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RELIGION ET VIOLENCE
VOLET MEDIAS
Formation CeCaFoc – 16 octobre 2009
1. Les médias, nature et rôle
Informer
Les médias sont un des éléments constitutifs du fonctionnement démocratique: séparation des
pouvoirs, formation des citoyens, presse libre et multiple.
Rôle de la presse est d'informer:
En latin, informare signifie façonner, former et, par extension, donner une forme, une structure.
Elle doit relater des faits et les rendre intelligibles au plus grand nombre.
A côté du fait brut, elle doit donner des éléments de compréhension: cartes, contexte, témoignages,
analyses, etc.
En ce sens, elle est par nature opposée à la propagande: elle va à rebrousse-poils et, par nature, est
méfiante vis-à-vis des institutions et de leurs discours.
La déontologie, ses codes et ses règles
Cela demande une déontologie: tendre à l'objectivité, sachant qu'elle n'existe pas.
Presse d'opinion ou d'organisation va prendre parti, présenter une vérité mais elle ne peut pas, pour
cela, travestir les faits.
La presse d'opinion était encore assez vivace dans les années '80 mais elle est aujourd'hui gommée
comme telle dans notre pays; on sait toutefois que les principaux médias ont néanmoins des
«tendances».
Tendre à l'objectivité est une mission assignée à tous les médias: ne pas trafiquer les faits, ne pas
tronquer les propos d'une personne ou les sortir de leur contexte, etc. Mais elle est déclinée de
manière différente selon la nature de chacun: écrit, parlé, visuel.
Cela passe par un certain nombre de codes, de règles:
les journalistes doivent connaître et observer ces règles et, comme dans toute profession,
certains le font mieux que d'autres;
les lecteurs-auditeurs-spectateurs doivent eux aussi connaître ces codes, les repérer. Mais
c'est loin d'être le cas et c'est source d'incompréhension, de malentendus.
Le rapport au temps
Les médias entretiennent un rapport étroit avec le temps et - comme toute notre société mais de
manière particulièrement sensible – ils ont été confronté au changement de perception du temps issu
de l'évolution des techniques.
Pour les médias, il s'agit de donner une information la plus complète possible, dans un laps de
temps donné. L'évolution des technologies a accéléré le temps:
- La presse écrite: de l'ordinateur à l'imprimerie, c'est bien plus rapide que lorsqu'il fallait composer
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au plomb; la presse écrite reste pourtant le média le plus «lent » - il faut arrêter pour imprimer – et
celui qui permet donc le mieux de prendre le temps de la réflexion.
- La radio émet en continu: c'est le média le plus rapide et le plus réactif.
- La télévision: comme la presse écrite, elle a connu une formidable évolution des techniques et sa
rapidité s'est accrue. Avec l'image est née la tyrannie du « direct » qui est quelquefois intéressant
mais qui est bien souvent un leurre.
Quel que soit le média utilisé, il est limité dans le temps: un certain nombre de signes, de
secondes... Toute information diffusée est donc le résultat d'un choix.
Pour toute information diffusée, il y en a des dizaines, des centaines, des milliers d'autres qui
passent à la trappe...
Puis ce choix est mis en forme: c'est le récit médiatique.
L'espace-temps: aujourd'hui, les satellites donnent accès à de nombreuses chaînes , y compris des
chaînes de télévision dont on ne comprend pas la langue (mais une partie de la population, oui,
notamment certains élèves) et dont on ignore la tendance et la déontologie. Difficulté
supplémentaire !
2. Les médias, le conflit et la violence
Le conflit, au coeur même des médias
Le conflit est au coeur des relations, y compris des relations avec soi-même (conflit intérieur).
Il est donc tout naturellement au coeur des médias et en est même un élément constitutif: il
représente une rupture de l'harmonie ordinaire.
Le conflit est bon et nécessaire: il permet la diversité des points de vue, la confrontation des intérêts
particuliers et la construction d'un bien commun.
Le rôle des médias est de donner les éléments constitutifs du conflit, de les analyser et de proposer
au lecteur-auditeur-spectateur assez d'informations pour se forger un point de vue.
Souvent, le média proposera aussi sa propre vision du conflit, proposera une solution (édito).
Le rôle de la presse est d'être médiateur des différents points de vue et de permettre le débat
constructif.
