Chimie de coordination 2008 Chapitre 1 C

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Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
Professeur Jean-Claude Bünzli
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Chapitre 1. FORMATION DES COMPLEXES MÉTALLIQUES
1.1. Un peu d’histoire : les postulats d’Alfred Werner
Alfred Werner (1866-1919, prix Nobel en 1913), un chimiste alsacien qui a passé une grande
partie de sa vie à Zürich, est considéré comme le fondateur de la chimie de coordination. A la fin
du 19e siècle, on se posait beaucoup de questions sur les composés des métaux de transitions, que
l’on savait analyser. Par exemple, les solutions de chlorure de cobalt dans l’ammoniaque,
desquelles on isolait des produits correspondant à une analyse élémentaire CoCl3x6NH3. Des
formules telles que celle-ci furent proposées, par analogie avec la chimie organique :
C’est en 1893 que Werner eut l’inspiration (à deux heures du matin, paraît-il) que le nombre de
groupement fixés sur l’ion métallique n’est pas forcément égal à son nombre d’oxydation. D’où
les trois postulats qu’il proposa :
1) Les métaux possèdent deux types de valence, la valence primaire qui correspond à la
formation de l’ion et une valence secondaire, qui correspond au nombre de groupements
fixés sur l’ion métallique.
2) La valence primaire correspond au nombre d’oxydation
3) La valeur secondaire correspond au nombre de coordination.
4) La valence primaire est satisfaite par des ions. Dans l’exemple ci-dessus, trois ions chlorures
Cl-.
5) La valence secondaire est satisfaite par des ions (positifs ou, le plus souvent, négatifs) ou par
des molécules.
6) Dans l’exemple ci-dessus : les 6 molécules d’ammoniac.
7) On écrira donc la formule du complexe : [Co(NH3)6]Cl3. Le cation [Co(NH3)6]3+ est l’entité
complexe, raison pour laquelle on l’écrit entre parenthèses carrées.
8) Les valences secondaires sont dirigées vers des positions fixes de l’espace autour de l’atome
central :
Le polyèdre dont les sommets sont constitués par les atomes directement liés à l’ion
métallique s’appelle le polyèdre de coordination.
1.2. Définition d’un complexe métallique
CoNH3Cl
NH3Cl
NH3NH3NH3NH2Cl
HH
H
H
H
H
H
H
H
H
H
H
N
N
N
N
N
N
HHH
H
H
H
Co
3+
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Un complexe est constitué d’un ion métallique central sur lequel viennent se fixer un certain
nombre de molécules neutres ou d’ions, appelés ligands. Les propriétés chimiques de
l’assemblage qui en résulte dépendent de la nature de la liaison entre l’ion métallique et les
ligands (ion-dipôle, ionique) et de l’arrangement géométrique de ceux-ci autour de l’ion central,
lui-même contrôlé par les propriétés électroniques de l’ion et des ligands.
Deux exemples d’arrangements octaédriques sont présentés ci-dessous, dans lesquels
l’assemblage se fait soit par liaisons ion-dipôle (ici entre le cation et le
dipôle de l’eau) ou ion-ion (entre le cation et le chlorure. L’arrangement
chois est octaédrique, une géométrie que l’on retrouve souvent dans les
complexes des cations métalliques 3d, (c’est-à-dire de la première série de
transition).
O
M+n O
O
O
O
O
HH
HH
HH
H
H
H
H
H
H
n+
(X-)nM
O
O
O
O
O
O
Cl-
Co+3 Cl-
Cl-
Cl-
Cl-
Cl-
3-
(Na+)
3
O
Co+3 O
O
O
O
O
HH
HH
HH
H
H
H
H
H
H
3+
(Cl-)3
ion-dipôle ion-ion
octaèdre
Lorsqu’un ion s’entoure de ligands pour former un complexe, on parle de réaction de
complexation. Ces réactions provoquent souvent des changements de couleur, démontrant que
les propriétés électroniques des complexes sont différentes de celles des réactifs de départ.
