Algèbre tensorielle ,Algèbre envoloppante d’une algèbre de Lie Yassine Ait Mohamed 25 octobre 2021 Faculté des Sciences Dhar El Mehraz Université Sidi Mohamed Ben Abdellah - FES 1 1. Introduction 2. Algèbre tensorielle 3. Propriété universelle du produit tensoriel 4. Algèbre tensorielle d’un A-module 5. Prolongement des applications linéaires en des morphismes d’algèbres 6. Algèbre enveloppante d’une algèbre de Lie 7. Existence par construction 8. Quelques références 2 Introduction Introduction Les algèbres de Lie doivent leur nom au mathématicien norvégien Sophus Lie qui les a étudiées au 19ème siècle. Elles jouent un rôle important en mathématiques. Tout d’abord, elles sont fortement liées aux groupes de Lie qui sont des variétés différentielles munies d’une opération de multiplication et d’une opération d’inversion toutes deux de classe C1. En effet, à tout groupe de Lie on peut associer une algèbre de Lie, son espace tangent en l’élément neutre, et à toute algèbre de Lie de dimension finie on fait correspondre un groupe de Lie. 3 Les groupes et les algèbres de Lie ont une large palette d’intervention en mathématiques. Ils sont utilisés -entre autres- dans l’étude des équations différentielles. Ils sont également essentiels à tout ce qui se rapporte aux symétries. Les algèbres de Lie ont aussi de nombreuses applications en physique, notamment la physique théorique. En effet, elles sont indispensables à la manipulation de certains groupes utilisés en physique des particules à savoir : les groupes de symétries. Elles ont en outre plusieurs connexions avec d’autres disciplines dont nous citons : la relativité restreinte, la relativité générale et la théorie de l’unification. 4 Une algèbre enveloppante d’une algèbre de Lie est une algèbre qui vérifie une propriété universelle que l’on définira. D’une part, cette algèbre permet de réduire l’étude des représentations d’une algèbre de Lie à celle des représentations de son algèbre enveloppante, et d’autre part elle fournit, en un sens une représentation fidèle de l’algèbre. 5 Algèbre tensorielle Produit tensoriel d’algèbres Soit A un anneau commutatif unitaire. Tous les modules, algèbres et applications multilinéaires considérés seront pris sur A. 6 Produit tensoriel d’algèbres Soient B et C des algèbres (pas forcément commutatives). On dispose donc de morphismes d’algèbres : ( A −→ B α1 : . a 7−→ a · 1B et ( α2 : A −→ C a 7−→ a · 1C 7 Produit tensoriel d’algèbres Proposition Il existe une unique structure d’algèbre sur B ⊗ C prolongeant les lois du module B ⊗ C et telle que : b b0 b × b0 ⊗ × ⊗ = ⊗ c c0 c × c0 munie de ces lois, B ⊗ C est appelée algèbre produit tensoriel de B par C . On a deux morphismes d’algèbres 8 Produit tensoriel d’algèbres Proposition ( B −→ B ⊗ C et b −→ b ⊗ 1C ( C c −→ B ⊗ C 7−→ 1B ⊗ c faisant commuter B et C dans B ⊗ C , au sens où (b ⊗ 1)(1 ⊗ c) = b ⊗ c = (1 ⊗ c)(b ⊗ 1) 9 Produit tensoriel d’algèbres Remarque • Il y a une unique structure d’algèbres sur B ⊗ C telle que la projection canonique (b, c) 7→ b ⊗ c soit multipticative. 10 Produit tensoriel d’algèbres Remarque • Il y a une unique structure d’algèbres sur B ⊗ C telle que la projection canonique (b, c) 7→ b ⊗ c soit multipticative. • La donnée d’une application bilinéaire multiplicative sur l’algèbre produit B × C est la même chose que la donnée de deux morphismes d’algèbres, l’un sur B l’autre sur C , qui commutent à l’arrivée. 