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Metallogenie du Maroc central

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LES MINES DU PLATEAU CENTRAL ET DU MASSIF CENTRAL
6.6- Le fer oolithique métamorphique d’Aït Ammar (Massif Central) /
The Ait Ammar Metamorphic Oolithic Iron (Central massif)
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A. BOUSHABA1 & A. MICHARD2
Points clés : Gisement de fer oolithique interstratifié dans l’Ordovicien inférieur-moyen épizonal de l’anticlinorium des Zaërs.
Highlights : Oolithic iron ore body interbedded in the LowerMiddle Ordovician, low grade metamorphic series of the Zaer
anticlinorium.
Localisation : Le gisement de fer oolithique d’Aït Ammar
est situé à 25 km au nord de Oued Zem (fig. 6.6.1) sur la
feuille topographique d’Ezzhiliga (X : 382,5 ; Y : 274,9).
Il est au point triple entre les territoires de trois grandes
tribus, les Smaala, Beni Smir et Beni Khayrane (ou Beni
Khirane ; ce nom est parfois donné à la mine). GPS : N
33°03’50’’, W 6°39’02’’, alt. 870 m.
Substance exploitable : Fer oolithique.
Etat et historique : Mine fermée depuis 1963. Le gisement fut reconnu par L. Gentil en 1919, puis par H. Termier en 1927 (références in Termier, 1936). L’exploitation
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Faculté des Sciences Dhar El Mahraz,
BP 1796, Fès-Atlas, Email :[email protected]
2
10, rue des Jeûneurs, Paris. E-mail : Email :[email protected]
1
FIG 6.6.1 : Localisation du gisement d’Aït Ammar sur un extrait de la carte
routière du Maroc au millionième (Michelin).
FIG 6.6.1 : Location of the Aït Ammar mine on the Michelin road map,
scale 1/1000000.
du minerai de fer oolithique a débuté en 1937, ses débuts
étant placés sous l’égide de la Société Marocaine des
Mines et Produits Chimiques (SMMPC), qui évalua par
forages les réserves potentielles. En 1952, après l’interruption due à la guerre, le gisement d’Aït Ammar
représente le tiers de production nationale. La cadence des
expéditions est de 4 trains par jour, de 500 tonnes chacun,
en direction du port de Casablanca pour l’exportation. Les
études géologiques et métallogéniques ont été effectuées
par Destombes (1951, 1959). Au démarrage, le gisement
était exploité à ciel ouvert. Vers 1957 on a commencé à
travailler en souterrain par chambres et piliers.
En 1962, le BRPM effectue de nouvelles études de surface
et plusieurs sondages, qui permettent à Snoep (1962) d’établir une carte au 1/50 000. Ce document a été utilisé pour
évaluer les réserves souterraines à 15 millions de tonnes
de fer, alors que l’étude géophysique établie par Richard
(1974), a permis d’augmenter la quantité estimée de ces
réserves à 86 millions de tonnes de fer. Cependant, les problèmes de gestion (faible mécanisation, personnel ouvrier
nombreux…), la chute des cours de minerai de fer et la
concurrence d’autres gisements à minerai moins siliceux,
avec une teneur en fer plus élevée et à accès plus facile
(Beni Bou Ifrour) ont contribué à la fermeture de la mine
en 1963. Entre 1937 et 1963 le gisement d’Aït Ammar aura
produit 6 millions de tonnes de minerai à 45% de fer (Destombes, 1976), soit l’équivalent de 618 800 t/an.
