Typologie des stations au niveau des taillis d`arganier du plateau

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Résumé
L’étude des jeunes recépages d’arganier dans le plateau des Haha, abordée dans le cadre de ce
travail a pour but d’identier les différents milieux rencontrés en tenant compte des descripteurs
écologiques et des groupes oristiques correspondants. Ainsi 129 placettes circulaires de 314
ont été inventoriées sur une supercie de 2913 hectares selon un échantillonnage stratié aléatoire.
Une analyse de la végétation a été abordée par une ordination et une classication des relevés. Les
données numériques ont été traitées par l’analyse factorielle des correspondances. Une classication
hiérarchique permet de regrouper les espèces et les relevés les plus semblables dans les ordinations
obtenues par l’AFC. Ainsi, trois groupements oristiquement différents sont différenciés selon
l’inuence océanique, l’altitude et la pente du terrain.
Mots clés : Essaouira, arganier, Haha, rejets, phytoécologie.
Typology of stations in the young coppices
of argan tree in the plateau of Haha
Abstract
The study of the young coppice of argan tree in the plateau of Haha, approached in this work
aims to identify the different areas by taking into account ecological descriptors and corresponding
oral groups. So 129 circular plots of 314 were inventoried on a 2913 hectare surface according
to a stratied random sampling. Vegetation analysis was approached by an ordination and a
classication of the oristic statements. The numeric data were treated by the factorial analysis of
the correspondences and a hierarchical classication was used to group species and the most similar
oristic statements in ordinations. So, three different oristic groups are differentiated according to
the oceanic inuence, the height and the slope of the area.
Key words : Essaouira, argan, Haha, sprout, phytoecology.
Typologie des stations au niveau
des taillis d’arganier du plateau des Haha
Tarik Belghazi (1), Mustapha Ezzahiri (2) et Quentin Ponette (3)
1 - Chercheur au Centre Régional de Recherche Forestière, BP 12360, Ain Itti, Marrakech,
Maroc. Email : [email protected]
2 - Enseignant chercheur à l’Ecole Nationale Forestière d’Ingénieurs, BP 511, Salé,
Maroc. Email : en[email protected]
3 - Professeur à l’Université Catholique de Louvain, Croix du sud, 2 bte 9, B 1348,
Louvain-la-Neuve, Belgique. Email : [email protected]
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Introduction
L’arganier (Argania spinosa L.) est une sapotacée endémique du Maroc, localisée dans le sud-
ouest du Royaume. Elle couvre une supercie de 871 210 ha (IFN, 1999) occupant ainsi le deuxième
rang des essences forestières marocaines. C’est une espèce très rustique et très robuste, qui peut se
développer dans des conditions écologiques variées et difciles (milieux secs, sols superciels …).
Les arganeraies se présentent sous forme de futaies, ou de taillis provenant de recépage. On
distingue actuellement deux grands types d’arganeraie : l’arganeraie-verger et l’arganeraie-forêt.
L’arganeraie-verger se rencontre généralement dans les zones peu accidentées, sa densité moyenne
est de 100 souches/ha ; ce type de forêts est soumis à une utilisation agricole très poussée et à
un pâturage très intense par le cheptel local. L’arganeraie-forêt se cantonne dans les parties non
cultivables du littoral atlantique (Essaouira-Agadir) et dans les parties accidentées (montagne), la
densité peut atteindre 500 souches/ha.
La régénération de l’arganier en forêt naturelle est actuellement très faible voire absente car
toutes les noix sont précieusement ramassées pour l’extraction de l’huile (principale source de revenus
pour les populations locales). Les jeunes plantules issues de graines qui échappent à la récolte sont
systématiquement broutées par les animaux (M’hirit et al, 1998).
La régénération articielle, quant à elle, ne semble pas avoir été pratiquée dans les temps
anciens, malgré l’intérêt accordé par les populations à cet arbre. Elle a pourtant démontré son intérêt
à l’occasion de reboisements sur certains sites dans le Souss (forêt d’Admine, forêt de la région
de Tiznit) ou dans des emplacements de charbonnière, même si des échecs ont été observés dans
l’arganeraie d’Essaouira et de Tamanar. Cependant, cette opération se heurte à diverses difcultés
techniques. Jusqu’à présent, les taux de réussite de ce mode de régénération sont très faibles (moins
de 20%). Les techniques d’élevage des plants et la transplantation sont mises en cause.
Les difcultés rencontrées au niveau de la régénération naturelle par semis et articielle
par plantation font du rejet de souche, à l’état actuel, le mode de régénération le plus usité pour
l’arganier.
