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Les États histoires

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Les États-Unis et le monde de 1918 à 1945
Les États-Unis et le monde depuis les « Quatorze Points » du président Wilson
(1918)
I. La naissance d’une superpuissance (1918-1945)
A. La Première Guerre mondiale
1. L’intervention
2. La portée de l’intervention : l’internationalisme wilsonien
3. Le bilan de l’intervention : la naissance d’une puissance mondiale
B. Le rejet du wilsonisme et la montée de l’isolationnisme
1. Le rejet du traité de Versailles
2. « L’Amérique d’abord »
3. La Grande Dépression et la montée de l’isolationnisme
C. La Seconde Guerre mondiale
1. L’abandon de la neutralité
2. La contribution des États-Unis à la victoire des démocraties
3. Le bilan de la guerre : la naissance d’une superpuissance
LANGLOIS | CC BY-NC-ND 4.0
I. La naissance d’une superpuissance (19181945)
Entrés en guerre en 1917, sous la conduite du président démocrate Wilson
(1913-1921), les États-Unis sont présents à la victoire (1918) et participent au
règlement de la guerre (1919). Ils disposent d’une puissance considérable,
acquise depuis la fin de la guerre de Sécession[1] (1861-1865) et renforcée par la
guerre en Europe. Ils se destinent alors à exercer un leadership au sein du nouvel
ordre international voulu par le président Wilson, mais ils y renoncent au début
des années 1920 et renouent avec l’isolationnisme dans les années 1930. En
1941, attaqués par le Japon, ils s’engagent pour la seconde fois dans une guerre
qu’ils voulaient éviter, mais se saisissent alors du leadership et deviennent une «
superpuissance » à part entière.
A. La Première Guerre mondiale
1. L’intervention
Formulés par le président Wilson, dans un discours prononcé devant le Congrès,
les « Quatorze Points » (8 janvier 1918) récapitulent les buts de guerre
poursuivis par les États-Unis, neuf mois après leur entrée en guerre contre
l’Allemagne (6 avril 1917), non pas comme alliés, mais comme associés des pays
de l’Entente[2].
Deux mois auparavant, le Parti bolchevik s’est emparé du pouvoir en Russie (7
novembre 1917, 25 octobre, ancien style). Dans un « décret sur la paix » adopté
le même jour par le IIe Congrès panrusse des Soviets, la Russie propose « à tous
les peuples belligérants et à leurs gouvernements d’entamer des pourparlers
immédiats en vue d’une paix juste et démocratique. » Le nouveau gouvernement
conclut un armistice avec l’Allemagne en décembre (Brest-Litovsk, 15 décembre
1917) et s’engage dans des négociations de paix.
Les « Quatorze Points » portent à la fois sur le règlement de la guerre et sur
l’établissement d’un nouvel ordre international propre à garantir une paix
durable. Le président Wilson entend fonder le règlement des questions
nationales sur le principe des nationalités et sur le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes (VIe-XIIIe points). Il admet les revendications coloniales, mais les
subordonne à l’« intérêt des populations concernées » (Ve point). Il formule
plusieurs principes destinés à garantir une paix durable : diplomatie ouverte
(Ier point), réduction des armements (IVe point), liberté de navigation et de
commerce, raison première de l’entrée en guerre (IIe-IIIe points). Il prévoit la
création d’une association générale des nations destinée à garantir
l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les États (XIVe point).
2. La portée de l’intervention : l’internationalisme wilsonien
L’entrée en guerre des États-Unis et leur adhésion à une association générale des
nations rompent avec une doctrine établie de longue date, le non-engagement
(non-entanglement) dans les affaires du reste du monde (non-interventionnisme, isolationnisme). Formulée une première fois par le président Washington
(1789-1797) dans sa Lettre d’adieu (19 septembre 1796), elle est reprise par le
président Jefferson (1801-1809) dans son discours d’investiture (4 mars 1801)
et complétée par les présidents Monroe (1817-1825) et Théodore
Roosevelt[3] (1901-1909). La doctrine Monroe (2 décembre 1823) réprouve par
avance toute intervention européenne dans les affaires du continent américain
(laquelle serait considérée comme un acte hostile) et exclut toute intervention
états-unienne dans les affaires européennes. Le corollaire Roosevelt (6 décembre
1904) reconnaît en outre aux États-Unis un « pouvoir de police internationale »
dans l’hémisphère occidental.
