait. En 1761, il inventa l'art de la percussion, par lequel on peut déterminer la densité et la taille des tissus et des organes sous-jacents du corps en tapotant légèrement dessus. Sa technique était la radiographie et le scanner de son époque, une époque où le terme "digital" correspondait encore aux doigts. Il découvrit cette technique en testant le niveau du vin dans les fûts de la cave de l'auberge de son père. Bien qu'aujourd'hui cette technique soit enseignée à tous les étudiants en médecine et constitue un élément essentiel du diagnostic physique, à l'origine, personne 298 n'en n'avait cure. La découverte d'Auenbrugger se heurta à une telle indifférence qu'elle en était mort-née. La technique dut être relancée en 1808, un an avant sa mort, par Jean-Nicolas Corvisart, le médecin personnel de Napoléon et le médecin le plus célèbre de France. La contribution d'Auenbrugger était importante. Elle conduisit au développement du stéthoscope en 1816 et à l'art de l'auscultation développé par le médecin français, René Laennec.9 Alors, la prochaine fois que votre médecin écoutera votre cœur, n’oubliez pas de remercier de tout cœur Auenbrugger. Auenbrugger s'en sortira facilement, comparé au médecin hongrois, Ignaz Semmelweiss. Lorsqu'en 1848, ce dernier apporta des preuves irréfutables de l'efficacité du lavage des mains des obstétriciens dans l'optique de réduire la mortalité maternelle après un accouchement, ses collègues refusèrent d'y croire. À l'époque, la théorie des germes n'existait pas et l'idée qu'un médecin devait se laver les mains avant de mettre au monde un bébé était considérée comme absurde. Les preuves étaient sans importance. Semmelweiss tomba en disgrâce et se vit chassé de Vienne. Il se réfugia à Budapest, où il finit par se suicider. Des événements similaires se déroulèrent en Amérique. Quand le médecin bien connu, Oliver Wendell Holmes suggéra à ses collègues de Boston, en 1843, de se laver les mains et de faire preuve d'une propreté scrupuleuse, plusieurs obstétriciens éminents de son époque s'y opposèrent violemment.10 Cette image du scientifique incarnant un chercheur de vérité à l'esprit ouvert a été écornée par certaines des plus grandes figures de la science moderne – un constat exprimé de manière très claire et arrogante par un véritable initié de la science, le lauréat du prix Nobel James Watson, codécouvreur de la structure de l'ADN. Watson déclara : "On ne peut pas être un scientifique accompli sans se rendre compte que, contrairement à la conception populaire soutenue par les journaux et les mères de scientifiques, un bon nombre de scientifiques ne sont pas seulement bornés et ennuyeux, mais aussi tout simplement stupides."11 Ou encore, comme le fit remarquer l'éminent psychologue, Hans Eysenck : "Les scientifiques, surtout lorsqu'ils quittent le domaine dans lequel ils se sont spécialisés, sont tout aussi ordinaires, têtus et déraisonnables que n'importe qui d'autre, et leur intelligence exceptionnellement élevée ne fait que rendre leurs 299 préjugés d'autant plus dangereux... "12 Je vous avais averti que je pouvais être querelleur. Les préjugés à l'encontre des recherches sur la conscience que nous avons examinés tout au long du livre sont ouvertement admis. Citons par exemple Ray Hyman, un psychologue de l'université de l'Oregon, qui dénonce régulièrement les résultats de la recherche sur la conscience non locale, au-delà du corps. Hyman a reconnu que "le niveau du débat au cours des 130 dernières années dans ce domaine a été une source d'embarras pour tous ceux qui voudraient croire que les universitaires et les scientifiques adhèrent à des normes de rationalité et de fair-play."13 Les tentatives d'ignorer la conscience ne l'ont pas bannie. Au contraire, ces tentatives ont paradoxalement abouti à présenter la conscience comme un éléphant dans le salon de la science.14 Les futurs chercheurs qui étudient la conscience feraient bien de tenir compte des paroles de l'astronome, Carl Sagan : "Il est de la responsabilité des scientifiques de ne jamais supprimer la connaissance, aussi gênante soit-elle, aussi dérangeante soit-elle pour ceux qui détiennent le pouvoir ; nous ne sommes pas assez intelligents pour décider quels éléments de connaissance sont autorisés et lesquels ne le sont pas... "15 300 CHAPITRE 29 : LA TRANSCENDANCE A cette époque, les hommes seront las de la vie et ils cesseront d'estimer que l'univers est digne de respect et d'adoration… Ils n'aimeront plus ce monde qui nous entoure…cette glorieuse structure…Quant à l'âme et à la croyance qu'elle est immortelle par nature, ou qu'elle peut espérer atteindre l'immortalité…ils se moqueront de tout cela et ils se persuaderont même que c'est faux.1 - Hermès Trismégiste, 2ème siècle av. J.-C. Tout ce que nous aimons peut être sauvé. - Alice Walker2 ‘’Je connais un moyen de sortir de l’enfer.’’ Cette déclaration saisissante est tirée d'une scène galvanisante du film biographique de Richard Attenborough sur le Mahatma Gandhi, réalisé en 1982. Le décor est l'Inde de 1947. Le pays est plongé dans une guerre civile féroce entre hindous et musulmans, après avoir obtenu son indépendance vis-à-vis de la domination coloniale britannique, sous l'impulsion du mouvement de résistance non violente de Gandhi. Alors que le sang coule dans les rues de Calcutta et que la ville est à feu et à sang, un père hindou affolé se rend au chevet de Gandhi. Le Mahatma est affaibli par le jeûne, qui est sa façon de tenter d'arrêter le bain de sang dans tout le pays. Il est proche de la mort. L'homme présente de la nourriture à Gandhi. " Tenez ! Mangez ! Mangez ! J’irai en enfer, mais pas avec votre mort sur la conscience !" Gandhi répond calmement : "Seul Dieu décide qui va en enfer." L'homme, en proie à la culpabilité, avoue alors qu'il a tué un enfant musulman. "Je lui ai écrasé la tête contre un mur !’’ Gandhi demande à l'homme pourquoi il a tué l'enfant. "Parce qu'ils ont tué notre fils... mon fils ! Les musulmans ont tué mon fils !’’ Pour un acte de vengeance aussi haineux, il n'y a pas de solution facile, et le moyen préconisé par Gandhi pour sortir cet homme de l'enfer est radical. "Trouvez un enfant’’, conseille-t-il gentiment, ‘’un enfant dont la mère et le père ont été tués - un petit garçon - et élevez-le comme votre propre enfant. Assurez-vous seulement qu'il est musulman.... Et vous devrez l'élever comme un musulman." L'hindou est horrifié ; il n’avait pas prévu un tel rachat en guise d'expiation. Mais il sent la vérité dans ce que lui prescrit Gandhi et tombe à genoux en sanglotant. J'ai voulu faire de ce livre un moyen de sortir de l'enfer - l'enfer de ce moment particulier de l'histoire où nous sommes confrontés à des menaces pour notre existence que nos ancêtres n'auraient jamais imaginées, à une Terre qui se dégrade par le simple fait de notre existence et de nos choix à courte vue. C'est un enfer duquel, au-delà d'un certain point, les experts disent qu'il n'y aura peutêtre pas d'échappatoire - et, contrairement au scénario de Calcutta, peut-être pas d'expiation. Les preuves de notre situation critique à l'échelle mondiale relèvent d'une science abondante, pas d'un homme-sandwich illuminé qui clame que la fin est proche. Ce n'est que par un aveuglement volontaire que l'on peut ne pas être conscient des défis