L’arganier présente une longévité de 300 à 350 ans (Alifriqui, 2004), comme l’attestent des
spécimens conservés dans divers cimetières dans l’aire de l’arganier. Le sujet le plus âgé se trouverait
dans un cimetière de la région de Talmest dans la province d’Essaouira. Ceci dit l’arganier se multiplie
principalement par rejets de souches jusqu’à un âge avancé (150 à 200 ans) (Nouaim et al, 1991). Au
bout d’une dizaine d’années, on peut obtenir facilement une forêt jeune et bien reconstituée (Rieuf,
1962). Les rejets sont vigoureux et abondants, leur croissance est rapide et ils évoluent vers de beaux
peuplements si la mise en défens et la conduite sylvicole étaient bien respectées (Soulères et al.,
1998).
C’est dans ce sens que la présente étude s’intéresse aux jeunes rejets de souche d’arganier dans
le plateau des Haha. Elle vise une caractérisation et une typologie des différents milieux rencontrés
en tenant compte des descripteurs écologiques et des groupes oristiques correspondants.
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Matériels et méthodes
Les peuplements d’arganier qui ont fait l’objet de cette étude, sont répartis sur l’ensemble du
plateau des Haha et sont gérés par la Direction Provinciale des Eaux et Forêts d’Essaouira par le
biais de trois Centres de Conservation et de Développement des Ressources Forestières : CCDRF
d’Essaouira, de Smimou et de Tamanar.
La région des Haha est une région typiquement méditerranéenne qui subit en été, saison chaude et
sèche, l’inuence tropicale venant du sud et du sud-est (chergui), en hiver, saison froide et pluvieuse,
les vents du nord ou du nord-ouest. Ceci a un effet direct sur la répartition des climats et par
conséquent, sur la végétation autochtone.
Le climat de la région est particulier par sa proximité de l’Océan Atlantique d’un coté et des
montagnes de l’autre coté. Le volume des précipitations moyennes annuelles varie de 269 mm/an
à Essaouira à 457 mm/an à Aïn Asmama. Le bioclimat de la région est du type semi-aride chaud à
tempéré alors que le régime saisonnier est du type HAPE.
Du point de vue géologique, le substratum géologique qui domine le pays des Haha est carbonaté.
Il s’agit soit des calcaires marneux ou argileux tendre, soit des calcaires gréseux durs.
Pour ce qui est des sols de la région, ils sont selon la nature de la roche mère, et la topographie, peu
évolués et peu profonds à assez profonds. Les principaux types de sols rencontrés sont (Aboulkassim,
1995) :
* des sols bruns fertialitiques caractérisés par leur profondeur et leur richesse en matière
organique qui leur confère une couleur brune bien marquée ;
* des sols rouges fertialitiques qui occupent les niveaux alticoles et les moyennes altitudes
des plateaux. Développés sur des calcaires durs et compacts, leur texture est de nature
argileuse (argile rouge) ;
* des sols bruns calcaires : ils occupent les zones de basse et moyenne altitude des plateaux
calcaires et calcairo-marneux. Ces sols localisés sur les plateaux et les diverses expositions
sont caillouteux et peu profonds ;
* des sols colluviaux calcaires peu évolués, assez profonds, se placent sur les versants en bas
de pentes ;
* des lithosols ou sols squelettiques, souvent réduits à la roche mère géologique. Ils occupent
les versants de haute altitude. La végétation y est dégradée.
Les jeunes recépages d’arganier étudiés dans le cadre de ce travail sont répartis sur tout le
plateau des Haha et couvrent une supercie totale de 2913 hectares.
Le dépouillement des documents disponibles sur la zone et les visites du terrain nous ont permis
de constater une certaine hétérogénéité au niveau de la régénération de l’arganier et des milieux. C’est
dans ce sens qu’un échantillonnage stratié aléatoire a été réalisé moyennant des placettes circulaires
de 314 réparties entre les différentes strates selon une allocation proportionnelle. Le critère de
stratication retenu est l’âge des rejets, variable disponible dans les registres d’exploitation.
Un total de 129 placettes a été inventorié et réparti sur toute la zone de manière à couvrir toutes
les gammes d’âge existantes. Au niveau de chaque placette, trois types de relevés ont été effectués :
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- Relevé écologique : Il s’agit des descripteurs topo-climatiques et édaphiques notés à l’échelle
de la placette tels que : l’altitude, l’exposition, la pente, la situation topographique, la nature
du substrat, la profondeur du sol et l’éloignement par rapport à l’océan.
- Relevé de la végétation : Au niveau de chaque placette, un inventaire qualitatif (liste oristique
de toutes les espèces présentes) et quantitatif (abondance-dominance) de la végétation a été
fait.
Des coefcients d’abondance-dominance et de sociabilité ont été attribués à chaque espèce
selon les échelles proposées par Braun-Blanquet (1932, 1952).
- Inventaire dendrométrique : Les informations prélevées dans chaque placette sont :
- le nombre de cépées,
- le nombre de brins par cépée,
- la hauteur totale et la circonférence à 1,30 m de 3 brins dominants, moyens et dominés par
cépée.