Document : le discours du 2 avril 1917
The world must be made safe for democracy. Its peace must be planted upon the
tested foundations of political liberty. We have no selfish ends to serve. We desire no
conquest, no dominion. We seek no indemnities for ourselves, no material
compensation for the sacrifices we shall freely make. We are but one of the
champions of the rights of mankind. We shall be satisfied when those rights have
been made as secure as the faith and the freedom of nations can make them.
Discours du president Wilson devant le Congrès, 2 avril 1917, Woodrow Wilson
Presidential Library and Museum (www.woodrowwilson.org).
Le président Wilson formule une doctrine différente qui justifie l’entrée en
guerre (internationalisme wilsonien). Il appartient aux États-Unis, explique-t-il,
de promouvoir un ordre international fondé sur le droit et la démocratie : « Il
faut mettre la démocratie en sûreté dans le monde[4] » (2 avril 1917).
Contrairement au président républicain Roosevelt, il conçoit les relations
internationales de façon « idéaliste », telles qu’elles devraient être, et non pas de
façon « réaliste », telles qu’elles sont en réalité. Comme Roosevelt, il se réfère à la
notion de « destinée manifeste », mais lui donne un sens différent : « L’Amérique
est faite de tous les peuples de la Terre et elle dit à sa naissance à l’humanité :
“Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant la liberté et la
justice.”[5] »
Son plaidoyer en faveur de la liberté de navigation et de commerce est
néanmoins conforme à la doctrine états-unienne de la « porte ouverte ». Au siècle
précédent, les deux expéditions du commodore Perry (1853-1854) contraignent
le Japon à ouvrir ses ports aux navires puis au commerce étrangers (convention
de Kanagawa, 1854, traité Harris, 1858). En 1899, confronté à la pénétration
japonaise et européenne en Chine, John Hay, le secrétaire d’État des présidents
McKinley (1897-1901) et Roosevelt, formule la doctrine de la « porte ouverte »
selon laquelle le commerce avec la Chine ne doit être soumis à aucune exclusive.
Le président Wilson s’inscrit dans une tradition bien établie et défend des
intérêts bien compris, mais il associe de façon explicite la paix, la démocratie et la
liberté du commerce.
3. Le bilan de l’intervention : la naissance d’une puissance
mondiale
Les États-Unis contribuent à la victoire de 1918. Ils soutiennent l’effort de guerre
de leurs alliés en leur accordant des prêts gouvernementaux : dix milliards de
dollars (1917-1918), à quoi s’ajoutent des prêts bancaires antérieurs à l’entrée
en guerre (2,5 milliards). Ils exportent en Europe des produits agricoles, des
biens intermédiaires et des biens d’équipement. Ils assurent la sécurité des
acheminements. Leur contribution militaire n’est pas négligeable, mais la
production de guerre reste modeste en raison d’une entrée en guerre tardive. Le
nombre des soldats augmente à partir du printemps 1918 : un million en juillet,
deux millions à la fin de la guerre. Les « Quatorze Points », parce qu’ils
reconnaissent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et excluent toute paix
carthaginoise[6], contribuent sans doute à la demande d’armistice allemande.
La guerre renforce la puissance des États-Unis. Elle entraîne une augmentation
de la production et des exportations : la production manufacturière augmente
d’un tiers, les exportations de 150 pour 100, le tonnage de la flotte est multiplié
par sept[7]. Elle fait de l’État fédéral et des banques états-uniennes les créanciers
de l’Europe et de New York la première place financière mondiale. Elle conduit à
un déplacement vers l’Amérique du centre de gravité de l’économie mondiale.
