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SESSION 2017
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Afin de renforcer la diversité de ses étudiants, Sciences Po a créé
différentes voies d’accès au Collège universitaire. Toutes ces procédures
d’admission sont sélectives.
• Une procédure par examen pour les candidats qui
préparent le baccalauréat de l’enseignement général
ou technologique français, ainsi que pour les candidats qui
préparent à l’étranger un diplôme d’études secondaires dont
l’équivalence a été reconnue.
• Une procédure internationale pour les candidats qui
préparent un baccalauréat français à l’étranger ou un
diplôme étranger.
• Une procédure Conventions éducation prioritaire
qui s’adresse aux élèves scolarisés dans l’un des lycées
partenaires de Sciences Po.
• Sciences Po offre également plusieurs programmes de
doubles diplômes avec des universités à l’international
et en France.
La procédure par examen comporte deux étapes : l’admissibilité et
l’entretien d’admission.
Après un examen approfondi des dossiers, un jury établit souverainement
la liste des candidats exemptés d’épreuves écrites et déclare ces derniers
directement admissibles.
Pour les autres candidats, la phase d’admissibilité se poursuit par trois
épreuves écrites.
• L’histoire, l’une des cinq disciplines qui constituent le socle de
la formation fondamentale délivrée à Sciences Po (coef. 2).
• L’épreuve à option: littérature et philosophie, mathématiques ou
sciences économiques et sociales (coef. 2).
• L’épreuve de langue étrangère (coef. 1).
Les candidats déclarés admissibles sont ensuite invités en entretien
d’admission. D’une durée de vingt minutes, il permet d’évaluer la
motivation du candidat, son ouverture d’esprit, son goût pour l’innovation,
sa curiosité intellectuelle, sa capacité à mobiliser et à mettre en relation
des connaissances pertinentes, sa disposition à être en prise avec les
enjeux contemporains, son esprit critique et sa capacité à développer une
réflexion personnelle.
Seule l’orthographe a été corrigée. Les copies peuvent comporter certaines
erreurs factuelles ou d’analyse, qui ont été signalées aux candidats lors de
la correction.
Épreuve de littérature et philosophie
Commentaire de texte
Flaubert, L’Éducation sentimentale, III, 1 (1869)
Frédéric Moreau est monté à Paris en 1840 dans l’espoir de faire fortune et de retrouver une femme aperçue quelque temps auparavant. Entre amours incertaines et ambitions avortées, il participe passivement
aux mouvements de l’histoire. Le 24 février 1848, il se trouve aux Tuileries avec son ami Hussonnet. Ils sont
témoins tous les deux des émeutes qui ont lieu dans la résidence royale, et qui vont mettre fin à la Monarchie
de Juillet.
« Tout à coup la Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C’était le peuple.
Il se précipita dans l’escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges,
des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d’équinoxe, avec un long mugissement,
sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n’entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule
inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l’étroit enfonçait une vitre ;
ou bien un vase, une statuette déroulait d’une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les
visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque :
— Les héros ne sentent pas bon !
— Ah ! vous êtes agaçant, reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s’étendait au plafond, un dais de velours
rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr’ouverte, l’air hilare et
stupide comme un magot1. D’autres gravissaient l’estrade pour s’asseoir à sa place.
— Quel mythe ! dit Hussonnet. Voilà le peuple souverain !
Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant.
— Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l’État est ballotté sur une mer orageuse ! Cancanet-il ! cancane-t-il !2
On l’avait approché d’une fenêtre, et, au milieu des sifflets, on le lança.
— Pauvre vieux ! dit Hussonnet en le voyant tomber dans le jardin, où il fut repris vivement pour être
promené ensuite jusqu’à la Bastille, et brûlé.
Flaubert, L’Éducation sentimentale, III, 1 (1869)
1- Singe du genre macaque.
2- Danser le cancan, danse très enlevée, en vogue au XIXe siècle dans les bals publics, pratiquée encore dans certains cabarets.
I
Gustave Flaubert est l’un des représentants
majeurs du mouvement réaliste, qui se développe
en France à partir de 1830 en réaction à l’idéalisme
et au lyrisme romantique. L’Éducation sentimentale,
datant de 1869, est considérée comme un roman
d’apprentissage réaliste. Le personnage principal,
Frédéric Moreau, est, dans ce passage, en compagnie
de son ami Hussonnet, et ils sont témoins de la
révolution de 1848. En pleine année du printemps
des peuples, celle-ci mettra fin définitivement à la
monarchie en France. Ainsi, cet extrait décrit la prise
des Tuileries par la révolte populaire. Il s’agira de
montrer en quoi Frédéric Moreau et Hussonnet sont
témoins d’une scène de prise de pouvoir populaire
décrite de façon réaliste, mais transfigurée par
Flaubert, afin de montrer le naufrage de la monarchie
française.
Si la scène est décrite de façon réaliste à travers
les impressions des deux personnages amusés
et enthousiastes, Flaubert la transfigure, afin de
montrer le naufrage de la monarchie par l’énergie
d’une marée humaine.
Frédéric Moreau et Hussonnet sont des témoins
passifs de la prise des Tuileries de 1848. Ils portent
un regard à la fois enthousiaste, mais aussi ironique
sur les événements. La scène romanesque est
décrite de façon réaliste.
Le narrateur est externe dans cet extrait, mais
il suit les deux protagonistes. En effet, la scène est
décrite en fonction de la place qu’occupent Frédéric
et Hussonnet : en haut de l’escalier (« sur la rampe ») ;
puis dans un appartement où ils sont « poussés malgré
eux ». Ce dernier complément circonstanciel de
moyen rappelle leur passivité face aux événements.
