1 Arrêt sur ponctuation Zouhour MESSILI-BEN AZIZA Université Tunis El Manar (I.S.S.H.T) UREB (Unité de recherche en études brachylogiques) Résumé : La ponctuation « l’infini petit de la langue » selon Didier Philippot répond parfaitement par sa (ses) forme(s) à la Nouvelle Brachylogie. Nous nous proposons de montrer que cette lexie s’insère d’emblée dans un dictionnaire de la Nouvelle Brachylogie, par la graphie minimaliste de ses signes mais aussi par sa dimension conversationnelle parce que la ponctuation est la trace du sujet écrivant, qu’elle s’inscrit dans la linguistique de la langue et dans celle du discours, qu’elle est un des lieux privilégiés d’une expressivité originale au service d’une conversation entre sujet écrivant et sujet lisant. Mots-clefs : Ponctuation, conversation, linguistique de la langue, linguistique du discours. Abstract : The punctuation described by Gustave Flaubert as "infinitely small" is perfectly in keeping with the New Brachylogy in its form(s). We propose to show that this lexicon, with its minimalist style of writing, fits immediately into a dictionary of New Brachylogy, but also by its conversational dimension because punctuation is the trace of the writing subject, that it is part of the linguistics of the language and of the discourse, that it is one of the privileged places of an original expressivity at the service of a conversation between writing and reading subjects. Keywords : Punctuation, conversation, language linguistics, discourse linguistics. . S’intéresser à la ponctuation, c’est s’intéresser à la communication écrite aussi bien en production qu’en réception. Riche de potentiels d’analyse, elle permet de distinguer et d’organiser les différentes unités linguistiques (mots, syntagmes, phrases, énoncés) et participe évidemment à la lisibilité du discours écrit et à ses différents effets sur le lecteur. Restreinte ou élargie, elle nous aide à mieux comprendre l’organisation, la hiérarchisation et l’architecture du discours écrit [Messili-Ben Aziza, 2004]. 2 La linguiste N. Catach [1974, 1994 et sqq.] a étudié et décrit le système orthographique et parallèlement le système ponctuationnel [cf. Catach et al. 1980] du français. Pour Catach, l’orthographe est un pluri-système qui se décompose en quatre sous-systèmes (phonographie, morphographie, logographie et idéographie). La ponctuation se situe dans le sous-système idéographique et loin d’être isolée montre tout son potentiel discursif. Ce qui a suscité, ou plus exactement, ressuscité l’intérêt des linguistes et par la suite celle des littéraires pour la ponctuation. Par-delà l’aspect orthographique, aspect le plus retenu dans les pratiques d’enseignement, nous aimerions montrer toute la mesure linguistique et discursive de la ponctuation, qui selon de nombreux chercheurs est un carrefour de la textualité [Catach, 1980] puisqu’elle s’inscrit entre l’écrit et l’oral, qu’elle participe de la syntaxe et de la sémantique, qu’elle s’immisce entre sémantique et énonciation, entre syntaxe et énonciation, entre énonciation et communication, entre énonciation et pragmatique. Bref, la ponctuation porte en elle une véritable composante brachylogique de par sa dimension formelle et sa dimension conversationnelle. Nous partirons d’un premier constat : les attitudes vis-à-vis de la ponctuation restent contradictoires, même si sa pratique est millénaire. De façon générale, elle est abordée comme une technique d’écriture mais est considérée soit comme une sorte de véritable fourre-tout, soit comme un simple outil typographique palliant à l’absence des phénomènes oraux, soit au contraire comme marques signifiantes, jouant un rôle discursif à part entière. L’analyse proposée ici dans le cadre d’une réflexion sur les entrées du dictionnaire de la Nouvelle Brachylogie pose l’hypothèse (de base) que la ponctuation (par son absence comme par sa présence) –restreinte ou élargie– est la trace du sujet dans son discours écrit. Multiple de par ses fonctions, elle est véritablement un élément graphique de création qui s’insère aussi bien dans la linguistique de la langue que dans celle du discours. La ponctuation peut se définir comme l’instrument de «l’intention » toujours particulière du sujet écrivant, comme