La participation des États-Unis au règlement de la guerre témoigne de la place
qu’ils occupent désormais dans l’ordre international. Le président Wilson
participe en personne à la conférence de la paix de Paris : c’est le premier
président états-unien en exercice à quitter le continent américain et donc à
s’affranchir en personne de la tradition diplomatique états-unienne et de la
doctrine Monroe. Il débarque à Brest le 13 décembre 1918 et passe près de sept
mois en Europe, à l’exception d’un bref séjour aux États-Unis. Il défend ses «
Quatorze Points », mais se heurte à des alliés européens dont la diplomatie reste
« westphalienne[8] », fondée sur l’équilibre des puissances, non pas sur la
sécurité collective. Il obtient néanmoins la création d’une Société des nations
dont le pacte est inclus dans chacun des traités de paix, à commencer par le
premier, celui de Versailles avec l’Allemagne (28 juin 1919). Wilson rentre alors
aux États-Unis.
B. Le rejet du wilsonisme et la montée de
l’isolationnisme
1. Le rejet du traité de Versailles
Le président Wilson se heurte aux États-Unis à l’opposition des républicains.
Confronté à des élections de mi-mandat le 5 novembre 1918, il s’engage dans la
campagne afin d’en faire un plébiscite sur sa politique extérieure et d’obtenir une
majorité propre à renforcer son autorité dans les négociations de paix, mais les
républicains l’emportent sur les démocrates et disposent désormais d’une
majorité dans les deux chambres. Leur opposition au pacte de la Société des
nations s’exprime une première fois avant même la fin de la conférence de la
paix, lors du bref retour de Wilson à Washington (24 février-4 mars 1919) : ils
refusent toute atteinte à la tradition diplomatique et à la liberté d’action des
États-Unis. Le président Wilson regagne l’Europe, mais il est désormais affaibli
dans les négociations qui se poursuivent avec les puissances européennes.
De retour aux États-Unis en juillet, après la signature du traité de Versailles,
Wilson refuse tout amendement du traité et s’engage dans une tournée de
conférences afin de rallier l’opinion américaine à sa cause. Il parcourt plus de 10
000 km et prononce une quarantaine de discours, mais il est victime d’un malaise
(Pueblo, Colorado, 25 septembre 1919) et doit rentrer à Washington. À demiparalysé à la suite d’une attaque cérébrale, il termine son mandat sans parvenir à
imposer ses vues. Le traité est rejeté une première fois le 19 novembre 1919, une
seconde fois le 19 mars 1920. Lors de la campagne présidentielle de 1920, le
candidat démocrate Cox et son colistier, Franklin Roosevelt, s’efforcent de
défendre le pacte de la Société des nations. Le républicain Harding promet de son
côté un « retour à la normale » et lance le mot d’ordre : « l’Amérique d’abord ». Le
2 novembre, il l’emporte nettement sur son adversaire. Sa victoire met fin au
wilsonisme.
2. « L’Amérique d’abord »
Les trois premiers successeurs de Wilson, tous républicains, rejettent
l’internationalisme wilsonien sans renouer complètement avec la tradition
isolationniste, ni renoncer à toute intervention dans les affaires du monde
(Harding, 1921-1923 ; Coolidge, 1923-1929 ; Hoover, 1929-1933).
Au lendemain de la guerre, les États-Unis détiennent près de la moitié des
réserves d’or mondiales et le dollar reste convertible en or, mais ils ne
participent pas à la conférence de Gênes (10 avril-19 mai 1922) qui vise à
réorganiser le système monétaire international[9]. En 1929, ils assurent plus de
40 pour 100 de la production industrielle mondiale (contre le tiers avant la
Première Guerre mondiale), exportent et investissent dans le monde entier (15
pour 100 du commerce mondial, le tiers des investissements à l’étranger). Ils
restent néanmoins protectionnistes, en dépit des efforts accomplis sous Wilson
(tarif Underwood, 1913), et renforcent même leurs barrières douanières (tarif
Fordney-McCumber de 1922). Ils restreignent l’immigration par les deux « lois
des quotas » (1921 et 1924).