Les deux personnages se montrent à la fois amusés
et enthousiastes face à ce qui se passe autour
d’eux. En effet, leurs impressions sont rapportées au
discours direct. Ironiquement, Hussonnet qualifie les
insurgés de « héros », en registre héroï-comique, qui
« ne sentent pas bon ». Cependant, l’enthousiasme
et l’emphase de Hussonnet sont montrés avec de
nombreuses phrases exclamatives : « quel mythe ! »,
« Saprelotte ! ». Cette dernière interjection est dans
un registre de langue plus bas que le reste du texte,
ce qui est réaliste pour un petit-bourgeois. Le
portrait des insurgés fait par Flaubert correspond
à celui d’antihéros réalistes. En effet, ceux-ci « ne
sentent pas bon », comme nous l’avons vu. En outre,
Flaubert les animalise en singes : « barbe noire » ;
« comme un magot » ; et les dépeint « rouges »
et dégoulinants de « sueur ». Vêtus de « bonnets
rouges », « la chemise entr’ouverte » et portant
II
la baïonnette, ils ont « l’air hilare et stupide ». Ils
sont la caricature du prolétaire. C’est donc une
description réaliste que fait Flaubert des héros
révolutionnaires, des personnages que l’on pourrait
qualifier, pour reprendre sa formule, de « grotesques
tristes ». La description de la scène romanesque est
réalisée d’un rythme enlevé, énergique. Une phrase
courte inaugure la description, commençant par
« tout à coup », qui rappelle le coup de théâtre, une
péripétie, une action de premier plan annoncée
par la valeur du passé simple « retentit ». La
provenance de l’allusion sonore à la Marseillaise est
résolue par une deuxième phrase courte : « c’était
le peuple ». Dans le premier paragraphe, l’adverbe
« impétueusement » et le substantif « impulsion »
renvoient à l’énergie déployée par l’insurrection
populaire. L’accumulation « des têtes nues, des
casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et
des épaules » montre le désordre, la dimension
hétéroclite de l’ensemble de la « masse grouillante ».
Cette scène est donc décrite à travers la
progression des deux protagonistes le long de
l’insurrection, à laquelle ils assistent passivement.
Flaubert propose une description réaliste, même
peu flatteuse des insurgés, et le rythme énergique
de la description traduit le désordre et l’énergie
déployés par les révolutionnaires.
Bien que la description puisse être qualifiée
de réaliste, Flaubert transfigure le réel de cette
insurrection populaire pour montrer le naufrage de la
monarchie française, comme une épopée populaire
et anarchique. Flaubert file la métaphore des flots
pour décrire le peuple qui, dans une destruction
anarchique, telle une tempête, engloutit le trône
royal symbole de la monarchie.
Tout le long de l’extrait, dans les passages
descriptifs et dialogiques, Flaubert file la métaphore
in praesentia des flots pour qualifier les insurgés. Le
peuple, « anonymé » par les pronoms personnels « il »,
secoue « à flots vertigineux » ses membres. Ainsi,
durant tout l’extrait est présent le champ lexical
marin, bien qu’on trouve une occurrence du mot
« fleuve » ; le peuple est impétueux, c’est une marée
d’équinoxe, puissante qui mugit. Les insurgés sont
une masse, une marée qui progresse tout le long de
l’extrait jusqu’à l’aboutissement : l’engloutissement
du trône royal. Flaubert en fait une épopée dont
témoignent les hyperboles : « flots vertigineux » et
« fleuve refoulé ».
Cette marée impétueuse est responsable d’une
anarchie. En effet, son poids presse « les boiseries
[qui] craquent ». Les objets, comme personnifiés,
ne sont pas décrits au passif, mais à l’actif : « une
statuette déroulait d’une console » ; le fauteuil
« traversa toute la salle en se balançant ». On trouve
trois occurrences du mot « rouge » dans l’extrait :
le bonnet des prolétaires, qui renvoie au bonnet
phrygien de 1789, mais aussi au drapeau rouge
communiste brandi durant cette révolution, et
refusé par Lamartine ; mais également le rouge du
visage, qui renvoie à la chaleur ; et le rouge royal.
Cependant, on peut se demander si cette couleur
rouge ne renvoie pas également à une violence
anarchique et au sang versé durant la révolution
de 1848. L’anarchie à venir est signifiée par le fait
que les insurgés veulent « s’asseoir à [la] place » du
prolétaire animalisé par Flaubert, sur le trône, ce qui
signifie qu’ils veulent prendre le contrôle de la marée
humaine.
Le « tout » collectif de la marée humaine détrône
la monarchie, en engloutissant le trône royal dans ses
flots, puis en le brûlant. Telle une tempête orageuse, la
marée humaine métaphorisée par Flaubert engloutit
la monarchie. Le fauteuil traverse « toute la salle en
se balançant ». Hussonnet commente le parcours
du trône en filant la métaphore de la tempête
– « le vaisseau de l’État est ballotté sur une mer
orageuse ! » –, et en utilisant les verbes « chalouper »
et « cancaner », qui renvoient à un mouvement de
ballottement. L’emphase de Hussonnet renvoie à la
tension dramatique de l’instant. Enfin, le trône est
défenestré puis brûlé, comme si le peuple liguait tous
les éléments contre ce symbole de la monarchie :
l’eau par leur marée humaine, l’air dans la chute du
fauteuil, et enfin le feu, aboutissement de la révolte
qui a lieu à la Bastille.
Ainsi, Flaubert transfigure le réalisme de la
description de l’insurrection pour en faire une marée
populaire engloutissant la monarchie.
Cet extrait de L’Éducation sentimentale de
Gustave Flaubert propose donc une description
réaliste de l’insurrection du palais des Tuileries le
24 février 1848, tout en transfigurant le réel pour
métamorphoser le dernier naufrage de la monarchie
française, après les soulèvements de 1789 et 1830.
Afin de poursuivre cette étude, il serait intéressant de
s’attarder à la description de l’insurrection populaire
de la Commune et de ses barricades réalisée par
Victor Hugo dans Les Misérables. n
III
Épreuve d’histoire : sujet 1
Composition
Une nouvelle République (1958-1962)
Le 22 mai 1958, le dessinateur Jean Effel publie
dans la presse une caricature intitulée « L’assumoir ».