auxquels on doit faire face, à savoir, le changement climatique mondial, la pollution de l'air et de l'eau, l'explosion démographique, la disparition des habitats et des espèces, la pénurie d'eau, la désertification, les idéologies meurtrières, l'épuisement des ressources, la pauvreté extrême, les guerres à répétition, les haines ethniques et religieuses, etc., le tout encouragé par la philosophie du "chacun pour soi", qui infecte couramment notre société. J'ai néanmoins choisi de ne pas m'attarder sur les menaces spécifiques ellesmêmes ; de nombreux autres écrivains l'ont fait avec brio. Mon approche a plutôt été détournée et décalée - "dire toute la vérité, mais en biaisant", comme le conseillait la poétesse Emily Dickinson. Mon message est qu'il existe un moyen de recalibrer notre réponse collective à tous ces problèmes - une démarche qui permettra ensuite à une cascade de solutions de se mettre en place. Cette approche nécessite un rétablissement de notre position éthique et morale à l'égard de la Terre et d'autrui. Nous devons changer de voie, revoir notre conception fondamentale de ce que nous sommes et la manière dont nous sommes interconnectés, les uns avec les autres, et au milieu terrestre qui nous nourrit. Je crois que le concept de l'Esprit universel, unitaire et collectif, une dimension d'intelligence dont les esprits individuels de toutes les créatures sensibles font partie intégrante, est une vision qui est 302 suffisamment forte pour faire la différence dans la manière dont nous abordons tous les défis auxquels nous sommes confrontés - non pas en tant que simple concept intellectuel, mais comme quelque chose que nous ressentons de la manière la plus profonde qui soit. Ainsi que le disait Hesse dans le prologue de Demian, "J'ai été et je suis toujours un chercheur, mais je ne cherche plus dans les étoiles et les livres ; j'ai commencé à écouter les enseignements que mon sang me murmure."3 RESPONSABILITÉ VIS-À-VIS DE QUELQUE CHOSE DE SUPÉRIEUR Vaclav Havel, l’auteur, poète et dramaturge, qui fut le premier président de la république tchèque, voyait qu'un enfer se profilait dans notre monde et il a eu le courage de le dire sur la scène internationale. Comme solution, il préconisa une entrée collective dans une forme de conscience universelle qu'il appela "la responsabilité vis-à-vis de quelque chose de supérieur". Comme il le déclara dans un discours prononcé lors d'une session conjointe du Congrès américain, le 21 février 1990 : La conscience précède l'existence, et pas l'inverse ... c'est pourquoi le salut de ce monde humain ne se trouve nulle part ailleurs que dans le cœur humain.... Sans une révolution globale dans le domaine de la conscience humaine, rien ne changera pour le mieux dans le domaine de notre existence humaine, et la catastrophe vers laquelle ce monde se dirige – qu’elle soit écologique, sociale, démographique ou qu'il s'agisse d'un effondrement global de la civilisation - sera inexorable. Si nous ne sommes plus menacés par une guerre mondiale ou par le risque que des montagnes absurdes d'armes nucléaires accumulées fassent exploser le monde, cela ne signifie pas pour autant que nous avons définitivement gagné. Nous pouvons encore comprendre que l’unique base authentique pour toutes nos actions, pour qu'elles soient morales, c'est la responsabilité. Une responsabilité vis-à-vis de quelque chose de supérieur à ma famille, à mon pays, à mon entreprise, et à ma réussite - une responsabilité envers un ordre d'existence, où toutes nos actions sont 303 enregistrées de manière indélébile et où, et seulement où, elles seront correctement jugées.4 LE DÉPASSEMENT DE SOI Dans un discours ultérieur prononcé à l'Independence Hall de Philadelphie, en 1994, et intitulé "La nécessité du dépassement de soi", Havel évoqua une humanité unifiée et soudée par un état de conscience qu'il qualifia de "transcendance" : Dans le monde multiculturel actuel, la voie vraiment sûre vers la coexistence, la coexistence pacifique et la coopération créative, doit partir de ce qui est à la racine de toutes les cultures et de ce qui est infiniment plus profond dans le cœur et l'esprit des hommes que les opinions politiques, les convictions, les antipathies ou les sympathies - elle doit s'enraciner dans le dépassement de soi : un dépassement de soi, qui soit une main tendue à nos proches, aux étrangers, à la communauté humaine, à toutes les créatures vivantes, à la nature et à l'univers. Un dépassement de soi, qui soit un besoin profondément et joyeusement vécu d'être en harmonie avec ce que nous ne sommes pas nous-mêmes, ce que nous ne comprenons pas, ce qui semble éloigné de nous dans le temps et dans l'espace, mais avec lequel nous sommes pourtant mystérieusement liés, parce que, avec nous, tout cela constitue un seul et même monde. Un dépassement de soi qui constitue la seule véritable alternative à l'extinction. (C'est nous qui soulignons).5 Dans les pages précédentes, nous avons exploré de nombreuses manières de faire l'expérience d'un engagement transformateur avec un état d'être transcendant et unificateur que j'ai appelé l'Esprit universel. De telles expériences transcendantes nous secouent souvent, nous retournent et ‘’sidèrent momentanément l'esprit", comme le dit Frederick Turner. 304 L'astronaute, Edgar Mitchell, que je connais et que j'admire depuis des années, est un exemple emblématique de ce qui peut survenir en cas de choc avec la plénitude. Pilote du module lunaire d'Apollo 14, Mitchell fut le sixième homme à marcher sur la lune. Pendant son vol de retour vers la Terre, il ressentit un lien extraordinaire avec la planète. "C'était une planète magnifique, harmonieuse, d'apparence paisible, bleue avec des nuages blancs, et qui vous donnait un sentiment profond... de chez soi, d'être, d'identité. C'est ce que je préfère appeler la Conscience globale instantanée."6 En parlant des autres astronautes, il commenta : "Chaque homme revient avec le sentiment de ne plus être un citoyen américain - d'être un citoyen planétaire". L'astronaute, Russell Schweickart, le pilote du module lunaire d'Apollo 9, exprima sensiblement la même chose : "Vous reconnaissez que vous faites partie intégrante de cette vie globale.... Et quand vous revenez, il y a une différence dans ce monde, maintenant. Il y a une différence dans la relation entre vous et cette planète, entre vous et toutes les autres formes de vie sur cette planète, parce que vous avez vécu ce genre d'expérience."7 Bien entendu, il n'est pas nécessaire d'aller dans l'espace pour vivre ces moments transcendants et transformateurs ; on peut se transporter dans l'espace intérieur. Ainsi que nous l'avons vu, ces expériences frappent toujours à la porte de la conscience, elles n'attendent qu'une occasion pour faire irruption dans le salon de notre vie consciente. Elles s'immiscent dans notre vie de différentes manières : dans des situations ordinaires, comme s'asseoir tranquillement, comme écouter de la musique, comme contempler des œuvres d'art, méditer, prier, faire la vaisselle, jardiner ou ne rien faire ; ou encore lors de moments dramatiques et désespérés, comme une mort imminente ou une situation qui met notre vie en péril. LA DIMENSION SPIRITUELLE DES EXPÉRIENCES DE L’ESPRIT UNIVERSEL Mais comment des expériences de l'Esprit