La conférence navale de Washington (12 novembre 1921-6 février 1922) vise à
contenir l’expansion japonaise en Asie et dans le Pacifique : le Japon rétrocède à
la Chine l’ancien territoire allemand de Kiao-tcheou[10] occupé en 1914 et
reconnaît la suprématie navale des États-Unis et du Royaume-Uni. Les plans
Dawes (1924) et Young (1929) règlent la question des réparations allemandes et
facilitent le remboursement des dettes interalliées. Le pacte BriandKellogg[11] (27 août 1928) témoigne de l’intérêt des États-Unis pour la détente
européenne de la seconde moitié des années 1920 : proposé par la France à
l’occasion du dixième anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis (6 avril
1927), il est signé par quinze États, puis par la plupart des pays du monde.
3. La Grande Dépression et la montée de l’isolationnisme
La Grande Dépression contribue à la montée de l’isolationnisme. Elle compromet
le règlement des réparations et le remboursement des dettes interalliées. Elle
accrédite la thèse de la « crise finale du capitalisme » au moment où s’affirme la
puissance industrielle de l’Union soviétique. Elle provoque la fragmentation de
l’économie mondiale : renforcement du protectionnisme, dévaluations
compétitives, formation de zones ou de blocs monétaires cloisonnés. Elle
contribue à la montée des tensions internationales : guerre italo-éthiopienne
(1935-36), guerre d’Espagne (à partir de 1936), guerre sino-japonaise (à partir
de 1937). Elle ruine la coopération internationale ébauchée dans la seconde
moitié des années 1920.
Le président Hoover (1929-1933) s’efforce d’établir des relations de bon
voisinage avec l’Amérique latine : il renonce au corollaire Roosevelt (1930) et
ébauche de la sorte une politique poursuivie par son successeur. Il consent en
revanche à un relèvement des tarifs douaniers (tarif Hawley-Smoot, 1930),
refuse l’annulation des dettes interalliées malgré la suspension du paiement des
réparations (conférence de Lausanne, 1932) et se contente d’une condamnation
sans grande portée après l’invasion de la Mandchourie par le Japon (1931).
Son successeur, le président Roosevelt (1933-1945), est démocrate. C’est un
ancien wilsonien, secrétaire adjoint à la Marine sous Wilson et candidat
démocrate à la vice-présidence en 1920, mais il s’emploie avant tout à lutter
contre la dépression de l’économie états-unienne et s’accom-mode de
l’isolationnisme. Les États-Unis participent à la conférence monétaire de Londres
en 1933, mais se refusent à tout accord contraignant et contribuent de la sorte à
l’aggravation de la crise. En dépit de la montée des tensions en Europe, ils
adoptent plusieurs lois de neutralité : embargo sur les livraisons d’armes à tout
belligérant, clause cash and carry pour les autres produits.
C. La Seconde Guerre mondiale
1. L’abandon de la neutralité
La dégradation de la situation internationale contraint les États-Unis à
abandonner leur politique de neutralité. Une première inflexion se manifeste
après l’attaque japonaise contre la Chine (7 juillet 1937). Ils adoptent alors une
série de restrictions commerciales à l’encontre du Japon : « embargo moral » sur
les ventes d’avions (1938), dénonciation du traité de commerce bilatéral (1939),
embargo sur le fer, l’acier et les combustibles (1940-1941). Ils renoncent en
revanche à l’embargo sur les ventes d’armes au bénéfice des pays en guerre
contre l’Axe (4 novembre 1939).
Le tournant décisif est postérieur à la défaite française (22 juin 1940). Les ÉtatsUnis entendent désormais devenir le « grand arsenal de la démocratie » (29
décembre 1940) et apportent leur aide au Royaume-Uni puis à l’Union soviétique
par la loi prêt-bail (11 mars 1941). Ils formulent, avant même leur entrée en
guerre, des buts de guerre qui s’inscrivent dans la tradition wilsonienne : la
garantie des « quatre libertés[12] » (discours sur l’état de l’Union, 6 janvier
1941) ; les principes de la charte de l’Atlantique (14 août 1941) : droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, liberté de commerce et de navigation, sécurité
collective et coopération internationale, établissement d’un « système permanent
de sécurité générale ». L’attaque japonaise contre Pearl Harbor (7 décembre
1941) les précipite dans la guerre.