On y voit le général de Gaulle face à Marianne,
représentant la IVe République. Au fond, trois
tableaux de Marianne, symbolisant les Ire, IIe et IIIe
Républiques, sont accrochés sur un mur. Dans ses
bras, Marianne tient trois portraits représentant
les hommes qui ont mis fin à ces Républiques :
Napoléon Ier, Napoléon III et le maréchal Pétain. Le
général de Gaulle dit : « Je suis prêt à assumer… » et
Marianne lui répond « Merci général… maman, grandmère et mon aïeule se sont déjà fait assumer ». Après
avoir démissionné en janvier 1946 du gouvernement
par désaccord avec les projets constitutionnels
pour la IVe République, ce sont les difficultés liées
aux caractéristiques même que de Gaulle décriait
qui entraînent son retour à la tête de la France. Il se
dit, le 15 mai 1958, prêt à assumer les pouvoirs de la
République, et obtient peu après les pleins pouvoirs,
afin de rédiger une nouvelle Constitution. Dans
quelles mesures, face aux difficultés croissantes de la
IVe République, le général de Gaulle parvient-il entre
1958 et 1962, malgré les critiques, à mettre en place
une nouvelle République stable et à faire entrer la
France dans les puissances mondiales ? En premier
lieu, de nouvelles institutions sont nécessaires après
la IVe République, puis nous verrons que de Gaulle
met en place un régime stable largement plébiscité
par les Français, et enfin, malgré les critiques, qu’il
pose les bases de la puissance française.
La IVe République connaît de nombreuses
difficultés du fait de sa Constitution qui accorde une
place importante au pouvoir législatif.
Dès 1947, le régime républicain devient très
instable. Il reposait jusqu’alors sur une alliance
parlementaire entre le Parti communiste français,
PCF, la section française de l’Internationale ouvrière,
SFIO, et le Mouvement républicain populaire, MRP.
Cependant, à partir de 1947, le PCF passe dans
l’opposition, du fait de la naissance de la guerre froide.
Les partis gouvernementaux, SFIO et MRP, n’ont
IV
dès lors qu’une faible majorité parlementaire, ce qui
favorise l’instabilité ministérielle. Entre 1946 et 1958,
24 gouvernements se succèdent, soit une moyenne
de six mois pour chacun. Cette instabilité entraîne de
nombreuses critiques, si bien que Maurice Agulhon
parle de « République mal aimée ». Une caricature de
presse, publiée en 1955 par Jean Effel, témoigne bien
de cela : on y voit les membres du gouvernement à
l’Assemblée sur des sièges éjectables.
L’instabilité ministérielle entraîne une constante
rupture quant à la politique adoptée pour résoudre
des crises. Ce fut notamment le cas de la crise
algérienne. Le conflit dure depuis 1954, c’est-àdire depuis les premiers attentats perpétrés par
le Front de libération nationale, FLN, tout juste
créé, et qui lutte pour l’indépendance de l’Algérie.
Les gouvernements hésitent : des réformes sont
entreprises, mais n’aboutissent pas, et, finalement,
la répression est enclenchée. En février 1958, une
nouvelle crise se déclenche quand un petit village
tunisien est bombardé par l’armée française. Le
gouvernement, qui dit avoir cru qu’il abritait des
combattants du FLN, est finalement renversé en
avril 1958. Le Président de la République hésite et
ne parvient pas à désigner un président du Conseil
qui conviendra au Parlement. Il nomme finalement,
le 13 mai 1958, Pierre Pflimlin président du Conseil.
Cette décision déclenche de graves troubles chez
les partisans de l’Algérie française, car Pierre Pflimlin
est réputé être ouvert aux négociations avec le
FLN et à l’indépendance du pays. D’importantes
manifestations des colons européens ont lieu en
Algérie. Ceux-ci mettent en place un comité de salut
public sous l’égide du général Massu. Ils menacent
de faire sécession et réclament le retour au pouvoir
de De Gaulle, seul homme à même de préserver
l’Algérie française.
Le 15 mai, le général de Gaulle se dit prêt à
assumer les pouvoirs de la République. Peu après,
le Président de la République, René Coty, l’appelle :
il est investi par l’Assemblée les 1er et 3 juin 1958.
Les pleins pouvoirs lui sont accordés et, après avoir
formé un gouvernement, il entreprend de rédiger
une nouvelle Constitution.
La mise en place de la Ve République annonce
un régime dans lequel le pouvoir exécutif domine.
C’est tout d’abord la rédaction de la Constitution
qui annonce le renforcement de l’exécutif. Celleci est en effet rédigée par le gouvernement, et
surtout par Michel Debré, Premier ministre. Cela
entre en opposition avec la tradition républicaine
qui veut qu’une Assemblée constituante soit mise
en place pour la rédaction de la Constitution. Le
pouvoir exécutif est tout d’abord détenu par le
Président de la République. Il est élu pour sept
ans par un collège électoral. Il nomme le Premier
ministre, deuxième homme du pouvoir exécutif, et,
par l’intermédiaire de celui-ci, le gouvernement. Le
Président promulgue les lois et, même si c’est le
gouvernement qui conduit la politique du pays, le
Président est souvent à l’initiative des lois. Il peut
également dissoudre l’Assemblée ou la contourner
grâce à des ordonnances ou des référendums, liens
directs avec la population.
Le pouvoir législatif, quant à lui, est divisé
en deux : il se partage entre Sénat et Assemblée
nationale, qui votent tous deux les lois. Cette division
affaiblit considérablement le pouvoir législatif. Le
régime reste parlementaire : le gouvernement est
toujours responsable devant le Parlement, qui peut
le renverser par motion de censure. Cette action
est cependant difficile, car le vote doit se faire à la
majorité absolue. De plus, l’article 49 alinéa 3 de
la Constitution permet au gouvernement de faire
passer certaines lois sans vote du Parlement, si
aucune motion de censure n’est réunie dans les 24
heures.
Enfin, un contre-pouvoir est établi : le Conseil
constitutionnel. Il est chargé de veiller à la
constitutionnalité des lois votées par le Parlement.
Sa création affaiblit encore le pouvoir législatif, car
des lois déjà votées peuvent être censurées par le
Conseil constitutionnel.
Ainsi, pour se démarquer de la IVe République
et de son instabilité, le général de Gaulle met en
place une République qui voit le pouvoir exécutif
triompher. Cela va permettre à la Ve République
d’être un régime stable, qui sera donc mieux accepté
par la population française.
La Ve République est en effet un régime plébiscité
par les Français.
Elle se met d’abord en place dans le cadre d’un
gouvernement d’union nationale, qui rassemble des
membres venant de la gauche, SFIO notamment, et
de la droite. Le projet constitutionnel est finalement
présenté aux Français à l’automne. Le 28 septembre
1958 a lieu un référendum sur la Constitution : elle est
adoptée avec 80 % de votes favorables. Les Français
voient en De Gaulle le seul homme politique capable
de proposer un régime stable qui résoudra les crises
auxquelles la IVe République a succombé.
