
MAPAR 2005
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vasculaire couverte par du thrombus [13]. Ceci a été récemment confirmé chez
l’animal in vivo [14]. Chez l’homme, on ne dispose que de preuves indirectes.
Par ailleurs, une corrélation entre les troubles de l’hémostase et l’aggravation
des lésions hémorragiques intra-cérébrales d’origine traumatique a été mise en
évidence [15]. Il paraît donc licite de considérer que la valeur de l’hématocrite/
hémoglobine (seuil transfusionnel) souhaitée en traumatologie doit prendre
en compte, non seulement les critères habituels liés au transport d’oxygène,
mais également son rôle dans l’hémostase. Toutefois, il faut souligner que ce
raisonnement ne s’applique pas à l’ensemble des situations de traumatologie,
mais à celles où l’hémostase constitue une préoccupation majeure et où le
saignement n’est pas accessible à une sanction chirurgicale et/ou de radiologie
interventionnelle. Il s’agit en pratique des traumatismes crânio-cérébraux sé-
vères, des hématomes rétro péritonéaux (saignement d’origine veineuse, non
embolisable), et des traumatismes hépatiques graves. Dans ces situations, un
seuil transfusionnel élevé est probablement à recommander. Néanmoins, il faut
souligner qu’aucun travail n’a cherché à déterminer le seuil optimal dans ces
situations avec comme objectif d’optimiser l’hémostase. La plupart des équipes
appliquent dans ces situations cliniques un seuil de l’ordre de 9 à 10 g.dl-1 de
manière empirique.
L’anémie sévère fait partie des causes d’agressions cérébrales secondaires
d’origine systémique (ACSOS) des traumatismes crâniens sévères. En effet,
l’anémie sévère contribue à l’hypoxie tissulaire dont on sait qu’elle potentialise
la défaillance énergétique cérébrale post-traumatique et précipite l’apparition
de l’œdème intra-cellulaire. L’anémie diminue le transport d’oxygène ce qui
induit une augmentation du débit sanguin cérébral similaire à celle observée
lors d’une diminution hypoxique du transport d’oxygène. Cependant, lors de
l’anémie, l’augmentation du débit sanguin cérébral n’est pas seulement due à
la vasodilatation par autorégulation mais aussi à une diminution des résistances
visqueuses. Ces deux facteurs adaptatifs ont des influences opposées sur le
volume sanguin cérébral et donc la pression intracrânienne (PIC). La vasodilata-
tion augmente le volume sanguin cérébral et la PIC, notamment lorsqu’il existe
une hypertension intracrânienne [16]. La diminution des résistances visqueuses
de son côté provoque une vasoconstriction des gros troncs et diminue la PIC
notamment en cas d’hypertension intracrânienne. La correction de l’anémie fait
donc partie de la réanimation des patients ayant un traumatisme crânien sévère.
Le seuil transfusionnel classique (7 à 8 g.dl-1) nécessite d’être relevé chez certains
patients ayant un traumatisme crânien sévère. Toutefois, l’anémie est rarement
responsable isolément d’une souffrance cérébrale. En pratique, il convient de
réserver l’augmentation du seuil transfusionnel aux patients dont la PIC reste
élevée et la saturation veineuse jugulaire en oxygène (SjO2) basse, malgré un
traitement conventionnel approprié. La plupart des équipes recommandent un
seuil de 9 voire 10 g.dl-1 dans ces conditions, mais il convient de reconnaître
qu’aucun travail n’a démontré la pertinence clinique en terme pronostique de
ces recommandations. Ce point n’a d’ailleurs pas été abordé dans les récentes
recommandations pour la pratique clinique [17]. Enfin, là encore, l’anticipation
peut amener le clinicien à transfuser précocement un traumatisé crânien sévère
sur des critères incomplets.
Il n’est pas impossible que des études randomisées bien conduites condui-
sent à une politique plus restrictive de transfusion sanguine chez les traumatisés