CANINE STAPHYLOCOCCAL PYODERMA

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GERER LES PYODERMITES RECIDIVANTES
Douglas J. DeBoer
School of Veterinary Medicine, University of Wisconsin
Madison, Wisconsin USA
Situation frustrante pour les vétérinaires s’il en est, les infections cutanées à
staphylocoques peuvent se montrer particulièrement tenaces et récurrentes chez certains
chiens. Les clients (et les vétérinaires) doivent comprendre que les staphylocoques sont
des bactéries qui font partie de la flore cutanée normale ; les infections ne se développent
que lorsque quelque chose se produit au niveau de la peau ou quand les systèmes de
défense sont déficients. Pour cette raison, et particulièrement dans le cas d’infections
récurrentes, la première étape consiste à essayer de déterminer l’étiologie sous-jacente en
ayant recours aux techniques diagnostiques adéquates. Chez les jeunes animaux qui
présentent des infections récurrentes, les causes fréquentes sont les parasites externes et
les maladies allergiques. Les sujets plus âgés peuvent également présenter des infections
à répétitions suite à une hypothyroïdie ou toute autre maladie systémique sous-jacente.
Malgré des tests approfondis, certains patients avec des infections récurrentes continuent
à poser un défi diagnostique : leur infection répond à l’administration d’antibiotiques
mais récidivent peu de temps après l’arrêt du traitement. Pour ces patients à “pyodermite
récurrente idiopathique”, plusieurs mesures peuvent être prises pour aider à prévenir ou
limiter les récidives.
Dans certains cas de pyodermite récidivante, il existe des facteurs aggravants. Il nous faut
envisager plusieurs formes de pyodermites dans lesquelles des facteurs additionnels
contribuent à la pathogenèse et rendent le traitement difficile. Parmi les exemples, on
peut citer la pyodermite/cellulite du Berger allemand, une forme particulière de
pyodermite profonde pour laquelle il existe des preuves d’une déficience immunitaire
d’origine génétique et la pyodermite inter-digitée où, en plus de l’infection par les
staphylocoques, l’infection profonde qui se produit entre les doigts est en partie une
réaction à des morceaux de poils enfermés dans du tissu cicatriciel. Des travaux récents
suggèrent que dans certains cas de pyodermite inter-digitée, la pyodermite commence
comme une structure kystique avant de s’infecter par la suite.
Emergence des staphylocoques résistants à la méthicilline: encore plus de
complications
On a assisté récemment à une augmentation du nombre de cas de souches de
staphylocoques multi_résistants responsables de pyodermites chez le chien. Dans
certaines régions des Etats Unis, plus de 50 % des cultures réalisées sur des prélèvements
cutanés dans des cliniques spécialisées en dermatologie sont des staphylocoques
résistants à la méthicilline (SRM). Ces souches comprennent des bactéries comme
Staphylococcus pseudintermedius (les infections canines appelées SPRM) mais aussi
Staphylococcus aureus (les infections humaines appelées SARM, heureusement
beaucoup moins fréquentes). Les vétérinaires doivent se tenir à l’utilisation des termes
corrects lorsqu’ils parlent de ces infections avec les clients. En effet, parler d’une
infection canine à SPRM en l’appelant “SARM” peut être effrayant pour le client. Si le
laboratoire qui effectue les analyses indique la présence de staphylocoques résistants à la
méthicilline (SRM), l’isolat sera cliniquement résistant à toutes les pénicillines et à
toutes les céphalosporines.
Quelle est l’importance de ces organismes? D’abord, si vous traitez un chien qui a une
pyodermite à staphylocoques avec des antibiotiques de la famille des bêta-lactamines
(céphalosporines ou pénicilline) et qu’il y a peu ou pas de réponse, il est désormais
obligatoire de réaliser un test de culture et sensibilité. Heureusement, la plupart des
souches de SRM sont toujours sensibles à des antibiotiques de routine comme le
trimethoprim-sulphaméthazole, la clindamycine ou les fluoroquinolones comme
l’enrofloxacine ou la marbofloxacine. Néanmoins, il est important de noter qu’il est
impossible de prédire avec certitude quel antibiotique sera indiqué sans avoir effectué un
test de sensibilité. L’usage empirique des antibiotiques est dangereux car chaque
traitement différent augmente le risque d’apparition d’une multi-résistance.