Exemple 1 : le sulfate de cuivre
Solide ionique blanc lorsqu’il est anhydre, le sulfate de cuivre devient bleu par hydratation :
CuSO4(s) + 6 H2O(l) [Cu(H2O)6]+2 + SO4-2(aq)
blanc bleu incolore
OHH
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La coloration bleue provient de transitions électroniques centrées sur l’ion métallique (voir plus
loin) indiquant que les niveaux électroniques du cation cuivrique CuII sont influencés par la
complexation. Le nombre de coordination (valence secondaire) de CuII est 6. Les ions hydratés
sont appelés aqua ions. Il n’est pas nécessaire de dissoudre le sulfate de cuivre(II) pour observer
un changement de couleur : une simple exposition à l’air le transforme lentement en un solide
bleu de composition CuSO4·5H2O. C’est sous cette forme qu’il est vendu commercialement. La
structure cristallographique de ce composé montre que chaque ion CuII est entouré de 4
molécules d’eau et de 2 atomes d’oxygène appartenant à deux anions sulfates différents. La 5e
molécule d’eau stabilise le réseau par des liaisons (ou ponts) hydrogène.1
Exemple 2 : complexes de CoIII
L’existence des deux types de valence (primaire et secondaire) peut être démontrée à l’aide des
deux complexes [Co(SO4)(NH3)5]Br et [Co(Br)(NH3)5]SO4. Dans le premier composé, le sulfate
est fixé sur l’ion CoIII, alors que dans le deuxième composé c’est le bromure qui est lié à l’ion
métallique. La dissolution de ces composés provoque leur dissociation électrolytique libérant du
bromure dans le premier cas et du sulfate dans le second cas :
Complexes labiles et complexes inertes
Un complexe est dit labile si une réaction de substitution de ligand est facile :
1 L’énergie d’une liaison hydrogène est de l’ordre de 40-60 kJ·mol-1, à comparer à 250-400 kJ·mol-1 pour une
liaison covalente et 350-450 kJ·mol-1 pour une liaison ionique.
[Co(SO
4
)(NH
3
)
5
]Br H
2
O[Co(SO
4
)(NH
3
)
5
]
+
+Br
-
(aq)
AgNO
3
BaCl
2
AgBr
rien
[Co(Br)(NH
3
)
5
]SO
4
H
2
O[Co(Br)(NH
3
)
5
]
2+
+SO
4-2
( aq)
AgNO
3
BaCl
2
rien
BaSO
4
[Co(SO
4
)(NH
3
)
5
]Br H
2
O[Co(SO
4
)(NH
3
)
5
]
+
+Br
-
(aq)
AgNO
3
BaCl
2
AgBr
rien
[Co(Br)(NH
3
)
5
]SO
4
H
2
O[Co(Br)(NH
3
)
5
]
2+
+SO
4-2
( aq)
AgNO
3
BaCl
2
rien
BaSO
4
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[Cu(H2O)6]2+ + 4 NH3(aq) [Cu(NH3)4(H2O)2]2+ + 4 H2O(l)
bleu violet
+ 4 HCl(aq)
jaune vert
[Cu(Cl)4(H2O)2]2- + 4 NH4+(aq)
A l’inverse, un complexe est dit inerte si une réaction de substitution de ligand est difficile :
[Cr(H2O)6]3+ + 6 NH3(aq) [Cr(NH3)6]3+ + 6 H2O(l)
Cr(OH)3
[Co(NH3)6]3+ + 6 H2O(l) [Co(H2O)5]3+ + 6 NH3(aq)
Dans le 2e cas, la substitution n’est possible qu’en présence d’un acide fort qui en neutralisant
NH3(aq) formé déplace l’équilibre vers la droite. Les problèmes cinétiques en chimie de
coordination seront présentés dans le cadre du cours Fonctions et réactions inorganiques.
