En outre, la démocratie est mise à mal par la fraude fiscale et ses actions connexes :
corruption, spoliation des peuples, enrichissement personnel, petits arrangements au sommet
de l’Etat, …
Sur le plan macroéconomique, la fraude fiscale entraine des conséquences importantes
sur les équilibres généraux.
-D’une part, il convient de rappeler que dans un monde parfait, la somme algébrique des
balances des paiements de l’ensemble des pays doit être nulle, puisque tout ce qui sort d’un
pays entre forcément dans un autre. Or, chaque année, ce sont des centaines de milliards de
dollars qui manquent. Ils arrivent dans les paradis fiscaux mais nous sommes incapables de
dire précisément d’où ils sortent. Ce phénomène s’intitule le « trou noir » de la balance des
paiements. Ces centaines de milliards de dollars vont donc dormir dans les coffres forts des
îles Caimans, de Belize ou de Singapour et ne profitent aucunement au développement
économique et humain des pays d’origine.
-D’autre part, et dans le même champ d’analyse, les paradis fiscaux adossés à la fraude fiscale
et plus généralement à la criminalité, provoquent un accroissement du déséquilibre entre les
pays du Nord et ceux du Sud. Lorsque l’argent propre, gagné légalement et ouvertement, est
escamoté à l’administration fiscale ou tombe dans les activités criminelles, il passe dans
l’ombre. A cet instant, il appauvrit le pays car il ne sera pas dépensé et sortira de la masse
monétaire « utile ». Les pays les plus touchés sont les plus criminogènes et les moins
contrôlés c'est-à-dire en général les pays les plus pauvres. Une fois que ces sommes auront
été blanchies, elles réapparaitront dans les pays les plus intéressants en matière
d’investissement, autrement dit, les pays riches. Ce circuit va donc appauvrir les pays pauvres
et enrichir les pays riches.
En allant plus loin dans la démonstration, nous pouvons évoquer le cas de l’Afrique
subsaharienne. Plusieurs études théoriques et empiriques ont montré que lorsque l’Afrique
reçoit 1 euro d’aides et de subventions, il y a en même temps entre 2 et 10 euro provenant de
la corruption, des détournements et de la fraude fiscale qui partent en catimini dans les paradis
fiscaux. Ils serviront ensuite à des placements de confort de type BMA ou des placements de
sécurité de type financier. Cette mauvaise habitude de quelques potentats locaux dégrade
fortement l’économie régionale, rendant inutile toute velléité d’aider au développement du
continent.
Dans la même veine, la Grèce présente un cas intéressant. La fraude fiscale y est historique
et endémique. Pour exemple, en 2008, au moment de la crise et de la découverte des
manipulations des comptes par l’Etat grec, le revenu moyen d’un médecin généraliste athénien
était estimé officiellement à 10 000 euro annuels, c’est à dire très loin de la réalité. Dans un
pays, où tout se paie en liquide, la fraude se répand partout, du travailleur précaire jusqu’au
milliardaire. Les armateurs ne paient quasiment pas taxes, calculées forfaitairement et assises
sur le tonnage des navires. La crise a amené le gouvernement à leur demander une petite
contribution de l’ordre de 75 à 140 Millions d’euro par an, un pourboire pour ces milliardaires
qui menacent de délocaliser leurs activités en cas de trop forte taxation. Ce sont ici des
milliards qui s’envolent, non par la fraude fiscale mais par le lobbying pour échapper à l’impôt.
Plus drôle, dès qu’un richissime résident hellène achète une île, il y plante une croix ou y érige
une chapelle, transformant ainsi son ilot en terra religieuse et échappant par conséquent aux
taxes foncières.
De manière générale, la fraude fiscale aidée des paradis fiscaux casse les mécanismes
de régulation de redistribution des richesses. Evidemment, le débat sur la pression fiscale
excessive existe et l’argument peut être entendu, mais il ne doit pas occulter le véritable
problème de la fraude, et même de l’optimisation fiscale. A qui profite l’optimisation ? Aux seuls
grands groupes internationaux, aux multinationales se jouant des règles domestiques pour
finalement concurrencer toutes les entreprises qui ne peuvent bénéficier de ces montages,
notamment les plus petites et les plus fragiles. La distorsion de concurrence liée au dumping
fiscal est considérable et explique en partie l’hégémonie de certains grands groupes tels que
Google, H&M, Starbucks, Amazon, etc. De même, lorsque nous parlons de l’impact de la