À la suite du large succès du référendum, des
élections législatives sont tenues en novembre 1958.
De Gaulle crée, pour l’occasion, un nouveau parti,
l’UNR, Union pour la nouvelle République, qui s’allie
à la droite du CNI, Centre national des indépendants.
Les élections sont un triomphe pour l’UNR, qui
acquiert 189 sièges et qui s’allie avec le CNI pour
obtenir la majorité absolue. Les institutions de la Ve
République se mettent donc en place rapidement
grâce à un apparent consensus autour de De Gaulle.
Les élections présidentielles ont ensuite lieu en
décembre 1958 par le collège électoral mis en place.
À nouveau, de Gaulle triomphe avec 78,5 % des voix.
De plus, rapidement, le régime de la Ve République
se renforce grâce à la politique de De Gaulle.
Il pratique en effet une politique dite
« présidentialiste » du pouvoir, c’est-à-dire que le
Président de la République à la tête de l’exécutif
acquiert, avec De Gaulle, un rôle essentiel dans
l’État. Tout d’abord, il diminue le rôle du Premier
ministre et des autres ministres. Il les fait surveiller
par des conseillers et s’entoure lui-même de toute
une équipe, afin de pouvoir court-circuiter les
ministres. De plus, il se réserve certains domaines
de la politique : les Affaires étrangères, l’Algérie et
l’Intérieur, ministères à la tête desquels il place des
hommes de confiance jusqu’en 1962. Il n’hésite pas,
de même, à se débarrasser de ministres, comme il
a pu le faire avec Michel Debré en 1962. De Gaulle
privilégie également un lien direct avec les Français,
qui lui permet de passer outre le Parlement : il rédige
de nombreuses ordonnances, mais les référendums
sont plus caractéristiques de cela. Mais à part celui
sur la Constitution, il a eu par trois fois recours à ce
mode de vote : en janvier 1961 sur la possibilité d’une
indépendance algérienne, en 1962 pour approuver
les accords d’Évian du 18 mars, et en octobre 1962
pour une révision constitutionnelle.
L’année 1962 représente en effet un tournant
dans la Ve République. Raymond Aron parle ainsi
de cette année comme du « commencement absolu
de la Ve République ». Il s’agit d’approuver ou non
V
par référendum une révision constitutionnelle qui
entraînerait l’élection au suffrage universel direct du
Président de la République. Celui-ci était en effet
jusque-là élu par un collège électoral composé de
« grands électeurs », eux-mêmes élus au suffrage
universel direct. Le projet est finalement adopté
par référendum avec 62 % de votes favorables. Le
pouvoir du Président se voit donc renforcé, puisque
celui-ci acquiert une légitimité nouvelle : il est élu
par le peuple.
Avec la Ve République, de Gaulle dote donc la
France d’un régime stable et accepté par beaucoup.
Cependant, sa pratique présidentialiste du pouvoir,
même si elle permet de renforcer le régime, fait
naître des critiques.
La Ve République se voit critiquée dès 1958, mais sa
constitution et la politique de De Gaulle permettent
de poser les bases de la puissance française.
En premier lieu, de Gaulle permet de mettre
fin à la question coloniale. C’est le cas en Algérie
grâce aux accords d’Évian. Appelé au pouvoir par
les partisans de l’Algérie française, de Gaulle reste
en position ambiguë. Il semble tout d’abord contre
l’indépendance, comme le laisse penser son discours
du 7 juin 1958, où il dit devant des colons européens
« Je vous ai compris », puis « Vive l’Algérie française » ;
ou les tentatives de réformes qu’il propose, comme le
plan Constantine. Cependant, il semble effectuer un
virement en 1959, quand il évoque pour la première
fois la possibilité d’une autodétermination du futur
du pays par les Algériens, qui pourront choisir entre
association, francisation et sécession. Il continue
ensuite dans cette lignée malgré les oppositions
qui naissent, comme en témoigne le putsch des
généraux, du 20 au 26 avril 1961. Finalement, en 1962,
les accords d’Évian sont acceptés à 91 % en France et
à 99 % en Algérie, ce qui mène à l’indépendance de
l’Algérie, prônée le 5 juin. De Gaulle met également
fin à la question coloniale en Afrique : il crée, en
1959, la Communauté française, qui regroupe sous
domination française des territoires auxquels une
certaine autonomie est censée être accordée.
Beaucoup de colonies africaines y adhèrent, mais
il s’avère que l’autonomie accordée n’est que très
restreinte. La plupart des colonies demandent alors
l’indépendance, qu’elles obtiennent sans difficulté
en 1960. Si l’Algérie a coupé les relations avec la
France, de nombreux liens demeurent avec les
anciennes colonies d’Afrique, d’où l’expression de
« Françafrique ».
VI
De plus, de Gaulle conforte la puissance
économique de la France dans le cadre des trente
glorieuses, période propice à la croissance. Il met
ainsi en place, en 1958, le plan Pinay-Rueff, axé sur un
assainissement de la monnaie, une dévaluation. Le
nouveau franc est ainsi créé et mis en circulation en
1960. De Gaulle investit également dans l’agriculture
avec des lois en 1960 et 1962 qui facilitent la
modernisation de ce secteur.
Enfin, la position de la France à l’international se
voit assurée par la politique de De Gaulle. Il cherche
d’abord à s’émanciper de la tutelle américaine en
s’ouvrant à l’est : il reçoit Khrouchtchev en 1960. La
France devient également une puissance nucléaire
à cette même date. C’est surtout à travers l’Europe
que de Gaulle entend mener la politique française.
Il a une conception unioniste de celle-ci et est
opposé à tout fédéralisme : il veut une entente et
une coopération entre États. C’est à ce titre qu’il
accentue la réconciliation franco-allemande avec
son homologue, le chancelier de la RFA Konrad
Adenauer. Ils signent ainsi le traité de l’Élysée en
1963, qui consolide cette alliance.
Cependant, tout au long du mandat de De Gaulle,
des critiques naissent au sein de la République. Ce
sont d’abord des personnalités politiques opposées
à un régime qui apparaît comme antirépublicain.