Cadre géologique : Le gisement d’Aït Ammar se situe à
la bordure SW du Massif central (voir plus haut, Sect. 6,
fig. 6.01), peu en-dessous de la cuesta crétacée du Plateau
des Phosphates (fig. 6.6.2). Il apparaît au cœur d’un large
pli anticlinal d’axe SW-NE, plongeant faiblement au NE et
faisant partie de l’anticlinorium de Khouribga-Oulmès. Ce
pli fait affleurer la formation dite des « Schistes en dalles »,
d’âge ordovicien inférieur-Llandeilo inférieur (Termier,
1936 ; Cailleux, 1994 ; El Boursoumi, 2005), au-dessous
d’une épaisse série paléozoïque plissée et affectée par des
chevauchements pendant la phase hercynienne majeure, à
la fin du Carbonifère inférieur (320-300 Ma ; Michard et
al., 2011, avec références). Les Schistes en dalles, à la base
de la pile tectonique, sont recristallisés dans le faciès des
schistes verts supérieurs, avec développement d’une schistosité plus ou moins nette, à pendage NW (fig. 6.6.3 A).
Description du gisement : La mine (fig. 6.6.4) a été ouverte dans une crête de couleur rouge (Lahmar en arabe),
allongée en forme de mur (el Hait), raison pour laquelle
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NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9
FIG. 6.6.2 : Cadre géologique de la mine de fer d’Aït Ammar. En haut : carte
géologique, d’après Snoep (1993). En bas : coupe d’après Agard et al. (1952).
FIG. 6.6.2 : Geological framework of the Ait Ammar iron mine. Above : Geological map after Snoep (1993). Below : cross-section after Agard et al. (1952).
FIG. 6.6.3 : Quelques affleurements typiques du secteur de la mine. A : Schistes en dalles montrant la stratification So faiblement inclinée et la schistosité
oblique S1 ; B : Bancs d’oolithe ferrugineuse montrant un découpage lenticulaire par des plans de cisaillement ; C : Lits de quartzite appartenant à la barre audessus de l’oolithe, montrant des structures d’expulsion d’eau.
FIG. 6.6.3 : Some typical outcrops of the Ait Ammar area. A : “Schistes en dalles” layer showing shallow dipping stratification So and oblique cleavage S1 ; B :
Oolithic iron beds showing conspicuous shearing and lenticular structure ; C : Quartzite beds from the bar above the iron oolith, deformed by dewatering structures.
LES MINES DU PLATEAU CENTRAL ET DU MASSIF CENTRAL
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FIG. 6.6.4 : Vue panoramique du gisement de fer oolithique d’Aït Ammar.
FIG. 6.6.4 : Panoramic view of the Aït Ammar oolithic iron deposit.
les autochtones l’appelaient « El Hait Lahmar », nom déformé par les Français en Aït Ammar. L’exploitation s’est
faite d’abord en carrière, puis en galeries (fig. 6.6.5). La
couche ferrugineuse forme une lentille ENE-WSW de 3 km
de longueur et 26 m d’épaisseur, interstratifiée dans les
Schistes en dalles chloriteux (fig. 6.6.2). A l’intérieur de
cette couche, la déformation régionale se traduit par de nombreux cisaillements (fig. 6.6.3B). Au-dessous du corps minéralisé (fig. 6.6.6), on trouve des quartzites noirs peu épais
et des pélites gréseuses micacées. Cette formation se termine dans sa partie supérieure par des silts noirs à débit ardoisier, d’une dizaine de mètres de puissance, au-dessus
desquels apparaissent les premiers lits d’oolithes, intercalés
dans des pélites, et montrant des fentes tapissées de goethite
(fig. 6.6.7). Au-dessus du mince toit silto-chloriteux de la
lentille oolithique viennent les Schistes en dalles ordinaires,
pélito-gréseux et chloriteux. Cependant, une barre de quartzites à figures d’expulsion d’eau (fig. 6.6.3 C) y constitue
un niveau-repère remarquable (cf. coupe fig. 6.6.2).
Minéralogie : 40 % du minerai de fer se présente sous
forme de magnétite en grains supérieurs à 10 microns ; 17 %
se trouve sous forme de martite (pseudomorphose de magnétite en hématite), limonite et sidérite, 1% sous forme de
pyrite ; enfin, 42 % du total correspond à la chlorite contenant de fines inclusions de minerai de fer (Anonyme, 1996).