Deuxièmement, si vous identifiez un organisme SMR, et surtout s’il paraît être très
résistant, il est indispensable de demander un test de spéciation du staphylocoque bien
que la plupart des laboratoires le fassent systématiquement. Si vous avez un patient avec
un SPRM (par exemple la souche canine), il ne sera pas nécessaire de garder le chien à
l’isolement strict dans votre hôpital mais il faudra prendre des mesures de quarantaine
pour éviter les échanges avec les autres chiens de la clinique, surtout dans les unités de
chirurgie et soins intensifs. Par contre, si l’organisme résistant à la méthicilline détecté
s’avère être d’origine humaine - S. aureus (SARM), il faut prévenir le propriétaire afin
qu’il puisse en parler à son médecin et des gants devront être portés pour examiner
l’animal. Ce patient représente un danger potentiel pour la santé humaine et doit être
considéré comme tel jusqu’à ce que les lésions aient totalement disparu. En effet, le
risque dans ce cas est que, si on ne prend pas de précaution, le SARM peut contaminer le
propriétaire ou un membre de son entourage sans oublier bien sûr le personnel de la
clinique ou vous-même. Il est toutefois important de comprendre que le fait d’être
colonisé par un SARM n’est pas dramatique en soi. Après tout, entre 3% et 5% des gens
se retrouvent porteurs à un moment ou l’autre, cette colonisation étant dynamique et
temporaire. La situation devient dangereuse si la personne est blessée, malade ou
immunodéprimée.
Troisièmement, l’apparition des SRM dans le monde vétérinaire impose que nous
redoublions nos efforts pour utiliser les antibiotiques prudemment et judicieusement et
que nous fassions tous les efforts possibles pour avoir recours à des solutions
thérapeutiques alternatives et si possible non-antibiotiques pour traiter les infections
récurrentes.
Stratégies pour limiter l’usage des antibiotiques et prévenir les récidives.
Les topiques antimicrobiens sont la première ligne de défense face aux infections
cutanées à répétitions. Les shampoings et autres préparations topiques contenant 2% à
4% de Chlorhexidine semblent être particulièrement utiles pour prévenir l’apparition de
nouvelles lésions lorsqu’on les utilise une à deux fois par semaine. Tout patient avec un
historique de pyodermite récurrente, même s’il n’est pas baigné régulièrement devrait
être régulièrement traité avec un shampoing à base de Chlorhexidine. D’autres
ingrédients comme le peroxyde de benzoyle sont également efficaces mais ils ont un effet
desséchant et irritant en cas d’usage prolongé.
Les produits qui sont formulés pour rester sur la peau auront probablement une durée
d’action plus longue qu’un shampoing et sont souvent plus faciles à appliquer
fréquemment par le propriétaire. Pour les lésions localisées, un traitement avec une lotion
ou une lingette peut suffire. Pour les zones plus étendues, il existe des produits à
pulvériser, des mousses ou des lotions sans rinçage. Pour aider à prévenir les rechutes de
pyodermite récurrente, il est conseillé de commencer par appliquer le produit un jour sur
deux. Si ce traitement s’avère efficace, on peut progressivement passer à une application
tous les 3 à 7 jours. Le principe général est ici de limiter autant que faire se peut
l’utilisation prolongée ou répétée d’antibiotiques afin de minimiser le risque d’apparition
des résistances à ces molécules.
Les dermatologues comprennent de plus en plus qu’il est possible d’éliminer les
infections superficielles de la peau par des staphylocoques en utilisant des topiques
comme première approche thérapeutique, sans faire appel à des antibiotiques. Ceci peut
être mis en place comme une « mesure de précaution » pour éviter un nième traitement
antibiotique systémique. On peut aussi utiliser cette méthode pour les cas de SMR très
résistants pour lesquels les options antibiotiques sont très limitées voire inexistantes.