universel, telles que celles que nous avons examinées dans ce livre peuvent-elles nous permettre d'échapper à 305 l'avenir sombre auquel nous sommes confrontés ? Comment fonctionne ce processus ? La plupart de ces expériences sont considérées comme paranormales ou parapsychologiques, parce qu'elles impliquent des modes de connaissance non locaux qui outrepassent les sens physiques. Ces expériences révèlent des liaisons et des connexions entre des individus éloignés. Mais les liaisons entre personnes éloignées sont courantes - songeons aux portables et aux téléphones - et il n'y a donc rien de nécessairement transformateur dans le fait d'être connecté. Même des expériences de l'Esprit universel peuvent être anodines. Comme l'a souligné Hoyt L. Edge, professeur de philosophie au Rollins College, en Floride : "Les phénomènes parapsychologiques ne sont en eux-mêmes pas plus spirituels que n'importe quel autre phénomène...". Mais encore. "Il y a une implication du paranormal qui est profonde : les données de la parapsychologie fournissent des preuves de l'existence d'un lien entre toutes choses, et que cette connexion est naturelle, et non le résultat d'un artefact humain (comme le téléphone).... Si les facultés parapsychiques suggèrent indirectement que tous les aspects du cosmos sont intimement liés et que je fais partie de cette unité d'une manière significative, alors il est possible de développer un sentiment spirituel à partir de ce point de vue." Le professeur Edge accorde une grande importance à cette vision plus large, parce qu’elle peut transformer notre manière d'être dans le monde. "Le but de la spiritualité n'est pas se séparer du monde naturel et des autres, mais plutôt de rendre sacrées ses propres actions dans le monde naturel et ses interactions avec les autres", dit-il. "La parapsychologie apporte des preuves à l'appui d'une vision du monde plus relationnelle et connectée..." Le professeur Edge évoqua les sentiments qu’éprouva l'un de ses étudiants au cours d'une expérience menée dans le but de générer des expériences mystiques. Celui-ci déclara : "J'étais à la source de la conscience, de l'illumination et de l'existence, qui se manifestait sous la forme d'une énergie reliant tous les objets animés et inanimés.... Je me suis senti moralement élevé à un état d'existence pure et simple, circulant comme du courant continu dans une chute d'eau, pénétrant de plus en plus profondément dans toute l'existence, tout en me sentant de plus en 306 plus en paix et satisfait.... J'étais entouré de sens et libéré du désespoir de l'absence de sens, de la culpabilité et du temps."8 Le chercheur spécialiste de la conscience et psychologue expérimental, William Braud voit les expériences qui relèvent de l'Esprit universel comme un moyen potentiel de sortir de l'enfer. "Nous pourrions, sans aucun doute, nous traiter les uns les autres avec gentillesse, compréhension et compassion, même si nous n'étions pas profondément et intimement interconnectés de manière non triviale", écrivit-il. "Néanmoins, le fait d'avoir une connaissance et une expérience directes de notre interconnexion peut grandement intensifier l'amour que nous avons les uns pour les autres et améliorer nos comportements éthiques et sociaux." Une autre façon dont les expériences qui relèvent de l'Esprit universel peuvent contribuer à la croissance spirituelle d'une personne, c’est de lui faire prendre conscience que la vision du monde restrictive de la science conventionnelle, qui interdit ces phénomènes, est inadéquate. "Parfois, la seule façon d'ébranler une telle vision du monde est de faire vivre au sceptique une expérience paranormale très impressionnante", écrivit le philosophe Donald Evans. "J'ai vu ceci se produire au cours d'ateliers conçus pour éveiller divers pouvoirs paranormaux intuitifs. Toute la question de la réalité se transforme.... Parfois, bien sûr, cela survient spontanément." Evans voit deux manières appropriées d'interpréter ces expériences. "D'une part, je sais que je ne suis séparé de personne ni de rien grâce aux expériences mystiques, où mon propre esprit est relié à tout le monde et à toute chose via un Esprit cosmique qui est un médium omniprésent. D'autre part, je sais que je ne suis séparé de personne ni de rien grâce aux expériences mystiques où ma propre âme consciente est unie à la Source consciente de tous et de tout, qui vit simultanément en nous et en tant que nous."9 Y a-t-il des dangers ? Naturellement. N'importe quelle sublime expérience humaine peut être récupérée par le narcissisme et l'égoïsme et se transformer en trip de l'ego. C'est pourquoi certaines traditions spirituelles ont dévalorisé et même tourné en dérision les siddhis ou les pouvoirs paranormaux, qui peuvent 307 très bien apparaître au cours du processus de transformation de la personne. Mais une proscription absolue de ces expériences n'est certainement pas appropriée, car celles-ci peuvent constituer de puissants indicateurs de la connectivité sous-jacente au monde dont nous faisons partie. Ces expériences, comme l'a dit Evans, peuvent fournir "le socle nécessaire, bien qu’élémentaire de ce qui peut suivre : le processus ardu de la transformation ou de la transfiguration radicale par lequel nous découvrons, puis nous renonçons progressivement à tout ce qui nous empêche d'être des instruments divins vibrant de l'amour divin et canalisant l'amour divin."10 Via ces expériences de l'Esprit universel, on peut apprendre à devenir "transparent à la transcendance", comme le dit le psychologue allemand et maître zen, Karlfried Graf Dürckheim.11 On devient un transmetteur des circuits de la Conscience, de la vie, de l'empathie et de l'amour. Avec cette réalisation, on n’a plus des expériences qui relèvent de l'Esprit universel – on vit l'Esprit universel. Russell Targ, dont les expériences ont contribué à mettre la vision à distance sur la carte scientifique, a écrit dans son livre, Perceptions extrasensorielles : Quand un scientifique prouve la réalité des facultés parapsychiques : "La science occidentale nous a apporté de grandes réalisations et elle nous a fait découvrir les confins de l'espace, mais elle a réduit notre espace mental à la taille d'une noix de coco. Je pense qu'il est plus que temps pour nous de commencer à remettre en question cette réalité et de revendiquer la réalité non bouchée qui s'offre à nous."12 Notre avenir dépend probablement de notre reconnaissance de cette "réalité non bouchée", qui se définit par nos connexions non locales et intimes mutuelles et avec le monde qui nous entoure. Targ estime que la spiritualité et que les expériences qui relèvent de l'Esprit universel sont intimement liées, et il en veut pour preuve la description de la télépathie et de la précognition dans le magistral texte bouddhiste connu sous le nom de Soutra de l'Ornementation Fleurie, qui date de l'an 100 de l'ère chrétienne.13 "Ce traité bouddhiste, écrivit Targ, ‘’enseigne qu'il n'y a aucun paradoxe dans la précognition ou dans la communication avec les morts, puisque le passé, le présent et le futur sont tous d'une dimension infinie et qu'ils coexistent en toute dépendance. Ainsi, le futur peut affecter le passé et, puisque notre Conscience est intemporelle et non locale, il ne devrait pas être surprenant 308 que l’on puisse faire l'expérience et que l’on fasse l'expérience d’apparitions de défunts ou de communications concernant l'avenir dans des rêves précognitifs." Toutes ces formes de super-connaissance, selon Targ, ‘’sont susceptibles de se produire dans nos vies, comme une résultante naturelle de la Conscience nonlocale". Et elles peuvent nous aider dans notre cheminement spirituel, si on en fait l'expérience avec un esprit clair et discriminant, raffiné par des disciplines spirituelles telles que la méditation, la contemplation, etc. Targ signala que ces mêmes exemples de "super-connaissance" se retrouvent également dans l'hindouisme, et notamment dans les écrits des sages Patanjali (IIe siècle avant notre ère) et Shankara (VIIIe siècle après J.