Pour comprendre le Yin et le Yang de l`autophagie

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Identification des protéines régulatrices de l'autophagie
Une cellule devient cancéreuse lorsque quelque chose ne tourne plus rond comme par exemple
lorsqu'un de ses mécanismes est dérégulé. De récentes découvertes ont montré que le
dysfonctionnement d'un mécanisme de protection de la cellule appelé « autophagie » est
fortement impliqué dans le développement de cancers. Identifier les protéines qui régulent
l'autophagie représente donc un enjeux majeur pour comprendre le lien entre autophagie et
cancer.
S'autodigérer pour mieux se protéger
Les cellules, unité de structure constituant les
organes et tissus de tout être vivant, sont
régulièrement soumises à des stress qui peuvent les
endommager (par exemple, elles peuvent se
retrouver en situation de famine lorsqu'il n'y a plus
de nutriments dans le milieu environnant). Mais alors
comment les cellules survivent-elles à ces stress?
Afin de se protéger, les cellules vont déclencher un
mécanisme appelé autophagie. Le terme autophagie
vient du grec et signifie « se manger soi-même ».
C'est un processus de dégradation par lequel des
éléments contenus à l'intérieur de la cellule (dans le
cytoplasme) sont détruits. La cellule digère une
partie de ses constituants, ce qui reviendrait à
l'échelle humaine à manger certains de ses organes.
L'autophagie se déroule en trois étapes. Tout
d'abord, il se forme dans le cytoplasme de la cellule,
un bout de membrane appelé phagophore. Ensuite,
cette membrane s'allonge et se referme pour former
une vésicule appelée autophagosome dans laquelle
les éléments du cytoplasme à dégrader sont piégés.
Pour finir, les autophagosomes fusionnent avec
d'autres vésicules appelées lysosomes (formant ainsi
les autophagolysosomes) qui contiennent des
enzymes permettant la dégradation du contenu.
Une cellule :
Noyau
Membrane
plasmique
Cytoplasme
Autophagie:
Autophagosome
Phagophore
Éléments à
détruire
Lysosome
Autophagolysosome
Dégradation des
composants du
cytoplasme piégés
Enzymes
Comment l'autophagie protège t'-elle ? Par exemple,
lorsqu' une cellule est en situation de famine,
l'autophagie va permettre la dégradation de
protéines afin de recycler les acides aminés pour
fournir de l'énergie. L'autophagie permet également
de détruire les composants abîmés de la cellule afin
d'éviter leur toxicité. De plus, l'autophagie est un
moyen de défense contre les pathogènes
intracellulaires . En effet, si des micro-organismes
se retrouvent à l'intérieur d'une cellule, ils pourront
être dégradés par autophagie.
autophagosome
Cellule faisant de l'autophagie
In vitro, l'autophagie peut être visualisée
dans les cellules grâce à un microscope
spécial et à un système de fluorescence.
Sur cette image, les points fluorescents
verts sont des vésicules autophagiques
(autophagosomes) .
Autophagie et Cancer: Amis ou Ennemis?
La transformation de cellules saines en cellules
tumorales est la conséquence de changements dans
les mécanismes d'une cellule qui font que la cellule
ne se comporte plus normalement. La dérégulation
de l’autophagie est un facteur clé dans le
développement de cancers car elle entraîne de
nombreuses
perturbations
dans
la
cellule.
L'autophagie étant un mécanisme de protection,
nous pourrions penser qu'elle protège des cancers
mais en fait, la relation entre autophagie et cancer
est très complexe. Dans certains cas, l’autophagie
va aider à la suppression des tumeurs et ainsi être
une ennemie de la maladie. A l'inverse, dans d'autres
cas, elle va se faire l'alliée du développement de
tumeurs.
Pour comprendre l’implication de l’autophagie et
son rôle antagoniste dans les cancers, il est
nécessaire et crucial de découvrir comment est
régulé ce processus. Ainsi, notre recherche a
pour but d’identifier les protéines qui régulent
l’autophagie, ce qui pourrait mener à trouver de
nouvelles cibles thérapeutiques.