1.3. La solvatation
La formation d’un complexe à partir de molécules de solvant est appelée solvatation, ou
hydratation si le solvant est l’eau. Lorsqu’un ion se trouve en solution, sa charge électrique
génère un champ électrostatique qui polarise les molécules autour de lui. On distingue trois
zones autour de cet ion (l’exemple ci-dessous est donné pour un cation) :
La sphère de coordination interne (ou 1ère sphère de coordination) : les molécules de
solvant et, parfois, des anions, sont directement fixés sur le cation. Cette zone peut être
souvent bien caractérisée (nombre et position des ligands).
La sphère de coordination externe (ou 2e sphère de coordination) : les molécules de
solvant et les anions sont orientés par le champ électrique du cation, mais ne sont pas
directement fixés sur lui. Ils peuvent cependant y être reliés par des ponts hydrogène.
Cette zone est difficile à analyser.
Le solvant, non influencé par le cation.
Des échanges se déroulent continuellement entre le solvant et les sphères de coordination, si bien
qu’il faut considérer l’édifice complexe comme étant une structure moyenne. Lorsqu’un cation
se déplace au sein d’une solution, il emporte avec lui ses deux sphères de coordination.
Définitions :
Le nombre de coordination NC est égal au nombre de liaisons chimiques cation-ligand.
Le nombre de solvatation est le nombre de molécules se déplaçant avec le cation (1ère + 2e
sphères de coordination). Pour les aqua ions il est souvent environ le double du nombre de
coordination.
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Aqua ions
Métaux alcalins : liaisons non directionnelles, NC = 4-8
Métaux alcalino-terreux : liaisons non directionnelles, NC = 6-8
Métaux d au nombre d’oxydation usuel : liaisons directionnelles, NC = 6
Métaux 4f : liaisons non directionnelles, NC = 8-10.
Lorsque les liaisons ne sont pas directionnelles, l' échange entre les molécules de solvant libres et
complexées est souvent très rapide (106-109 s-1).
1.4. Types de complexes
La classification des complexes se base sur le nombre d’ions (ou d’atomes) centraux qu’ils
comportent. Les complexes dont les formules sont données ci-dessus sont organisés autour d’un
seul ion central. Ce sont des complexes monométalliques (on dit aussi mononucléaires). Si
l’entité complexe comporte deux ou plusieurs ions métalliques on la désigne par les termes
bimétallique (binucléaire), trimétallique (trinucléaire), polymétallique (polynucléaire).
Dans les exemples ci-dessus, les ions métalliques sont éloignés les un des autres. Lorsque la
distance diminue, il peut se former des liaisons métal-métal. Le complexe résultant est appelé
agrégat (cluster en anglais) :
+
Anion
bidenté
Anion mono-
denté
Anion libre
Solvant libre
Molécule de
solvant polarisée
Solvant
coordon
+
Anion
bidenté
Anion
bidenté
Anion mono-
denté
Anion mono-
denté
Anion libreAnion libre
Solvant libreSolvant libre
Molécule de
solvant polarisée
Molécule de
solvant polarisée
Molécule de
solvant polarisée
Solvant
coordon
Solvant
coordon
Solvant
coordon
Nb
Cl
Cl
Cl
Cl
Cl
Cl Nb
Cl
Cl
Cl
Cl
Nb
V
Cr
HO
HO
OCr
OH
2
OH
2
H
O
H
OH
2
OH
2
OCr
H
O
H
OH
2
OH
2
OH
OH
trimétallique, Cr
III
-
Bimétallique,
Nb
Cl
Cl
Cl
Cl
Cl
Cl Nb
Cl
Cl
Cl
Cl
Nb
V
Cr
HO
HO
OCr
OH
2
OH
2
H
O
H
OH
2
OH
2
OCr
H
O
H
OH
2
OH
2
OH
OH
trimétallique, Cr
III
-
Bimétallique,
1 / 32 100%

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