Dans le cas du traitement de première intention d’une pyodermite superficielle, un
traitement quotidien est nécessaire jusqu’à ce que l’infection ait disparu, ce qui prend en
général 4 semaines ou plus.
Qu’ils soient utilisés quotidiennement en première intention pour le traitement ou de
manière plus espacée pour prévenir les récidives, les ingrédients suivants sont utiles dans
les préparations topiques:
 Mupirocine 2% en onguent— appliqué quotidiennement aux endroits infectés. Ne
convient pas pour la prévention.
 Chlorhexidine—en formulation spray ou en mousse, pour le traitement ou la
prévention.
 Lingettes de nisine — la nisine est un peptide antimicrobien fréquemment utilisé
dans certaines parties du globe comme désinfectant pour les mamelles avant la
traite ou aussi comme conservateur alimentaire. Des travaux préliminaires ont
montré que, chez le chien, l’utilisation de ces lingettes deux fois par jour pourrait
limiter la colonisation bactérienne et légèrement accélérer la cicatrisation des
pyodermites existantes en plus d’avoir une action préventive.


L’utilisation de désinfectants oxydants comme des solutions diluées
d’hypochlorite de soude (les “bains de Javel”) est devenue fort à la mode chez les
patients humains atopiques car ce traitement permet de limiter efficacement la
colonisation bactérienne secondaire de la peau. Des produits vétérinaires à action
similaire (en gros des solutions stabilisées d’hypochlorite, habituellement en
formulations spray ou shampooing) gagnent en popularité bien que les études
critiques fassent actuellement défaut.
Le peroxyde (eau oxygénée) est un excellent désinfectant oxydant. Les produits
récents les plus employés contiennent « du peroxyde d’hydrogène activé » qui est
tout simplement de l’eau oxygénée à laquelle on a rajouté des stabilisants et des
surfactants pour augmenter son efficacité. Là aussi, nous attendons des études
cliniques sur l’efficacité de ces produits.
Les traitements immuno-modulateurs peuvent s’avérer remarquablement efficaces chez
certains patients atteints de pyodermite récidivante idiopathique. Leur usage pour des
pyodermites récurrentes profondes ou pour des pyodermites associées à des maladies
allergiques est moins bien étudié. En particulier, les produits à base de bactérine
staphylococcale (staphage lysate) sont très utiles. Ces vaccins « staph » sont soit
disponible commercialement (SPL®, Delmont) soit préparés par des laboratoires locaux
come bactérines autogènes. Ils doivent en général être utilisés à long terme pour prévenir
les récidives mais leur utilisation permet d’éviter d’avoir recours à des traitements
antibiotiques prolongés chez certains animaux. SPL® a toute une série d’actions
immunomodulatrices mais malheureusement, elles ont été étudiées sur des modèles de
souris ou encore in vitro et rarement chez le chien. Des études récentes sur l’expression
de gènes par des techniques dites de « microarray » (biopuces) chez le chien suggèrent
que SPL® exerce son action via l’up-régulation de la production d’interféron-gamma.
SPL® est administré à raison de 0.5 cc par voie sous-cutanée, deux fois par semaine sur
une période de dix semaines. Durant les 6 premières semaines, des antibiotiques sont
administrés concomitamment. Après 6 semaines, les antibiotiques sont stoppés et les
injections continuent. On considère que le traitement est un succès en l’absence de
rechute, lors de rechute de faible intensité ou encore à fréquences moins élevées qu’avant
l’administration des injections de SPL®,
L’administration pulsée d’antibiotiques a toujours été le dernier recours pour le
traitement des pyodermites récurrentes mais compte tenu de la situation actuelle de
résistance bactérienne, il faut à tout prix l’éviter. L’émergence des SRM garantit que de
telles pratiques conduiront inévitablement à des colonisations par des bactéries
résistantes, un phénomène qui croit partout dans le monde.
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