2. La contribution des États-Unis à la victoire des
démocraties
La contribution des États-Unis à la victoire de 1945 est décisive. Ils parviennent à
créer une économie de guerre qui surpasse celle des autres belligérants : 15 pour
100 de la production aéronautique en 1939, près de la moitié en 1945. Ils
combattent à la fois en Afrique, en Europe et dans le Pacifique et soumettent le
Japon aux deux premiers bombardements atomiques de l’histoire.
Leur contribution à la formulation des buts de guerre interalliés n’est pas moins
grande. Par la déclaration des Nations unies signée à Washington, le 1er janvier
1942, vingt-six pays en guerre contre l’Axe souscrivent aux principes de la charte
de l’Atlantique (14 août 1941), un texte d’inspira-tion wilsonienne, voulu par
Roosevelt et accepté par Churchill. Au terme de la conférence d’Anfa (14-24
janvier 1943), Roosevelt formule publiquement la doctrine de la capitulation
sans conditions (unconditional surrender), excluant toute négociation d’armistice.
Avec leurs alliés, les États-Unis fixent le sort des vaincus (Téhéran en 1943, Yalta
et Potsdam en 1945). Ils concluent un armistice avec le gouvernement italien
formé après la chute de Mussolini (Cassibile, 3 septembre 1943). Ils reçoivent la
capitulation sans condition de l’Allemagne et du Japon (Reims et Berlin, 7 et 8
mai 1945, Tokyo, 2 septembre 1945) et organisent les Tribunaux militaires
internationaux de Nuremberg et Tokyo (1945-1946).
3. Le bilan de la guerre : la naissance d’une superpuissance
Document : l’éditorial d’Henry Luce (1941)
In 1919 we had a golden opportunity, an opportunity unprecedented in all history,
to assume the leadership of the world – a golden opportunity handed to us on the
proverbial silver platter. We did not understand that opportunity.
Wilson mishandled it. We rejected it. The opportunity persisted. We bungled it in
the 1920’s and in the confusions of the 1930’s we killed it. To lead the world would
never have been an easy task. To revive the hope of that lost opportunity makes the
task now infinitely harder than it would have been before. Nevertheless, with the
help of all of us, Roosevelt must succeed where Wilson failed.
Henry Luce, « The American Century », Life Magazine, 17 février 1941, p. 64.
Le siècle américain selon Henry Luce (1941)
Document : les souvenirs du général de Gaulle
Dans ses Mémoires de guerre, de Gaulle rapporte son entrevue avec Truman, à
Washington, en août 1945. Truman est président des États-Unis depuis la mort
de Roosevelt (12 avril 1945), de Gaulle, président du Gouvernement provisoire
de la République française.
Le président Truman était […] convaincu que la mission de servir de guide revenait
au peuple américain, exempt des entraves extérieures et des contradictions internes
dont étaient encombrés les autres. D’ailleurs, à quelle puissance, à quelle richesse,
pouvaient se comparer les siennes ? Je dois dire qu’en cette fin de l’été 1945 on était,
dès le premier contact avec les États-Unis, saisi par l’impression qu’une activité
dévorante et un intense optimisme emportaient toutes les catégories. Parmi les
belligérants, ce pays était le seul intact. Son économie, bâtie sur des ressources en
apparence illimitées, se hâtait de sortir du régime du temps de guerre pour
produire des quantités énormes de biens de consommation. L’avidité de la clientèle
et, au dehors, les besoins de l’univers ravagé garantissaient aux entreprises les plus
vastes débouchés, aux travailleurs le plein emploi. Ainsi, les États-Unis se sentaient
assurés d’être longtemps les plus prospères. Et puis, ils étaient les plus forts !
Quelques jours avant ma visite à Washington, les bombes atomiques avaient réduit
le Japon à la capitulation.
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Paris, 1989, 1re édition, 1954-1959, p. 806.