L’application de l’analyse factorielle des correspondances à l’étude des groupements végétaux
passe par la récolte des données oristiques. Celles-ci ont été réalisées au niveau de placettes
circulaires de 314 de supercie. Cette supercie est sufsante pour représenter l’aire minimale du
groupement végétal. Cette aire minimale varie d’une formation végétale à une autre, d’après Ozenda
(1982) elle peut être de :
20
- à 50 pour les groupements de prairies et de pelouses ;
100- à 400 pour les forêts ;
1- hectare et plus dans certaines forêts tropicales à ore très riche.
Pour analyser la végétation, nous avons utilisé deux techniques complémentaires : l’ordination
et la classication des relevés. Selon Goodall (1973) et Bouxin (2008), il est préférable que la
classication des relevés d’un tableau de végétation soit précédée d’une ordination. Les données ont
été codées et traitées sur des bases numériques par l’analyse factorielle des correspondances (AFC).
Une classication hiérarchique ascendante (CHA) du moment de l’ordre 2, basée sur les coordonnées
factorielles de l’AFC et considérée la plus adaptée à cette analyse (Roux, 1985), permet de regrouper
les espèces et les relevés les plus semblables dans les ordinations obtenues par l’AFC. Pour Romane
(1987), ces méthodes de classication, si elles ont parfois l’inconvénient de créer des classes même
la structuration est quasiment inexistante, ont quand même l’avantage de le faire d’une manière
objective.
Dans le cadre de ce travail, un premier traitement a concer129 relevés et 57 espèces. Une analyse
du tableau des contributions absolues des relevés et des espèces montre que leurs contributions sont
faibles. Ceci est à une redondance des relevés. Par la suite, nous avons sélectionné uniquement
les relevés et les espèces ayant de fortes contributions. Ainsi, une seconde analyse n’a concerque
69 relevés et 48 espèces.
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Résultats et discussions
a. Tableau des valeurs propres
L’analyse factorielle des correspondances appliquée sur cette matrice de données montre des
valeurs propres relativement faibles des premiers axes factoriels (Tableau 1). La plus grande valeur
propre enregistrée est de 0,34. Cette situation traduit le fait que le nuage de point ou la répartition
spatiale des formations auxquelles l’arganier participe ne présente pas une grande dissymétrie dans
sa structure. En outre, les valeurs propres relatives aux différents axes ne sont pas très différentes,
ce qui indique que l’information qu’ils expriment est sensiblement la même.
Tableau 1. Valeurs propres
Axes 1 2 3
Valeurs propres
Taux d’inertie (%)
Cumul (%)
0,34
4,6
4,6
0,29
3,5
8,1
0,26
1,9
9,9
Si une valeur propre dépasse 0,6, il est facile de trouver des groupements qui s’individualisent et
l’interprétation devient alors aisée (Ezzahiri, 1989), ce qui n’est pas le cas dans cette étude. On peut
à priori retenir l’idée que les structures oristiques organisées à grande échelle par l’arganier dans le
plateau des Haha ne présentent pas une très forte hétérogénéité.
L’interprétation des axes se fait par le biais des contributions absolues qui indiquent quels
relevés et quelles espèces participent de manière signicative à la construction et à l’explication des
axes factoriels. Pour cela, ne sont retenues que les relevés et les espèces qui ont une contribution
relativement importante (supérieure à la moyenne des contributions).
b. Interprétation des axes factoriels
Pour interpréter les axes factoriels, les fortes contributions relatives des espèces ont été prises
en compte. Etant donné que l’ensemble des relevés et celui des espèces sont en correspondance,
l’interprétation des axes est basée sur la signication écologique des espèces.
* Premier axe : sur le pôle négatif, les espèces suivantes sont rencontrées : Ajuga iva, Ceratonia
siliqua, Chamaerops humilis, Genista tricuspidata, Hyparrhenia hirta, Olea europea, Pistacia atlantica,
Rhus pentaphylla, Tetraclinis articulata, Ziziphus lotus.
Sur le pôle positif, on retrouve les espèces suivantes : Echium plantagineum, Eryngium
tricuspidatum, Helianthemum ledifolium, Lupinus hersuta, Plantago psyllium, Stipa ritorta Teucrium
polium, Tolpis barbata.
En se basant sur les valeurs écologiques de ces espèces, les conclusions suivantes sont
avancées:
- contrairement au coté positif qui regroupe des espèces steppiques (Stipa ritorta), le coté négatif
de l’axe 1 regroupe des espèces méditerranéennes de hautes et de moyennes altitudes notamment :
Tetraclinis articulata, Pistacia atlantica et Olea europea. La présence de Genista tricuspidata indique
un milieu difcile pour le développement de l’arganier.
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