Parmi ses opposants les plus acharnés, Pierre Mendès
France ou François Mitterrand dénoncent l’arrivée au
pouvoir de De Gaulle en mai 1958 comme un coup
d’État, comme ce dernier le démontre en publiant
Le coup d’État permanent en 1964. La révision
constitutionnelle de 1962 fait également l’objet
de critiques, et notamment celles du président du
Sénat qui dénonce son caractère antirépublicain.
De Gaulle aurait dû, selon lui, recourir à l’article
89 de la Constitution, qui stipule qu’il faut une
majorité des 3/5e du Parlement pour proposer une
révision constitutionnelle. Mais de Gaulle n’a pas
cette majorité, donc il décide de passer en force.
Le gouvernement Pompidou est alors renversé par
motion de censure. Mais de Gaulle ne lâche rien,
puisqu’il dissout l’Assemblée nationale, qui, ensuite
réélue, lui devient favorable à nouveau.
D’autres critiques viennent de ceux qui l’ont
soutenu. C’est le cas des membres du MRP, très
européistes, qui s’opposent à la conception unioniste
de De Gaulle. Des troubles naissent également
avec d’importantes manifestations des agriculteurs
contre les réformes de 1960 et 1962. Enfin, ce sont
également les partisans de l’Algérie française qui
se sentent trahis. L’OAS, Organisation de l’armée
secrète, multiplie ainsi les attentats. Ceux-ci visent
particulièrement de Gaulle, comme lors de l’attentat
de Pont-sur-Seine, dans l’Aube.
Enfin, certains pensent que l’année 1962 ne
marque pas l’apogée du pouvoir de De Gaulle, mais
plutôt son déclin. En effet, le référendum de 1962
n’est accepté qu’à 62 % des voix, contre 80 % en
1958 pour la Constitution.
Ainsi, entre 1958 et 1962, deux dates clés de
la construction de la Ve République, de Gaulle a
réussi à construire un régime stable, en opposition
aux difficultés de la IVe République. Sa politique
permet, en outre, à la France de s’assurer une
position favorable parmi les puissances mondiales.
La popularité de De Gaulle, qui était vu en 1958
comme un véritable homme providentiel, commence
à s’effacer dès 1962, avec la multiplication des
critiques à son égard. n
VII
Épreuve d’histoire (sujet 2)
Composition
Les régimes totalitaires dans l’entre-deux-guerres : genèse, points
communs et spécificités
« Tout dans l’État, rien contre l’État et rien en dehors
de l’État » : voici comment Benito Mussolini définit
l’Italie fasciste en 1925. De nos jours, cette définition
est grandement enrichie, et l’on peut qualifier de
totalitaire un régime politique autoritaire qui contrôle
ou cherche à contrôler le comportement de sa
population, confondant cette dernière dans un tout.
Si les régimes totalitaires, à savoir le IIIe Reich, l’Italie
fasciste et l’URSS, sont tous apparus dans l’entredeux-guerres, il faut attendre Hannah Arendt et son
ouvrage Les Origines du totalitarisme (1951) pour voir
apparaître une dénomination commune pour ces trois
régimes. Il est cependant intéressant et important de
se demander pourquoi nous pouvons analyser les
trois expériences totalitaires dans un même ensemble,
et jusqu’à quel point ce regroupement est pertinent.
Ainsi, il conviendra de s’intéresser dans un premier
temps à la genèse des régimes totalitaires, puis dans
un second temps à leurs idéologies, et enfin à la mise
en pratique de ces idéologies.
La genèse des totalitarismes est autant
représentative de leurs points communs que de leurs
spécificités.
En effet, nous pouvons en premier lieu nous
interroger sur le rôle de la Première Guerre mondiale.
Elle semble avant tout être un catalyseur, créant dès
1917 l’instabilité en Russie, et permettant la révolution
de février. Ce régime socialiste fragile va lui aussi
tomber, en novembre, laissant la place au régime
qui deviendra très vite totalitaire. Par ailleurs, la
guerre, dans les trois pays, provoque des conditions
économiques difficiles à supporter. En Allemagne,
la population est mécontente du traité au diktat de
Versailles. Les Italiens sont eux aussi frustrés par ce
qu’ils appellent la victoire mutilée : une partie des terres
promises par les alliés ne leur revient pas. Les Russes,
qui ont quitté la guerre en mars, sont amputés d’une
partie de leurs terres. Ces trois pays sont perdants.
Mais la guerre laisse aussi des marques chez les
anciens combattants, revenus traumatisés ou exaltés :
George Mosse parle de « brutalisation » des peuples.
VIII
Cependant, il est pertinent de noter que, si la guerre
de 1917 permet presque directement l’émergence
de l’URSS, c’est la révolution russe d’Octobre (selon
l’ancien calendrier russe) qui permet le renforcement
des fascismes. Sans ses équivoques telles que le
spartakisme ou le Bienno Rosso, les milices fascistes
comme les Freikorps ou les squadristi n’auraient pas
eu de raison d’être. Or, ces mêmes milices sont les
premières à soutenir les partis fascistes.
Cependant, les modalités d’accès au pouvoir
semblent être une caractéristique des spécificités
des totalitarismes, dans la mesure où elles restent très
différentes. En Russie, les bolcheviks (« minoritaires »
du fait de leur proportion dans le Parti ouvrier socialdémocrate russe de 1898) prennent le pouvoir
en faisant tomber le gouvernement menchévik
(« majoritaire ») d’Alexandre Kerenski. Ils réalisent
un vrai coup de force avec la prise du Palais d’Hiver
de Petrograd et s’imposent par la force. En Italie,
Mussolini souhaite faire croire à un coup d’État. Il
lance une marche sur Rome avec ses faisceaux de
combats et lance un ultimatum le 28 octobre 1922.
Le président du Conseil, Luigi Facta, ne lui accordera
« que » la majorité des sièges de l’Assemblée après
que le roi l’y aura invité. En Allemagne, Adolf Hitler
tente un putsch, le 9 novembre 1923, pour lequel il
réunit 4 000 hommes (dont Erich Ludendorff, général
d’infanterie) à Munich. Mais la répression est sévère
(seize morts) et Hitler est emprisonné à Landsberg.