Les analyses des silicates aux rayons X et à la microsonde
(Zahidi, 1994) révèlent la présence de chlorite ferrifère de
type thuringite (SiO2 : 19,89-20,97% ; Al2O3 : 16,10-18,44 ;
FeOt : 37,67-42,27% ; MgO : 1,11-1,55%) et d’une amphibole de type ferro-actinote (SiO2 : 41,49-50,49% ; Al2O3 :
10,17-11,65 ; FeO : 16,37-19,25% ; MgO : 0,514-1,29%).
FIG . 6.6.5 : Entrée d’une galerie creusée dans les Schistes en dalles à niveau
d’oolithes chloriteuses.
FIG. 6.6.5 : Gallery excavated in the Schistes en dalles with level of chloritic ooliths.
Interprétation génétique : L’hématite est le minéral stable dans des conditions modérément à fortement oxydantes, et donc pour un milieu pauvre en matière
organique. Pour la magnétite, minéral comprenant du fer
ferreux Fe2+, stable dans des conditions réductrices, le
champ de stabilité est fortement dépendant de la pression
partielle du CO2 (PCO2) et du soufre (pS2-). La magnétite a
précipité à partir des fluides interstitiels pendant la diagenèse précoce en conditions réductrices, plutôt que dans les
conditions de métamorphisme comme l’a suggéré Zahidi
(1994). La sidérite, comme la magnétite, précipite dans les
environnements anoxiques très réducteurs où tout le soufre est consommé. A potentiel d’oxydo-réduction constant
(Eh varie entre -0,4 et -0,2 volts) et à PCO2 variable entre 1 (faible fugacité d’oxygène) et -4 (importante fugacité
d’oxygène), la sidérite peut donner la magnétite selon la
réaction suivante :
3 FeCO3 + 1/2 (O2) = Fe3O4 + 3 CO2
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NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9
FIG. 6.6.6 : Colonne lithostratigraphique et pétrofaciès du secteur minier d’Aït Ammar (modifié d’après Zahidi, 1994).
FIG. 6.6.6 : Stratigraphic column and petrographic facies of the Ait Ammar deposit (modified after Zahidi, 1994).
FIG. 6.6.7 : Recristallisation de goethite dans une fente d’ouverture du minerai oolithique.
FIG. 6.6.7 : Goethite recrystallization in a void opened in the oolithic ore body.
LES MINES DU PLATEAU CENTRAL ET DU MASSIF CENTRAL
L’hypothèse la plus valable serait une origine liée à l’altération continentale mobilisant le stock ferrifère très abondant dans le socle précambrien (lessivage et altération de
cendres et laves volcaniques). Il est intéressant de rappeler que les teneurs en Al et en Ti, V, Zr, Th, Nb et Sc, indiquent une altération continentale (Zahidi, 1994).
Le fer oolithique d’Aït Ammar correspond à une discontinuité sédimentaire qui s’est exprimée à la fois par (i) un
arrêt des apports terrigènes ; (iii) une rupture bathymétrique
et (iiii) un changement des conditions physico-chimiques
en mer et sur le continent (Cailleux, 1994 ; Zahidi, 1994).
Ce sont ces conditions particulières à Aït Ammar, qui ont
assuré le développement intra-sédimentaire des oolithes à
cortex silicaté, par concrétionnement au sein d’une matrice
riche en fer. La genèse de la formation oolithique d’Aït
Ammar a pu être définie comme un « accident » de la sédimentation, dans la partie externe de la plateforme continentale (Cailleux, 1994). On doit souligner que de tels
dépôts ferrugineux oolithiques s’intercalent dans la sédimentation de vastes régions du Maroc, que ce soit en Meseta occidentale ou dans l’Anti-Atlas, pendant la même
période du Llanvirn-Llandeilo inférieur (Destombes,
1976 ; Michard, 1976, figs. 30, 50 ; voir les volumes 3 et
6 des Nouveaux Guides, Circuits C5 et C10, et dans le présent volume, les fiches 1.3 et 3.1).
Remerciements : La relecture de notre manuscrit a été aimablement prise en charge par le Pr. C. Hoepffner.
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PAO : O ma r BELFK IRA
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