un lieu privilégié d’une expressivité originale au service d’une conversation. Lieu de tension entre norme et liberté d’usage, la ponctuation intervient donc dans l’organisation du message non seulement au niveau prosodique et syntaxique mais aussi aux niveaux textuel, énonciatif et communicationnel. Tout écrit qu’il soit littéraire, publicitaire, journalistique ou autre repose sur un désir de communication. La participation de la ponctuation s’arrêterait-elle à un simple soutien ou à un éventuel renfort de certaines composantes de cette communication ? Ou bien correspondrait-elle à une 3 contribution réelle, autonome et singulière ? Quoiqu’il en soit, la ponctuation s’intègre dans le schéma communicationnel spécifique de l’écrit et c’est dans les perspectives du triptyque production/transmission/réception [cf. Catach] qu’elle doit être abordée. Nous aimerions montrer dans quelle mesure les ponctuants graphiques, signes de visualisation et de diction, signes logiques, signes sémantiques, signes énonciatifs et signes pragmatiques doivent être regardés comme des composants signifiants de la communication écrite. Notre hypothèse est que nous devrions aller au-delà des fonctions « classiques » des signes de ponctuation, en l’occurrence leur rôle prosodique et syntaxique mis en avant par les grammairiens du 17ème et du 18ème siècle entre autres, et que nous élargissions leur rôle à une véritable intentionnalité du scripteur dans la construction de son texte écrit. Ainsi des pistes d’analyse complémentaires s’ouvrent sur la sémantique, l’énonciatif et la pragmatique. Notre travail s’inscrit donc dans le cadre d’une approche polyphonique de la ponctuation, approche mise en avant par Jacques Anis [1988, 2004] pour qui les signes de ponctuation ne sont pas simplement des signes typographiques mais des « signes pleins » qui permettent d’actualiser la langue en discours. Nous aimerions montrer et démontrer que la ponctuation « signifie » au niveau du discours écrit, que la valeur du signe de ponctuation peut être multiple et dépend du contexte et du cotexte textuel et qu’il participe pleinement à une conversation entre le sujet écrivant et le sujet lisant. Il existe aujourd’hui de nombreux travaux qui s’intéressent aux valeurs syntaxiques, rythmiques, énonciatives, sémantiques et pragmatiques de l’usage de la ponctuation restreinte ou élargie. La ponctuation étendue permet de mettre en avant une structuration du discours autre, linéaire et alinéaire, c’est pourquoi elle ne peut plus s’aborder simplement au niveau normatif, niveau mis en avant par la grammaire et la grammaire scolaire notamment. L’extension de la ponctuation n’est pas une question mineure, nous en donnerons pour preuve les discussions sur le blanc, sur les pauses, sur les accents, sur les icônes ou tout simplement la problématique des limites de son extension et de sa pertinence. Nina Catach par exemple propose de l’étendre au simple niveau typographique et ne prend pas en compte les grandes divisions du texte ; tandis que Jacques Anis, avec ses topogrammes élargit l’utilisation de la ponctuation aux marques liées telles que le gras, la grosseur des lettres, etc. De plus, le cadre de leur pertinence linguistique pose aujourd’hui encore question : beaucoup n’ont jamais vraiment coupé les ponts entre ponctuation orale et ponctuation écrite, 4 entre ponctuation et intonation. Pour Nina Catach, l’oralité de la ponctuation reste latente même si elle reconnait l’écart croissant entre discours oral et discours écrit. D’ailleurs les règles traditionnelles de la ponctuation édictées par les traités de ponctuation et les livres de grammaire, et largement étudiées dans le système scolaire, renvoient essentiellement à des conditions de bonne association entre prosodie et syntaxe ou dans le cadre du discours rapporté direct. Or la ponctuation pose surtout la question centrale des unités de discours et se situe à tous les niveaux des unités d’analyse : le mot, la phrase et le texte. Ses usages sont multiples : lexématique (intralexématique), phrastique (intra ou interphrastique) et textuel. Les nombreux colloques et les numéros consacrés par les revues spécialisées ont mis en avant la complexité polysémique des marques de ponctuation. 