Libéré en 1924, il lui faudra rétablir l’ordre dans son
parti et attendre la crise de 1929 pour remporter ses
premières victoires politiques : 12 députés nazis en
1928 au Reichstag sont remplacés par 107 en 1929
et 230 en 1930. Il parvient (laborieusement, en
formant des alliances) à la majorité en 1933 et est
nommé chancelier le 30 janvier. Si ces voies d’accès
au pouvoir sont différenciées, il faut noter que la
violence politique s’installe systématiquement peu
après qu’elles ont lieu.
Par exemple, l’incendie du Reichstag, qui permet la
mise en place d’un régime autoritaire, est comparable
à l’assassinat de Matteotti, opposant socialiste
retrouvé mort en août 1924, qui permet à Mussolini
d’annoncer sa volonté de dictature en revendiquant
l’acte, puis en mettant en place les lois fascistissimes
(1925-1926). En Russie, Lénine dissout l’assemblée
constituante en février 1918, après avoir été mis en
minorité par les élections populaires.
Nous avons donc vu que les origines des
totalitarismes, à travers le rôle de facteur commun
que joue la Première Guerre mondiale, peuvent
être rapprochées. Elles se différencient surtout par
les modes d’accès au pouvoir. Il faut maintenant
s’intéresser aux systèmes idéologiques des régimes
totalitaires.
Les idéologies des régimes totalitaires, très
marquées, permettent de les diviser en deux
tendances.
En effet, les régimes italien et allemand ont des
idéologies très similaires. Dans ces deux régimes,
nommés fascismes, le rôle du chef est prépondérant.
Il est autoritaire et fort, et se doit de montrer la voie :
c’est le Duce italien et le Führer allemand (on notera
que ces termes ont le même sens de « guide » ou
« conducteur »). Les nazis, tout comme les fascistes
italiens, ont un projet expansionniste. Hitler, en 1933,
déclare à ses proches : « L’Est sera pour nous ce que
l’Inde a été pour les Anglais. » Il s’agit du phénomène
séculaire de Drang nach Osten (poussée vers l’Est),
qui dirige Hitler dans ses plans de conquête. Les
Italiens souhaitent rétablir leur domination antique
méditerranéenne. Cela se traduit par la conquête de
l’Éthiopie en 1935. L’idée et le sentiment nationaliste
sont très présents dans les philosophies nazies
et fascistes. Une différence est tout de même
observable : la domination raciale, biologique, des
nazis, qui se considèrent comme des « ubermensch »
(surhommes, en référence à l’untermensh, ou soushomme), se transforme en simple domination
culturelle pour les Italiens (ils ne se fondent que très
peu sur les thèses racistes du darwinisme social).
C’est en partie pour cette raison que Hannah Arendt
désigne l’Italie fasciste comme « incomplet » : le primat
de la race est très peu développé. Mais les fascismes
partagent les mêmes valeurs sociales, et surtout
antiparlementaristes, ce qui justifie la mise en place
d’un État fort et corporatiste (qui contrôle l’économie
et la production nationale dans son ensemble) selon
eux.
D’autre part, l’idéologie soviétique stalinienne
présente une réelle spécificité par rapport aux
fascismes. Elle s’inspire en grande partie de l’idéologie
léniniste, une interprétation du communisme
marxiste. Elle prône donc avant tout la mise en place
de l’égalité entre tous les hommes. Cet aspect de
l’idéologie communiste est l’un des plus importants :
pour rétablir l’égalité, les bolcheviks vont anéantir les
classes bourgeoises, les koulaks. L’ennemi de race
devient l’ennemi de classe. De plus, le chef reste fort
(Staline signifie « homme de fer »), mais est présenté
comme un protecteur : le petit père des peuples,
censé unifier toutes les républiques soviétiques
autour de lui. Cependant, dès 1928, on peut trouver
des similitudes entre communisme et fascisme. Cela
correspond à l’arrivée effective au pouvoir de Staline,
secrétaire général du parti dès 1922, mais qui doit
d’abord évincer les opposants, Trotski, Kamenev ou
encore Zinoviev. Seul au pouvoir, il tourne l’URSS vers
l’autarcie économique, à l’image de ce que réalise
déjà Mussolini en Italie. De plus, il met en place une
planification de l’économie et un État corporatiste.
Ainsi, si les idéologies des régimes totalitaires
permettent d’abord leur distinction, en deux partis, des
rapprochements sont décelables en approfondissant
l’analyse. Il faut donc maintenant s’intéresser à la mise
en pratique de ces idéologies.
Les mises en place des idéologies des régimes
totalitaires sont d’une part, dans certains cas, très
similaires, mais peuvent d’autre part se différencier
sur certains aspects, comme l’usage de la terreur.
Tout d’abord, dans les trois régimes totalitaires, la
population est fortement encadrée. Cet encadrement
commence dès l’enfance : les régimes totalitaires
s’appliquent à fonder une société nouvelle à l’image
de leurs idéologies. On assiste donc à la création de
différents organismes de jeunesse : les balillas en Italie
et les Hitlerjugend en Allemagne, très militaristes et
créés dès 1926, ou encore les jeunes pionniers russes,
organisme très présent dans les écoles russes dès
1918. Selon Hannah Arendt, ces systèmes visent à
uniformiser la société future : « le but de l’éducation
totalitaire n’a jamais été d’inculquer des convictions,
mais de détruire la faculté d’en former aucune »,
déclare-t-elle en 1951. La place de la propagande est,
elle aussi, prépondérante dans la vie courante : elle
prend la forme de films, d’affiches, de témoignages,
de rassemblements… Les habitants des régimes
totalitaires y sont perpétuellement confrontés, car
l’industrie de la culture est contrôlée. Il faut noter que
cela est surtout vrai pour le IIIe Reich et l’URSS jusqu’à
la guerre. Mussolini laisse une liberté relativement
grande aux médias, ce qui ne signifie pas qu’il est
critiqué par ces derniers, au contraire. Enfin, la mise
en place d’organismes de répression est un caractère
IX
commun aux trois pays. L’organisme de vigilance et
de répression de l’antifascisme (OVRA) se charge
de faire taire les opposants, tout comme les SA
(Sturmabteilung, ou section d’assaut) dès août 1921
en Allemagne, puis la SS (Schutzstaffel, section de
sécurité) dès avril 1925, mais surtout après 1934. On
assiste ainsi en Allemagne, avant même l’arrivée
au pouvoir d’Hitler, à des lynchages et à des actes
discriminatoires organisés par le NSDAP. En Russie,
dès février 1917, la Tchéka (qui devient la Guépéou en
1922) s’attaque aux koulaks comme aux socialistes
menchéviks.