Le conflit est bon car il exprime la pluralité et la diversité; il devient mauvais quand il débouche sur
des crispations, des replis, des haines. Aujourd'hui certains médias endossent le rôle d'acteurs dans
le conflit: ils récoltent les «petites phrases», privilégient les déclarations les plus sensationnelles.
La violence
Aujourd'hui, on réduit souvent la violence à la force, à l'usage de la force, à la contrainte et à la
destruction. C'est un élément de la violence, le plus négatif.
Mais la violence c'est aussi, c'est d'abord l'intensité, le caractère emporté d'un phénomène (le vent),
d'une émotion, d'un sentiment. La violence peut être saine et salubre: violence de l'indignation
devant les injustices, les discriminations, les humiliations...
Les évangiles montrent que le Christ peut être violent.
Cette violence-là s'oppose à une certaine fadeur, une certaine indifférence souvent odieuses et
mortifères.
Mais ce n'est pourtant pas ce que l'on entend généralement quand on parle de violence dans les
médias. On entend plutôt les «scènes de violence», de guerres, de coups, de blessures, de
destruction... ce qui blesse l'humain, l'humilie, le détruit.
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«Qu'elle soit physique, psychologique, économique, sociale, environnementale, la violence est une
composante essentielle de l'humain et de ses réalisations, elle a donc sa place dans les médias.
Encore faut-il qu'elle quitte le domaine du spectacle ou de l'anecdote. (...) C'est du décalage entre la
nature violente du sujet montré et son absence de motivation, sa non pertinence, que naît la
critique».
Les médias, en effet, soulignent souvent ce qui ne va pas et insistent sur cette violence néfaste: on
entend parler sans cesse de violences qui se déroulent partout dans le monde, en même temps. Ce
n'était pas le cas par le passé.
D'où un sentiment d'insécurité qui se développe dans la population alors que, selon les sociologues,
il y a bien moins de violence aujourd'hui dans nos pays qu'il n'y en avait par le passé.
Ce sentiment d'insécurité provoque le désir de rechercher des responsables, des coupables – parfois
à tort et à travers avec une multiplication des boucs émissaires...
Développement aussi du statut de la victime: c'est une étape nécessaire pour la résilience (il faut une
reconnaissance publique de ce que l'on a subi une violence physique ou morale); mais ce statut doit
être temporaire (un tremplin pour rebondir) et il est malsain de s'attarder dans la victimisation.
Là aussi, les médias jouent un rôle, tantôt positif et tantôt non..
3. Les médias et le religieux
Les faits et non la foi
Aujourd'hui, dans notre société occidentale, le traitement médiatique du fait religieux relève des
mêmes règles, des mêmes codes, de la même déontologie que le traitement des autres dossiers.
La presse aborde le religieux sous l'angle des faits et non pas (ou très rarement et, dans ce cas, sous
l'angle du reportage) sous l'angle de la foi.
Le traitement du religieux dans les médias est donc essentiellement institutionnel (les nominations,
discours et autres encycliques des responsables des Eglises) et quelquefois rituel (les grandes fêtes
des religions dominantes).
Dans la presse «généraliste», le fait religieux est considéré dans ses relations avec l'ensemble de la
société et avec les autres religions. Si une problématique éthique est envisagée, la presse va
répertorier les prises de position des grandes religions et les juxtaposer. Exemple: l'homosexualité,
qu'en pensent l'Eglise catholique, les Eglises protestantes, la religion juive, la religion musulmane...
Il n'a jamais été facile de garder l'église au milieu du village; ce l'est moins encore quand ce milieu
doit être partagé équitablement entre l'église, la mosquée, la synagogue et la maison de la laïcité...
De plus, il y a de nombreuses demeures dans la maison du Seigneur et de nombreux courants, de
nombreuses interprétations dans chaque tradition religieuse. La presse doit essayer de donner la
parole à chacun quand elle traite un sujet polémique: l'usage du préservatif chez les catholiques
suite aux déclarations du pape, le voile chez les jeunes filles et femmes musulmanes suite à
l'interdiction de le porter dans les écoles de la Communauté flamande...
En matière d'information religieuse, les journalistes ont le même devoir d'objectivité que dans les
autres dossiers. Mais dans ces dossiers comme dans d'autres, le média pourra privilégier un courant
d'idées, une position, se concentrer sur le fond ou donner dans le sensationnalisme.
Religions révélées et discours médiatique
Le traitement médiatique du religieux est toujours difficile.