1. Au niveau lexématique, l’emploi de ponctuants graphiques comme l’apostrophe, le trait d’union ou encore les points de suspensions, renvoie à des fonctions différentes : - L’apostrophe est considérée comme une sorte de virgule « interne » lexicale. Elle joue un rôle phonétique, orthographique et grammaticale puisqu’elle affecte les mots dans leur prononciation (élision de la voyelle pour éviter le hiatus), qu’elle marque certaines troncations comme l’aphérèse, l’apocope ou la syncope. L’apostrophe pointe parfois « l’apocope de l’apocope », comme par exemple « collaborateur » qui connait une première troncation finale : « collabo », et une deuxième signalée par l’apostrophe «collab’». Le discours publicitaire ou les enseignes jouent avec l’apostrophe pour certaines connotations : Vit'Sec le sèche-linge Ultra-Economique et Ecologique par AMPHORA L’apostrophe à la place de « e » permet de jouer sur le sème de la rapidité. 5 L’emploi de l’apostrophe revêt ici deux aspects : ludique et tendance. À la fois faux anglicisme (hair) et jeu d’homophonie : coiff’hair se prononçant « quoi faire »1. - Le point de suspension à l’intérieur ou à la fin d’un mot peut marquer une prononciation hésitante, simplement pour des raisons physiques comme dans un dialogue où un des locuteurs est bègue ou bien lorsqu’un locuteur est pris par une forte émotion ; ou encore dans le texte pour des raisons éthiques, nous prendrons comme exemple le fameux titre de Jean-Paul Sarte La P… respectueuse. En règle générale, de nombreux mots grossiers ou insultants sont atténués par cette « lacune » de graphie. - Le trait d’union comme son nom l’indique est un trait ayant pour fonction d’unir deux lexèmes permettant de constituer une seule unité linguistique. Cependant, le trait d’union est une des difficultés de l’orthographe française2 dans la mesure où son emploi n’est pas systématique et répond à des règles nombreuses difficiles à retenir (ou parfois à une absence de règle). Prenons le cas du préfixe « quasi » utilisé avec ou sans trait d’union selon la nature du mot qu’il précède : quasiréalité (substantif, avec trait d’union) ; quasi réel (adjectif, sans trait d’union). Mais il a également d’autres fonctions : entre un pronom et un verbe, il marque la formation d’un groupe phonétique qui renvoie à une unité grammaticale : Tiens-le ; Allez-y Nous constatons déjà la diversité de certains ponctuants au niveau du « mot » ou du lexème. Il participe du sens en créant de nouvelles unités linguistiques mais également de la phonétique et de la syntaxe : l’unité phonétique marquant l’unité syntaxique. Au niveau intralexématique, la norme et l’usage côtoient déjà une certaine liberté d’emploi du fait de l’absence de règles précises quant à l’utilisation de tel ou tel signe. D’un point de vue formel, nous pouvons déjà constater la forte dimension brachylogique de ces signes au niveau du mot. Qu’en est-il de la phrase ? Cependant, aujourd’hui un nouveau phénomène prend de l’ampleur notamment dans les écritures électroniques, du fait de l’esprit de ces écrits (briéveté et rapidité) : l’apostrophe, ainsi que les espaces et les accents, tendent tout simplement à disparaitre «c’est moi qui t’ai appelle → C mwa kitapel». 2 La nouvelle réforme de l’orthographe française (proposée par l’Académie français en 1990 mais entrée en vigueur qu’en 2016) précise que pour de nombreux mots la soudure remplacera le trait d’union. 1 6 2. Au niveau phrastique (intra et interphrastique) Il arrive que contrairement à la tradition grammaticale, certains points déclaratif, interrogatif, exclamatif ou de suspension segmentent des propositions à l’intérieur des phrases. Les points de suspension, par exemple, qui coupent les énoncés sont utilisés pour mieux rendre le style parlé avec ses hésitations, ses balbutiements, ses tâtonnements… ce qui fait dire à Riegel que « Les trois points marquent donc ‘’le rythme de la parole du locuteur, un débit particulier’’ ». (Riegel, Pellat et Rioul, 1999 : 91). Donnez-moi une seule raison d’accepter votre invitation. Une seule raison…mon Dieu…que c’est difficile. [Galvada1 : 9] Il est PDG de Rofitex, j’sais pas si tu connais comme boîte… Deux cents employ… Elle ne lui a pas laissé le temps de finir. Elle s’est arrêtée