De plus, les systèmes de terreur existent dans les
trois pays, mais sont inégalement développés. En
Italie, Mussolini fait surtout exiler les opposants, dans
le sud du pays ou dans les îles Lipari (qu’il surnomme
« bagne de feu », mais qui n’est rien comparé aux
camps russes). Mussolini rencontre un vrai succès
dans ses réformes économiques et sociales. Il sort
l’Italie de la crise, et améliore les conditions de travail.
En Allemagne, cette terreur est peu développée par
rapport aux années 1939-1945 : « uniquement » 5 000
hommes sont internés dans des camps entre 1933 et
1939, et les conditions y sont moins éprouvantes que
durant la guerre. Hitler s’intéresse à son image : il
met en place le Volkstaat, ou socialisme de sang pur
selon Himmler. Les « vrais » Allemands sont épargnés
par la terreur, qui vise surtout les populations juives,
comme au pogrom de la nuit de Cristal, les 9 et 10
novembre 1938. C’est en URSS que le système de
terreur est le plus développé. Dès février 1918, les
marins de Kronstadt qui se révoltent sont exilés en
Sibérie, dans les premiers camps de travaux forcés.
La volonté n’est certes pas de tuer, mais la mortalité
y est forte, car on y travaille jusqu’à l’épuisement.
Pour Hannah Arendt, cela traduit une faiblesse des
bolcheviks, une difficulté à légitimer leurs actes dans
la population. Entre 1932 et 1936, Staline provoque
donc une grande famine pour étouffer l’opposition
en Ukraine et au Kouban. Entre 1936 et 1938, c’est la
grande terreur. Staline va jusqu’à fixer des quotas de
personnes à déporter au goulag (administration des
camps, créée en juillet 1934). Selon Nicolas Werth,
ces terreurs répétées font, entre 1918 et 1939, vingt
millions de victimes en URSS.
Ainsi, si les régimes totalitaires présentent
des spécificités importantes dans leurs origines,
leurs idéologies ou leurs fonctionnements, des
rapprochements importants sont également
réalisables sur ces trois aspects. On peut également
X
dégager une dynamique d’influence : d’abord, le
bolchevisme sur les fascismes. Ensuite, le fascisme
de Mussolini inspire Hitler. Dans une dernière
période, c’est Hitler qui impose ses choix à Mussolini.
Il est important de noter que les différences entre
les fascismes et les communismes les amènent à
se vouer une haine mutuelle. À terme, cette haine
débouche sur la Seconde Guerre mondiale, qui
permettra au totalitarisme soviétique de s’imposer
et d’éliminer les fascismes. n
Épreuve de sciences économiques et sociales
1. Question d’analyse microéconomique ou macroéconomique
Expliquez comment le producteur choisit le volume de sa production. Vous pouvez
illustrer votre raisonnement par une représentation graphique.
Lorsque le producteur mobilise les facteurs
travail et capital, son objectif, s’il est rationnel, est de
maximiser son profit tout en minimisant ses coûts de
production ; c’est-à-dire les dépenses qu’il engage
pour produire les biens et les services. Aussi, en
tenant compte de ces paramètres, il peut moduler
son volume de production.
Il existe deux types de coûts : le coût marginal,
c’est-à-dire les dépenses engagées pour produire
une unité de bien supplémentaire ; et le coût moyen,
à savoir le coût d’une unité en moyenne.
En fonction du volume de production, ils évoluent
de la façon suivante. (voir ci-contre)
Coût
Cm =
Coût marginal
CM =
Coût moyen
Quantité
Économie d’échelle
Le coût marginal est décroissant puis croissant
en raison de la loi des rendements décroissants
(Ricardo), car la productivité marginale diminue
au fur et à mesure. Quant au coût moyen, il est
décroissant, car le producteur réalise d’abord des
économies d’échelle : il étale ses coûts finis sur une
plus grande échelle de production. Au bout d’un
moment, lorsque le coût marginal est supérieur au
coût moyen, cela le fait automatiquement augmenter
à son tour.
Lorsqu’il a évalué ses coûts, le producteur doit les
comparer à ses recettes. En situation de concurrence
pure et parfaite, la recette marginale (c’est-à-dire
celle de la dernière unité produite) correspond au
prix de marché, et est donc fixe.
Déséconomie d’échelle
profit total. Ainsi, il continue à produire jusqu’à ce
que le coût marginal de production égalise la recette
marginale.
Ici, le bénéfice réalisé est nul, mais le profit total
est maximal : on parle d’optimum de production.
Au-delà, une unité coûte plus que ce qu’elle
rapporte.
Ainsi, le producteur peut déterminer son volume
de production, de sorte qu’il atteigne cet optimum. n
Cm
Coût
CM
Lorsque le coût moyen est inférieur à la recette
marginale, l’entreprise dégage un profit. On parle de
zone de profit positif. (voir ci-contre)
Dès lors, il s’agit de maximiser ce profit : il faut
donc regarder la recette marginale par rapport au
coût marginal. Quand le coût marginal est inférieur
à la recette marginale, chaque unité supplémentaire
produite rapporte plus que ce qu’elle coûte. Le
producteur voit donc son profit total augmenter :
chaque unité supplémentaire fait augmenter le
Rm
Quantité
produite
Optimum de production
Zone de profit positif
XI
2. Conduite d’un raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire
Quelles sont les difficultés de la coordination des politiques économiques dans
l’Union européenne ?
On peut considérer l’Union européenne comme
une zone relativement dynamique représentant
28 % du PIB mondial. Le commerce intra zone y est
très développé également. Les 2/3 des échanges
des pays de l’Union européenne se réalisent au
sein de cette union. La construction européenne
est le fruit de décennies d’approfondissement des
étapes d’intégration : du traité de Rome instaurant
la CECA en 1951 au traité de Maastricht en 1992.