-C.). Il conclut : "J'espère que mes amis bouddhistes ne me diront plus jamais que les bouddhistes ne s'intéressent pas aux capacités psychiques."14 J'espère que mes amis chrétiens cesseront également de me suggérer que ces modes de connaissance non locaux sont théologiquement suspects. Le christianisme souffre encore du contrecoup des siècles passés, lorsque des phénomènes non locaux, tels que la télépathie, la clairvoyance et la précognition étaient considérés comme l'œuvre du diable et que les personnes qui les professaient étaient souvent exécutées au nom de Dieu. De telles suspicions ne sont plus dignes de notre espèce. Ces capacités devraient être encouragées, en fait, parce que notre espèce en difficulté a besoin de tout le spectre de la conscience pour survivre. LE CHAS DE L’AIGUILLE La voie commune à tous les moments d'unité d'esprit est l'expérience d'un niveau hyper réel de conscience, de connexion, d'intimité et de communion avec un Tout plus vaste, peu importe comment il est conçu - l'Absolu, Dieu, la Déesse, Allah, l'Univers, et ainsi de suite -, le tout baignant dans une expérience d'amour intense. Il s'ensuit un profond changement dans les prémisses existentielles sur lesquelles on fonde sa vie. On cesse d'être "une chose ou un processus, mais une ouverture ou un espace libre grâce auquel l'Absolu peut se manifester."15 309 C'est le chas de l'aiguille par lequel, une fois passé, il n'y a plus aucun retour en arrière possible. C'est notre meilleur espoir, mais c’est plus qu'un espoir : c'est une possibilité qui est à la portée de tous et que beaucoup ont déjà expérimentée. Si cette magnifique Terre devait nous parler, peut-être nous convierait-elle avec les paroles de Rumi, ce lumineux poète soufi de la Perse du XIIIe siècle : "Viens, viens, qui que tu sois, vagabond, pèlerin ou fuyard. Ce n'est pas la caravane du désespoir, et il importe peu que tu aies brisé tes vœux des milliers de fois, viens encore, viens."16 Alors, si la Terre nous interpelle, comment répondrons-nous ? Chacun d'entre nous a manqué mille fois à ses responsabilités à l’égard de la Terre et de l'environnement, et donc à l'égard de lui-même et des autres. Cependant, il est en notre pouvoir de racheter nos manquements en retrouvant notre nature non locale - l'Esprit universel, qui nous unit à tout le reste, y compris à notre Terre, l'Esprit universel dont la carte de visite est l'amour, la sollicitude et l'affection. Si nous sentons notre place dans cette Grande Connexion, notre réponse est d'honorer ce à quoi nous sommes liés, comme s'il s'agissait de notre maîtresse. Cette connexion est éternelle et aucun assemblage n'est nécessaire. Rumi conclut : ''Finalement, les amoureux ne se rencontrent pas quelque part. Ils sont l'un dans l'autre depuis toujours."17 310 NOTES DE FIN REMERCIEMENTS 1 Krishna, The Biological Basis of Religion and Genius: 35–36. 2 Baldwin, Edison: 376. NOTE DE L’AUTEUR 1 Yu, The Great Circle: 160. 2 Rao, Cognitive Anomalies, Consciousness, and Yoga: 352. 3 Ibid., 335; Emerson. Self-Reliance and Other Essays: 53. Comparez le langage du professeur Rao à celui d'Emerson : " L'âme dans l'homme (...) n'est pas une faculté, mais une lumière (...) de l'intérieur ou au-delà, une lumière [qui] rayonne à travers nous sur les choses, et nous fait prendre conscience que nous ne sommes rien, mais que la lumière est tout. " (Emerson. Self-Reliance and Other Essays: 53.) 4 Tzu, Tao Te Ching 5 Et comme en Orient, de même en Occident, comme chez Emerson : "Elle [l'âme] est trop subtile. Elle est indéfinissable, non mesurable, mais nous savons qu'elle nous imprègne et nous contient." (Emerson, Self-Reliance and Other Essays : 53). 6 Heisenberg, Physics and Beyond: 137. 7 Planck, Where is Science Going?: 217. INTRODUCTION 1 Schiller, “The Progress of Psychical Research.” 2 Pour ceux qui voudraient consulter une autre source complémentaire qui examine en détail un grand nombre des phénomènes dont je parle, je recommande un ouvrage érudit, Irreducible Mind, du psychologue Edward F. Kelly et de ses collègues de l'université de Virginie. Cet ouvrage de référence a été qualifié à juste titre de "brillant, héroïque, ... surprenant ... [et] scientifiquement rigoureux ...". Commentaire de Richard Shweder sur la quatrième de couverture. 3 Dossey, Recovering the Soul: 1–11. 311 4 Thomas, The Medusa and the Snail: 174–75. 5 Raffensperger, “Moral Injuries and the Environment.” 6 Karpf, “Climate Change.” 7 Mead, Quotationspage.com. 8 Barasch, Green World Campaign. 9 Rifkin, The Empathic Civilization: 599–600. 10 Josephson, “Pathological Disbelief.” 11 Sturrock. A Tale of Two Sciences: 95. 12 Milton, Alternative Science: 3; Lindsay. “Maskelyne and Meteors”; “History of Meteoritics”; Ensisheim meteorite, Encyclopedia of Science. 13 Einstein, The New York Times; Wikiquote. 14 Johnson, “The Culture of Einstein.” 15 Emerson, Essays: First Series: 1. 16 Ibid., 96. 17 Lovejoy, The Great Chain of Being. 18 Akashic Records, Wikipedia; Laszlo, Science and the Akashic Field. 19 Luke 17:21, King James Version. 20 John 10:34, King James Version. 21 Trismegistus, Hermetica: 203. 22 Plato, Collected Dialogues of Plato: 520–25. 23 Pierce, Irish Writing in the Twentieth Century: 62. 24 Kerouac, Scattered Poems: 54. 25 Il existe trois formes courantes de matérialisme. (1) L'épiphénoménisme soutient que la conscience émane, en quelque sorte, du cerveau, comme la vapeur d'une bouilloire. Enlevez la bouilloire, et il n'y a plus de vapeur. (2) La théorie de l'identité prétend que la conscience et les états du cerveau sont identiques. (3) Le matérialisme éliminatoire est l'opinion d'après laquelle la conscience n'existe pas. 26 Hoffman, “Conscious Realism and the Mind-Body Problem.” 27 Pinker, How the Mind Works: 146. 28 Huxley, Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow : 32 ; il ne faudrait pas interpréter l'observation d'Huxley comme une approbation de la paresse intellectuelle ou de l'antiscience. Il honore une certaine sagesse, qui ne se conforme pas aux formules, ni aux équations de la science - une sagesse qui, comme l’a dit Emerson, émane de "la révélation ... du dévoilement de l'âme". 312 Emerson affirmait que cet ordre de connaissance est dénaturé, si on y a recours pour répondre à des questions terre à terre. "Il faut contrôler cette basse curiosité et ne pas forcer les serrures", disait-il. (Emerson, Self-Reliance and Other Essays : 58.) 29 Thomas, The Medusa and the Snail: 73. 30 Ibid., 174–75. 31 Sheldrake, Science Set Free. 32 Nisker, Inquiring Mind: 1. CHAPITRE 1 : SAUVER LES ‘’AUTRES’’…POURQUOI TOUT RISQUER ? 