D'une part parce que le religieux touche à l'intime et suscite des réactions émotionnelles et fortes;
d'autre part parce que les trois religions monothéistes sont des religions «révélées» qui imposent
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donc une vérité.
Les hiérarchies des Eglises l'entendent encore bien ainsi même si les positions de nombreux fidèles
et de nombreux religieux (prêtres, imams ou rabbins) sont plus nuancées. Et, c'est ainsi aussi que
l'entendent, dans toutes les religions, les plus conservateurs, les plus «intégristes» qui parlent haut et
fort et dont les propos oblitèrent souvent ceux d'une majorité silencieuse.
Le traitement médiatique «normal» est alors ressenti comme irrespectueux et blasphématoire par les
uns qui protestent, ce qui renforce le sentiment anti-religieux de certains autres...
Le discours des Eglises est très différent de celui des médias.
Il est aussi très loin de la plupart des jeunes et même des moins jeunes.
Dans un monde en recherche de sens mais un monde pluriel et ouvert à des influences diverses, il
gagnerait sans doute en crédibilité et en force s'il proposait du sens plutôt que d'imposer des règles.
Médias, religions et violences
Quand elles se considèrent comme détentrices de l'unique vérité, les religions se placent sur le
terrain du conflit; et quand elles veulent imposer cette vérité, elles se placent en position violente.
Cette posture n'est pas la plus fréquente.
Pourtant, à l'heure où les religions ou, tout au moins, les expressions de la religiosité sont vécues
comme des signes identitaires, on se trouve vote en situation de conflit.
Celui-ci est exacerbé par une double ignorance:
l'ignorance de nombreux lecteurs-auditeurs-spectateurs vis-à-vis des règles médiatiques et
leur mauvaise maîtrise de l'information ;
l'ignorance de très nombreuses personnes -et pas seulement les jeunes- vis-à-vis des
fondements et des exigences réels de leur propre religion sans parler de celle d'autrui.
Ainsi, les professeurs-et ceux de religion en particulier- se trouvent-ils aux prises avec des jeunes
agressifs parce qu'ils se sont sentis agressés, indignés, exclus...
4. Ouvrir des perspectives
Face à de telles interpellations, il est nécessaire de sortir d'une vision simpliste, d'aider les élèves à
prendre du recul et de donner des perspectives et des clés de lecture:
Où le jeune a-t-il lu, vu, entendu l'information ?
- Rappeler que certaines sources ne sont pas fiables (sur Internet, par exemple, de nombreuses
informations ne sont pas recoupées, procèdent de la propagande et de la manipulation, sont des
rumeurs, des hoax...) ;
- Expliquer que certaines sources sont orientées (Radio Vatican donne un seul point de vue comme
certaines radios financées par un Etat religieux ne donnent qu'un point de vue) et donnent un point
de vue institutionnel.
- Essayer d'analyser le statut de celui qui s'exprime (un journaliste, un témoin, un expert... ?) et
montrer que la presse ne livre pas une vérité révélée mais des faits et un point de vue sur ces faits.
Rappeler la responsabilité de celui qui lit-écoute-regarde
- Quel média choisit-on ? A qui choisit-on de donner son argent ?
- Essaie-t-on de vérifier l'information que l'on reçoit ?
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Réagir avec émotion est normal mais il faut aussi prendre du recul par rapport à l'émotion
- Ne pas oublier le caractère «feuilletonnesque» de l'information: elle est découpée en infos du jour
(presse quotidienne), en bulletins d'information (radio) et en JT (télévision). Sur Internet, elle
circule à flot continu, donc sans recul. Il faut pouvoir «arrêter le temps»: aller voir ce qu'il y avait
«avant», attendre ce qui va venir compléter l'info «après»;
- Choisir de passer par l'art pour commenter et compléter l'info (littérature, théâtre, cinéma, etc.):
c'est un «médiateur» qui permet de s'arrêter, d'entendre d'autres voix, de regarder d'autres points de
vue...;
- Distinguer le sens absolu et le discours temporaire de l'institution: celle-ci est humaine, donc
nécessairement imparfaite. Elle porte comme elle le peut le message, l'absolu. Elle l'interprète selon
les connaissances et les convictions du temps et du lieu où elle est implantée, avec des erreurs et des
fluctuations inévitables;
- Apprendre à lire entre les lignes: voir dans les récits médiatiques, le bien caché, l'interpellation qui
nous est lancée.
Anne-Marie PIRARD
2009
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