L’Union européenne apparaît aujourd’hui comme
un ensemble supposément cohérent de 28 pays :
un marché où les capitaux circulent donc librement,
ainsi que les personnes, régi par des politiques
communes (selon l’analyse de Béla Balassa sur
les niveaux d’intégration). Au sein de l’Union
européenne, il existe également l’UEM (ou zone
euro), où la monnaie est commune. Cela concerne
19 pays. Si les volontés de l’intégration européenne
tendent à en faire un espace compétitif et une union
solide, des difficultés apparaissent aujourd’hui
comme évidentes et peuvent entraver la cohérence
de l’UE. Aussi, nous pourrons nous questionner sur
la difficulté des pays de l’UE à établir des politiques
économiques cohérentes.
Après avoir étudié les différences structurelles
dans l’UE, nous nous focaliserons sur les possibles
comportements de passagers clandestins. Puis nous
étudierons l’articulation entre politique monétaire et
budgétaire avant d’évoquer le cas des politiques non
coopératives et du PSC, se révélant contraignant.
Premièrement, les pays de l’Union européenne
présentent
des
différences
structurelles
considérables. Étant donné l’élargissement de
l’Union qui compte aujourd’hui 28 membres, les
écarts se creusent, et les situations économiques
des pays sont tellement diverses qu’il paraît difficile
de mener une politique d’ensemble. Par exemple, le
document 1* nous informe que le PIB par habitant
de la Bulgarie est presque cinq fois inférieur à celui
du Luxembourg. Dès lors, on peut imaginer que
les objectifs à court terme (conjoncturels) de ces
pays diffèrent profondément : l’un pourra vouloir
relancer son activité économique et mener une
XII
politique budgétaire expansive, tandis que l’autre
pourra vouloir mener une politique de rigueur. La
France, par exemple, réalise des dépenses de santé
considérables (35 % du PIB) par rapport à d’autres
pays comme la Lettonie : les fonctionnements de
l’action publique tendent à différer. Dès lors, la
structure des dépenses publiques paraît difficile à
coordonner, puisque certains pays tendent à creuser
leur déficit budgétaire plus que d’autres. De plus,
les deux pays ne disposant pas des mêmes recettes,
leurs moyens d’action diffèrent alors. En outre, le
budget faible de l’Union européenne (ne représente
que 1,1 % du PIB total de l’UE) est impuissant à réduire
ces écarts.
Deuxièmement, les pays de l’Union européenne
étant en situation d’interdépendance en raison du fait
qu’ils réalisent de nombreux échanges, les politiques
des uns ont un impact sur l’ensemble du dynamisme
de l’Union. Cela peut favoriser les comportements
dits de « passagers clandestins » : alors que certains
pays tentent de stabiliser leur activité et de mener,
par exemple, une politique de relance profitant à
l’ensemble de la zone, d’autres profiteront de cette
décision sans agir sur leur propre budget, profitant
alors des externalités créées par les pays voisins
qui seraient favorables à leur propre situation. La
solidarité n’est donc pas une réalité dans ce cas
de figure, comme nous le montre le document 4*,
soulignant donc la nécessité d’une coordination pour
éviter ces comportements de passagers clandestins
qui déstabilisent l’union. Elles peuvent en effet créer
une réticence chez certains pays à engager des
politiques dont d’autres ne feraient que profiter.
De plus, les politiques budgétaires semblent
ne pas pouvoir se coordonner aux politiques
monétaires. Pour les pays de l’Union économique
et monétaire, celle-ci est menée par la Banque
centrale européenne : cela concerne 19 pays. En
effet, la politique budgétaire étant le fait des États,
ce sont deux entités différentes qui gèrent les deux
pans des politiques économiques. La politique
monétaire menée par la BCE a longtemps été
particulièrement rigide et restrictive : pratiquant
des taux d’intérêt directeurs particulièrement élevés,
elle a souvent empêché la relance dans la zone euro,
notamment dans des situations de crise. Si le pacte
de stabilité et de croissance instauré en 1997 par
le traité d’Amsterdam est lui aussi plutôt favorable
à la rigueur (la dette publique et le déficit public
devant être respectivement limités à 60 % et 3 % du
PIB), il n’empêche que le policy-mix impossible est
un réel problème. Aujourd’hui, la BCE a tendance à
pratiquer de faibles taux d’intérêt (0,2 %) en situation
de quantitative easing par peur de la déflation, alors
que les pays de la zone euro mènent des politiques
de rigueur : l’inverse se produit, mais la coopération
et la coordination sont toujours faibles.
En outre, l’absence de coordination des politiques
fiscales dans l’ensemble de l’Union est un frein à la
solidarité entre les pays : certains sont tentés de
mener des politiques dites « non coopératives » et
l’absence d’harmonie fiscale les incite à pratiquer
le dumping. Ce dumping peut être social, en
accordant une plus grande flexibilité au marché du
travail, ou purement fiscal. Ce genre de pratique nuit
considérablement à la compétitivité des autres pays
de l’Union. L’Irlande, par exemple, pratique un impôt
sur les sociétés très faible, ce qui est favorable aux
pays en recherche de compétitivité-prix. Mais cela
« désincite » ces mêmes entreprises à réaliser des
IDE dans les autres pays de l’Union.
Enfin, le pacte de stabilité et de croissance,
tentative d’harmonisation budgétaire, présente des
limites. Les critères de convergences que celui-ci
impose – une inflation maîtrisée (2 %), une dette
inférieure à 60 % du PIB, ainsi qu’un déficit de 3 %
du PIB – semblent peu favorables à la relance. En
cas de crise, il contraindrait les pays à limiter leurs
dépenses pour se plier aux critères, ce qui fait qu’ils
mènent des politiques « procycliques » qui aggravent
le cycle en situation de récession. Ce phénomène
s’est produit en 2009 après la crise des subprimes.
Par ailleurs, tous les pays ne semblent pas s’y plier.
Ainsi, en 2014, la dette publique de la Grèce était
évaluée à près de 177,1 % du PIB.
Pour conclure, l’absence d’harmonie des
politiques économiques peut être un frein majeur
à sa compétitivité et ainsi enrayer son dynamisme.
S’il apparaît urgent d’y remédier, le nombre de pays
présents dans la zone, de même que leurs différences,
constituent un réel obstacle à la coordination. Dès
lors, l’UE apparaît comme décrédibilisée, et son unité
est remise en cause. n
* Consultez l’intégralité du dossier documentaire du sujet
de SES en vous connectant sur :
http://www.sciencespo.fr/admissions/fr/content/lepreuve-option
XIII
Direction des relations avec les donateurs
[email protected]
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IX
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