de danser d’un coup et elle a ouvert grand ses yeux de setter : Attends… Rofitex ?... Tu veux dire les…les…préservatifs Rofitex !!? [Galvada : p. 89] Les points de suspension accompagnent l’expression de la surprise, de l’étonnement et peut-être de l’indignation, sentiments renforcés par l’emploi simultané en fin de phrase de deux points d’exclamation et d’un point d’interrogation. Au niveau phrastique, si le plus souvent ces points répondent à un emploi normatif et tiennent donc lieu de ponctuation de fin de phrase, ils remplacent parfois à eux seuls la totalité d’une phrase : « ??? » « !!! » « … ». La bande dessinée use abondamment de ce procédé. 1 Gavalda Anna, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, Editions J’ai lu, 1999. 1 7 Les points de suspension indiquent le non-dit mais un nondit en fait explicite, expressif, comme nous l’avons vu dans l’exemple d’Anna Gavalda. Les parenthèses peuvent également jouer ce rôle. Les internautes entre autres ont une pratique des parenthèses qui marque fortement l’expressivité : leur multiplicité peut être proportionnelle à l’intensité de l’émotion ressentie et exprimée : - montrer un rire franc ou une grande joie →:)))))) → deuxpoints + parenthèses fermantes ; montrer une grande tristesse, une vive compassion →:(((((( → deux-points + parenthèses ouvrantes. Sans entrer dans une analyse pragmatique détaillée, on peut déjà remarquer que l’usage et la compréhension de ces ponctuants graphiques ne répondent pas à une spécificité linguistique particulière et ne dépendent pas de la langue du locuteur. L’emploi de ces signes de ponctuation permet d’indiquer l’attitude subjective du locuteur par rapport à un énoncé ou à une situation, ce qui s’exprime plus facilement dans une interaction en face à face en recourant au système kynésique (mimo-gestuel) ou à l’intonation, ce qui n’est pas toujours évident à exprimer à l’écrit. 3. Au niveau textuel Ces deux dernières décennies, les valeurs énonciative et pragmatique de la ponctuation ont suscité l’intérêt de nombreux chercheurs. La ponctuation s’est libérée de son carcan prosodique et syntaxique pour intégrer des fonctions sémantiques, énonciatives et pragmatiques, tout aussi pertinentes. Ponctuation et énonciation Tout texte (écrit ou oral) renvoie à une instance énonciative. Si les deux sujets de l’énonciation sont en relation différée du fait du texte « écrit », les ponctuants graphiques peuvent être abordés comme de véritables « phénomènes d’ordre énonciatif susceptibles de marquer la présence d’un sujet énonciateur et de signaler un certain rapport à autrui » (Leblanc, 1998 : 87), comme un lieu d’expression. Par l’emploi de la ponctuation, le scripteur/énonciateur invite le lecteur/récepteur à entrer dans le jeu de l’interprétation. Les différentes nuances qu’apportent l’emploi de tel ou tel ponctuant graphique doivent être décodées à l’instar de toute autre activité langagière et 1 Album des Aventures de Tintin : Coke en stock, n° 19, Casterman, Bruxelles, juillet 1958. 8 analysées comme « des lieux d’ancrage de la subjectivité langagière ». [Houdart et Prioul, 2006 :91] Un même signe peut avoir des valeurs diverses : le point de suspension renvoie au silence, à l’hésitation, à l’interruption…bref signale le nondit, l’inachevé, le rythme, le cheminement désordonnée d’une pensée... Et là intervient la stratégie d’interprétation du lecteur/récepteur. À l’instar des connecteurs dans le discours, l’énonciateurscripteur parsème son texte écrit de « marques graphiques » qui guident et facilitent la lecture, la compréhension et l’interprétation. Ponctuation et pragmatique : « le faire-lire » Nous partirons d’une citation de Maingueneau [96 : 14] : « tout énonciateur est aussi son propre coénonciateur, qui contrôle et éventuellement corrige ce qu’il dit ». De même tout scripteur est aussi son propre lecteur et éventuellement, pour ne pas dire souvent, corrige ce qu’il écrit et notamment sa ponctuation pour une meilleure expression et ce en tenant compte de son lecteur réel ou virtuel. Ainsi, ponctuer s’apparente à un acte illocutoire puisque je « fais » quand j’écris. Du point de vue des modalités, le point d’exclamation participe de l’acte d’injonction, le point d’interrogation de celui de