1 Buckley, “Man is Rescued by Stranger on Subway Tracks.” 2 Trump, “The Time 100.” 3 Campbell and Toms, An Open Life: 53. 4 Ryder, Animal Revolution: 57. 5 Campbell, The Inner Reaches of Outer Space: 84. 6 Dossey, Healing Beyond the Body: 79–104. 7 Pearce, Evolution’s End: 221. 8 Huxley, The Perennial Philosophy: 6. 9 Ibid., 9. CHAPITRE 2 : LE SAINT PATRON DE L’ESPRIT UNIVERSEL 1 Schrödinger, What is Life? and Mind and Matter: 145. 2 Moore, Schrödinger: Life and Thought: 107–10. 3 Ibid., 111. 4 Koestler, The Roots of Coincidence: 107–8. 5 Moore, Schrödinger: Life and Thought: 112. 6 Schopenhauer, Sämtliche Werke: 224–25; Koestler,The Roots of Coincidence:107–8. 7 Moore, Schrödinger: Life and Thought: 113. 8 Schrödinger, What is Life? and Mind and Matter: 139. 9 Ibid., 133. 10 Ibid., 145. 11 Ibid., 165. 313 12 Schrödinger, My View of the World: 21–22. 13 Ibid., 22 14 Moore, Schrödinger: Life and Thought: 348–49. 15 Ibid., 173. 16 Huxley, The Perennial Philosophy. 17 Underhill, Mysticism: 80. 18 Moore, Schrödinger: Life and Thought: 114. 19 Gandhi, The Evolution of Consciousness: 215–51. 20 Dossey, Space, Time & Medicine. 21 Dossey, Recovering the Soul: 1–11. CHAPITRE 3 : EXPÉRIENCES VÉCUES RELATIVES À L’ESPRIT UNIVERSEL 1 Stein, Everybody’s Autobiography: 289. 2 Van Oss, “Hunch Prompted Dutch Man to Cancel Flight on Air France 447.” 3 Winkler, communication personnelle à l’auteur. 4 Beloff, Parapsychology: xiv. CHAPITRE 4 : L’ESPRIT UNIVERSEL N’EST PAS UN FLOU INFINI 1 Pearce, Evolution’s End: 30. 2 Ibid., 95. 3 Grann, The Lost City of Z: 122–23. 4 Walach and Schneider, Generalized Entanglement From a Multidisciplinary Perspective. 5 Nadeau and Kafatos, The Non-Local Universe: 65–82. 6 Herbert, Quantum Reality: 214. 7 Einstein, Podolsky, and Rosen, “Can Quantum-Mechanical Description of Physical Reality Be Considered Complete?” 8 Kafatos and Nadeau, The Conscious Universe: 71. 9 “How old is the universe?” Universe 101. 10 Vedral, “Living in a Quantum World”; Thaheld, “Biological Nonlocality and the Mind-Brain Interaction Problem”; Thaheld, “A Method to Explore the Possibility of Nonlocal Correlations Between Brain Electrical Activities of Two Spatially Separated Animal Subjects.” 314 11 Bohm, Wholeness and the Implicate Order: 145. 12 Cook, Hua-Yen Buddhism: 2 13 Bohm, Wholeness and the Implicate Order: 149. 14 Bohm and Krishnamurti, The Limits of Thought. 15 Lachman, Lachman, and Butterfield, Cognitive Psychology and Information Processing: 137. 16 Sheldrake, McKenna, and Abraham, The Evolutionary Mind: 109–21. 17 Turner, Natural Religion: 213. 18 Best, Five Days That Shocked the World: 79. 19 Gonin, “Extract from the Diary of Lieutenant Colonel Mervin Willett Gonin.” 20 Bohm, Wholeness and the Implicate Order. 21 Eckhart, “Spiritual Practices: Silence.” 22 Keating, “Spiritual Practices: Silence.” 23 Vivekananda, “Spiritual Practices: Silence.” 24 Alexander, Proof of Heaven; Alexander, “Neurosurgeon Eben Alexander’s NearDeath Experience Defies Medical Model of Consciousness.” 25 Eckhart, Meister Eckhart: 243. CHAPITRE 5 : LE SENTIMENT D’ÊTRE OBSERVÉ 1 Longworth, Churchill by Himself: 322. 2 Sheldrake, The Sense of Being Stared At; Braud, Shafer, and Andrews, “Electrodermal Correlates of Remote Attention”; Cottrell, Winer, and Smith, “Beliefs of Children and Adults About Feeling Stares of Unseen Others.” 3 Sheldrake, The Sense of Being Stared At: 5. 4 Ibid., xiii. 5 Matthew, “Sixth Sense Helps You Watch Your Back.” 6 Sheldrake, The Sense of Being Stared At. London. Arrow; 2003: 139. 7 Ibid., 139–40. 8 Ibid., 157. 9 Cottrell, Winer, and Smith, “Beliefs of Children and Adults About Feeling Stares of Unseen Others.” CHAPITRE 6 : ÉVOLUTION À L’UNISSON 315 1 Sandoz, The Buffalo Hunters: 3–5. 2 Ibid., 102. 3 Ibid., 103–4. 4 “Projet pigeon voyageur : les leçons du passé pour un avenir durable” 5 Pour un autre spectacle d'étourneaux à couper le souffle, voir : https://www.youtube.com/watch?v=iRNqhi2ka9k 6 Shadow, Dailygrail.com. 7 Ibid. 8 Miller, “The Genius of Swarms.” 9 “Planes, Trains, and Ant Hills.” ScienceDaily.com. 10 Miller, “The Genius of Swarms.” 11 “Caribou.” U. S. Fish and Wildlife Service. 12 Miller, “The Genius of Swarms.” 13 Sheldrake, The Sense of Being Stared At: 113–21. 14 Potts, “The Chorus-Line Hypothesis of Manoeuvre in Avian Flocks.” 15 Sheldrake, The Sense of Being Stared At: 115; Selous, Thought Transference (or What?) in Birds: 931; Long, How Animals Talk. 16 Sheldrake, The Sense of Being Stared At: 119. 17 Ibid., 83. CHAPITRE 7 : L’ESPRIT COMMUN DES ANIMAUX ET DES HOMMES 1 Watson, “Natural Harmony.” 2 Alexander, Bobbie, A Great Collie: 103–13. 3 Harness, "The Most Famous Mutts Ever" ; l'histoire de Rin Tin Tin est racontée dans Orlean. Rin Tin Tin ; Stelljes, Wonder Dog, the Story of Silverton Bobbie ; Schul, The Psychic Power of Animals : 52 ; Rhine et Feather, "The Study of Cases of 'Psi-Trailing' in Animals". 4 Scheib, “Timeline.” 5 Trapman, The Dog, Man’s Best Friend. 6 Rhine and Feather, “The Study of Cases of ‘Psi-Trailing’ in Animals.” 7 “Of All the Pigeon Lofts in the World.” 8 Rhine and Feather, “The Study of Cases of ‘Psi-Trailing’ in Animals.” 316 9 Sheldrake, Dogs That Knows When Their Owners Are Coming Home ; Sheldrake, Commentaire sur un article de Wiseman, Smith et Milton sur le phénomène des "animaux de compagnie psychiques". 10 Armstrong, “Souls in Process: A Theoretical Inquiry into Animal Psi.” Critical Reflections on the Paranormal: 134. 11 Ibid., 135. 12 Ibid. 13 Sheldrake and Smart, “Psychic Pets.” 14 Scheltema, Something Unknown Is Doing We Don’t Know What. 15 Wiseman, Smith, and Milton, “Can Animals Detect When Their Owners Are Returning Home?” 16 Wilson, Quoted at GoodReads.com. 17 Schul, The Psychic Power of Animals: 142–43; Telepathy. Gale Encyclopedia of Occultism and Parapsychology. 18 Kane, “Do Dogs Mourn?” 19 Harrison, Off to the Side: 47–48. 20 Ibid., 48. 21 “NZ Dolphin Rescues Beached Whales.” BBC News online. 22 Gessler, “Couple Alerted by Dolphins about Tired Dog Tells Story.” 23 Cellzic, “Dolphins Save Surfer from Becoming Shark’s Bait.” 24 “Dolphins Save Lifeguards from Circling Great White Shark.” www.joe-ks.com; Thomson, “Dolphins Saved Us From Shark, Lifeguards Say.” 25 “Amazing Moment Mila the Beluga Whale Saved a Stricken Diver’s Life by Pushing Her to the Surface.” 26 “Heroic Horse Halted Cow’s Attack.” BBC News online. 27 “Gorilla Rescues Child.” Year in Review: 1996; “Gorilla at an Illinois Zoo Rescues a 3-Year-Old Boy.” The New York Times archives; “Gorilla’s Maternal Instinct Saves Baby Boy Who Fell into Zoo Enclosure from Coming to Harm.” The Independent online. 28 Buchmann, Letters from the Hive: 123. 29 Anonymous, “Telling the bees.” Dailygrail.com. 30 Schul, The Psychic Power of Animals: 146; “Telling the Bees.” SacredTexts.com 31 Whittier, “Telling the Bees”: 167. 32 Shadow, "Telling the Bees", Dailygrail.com.; Il se peut que J. K. Rowling ne connaissait pas l'annonce aux abeilles et la révérence des cultures anciennes à 317 leur égard. Une source dit que Rowling savait que dumbledore était un ancien mot anglais voulant dire "bourdon" et que, parce que son personnage Albus Dumbledore aimait beaucoup la musique, elle se le représentait toujours en train de fredonner. Voir : Rowling. " What Jo says about Albus Dumbledore’’. 