L’articulation entre les droits de l’Homme et
l’arbitrage international sur le fondement d’un traité
bilatéral d’investissement.
INTRODUCTION
Au cours des quatre dernières décennies, de nombreuses entreprises occidentales ont
choisi de localiser plusieurs de leurs activités dans des usines situées dans des pays en
développement. En conséquence, plusieurs pays d’accueil ont pris la décision d’assouplir
leur réglementation afin d’attirer les entreprises occidentales et les investisseurs
étrangers. Cela a entraîné ce que l’on appelle communément la « course vers le bas », qui
conduit de nombreux pays cherchant à attirer des capitaux étrangers à réduire leurs
normes sociales et environnementales et à limiter la responsabilité des entreprises pour
les dommages causés par leurs activités.
Dans le contexte de ces mouvements de capitaux, les gouvernements des États
occidentaux ont cherché à assurer le traitement équitable de leurs sociétés dans leurs
activités à l’étranger par la conclusion de traités commerciaux et d’investissement. Ces
traités accordent une protection aux investisseurs et leur permettent de faire valoir leurs
droits devant les tribunaux arbitraux vis-à-vis de l’État hôte dans lequel ils investissent2.
De tels accords internationaux n’imposent généralement pas d’obligations aux
investisseurs, mais seulement aux États parties3. On estime que plus de 3 000 traités
bilatéraux d’investissement ont été conclus à ce jour4.
Avec la montée de la mondialisation, les entreprises ont obtenu des États un certain
nombre de droits en vertu du droit international des investissements. Les investisseurs
étrangers ont, notamment, acquis ces droits grâce aux dispositions relatives au règlement
des différends entre investisseurs et États, contenues dans les traités bilatéraux
d’investissement (TBI) et dans les traités multilatéraux d’investissement conclus entre
États. Ces traités d’investissement entre États ont privatisé la protection internationale
des investisseurs, leur accordant un droit d’action directe contre les États devant les
tribunaux arbitraux5.
Si les entreprises et les investisseurs privés ont accumulé un certain nombre de droits en
vertu de ces traités, on note néanmoins une certaine asymétrie en ce qui concerne leur
responsabilité envers les pays et les populations touchés par les répercussions gatives
générées par leurs activités. Plusieurs abus commis par des sociétés transnationales,
bénéficiant de cadres réglementaires laxistes, notamment en matière de droit du travail et
de protection de l’environnement, ont été révélés au grand public au cours des dernières
années. L’une des plus grandes tragédies causées par ces abus est l’effondrement de
l’immeuble du Rana Plazza, qui abritait plusieurs usines de fabrication de vêtements au
Bangladesh. Cet accident, survenu le 24 avril 2013, a fait plus de 1 100 morts et 3 000
blessés6.
De tels accidents soulignent la nécessité d’imposer des obligations de développement
durable aux entreprises multinationales et aux investisseurs. En effet, il semble crucial que
les États et les entreprises s’entendent sur un certain contrat social, dans lequel les États
et les investisseurs auraient des devoirs et des obligations équivalents7. John Ruggie,
représentant spécial de l’Organisation des Nations Unies(ONU) pour les entreprises et les
droits de lhomme de 2005 à 2011, a insisté sur l’importance de tenir compte des droits de
la personne dans les contrats et traités d’investissement :
« La négociation est pour les parties le bon moment de faire connaître leurs attentes et de
déterminer leurs responsabilités respectives en ce qui concerne tous les types de risques,
y compris les risques pour les droits de l’homme. De plus, une bonne gestion des risques
pour les droits de l’homme aura des répercussions sur d’autres éléments du contrat, d’où
l’intérêt d’analyser ces risques de façon cohérente, parallèlement aux questions
économiques et commerciales8.
C’est pourquoi dans le présent document, nous discuterons de l’assemblage, des liens se
trouvant entre les Droites de l’Homme et l’arbitrage International sur le Fondement d’un
traité bilatéral d’investissement. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la
prise en compte de la violation des droites de l’Homme dans la procédure arbitrale relative
à l’investissement et dans un second temps, nous nous pencherons sur l’irruption des
droits de l’Homme dans le contentieux arbitral transnational relatif à l’investissement.
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