Le « leadership » de Washington selon de Gaulle dans ses Mémoires de guerre
La Seconde Guerre mondiale permet aux États-Unis de surmonter la Grande
Dépression : augmentation de la production (doublement) et des exportations
(triplement), recherche et innovations technologiques, affaiblissement sinon
disparition des principaux concurrents des États-Unis, l’Allemagne et le Japon en
particulier, augmentation du stock d’or (les deux tiers ou les trois quarts du stock
d’or mondial contre 45 pour 100 au lendemain de la Première Guerre mondiale).
La victoire de 1945 leur donne l’occasion de se ressaisir du leadership délaissé
après 1918, comme l’écrit le journaliste états-unien Henry Luce, avant même
l’entrée en guerre, dans un éditorial de Life Magazine intitulé « Le siècle
américain » (17 février 1941) : « Roosevelt doit réussir là où Wilson avait échoué.
»
LANGLOIS | CC BY-NC-ND 4.0

Les États-Unis et le monde de 1918 à 1945
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Les États-Unis et le monde de 1945 à 1991
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Les États-Unis et le monde depuis 1991
[1] Les États-Unis établissent une sorte de protectorat sur Cuba à la suite de la
guerre hispano-américaine (1898) et acquièrent Porto-Rico, Guam et les
Philippines. Ils assurent plus du tiers de la production manufacturière mondiale
à la veille de la Première Guerre mondiale (deuxième industrialisation). Ils
connaissent une forte croissance démographique : une dizaine de millions
d’habitants en 1820, une cinquantaine en 1880, une centaine en 1914 ; plus de
dix millions d’immigrants entre 1905 et 1914, soit un peu plus d’un million par
an.
[2] Le général Pershing, commandant en chef du corps expéditionnaire
américain, débarque à Boulogne-sur-Mer, le 13 juin 1917. Six mois plus tard, les
soldats états-uniens en France sont au nombre de 200 000, mais ils n’ont encore
livré aucune véritable bataille.
[3] Il ne faut pas confondre Theodore Roosevelt (1858-1919) et Franklin
Roosevelt (1882-12 avril 1945). Le premier est républicain. Il participe à la
guerre hispano-américaine (1898), est élu vice-président en 1900, devient
président après l’assassinat de McKinley (14 septembre 1901), est réélu en 1904.
C’est l’auteur du « corollaire », un partisan déclaré de l’impérialisme états-unien.
Le second est démocrate, candidat à la vice-présidence en 1920, président de
1933 à 1945.
[4] « The world must be made safe for democracy. » Autre traduction : « La
démocratie doit être en sûreté dans le monde. » in Woodrow Wilson, Pourquoi
nous sommes en guerre, traduction de Désiré Roustan, Paris, 1917, p. 40.
[5] « America is made up of the peoples of the world and she has said to mankind at
her birth, “We have come to redeem the world by giving it liberty and justice.” »
Saint-Louis, 5 septembre 1919, in Woodrow Wilson, The Hope of the World, New
York, 1920, p. 103.
[6] Les trois guerres puniques opposent Rome et Carthage : la deuxième (218201 av. J.-C.) anéantit la puissance carthaginoise, la troisième (149-146 av. J.-C.)
se termine par la destruction de la ville.
[7] Selon Yves Trotignon, Le XXe siècle américain, Paris, 1984 (7e édition), p. 66 : «
6,7 millions de tonneaux contre 1 en 1914 ».
[8] Les traités de Westphalie (1648) mettent fin à la guerre de Trente Ans. Ils
établissent un nouvel ordre européen fondé sur l’équilibre des puissances et le
strict respect de la souveraineté des États.
[9] Création d’un Gold exchange standard ou étalon de change-or.
[10] Le territoire de Kiao-tcheou (Jiaozhou) se situe au sud de la péninsule du
Chan-tong (Shandong). Occupé par l’Alle-magne en 1897, puis acquis l’année
suivante comme territoire à bail, avec le port de Tsing-tao (Qingdao), il est
occupé par le Japon au début de la Première Guerre mondiale.
[11] Aristide Briand est alors le ministre français des Affaires étrangères, Frank
Kellogg le secrétaire d’État états-unien.
[12] La liberté d’expression, la liberté de religion, le progrès économique et
social, la sécurité collective.
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