33 Rogers. Cité dans GoodReads.com. 34 Twain. Cité dans GoodReads.com. 35 De Gaulle. Cité dans GoodReads.com. 36 Schulz. Cité dans GoodReads.com. 37 Kundera. Cité dans GoodReads.com. 38 “Cat Heroes.” Squidoo.com. 39 Dosa, “A Day in the Life of Oscar the Cat.” 40 Twain. Cité dans GoodReads.com. 41 De Vinci. Cité dans GoodReads.com. CHAPITRE 8 : DES ATOMES ET DES RATS 1 Feynman, Six Easy Pieces: 20 2 Radin, Entangled Minds: 19. 3 Vedral, “Living in a Quantum World.” 4 Mermin, “Extreme Quantum Entanglement in a Superposition of Macroscopically Distinct States.” 5 Kafatos and Nadeau, The Conscious Universe: 71. 6 Nadeau and Kafatos, The Non-Local Universe: 65–82; Kafatos and Nadeau. The Conscious Universe. 7 Kelly, et al., Irreducible Mind; Carter. Parapsychology and the Skeptics; Tart. The End of Materialism. 8 Vedral, “Living in a Quantum World.” 9 Wilber, Quantum Questions : citation au dos de la couverture. 10 Socrates. QuotesEverlasting.com. 11 Dawkins, The Selfish Gene 12 Ibid., 3. 13 Ibid. 14 Bartal, Decety, and Mason, “Empathy and Pro-Social Behavior in Rats.” 15 Kane, “Study Shows Lab Rats Would Rather Free a Friend than Eat Chocolate.” 318 16 Mitchum, “Rats Free Trapped Companions, Even When Given Choice of Chocolate Instead.” CHAPITRE 9 : L’ESPRIT DÉPASSE LE CERVEAU 1 Brunton, Network Newsletter: 18. 2 Lashley, “In Search of the Engram”: 478. 3 Lorber, “Is Your Brain Really Necessary?” 4 Brian, Genius Talk: 367. 5 Wigner, “Are We Machines?” 6 Maddox, “The Unexpected Science to Come.” 7 Hippocrates, Hippocrates: 179. 8 Carter, Science and the Near-Death Experience: 14 9 Bergson, The Creative Mind. 10 Carter, Science and the Near-Death Experience: 15. 11 Bergson, Presidential address. 12 James, Human Immortality: 15. 13 Ibid., 1113 14 Huxley, The Doors of Perception: 22–24 15 Fenwick and Fenwick, The Truth in the Light: 235–36. 16 Ibid., 260. 17 Ibid. CHAPITRE 10 : L’IMMORTALITÉ ET LES EXPÉRIENCES DE MORT IMMINENTE 1 Ramachandran, “The Limbic Fire.” 2 Dickinson, The Complete Poems of Emily Dickinson: 708. 3 Benedict, “Mellen-Thomas Benedict’s Near-Death Experience.” 4 Ibid. 5 Benedict, Wisdom. 6 Benedict, “Mellen-Thomas Benedict’s Near-Death Experience.” 7 Plato, “The Myth of Er.” 8 Jung, The Collected Works of C. G. Jung. Princeton University Press; 1969: 43. 9 Jung, The Symbolic Life. 10 Jung, Memories, Dreams, Reflections: 325. 319 11 Taylor, Orwell: 239. 12 Bohm, Omni. 13 De Beauregard. Address to the Third Annual Meeting of the Society for Scientific Exploration. 14 Stevenson, Where Reincarnation and Biology Intersect; Tucker. Life Before Life. 15 Darling, Soul Search: 179. 16 Gefter, “Near-Death Neurologist.” 17 Russell, The Basic Writings of Bertrand Russell: 370. 18 Thomas,“The Long Habit.” 19 Alexander, Proof of Heaven. 20 Alexander, “Life Beyond Death.” 21 Alexander, interview avec Alex Tsakiris. 22 Moody, Life After Life. 23 Sondage Gallup. "Un nouveau sondage mesure le niveau de connaissances générales des Américains.'' 24 Flat Earth Society. 25 Gallup and Proctor. Adventures in Immortality; Perera, et al. “Prevalence of Near-Death Experiences in Australia”: 109; Knoblauch, et al. “Different Kinds of Near-Death Experience”: 15–29. 26 Van Lommel, et al, "Near-Death Experience in Survivors of Cardiac Arrest" (Expérience de mort imminente chez les survivants d'un arrêt cardiaque) : La mort clinique est "l'inconscience consécutive à la perte du rythme cardiaque et de la respiration. Si les patients ne sont pas réanimés dans les cinq à dix minutes, ils mourront" ; Van Lommel. Consciousness Beyond Life (La conscience au-delà de la vie) : 398. 27 Gallup and Proctor. Adventures in Immortality: 198–200. 28 “Key Facts about Near-Death Experiences.” Prevalence of NDEs. 29 Clark, Divine Moments: 54. 30 Ibid., 51 31 Moody, Life After Life. 32 Clark, Divine Moments: 34–40. 33 Emerson, Essays: First Series: 1. 34 Clark, Divine Moments: 45. 35 Ibid.,188. 36 Ibid., 212. 320 37 Ibid., 23–27. 38 Van Lommel, Consciousness Beyond Life: 8–9. 39 Van Lommel, Consciousness Beyond Life: 9; Van Lommel, et al., “Near-Death Experiences in Survivors of Cardiac Arrest”; Greyson, “Incidence and Correlates of Near-Death Experiences in a Cardiac Care Unit.” 40 Hoffman, “Disclosure Needs and Motives after Near-Death Experiences.” 41 Van Lommel, Consciousness Beyond Life: 10 42 Clark, Divine Moments: 53. 43 Moody, Paranormal: 227–42 44 Borysenko, “Shared Deathbed Visions.” 45 Moody, Paranormal: 239–41. 46 Rominger, “An Empathic Near-Death Experience.” 47 "Group Near-Death Experiences" ; On peut aussi trouver ce compte rendu dans Gibson, Fingerprints of God : 128-30. 48 Moody, Paranormal: 227–42. 49 Clark, Divine Moments: 177. 50 Ibid., 103–4. 51 Ibid., 157–58. 52 Ibid., 137. 53 Ibid., 187. 54 Ibid., 193. 55 Ibid., 221. 56 Greyson, “Increase in Psychic Phenomena Following Near-Death Experiences”; Sutherland, “Psychic Phenomena Following Near-Death Experiences.” 57 Clark, Divine Moments: 244–47. CHAPITRE 11 : LA RÉINCARNATION 1 Voltaire, “La Princesse de Babylone”: 366. 2 Tucker, Life Before Life: 211. 3 Schopenhauer, Parerga and Paralipomena: 368. 4 Pew Forum, “Many Americans Mix Multiple Faiths.” 5 Stevenson, Where Reincarnation and Biology Intersect: 9. 6 Ibid., 7. 7 Ibid., 12. 321 8 Stevenson, Telepathic Impressions. 9 Schmicker, Best Evidence: 223. 10 Stevenson, Where Reincarnation and Biology Intersect: 180–81. 11 Ibid., 3. 12 Ibid., 180. 13 Ibid., 181. 14 Ibid. 15 Thomas, The Lives of a Cell: 52. 16 Stevenson, Where Reincarnation and Biology Intersect: 181. 17 Ibid. 18 Ibid., 181–83. 19 Ibid., 182 20 Kelly, et al., Irreducible Mind. 21 Nan Huaijin, Basic Buddhism: 46. 22 Bernstein, Quantum Profiles: 82. CHAPITRE 12 : LA COMMUNICATION AVEC LES DÉFUNTS 1 Mitchell, “The Case of Mary Reynolds”; Putnam, A History of Multiple Personality Disorder: 357. 2 Barrington, Mulacz, and Rivas, “The Case of Iris Farczády.” 3 Warcollier, “Un Cas de Changement de Personnalité avec Xénoglossie”: 121–29 4 Kelly, et al., Irreducible Mind: 282. 5 Ibid., 283. 6 Beischel and Rock, “Addressing the Survival vs. Psi Debate Through ProcessFocused Mediumship Research.” Rock, Beischel, and Cott, “Psi vs. Survival.” 7 Beischel and Schwartz, “Anomalous Information Reception by Research Mediums Demonstrated Using a Novel Triple-Blind Protocol.” 8 Tart, “Who or What Might Survive Death?” in Body Mind Spirit: 182.? 9 Barnum, “Expanded Consciousness.” 10 Ibid., 264. 11 Rees, “The Bereaved and Their Hallucinations.” CHAPITRE 13 : UNITÉ PRÉCOCE 322 1 Ainsworth, “Deprivation of Maternal Care”; Geber, “The Psycho-motor Development of African Children in the First Year and the Influence of Maternal Behavior.” 2 Inglis, Natural and Supernatural: 34. 3 Rose, Primitive Psychic Power: 49–50. 4 Inglis, Natural and Supernatural: 33; Sinel, The Sixth Sense. 5 Pearce, Evolution’s End: 149. 6 Sheldrake and Wolpert, Telepathy Debate. 7 Gersi, Faces in the Smoke: 84–86. 8 Ibid., 86–91. CHAPITRE 14 : LES (IDIOTS) SAVANTS 1 Dossey, Healing Beyond the Body: 265–68. 2 Pearce, Evolution’s End: 3–5. 3 Treffert and Wallace, “Islands of Genius.” 4 Ibid. 5 Pearce, Evolution’s End: 4. 6 Feinstein, “At Play in the Fields of the Mind.” 7 Treffert, Extraordinary People. 8 Ibid., 1–2. 9 Pearce, Evolution’s End: 4. 