ZOOM
Virus = perturbateurs des
fonctions cellulaires
Une caractéristique des virus est qu'ils ne peuvent pas se
multiplier à l'extérieur des cellules infectées. En effet,
les virus ne possèdent pas la machinerie leur permettant
de se répliquer et ils ont donc besoin d'utiliser la
machinerie qui se trouve dans les cellules. Ainsi, dans le
milieu extérieur, les virus sont des entités infectieuses
inertes alors qu'une fois à l'intérieur de la cellule, ils vont
détourner la machinerie cellulaire au profit de leur
réplication. En utilisant les processus cellulaires, les virus
vont très souvent les perturber notamment en
interagissant avec les protéines qui régulent ces
processus. C'est pourquoi, nous pouvons considérer les
virus comme des éléments perturbateurs des fonctions
cellulaires et nous pouvons les utiliser pour identifier les
régulateurs de ces fonctions.
Un virus pour identifier
régulatrices de l'autophagie
les
protéines
Les virus se répliquent dans le cytoplasme des
cellules, lieu où se produit l'autophagie. Les virus
sont donc très susceptibles de devoir faire face à
l'autophagie et grand nombre d'entre eux ont
développé des moyens pour l'inhiber, la détourner ou
l'utiliser en interagissant avec les protéines qui la
régulent. Les virus sont donc de très bons outils pour
découvrir ces protéines régulatrices (cf Zoom). Ainsi,
notre approche consiste à utiliser un virus (le virus
de la Rougeole) afin d’identifier les protéines
impliquées dans la régulation de l’autophagie.
Le virus de la Rougeole, un expert de
l'autophagie
Nous avons mis en évidence que le virus de la
Rougeole interagit avec l’autophagie à deux niveaux.
Tout d'abord, nous avons montré que la liaison du
virus sur la protéine CD46, qui est une protéine
exprimée à la surface des cellules et utilisée par le
virus de la Rougeole pour rentrer dans la cellule,
induit le processus autophagique. CD46 est donc un
récepteur induisant l'autophagie. Cette découverte
est très pertinente pour l’étude des cancers car
beaucoup de cellules cancéreuses expriment à leur
surface une quantité inhabituelle de CD46.
CD46
Membrane plasmique
Nous avons ensuite montré qu'une fois à l'intérieur
de la cellule, des protéines virales étaient capables
d’interagir avec des protéines cellulaires qui
modulent l’autophagie. Ainsi, nous avons identifié
de nouvelles protéines importantes pour la
régulation de l'autophagie, par exemple la protéine
nommée IRGM. Le virus de la Rougeole cible ces
protéines régulatrices pour détourner l’autophagie
de sa fonction classique et l’utiliser pour produire
plus de nouveaux virus. Notre travail montre donc
que le virus de la Rougeole est capable d'induire
deux vagues d'autophagie en interagissant avec des
protéines cellulaires différentes qui ont toutes des
rôles clés dans la régulation de l'autophagie.
Autophagie
Pour comprendre le Yin et le Yang de l'autophagie
1ere vague : induite 2e vague : induite par l'interaction de protéines
par CD46
virales avec des protéines autophagiques
Protéines
du virus
Protéines régulant
l'autophagie
Autophagie détournée de sa fonction
classique au profit du virus
Heures après l'infection
Enjeux en matière de cancérologie et de
santé publique
L’autophagie est essentielle à de nombreux
processus physiologiques et sa dérégulation conduit
à des maladies telles que le cancer mais aussi telles
que la neurodégénérescence ou les infections.
Connaître les protéines régulant ce processus est
donc un enjeu de santé publique. De plus, notre
approche permet de comprendre comment les virus
sont capables de moduler l’autophagie, ce qui ouvre
des champs d’investigation très intéressants pour
l’étude des cancers induits par des infections
virales.
Pour plus de clarté
Cytoplasme : Le cytoplasme désigne le contenu d'une
cellule vivante, c'est à dire l 'ensemble des éléments qui
se trouvent à l'intérieur de la cellule, à l'exclusion du
noyau.
Lysosome : petite vésicule située dans le cytoplasme des
cellules et contenant des enzymes permettant la digestion
cellulaire.
Enzymes : ce sont des protéines spécialisées qui
facilitent des réactions biochimiques avec chacune une
action particulière, Par exemple, certaines enzymes
clivent des protéines, d'autres ajoutent des composants
sur des molécules...
Virus Rougeole
CD46
Extérieur
Induction d'Autophagie
CD46
Cytoplasme
Intérieur de la cellule
Clémence RICHETTA
Inserm U851
Interrelation cellulaire et moléculaire entre
autophagie et Virus de la Rougeole
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