l’acte de questionnement, les points d’exclamation de celui de l’acte de protestation ou plus généralement d’expression de tel ou tel sentiment ; ou encore les parenthèses, les points de suspension, le double-tiret, d’un acte indirect (implicite ou sous-entendu) d’ironie, par exemple. La ponctuation, contrairement aux mots de la langue, ne sert pas à désigner quelque chose, à référer à un objet du monde, mais plutôt à indiquer (dans le sens peircien du terme : l’indice) quelque chose, à mettre en évidence un élément de l’énonciation ou de la situation de l’énonciation. Les ponctuants graphiques ne servent pas à dire mais à montrer : utiliser un point d’exclamation ce n’est pas décrire l’émotion particulière mais c’est la mettre en scène, la représenter. Employer le gras sur certaines lettres, ce n’est pas dire l’insistance ou même la colère, c’est la pointer du doigt. La fonction pragmatique de la ponctuation renvoie d’abord à un « faire-lire » subordonné à un faire-savoir. Cette fonction consiste à donner au lecteur des informations sur la composition et la structuration morphosyntaxique de l'énoncé, mais aussi sur le sémantisme. L’énoncé écrit, quel qu’il soit, véhicule des informations que le lecteur est censé comprendre. Ces informations, de natures diverses (grammaticale, prosodique, énonciative, sémantique, …), s’imbriquent dans la chaine écrite et se rattachent à des fonctions pragmatiques spécifiques. Elles Ces 9 relèvent d’un faire-savoir et d’un faire-comprendre : à ses fonctions pragmatiques correspondent la fonction démarcative, discriminative et élective. La fonction pragmatique renvoie à la modalisation, à la monstration, à la prise en charge. Au niveau plus large –celui de l’ensemble de l’énoncé écrit– des marques ponctuationnelles jalonnent et structurent l’unité globale : découpage en chapitres, en paragraphes, alinéas,… Au niveau intermédiaire, les débuts et les fins de phrases (signes de ponctuation forte) ; la démarcation des groupes (signes de ponctuation faibles) et la démarcation des unités lexicales (blanc, apostrophe, tiret). Conclusion Les ponctuants graphiques interviennent comme des guidesdans le traitement linguistique. On sait par exemple qu’il existe en français le phénomène dénommé disyntaxe prosodique, il s’agit du non-respect des relations syntaxiques par la prosodie, ce qui perturbe la cohésion du groupe syntaxique ; la dislocation est marquée à l’oral par le contour mélodique ou par une accentuation spécifique. Cette forme de syntaxe propre à la prosodie est illustrée à l’écrit par les indices que sont certains ponctuants graphiques relevant de l’énonciation (parenthèses, double-tirets, …) ou encore de ce que les spécialistes appellent les typogrammes, c’est-à-dire le gras, la grosseur des lettres, les majuscules,… Pour la compréhension d'un énoncé écrit, il ne suffit pas que le lecteur opère une démarcation des unités syntaxiques et morphosyntaxiques, parce que ces unités nécessitent également d'être interprétées. L’emploi des ponctuants permet au scripteur de « faire-savoir », de fournir des indications au lecteur lui permettant de comprendre si le scripteur asserte un énoncé, pose une question, donne un ordre, s'étonne, s'exclame ou introduit le discours d’un autre, commente son propre discours... De plus, dans le cadre de l'énoncé, le sens se construit, groupe par groupe aussi bien au niveau macro que micro. Cette fonction élective est portée, entre autres, par la ponctuation au sens large comme au sens restreint ; au sens large avec les macro-séquences et au sens restreint avec les micro-séquences. La ponctuation s’intègre parfaitement dans une dimension brachypoétique parce qu’elle participe à une meilleure compréhension du « dire-écrit » et permet de jouer sur le sens et donc sur la compréhension. Eléments bibliographiques ANIS (Jacques) : 10 - L’écriture – Théories et descriptions, avec la collaboration de J.-L. Chiss et C. Puech, Bruxelles, De BoeckWesmael, 1998. - « Une graphématique autonome ? », in N. Catach (éd.), Pour une théorie de la langue écrite, Paris, Éditions du CNRS, pp. 213-223. - « Les linguistes français et la ponctuation », L’information grammaticale 102, 5-10, 2004. 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