10 Treffert, Extraordinary People: 59–68. 11 Rimland, “Savant Capabilities of Autistic Children, and Their Cognitive Implications.” 12 Treffert, Extraordinary People: 396. 13 Ibid., 396–97. 14 Ibid., 196–97; Treffert and Wallace, “Islands of Genius.” 15 Treffert and Christensen, “Inside the Mind of a Savant.” 16 Treffert, Extraordinary People: 163. 17 Duckett, “Adaptive and Maladaptive Behavior of Idiot Savants”; Duckett. “Idiot Savants.” 18 Treffert and Wallace, “Islands of Genius.” 323 CHAPITRE 15 : LES JUMEAUX 1 Swinburne, “The Higher Pantheism in a Nutshell”: 14. 2 Dossey, “Lessons from Twins.” 3 Allen, “The Mysteries of Twins.” 4 Jackson, “Reunion of Identical Twins, Raised Apart, Reveals Some Astonishing Similarities”: 48–56. 5 Wright, “Double Mystery.” 6 Holden, “Identical Twins Reared Apart”: 1323–1328. 7 Jackson, “Reunion of Identical Twins, Raised Apart, Reveals Some Astonishing Similarities”: 50. 8 Allen, “The Mysteries of Twins.” 9 Jackson, “Reunion of Identical Twins, Raised Apart, Reveals Some Astonishing Similarities”: 56. 10 Holden, “Identical Twins Reared Apart”: 1324. 11 Jackson, “Reunion of Identical Twins, Raised Apart, Reveals Some Astonishing Similarities”: 48–56. 12 Wright, “Double Mystery”: 62. 13 LeShan, Landscapes of the Mind: 186–87. 14 Jackson, “Reunion of Identical Twins, Raised Apart, Reveals Some Astonishing Similarities”: 55–56. 15 Playfair, Twin Telepathy: 69. 16 Ibid., 77. 17 Ibid. 18 Ibid., 81. CHAPITRE 16 : LES PHÉNOMÈNES TÉLÉSOMATIQUES 1 Schwarz, “Possible Telesomatic Reactions.” 2 Gurney, Myers, and Podmore, Phantasms of the Living: 188–89. 3 Ibid., 132. 4 Stevenson, Telepathic Impressions: 5–6. 5 Rush, “New Directions in Parapsychological Research.” 6 Rhine, “Psychological Processes in ESP Experiences.” 7 Playfair, Twin Telepathy: 11–35. 324 8 Ibid., 52–55. 9 Ibid., 55–56. 10 Vanderbilt and Furness, Double Exposure: xi–xii. 11 Playfair, Twin Telepathy: 16. 12 Ibid., 51. 13 Kincheloe, “Intuitive Obstetrics.” 14 Dean, Plyler, and Dean, “Should Psychic Studies Be Included in Psychiatric Education?” 15 Survey of Physicians’ Views on Miracles; Schwartz, “An American Profile.” 16 Schwartz, “An American Profile.” 17 Evans, “Parapsychology—What the Questionnaire Revealed.” 18 Bem and Honorton, “Does Psi Exist?” 19 Hansen, The Trickster and the Paranormal: 148–61; Hansen, “CSICOP and the Skeptics”; Carter, Parapsychology and the Skeptics. CHAPITRE 17 : ABSOLUMENT CONVAINCU 1 Radin, The Conscious Universe; Radin, Entangled Minds. 2 Les publications suivantes ont trait aux recherches de Russell Targ : Targ, Do You See What I See ; Targ, Limitless Mind ; Targ et Puthoff, Mind-Reach ; Targ et Puthoff, "Scanning the Issue" ; Targ et Puthoff, "Information Transmission under Conditions of Sensory Shielding" ; Targ, "Remote Viewing at Stanford Research Institute in the 1970s." 3 Targ, “Why I Am Absolutely Convinced of the Reality of Psychic Abilities and Why You Should Be Too.” 4 Dossey, “Making Money”: 49–59. 5 Puthoff, “CIA-Initiated Remote Viewing Program at Stanford Research Institute.” 6 Targ, “Why I Am Absolutely Convinced of the Reality of Psychic Abilities and Why You Should Be Too.” 7 Targ, Limitless Mind: 7–8. 8 Ibid., 83 9 Vedral, “Living in a Quantum World”; Dossey, “All Tangled Up.” 10 Targ, Limitless Mind: 8; Bohm and Hiley, The Undivided Universe: 382–86. 11 Targ, Limitless Mind: 8. 325 CHAPITRE 18 : DES AVIONS ABATTUS ET DES NAVIRES COULÉS 1 Targ and Puthoff, Mind Reach. 2 Schnabel, Remote Viewers: 215 ff; Swanson, The Synchronized Universe: 33. 3 Schwartz, “Nonlocal Awareness and Visions of the Future.” 4 Psychic Sea Hunt. 5 Schwartz, Opening to the Infinite: 180–201. 6 Ibid., 199. 7 Ibid., 197–98. 8 Ibid., 198–99. 9 Schwartz, The Secret Vaults of Time. CHAPITRE 19 : LA HARPE DISPARUE ET L’ANGE DE LA BIBLOTHÈQUE 1 Gallagher, “Psychoanalyst and Clinical Professor Elizabeth ‘Lisby’ Mayer Dies Jan. 1 at Age 57.” 2 McCoy, Power of Focused Mind Healing. 1–3. 3 Mayer, Extraordinary Knowing: 1–3. 4 Ozark Research Institute. 5 Miller, Emerging Issues in the Electronic Environment: 24. 6 Combs and Holland, Synchronicity: 21. 7 Jordan, “In the Footnotes of Library Angels.” 8 Wilson, The Occult: xxxix. 9 Bryson, Notes From a Small Island: 181. 10 Olson, “Is the Universe Friendly?” 11 Bull, Thinkexist.com. CHAPITRE 20 : LA GUÉRISON ET L’ESPRIT UNIVERSEL 1 Achterberg, et al., “Evidence for Correlations Between Distant Intentionality and Brain Function in Recipients.” 2 Graham, Sit Down Young Stranger: 179–94. 3 Ibid., 186. 4 Ibid., 190. 5 Hawkes, Website. 326 CHAPITRE 21 : LE CÔTÉ OBSCUR 1 Stevenson, Telepathic Impressions: 131–32. 2 Romania’s murderous twins; Playfair, 79-80. 3 Dossey, “Lessons from Twins.” 4 “Propaganda in Nazi Germany.” History Learning Site. 5 Mackay, Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds: xix. 6 Janis, Victims of Groupthink. 7 Will Rogers. Cité dans Dartmouth.org. CHAPITRE 22 : LA SOUPE COSMIQUE 1 Frost, The Poetry of Robert Frost: 33. 2 Pearce, Evolution’s End: 8–9. 3 Ibid., 10–11. 4 Keller, A Feeling for the Organism: 48. 5 Briggs, Fire in the Crucible: 68. 6 Laszlo, The Interconnected Universe: 129. 7 Ibid., 130; Dossey, Healing Beyond the Body: 268–69. 8 Conrad, Typhoon and Other Tales: 21. 9 Ross, Art and Its Significance: 555. 10 Herbert, Modern Artists on Art: 77. 11 Fromm, Creativity and Its Cultivation: 51. 12 Hollander, “Child’s Play.” 13 Hollander, communication personnelle. 14 Valletin, Leonardo da Vinci: 151–52 and 111. 15 Dickinson, “There’s a Certain Slant of Light”: 248. 16 Hadamard, The Psychology of Invention in the Mathematical Field: 142–43; Koestler, The Act of Creation: 171. 17 Greene, “Toward a Unity of Knowledge.” 18 Hadamard, The Psychology of Invention in the Mathematical Field: 85. 19 Koestler, The Act of Creation: 170. 20 Ibid., 208. 21 Laszlo, The Interconnected Universe: 131. 327 22 Ibid. 23 Boswell, Life of Samuel Johnson. 24 Koestler, Janus: 284–85 25 Smith, Forgotten Truth: 113. 26 Ibid., 113–14. 27 Ibid., 114. 28 Erdoes, Richard. Lame Deer—Seeker of Visions. New York: Simon & Schuster; 1972: 217. CHAPITRE 23 : LE MOI 1 Diekman, “‘I’ = Awareness.” 2 Einstein, Ideas and Opinions: 12. 3 Crick, The Astonishing Hypothesis: 271. 4 Ibid., 3 5 Dennett, Consciousness Explained: 406. 6 Baggini, “The Self: Why Science Is Not Enough.” 34–35. 7 Vernon, Philosophy and Life blog. 8 John 3:30, King James Version. 9 Jung, Psychology and Religion: 12. 10 Levin, God, Faith, and Health; Hummer, Rogers, Nam, and Ellison, “Religious Involvement and U. S. Adult Mortality.” 11 Jauregui, Epiphanies: 70. 12 Merleau-Ponty, “Primordial Wholeness.” 13 Keller, A Feeling for the Organism: 101. 14 Goethe, Maximen und Reflexionen: 435. 15 Kohut, The Search for the Self: 82. 16 Ibid., 174. 17 Ibid., 609. 18 Briggs, Fire in the Crucible: 68. 19 Segal, Collision with the Infinite: 49. 20 Simeon and Abugel, Feeling Unreal: 143–45. 21 Ibid., 63. 22 Segal, Collision with the Infinite: 122. 23 Ibid., 49. 328 24 Forman, Enlightenment Ain’t What It’s Cracked Up to Be. 25 Lanier, “From Having a Mystical Experience to Becoming a Mystic.” 26 Ibid. 27 Safransky, Sunbeams: 45. 28 Lara, The Sun. 29 Eckhart, The Sun. 30 Tillich, The Courage to Be: 179–180. 31 Cook, The Life of Florence Nightingale: 481. 32 Attribué à Jung 33 Alan Watts. Cité dans Secondattention.com. CHAPITRE 24 : L’ESPRIT UNIVERSEL EST-IL DIEU ? 1 Emerson, Self-Reliance and Other Essays: 108.? 2 John 10:34, King James Version. 3 Luke 17:21, King James Version. 4 Eckhart, Meister Eckhart: A Modern Translation: 233–50. 5 Wilber, Quantum Questions: 92. 6 Smith, Beyond the Post-Modern Mind: 36. 7 Koestler, Janus: 289–91. 8 Smith, Beyond the Post-Modern Mind: 37. 9 Ibid., 38–39. 10 Ibid., 40. 11 Falk, The Science of the Soul: 2. 12 Lovejoy, The Great Chain of Being: 59. 13 Blackburn, The Oxford Dictionary of Philosophy: 55–56. 14 Wilber, Eye to Eye: 219. 15 Ibid., 243. 16 Wilber, A Brief History of Everything: 42–43. 17 Mason, Al-Hallaj: 30–96. 18 Maître Eckhart. Cité dans Goodreads.com. 19 Brown, “The Man from Whom God Hid Nothing.” CHAPITRE 25 : DÉGAGER LA SERRURE DE CE QUI L’ENCOMBRE 329 1 John Milton, The Oxford Book of English Verse: No. 322, 51–55. 2 Koestler, Janus: 282. 3 Merrill. Interview d’Helen Vendler. 4 Grosso, “The Advantages of Being Multiplex”: 225–246. 5 Hall and Metcalf, The Artist Outsider. 6 Grosso, “The Advantages of Being Multiplex”: 225–246. 7 Wölfli. Recited and set to music. 8 Breton. Cité sur le site web de la Fondation Adolf Wölfli 9 Grosso, “The Advantages of Being Multiplex”: 241. 10 Posey and Losch, “Auditory Hallucinations of Hearing Voices in 375 Subjects.” 11 The Week Staff, “Should Yoga Be an Olympic Sport?” CHAPITRE 26 : LES VOIES DU RÊVE 1 Lessing, The Making of the Representative for Planet 8. 2 Dossey, The Power of Premonitions. 3 Koestler, The Act of Creation: 181. 4 Chesterman, An Index of Possibilities: 187. 5 Van de Castle, Our Dreaming Mind: 34–39. 6 De Becker, The Understanding of Dreams and Their Influence on the History of Man: 85. 7 Kedrov, Voprosy Psikologii. 8 Van de Castle, Our Dreaming Mind: 35–36. 9 Ibid., 36 (Il faut voir là un jeu de mots anglais entre ‘’night’’ et ‘’knighted’’, NDT) 10 Ibid., 34–39. 11 Grellet, Wikipedia; Seebohm, Memoirs of the Life and Gospel Labors of Stephen Grellet: 434; Maeterlink, The Unknown Guest: 98–99. 12 Krippner, Bogzaran, and Percia de Carvalho, Extraordinary Dreams and How to Work with Them: 6. 13 Krippner and Faith, “Exotic Dreams: A Cross-Cultural Survey.” 14 Laughlin, “Transpersonal Anthropology”; Laughlin, “Transpersonal Anthropology, Then and Now.” 15 George, “Dreams, Reality, and the Desire and Intent of Dreamers as Experienced by a Fieldworker.’’ 16 Inglis, Natural and Supernatural: 333. 330 17 Wagner-Pacifici and Bershady, “Portents or Confessions.” 18 Luke, “Experiential Reclamation and First Person Parapsychology.” 19 Priestley, Man & Time: 190–91. 20 Ibid., 211–12. CHAPITRE 27 : L’AMOUR EST LE DERNIER MOT 1 Bell, D. H. Lawrence: 51. 2 Jahn and Dunne, Margins of Reality: 343. 3 Marano, “The Dangers of Loneliness.” 4 Bell, “Ways of Overcoming Loneliness.” 5 Ibid. 6 Pocheptsova, Ferraro, and Abraham, “The Effect of Mobile Phone Use on Prosocial Behavior.” 7 Hu, “Will Online Chat Help Alleviate Mood Loneliness?” 219–223. 8 Hu, “Social Use of the Internet and Loneliness.” 9 “I Am Lonely Will Anyone Speak to Me.” 10 Andrews, “Misery Loves (Cyber) Company”; Burkeman, “Anybody There?”; Ratliff. “Hello, Loneliness.” 11 Needleman, “The Heart of Philosophy.” 12 List of social networking websites. Wikipedia. 13 Carter, Science and the Near-Death Experience: xv–xvi. 14 Huxley, Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow: 57. 15 Ibid., 56. 16 Ibid., 56–57. 17 Dossey and Keegan, Holistic Nursing. 18 Golden, “William Osler at 150.” 19 Achterberg, et al., “Evidence for Correlations Between Distant Intentionality and Brain Function in Recipients.” 20 Jung, Memories, Dreams, Reflections: 354. 21 Jahn, “Report on the Academy of Consciousness Studies.” 22 Whitman, The Complete Poems: 288–89. CHAPITRE 28 : FAIRE ÉVOLUER LA SCIENCE 331 1 Pour ceux qui veulent une analyse approfondie concernant les désaccords incessants sur la nature de la conscience, je recommande l'analyse du philosophe, Chris Carter dans son livre, Science and the Near-Death Experience. 2 Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions. 3 Greenhalgh, How to Read a Paper: 6. 4 Je ne dénigre nullement les grandes réalisations de la science et les nombreuses grandes revues qui ont joué un rôle dans ces réalisations. J'ai été rédacteur en chef de revues médicales pendant 15 ans. 5 Hellman, Great Feuds in Science; Hellman, Great Feuds in Medicine. 6 French, William Harvey’s Natural Philosophy: 233–34. 7 Chauvois, William Harvey: 222–23. 8 Hellman, Great Feuds in Medicine by Publishers Weekly. 9 Nuland, Doctors: 168. 10 Garrison, An Introduction to the History of Medicine: 435–37. 11 Watson, The Double Helix: 14. 12 Koestler, The Roots of Coincidence: 15. 13 Kurtz, A Skeptic’s Handbook of Parapsychology: 89. 14 L'un des exemples les plus récents de ces spasmes périodiques d'intolérance à l'encontre de la science dite paranormale fut récemment évoqué dans le New York Times. (Dossey, "Why Are Scientists Afraid of Daryl Bem ?") 15 Splane, Quantum Consciousness: 80. CHAPITRE 29 : LA TRANSCENDANCE 1 Trismegistus, Hermetica : 344 ; Comparez avec Emerson : "La doctrine de la nature divine étant oubliée, une maladie infecte et diminue la constitution humaine. Autrefois, l'homme était la Totalité ; à présent, il n'est plus qu'un appendice, une nuisance... La doctrine de l'inspiration est perdue.... La doctrine de l'Âme ... n'existe plus que comme de l'histoire ancienne ... [et] lorsqu'elle est suggérée, elle semble ridicule. La vie est burlesque ou pitoyable, dès lors que les buts élevés de l'être sont perdus de vue, que l'homme devient myope et qu'il ne peut s'occuper que de ce qui touche les sens. (Emerson, Self-Reliance and Other Essays : 106-07.) 2 Walker, Anything We Love Can Be Saved: 5. 3 Hesse, Demian: prologue. 332 4 Havel, discours au Congrès 5 Havel, “The Need for Transcendence in the Postmodern World.” 6 Russell, The Global Brain: 18. 7 Ibid. 8 Edge, “Spirituality in the Natural and Social Worlds.” 9 Evans, Spirituality and Human Nature: 166. 10 Ibid., 266. 11 Campbell, The Hero’s Journey: 40. 12 Targ, The Reality of ESP: 248. 13 Cleary, The Flower Ornament Scripture. 14 Targ, The Reality of ESP: 248. 15 La phrase est de Martin Heidegger : "Une personne n'est ni une chose ni un processus, mais une ouverture ou un espace libre grâce auquel l'Absolu peut se manifester". Site web de l'Université de l'Arizona, sciences de l'informatique. www.cs.arizona.edu/~kece/Personal/quotes.html. 16 Rumi, Rumi: The Big Red Book: 28. 17 Rumi, Rumi: The Book of Love: 169. 333 RÉFÉRENCES Aanstoos, Christopher. “Psi and the Phenomenology of the Long Body.” Theta. 1986; 13–14: 49–51. 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Il a donné des conférences dans les plus grandes écoles de médecine et les plus grands hôpitaux du pays, ainsi qu’à l’étranger. Il est apparu à plusieurs reprises dans les émissions télévisées et radiophoniques d’Oprah et son magazine, et dans de nombreuses autres émissions de radio et de télévision de premier plan. Le Dr Dossey est l'auteur de 12 livres qui ont été traduits dans le monde entier et il est rédacteur en chef de la revue Explore : The Journal of Science and Healing. Pour plus d'informations sur le Dr Dossey, veuillez consulter le site www.dosseydossey.com. Partage-pdf.webnode.fr 379