10 Produit tensoriel d’algèbres En effet l’application suivante est bijective : Bilmulti (B × C , D) −→ Hom(B, D) × Hom(C , D) f 7−→ (f (., 1), f (1, .)) (b, c) 7−→ β(b)α(c) ←− (β, α) 11 Propriété universelle du produit tensoriel Propriété universelle du produit tensoriel ( ϕB : B −→ D deux morphismes d’algèbres qui commutent à l’arrivée, i. e. ϕC : C −→ D vérifiant pour tout b ∈ B et c ∈ C Soient ϕB (b) × ϕC (c) = ϕC (c) × ϕB (b) Alors il existe un unique morphisme d’algèbres ϕ : B ⊗ C −→ D prolongeant ϕB et ϕC au sens où ( ϕ(b ⊗ 1) = ϕB (b) ϕ(1 ⊗ c) = ϕC (c) et ce morphisme agit sur les tenseurs purs par multiplication des composantes tensorielles après action de ϕB et ϕC : ϕ(b ⊗ c) = ϕB (b)ϕC (c) 12 Propriété universelle du produit tensoriel Remarque Toute application bilinéaire multiplicative f : B × C −→ D se factorise d’une unique manière sous la forme f = f¯ ◦ π où f¯ : B ⊗ C −→ D est un morphisme d’algèbres. On retrouve la formulation plus classique de la propriété universelle. On aurait reformulé le fait que ϕ prolonge ϕB et ϕC en disant que ϕ fait commuter le diagramme : B idB ⊗1C ϕB / B ⊗ C o 1B ⊗idC ϕ C ϕc ! } D 13 Propriété universelle du produit tensoriel Exemple • Pour toute A-algèbre B, on a un isomorphisme canonique d’algèbres B[X ] B ⊗A A[X ] ' i b⊗X 7−→ bX i 1 ⊗ Xi ←− X i 14 Propriété universelle du produit tensoriel Exemple • Pour toute A-algèbre B, on a un isomorphisme canonique d’algèbres B[X ] B ⊗A A[X ] ' i b⊗X 7−→ bX i 1 ⊗ Xi ←− X i • On a un ismorphisme canonique d’algèbres : A[X ] ⊗ A[Y ] ' A[X , Y ] 14 Propriété universelle du produit tensoriel Exemple • Pour toute A-algèbre B, on a un isomorphisme canonique d’algèbres B[X ] B ⊗A A[X ] ' i b⊗X 7−→ bX i 1 ⊗ Xi ←− X i • On a un ismorphisme canonique d’algèbres : A[X ] ⊗ A[Y ] ' A[X , Y ] • D’une facon général on a :A[X1 ] ⊗ · · · ⊗ A[Xn] ' A[X1 , , , , , Xn ] 14 Algèbre tensorielle d’un A-module Algèbre tensorielle d’un A-module Nous allons transformer un module en une algèbre en prenant pour multiplication interne le produit tensoriel. Notation Soit M un module. On pose T n (M) := M ⊗A n = M ⊗A M ⊗A · · · ⊗A M | {z } n fois (on retiendra que T 0 (M) = A et T 1 (M) = M puis M T (M) := T n (M) n≥0 15 Proposition-Définition Il existe une unique structure d’algèbre unitaire sur T (M) telle que (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ) × (y1 ⊗ · · · ⊗ yq ) = x1 ⊗ · · · ⊗ xp ⊗ y1 ⊗ · · · ⊗ yq a × (y1 ⊗ · · · ⊗ yq ) = a (y1 ⊗ · · · ⊗ yq ) (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ) × a = a (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ) munie de cette structure, T (M) est appelée l’algèbre tensorielle du module M. T (M) est graduée de composantes homogènes les T n (M) et engendrée en tant qu’algèbre par la partie M = T 1 (M) 16 Prolongement des applications linéaires en des morphismes d’algèbres Propriété universelle de l’algèbre tensorielle. Theorème Toute application f linéaire sur un module M d valeurs dans une algebre B se prolonge d’une unique façon sur T (M) en un morphisme d’algèbres f¯. Ce prolongement vérifie ( T (M) −→ B f¯ : m1 ⊗ · · · ⊗ mi 7−→ f (m1 ) · · · f (mi ) 17 Propriété universelle de l’algèbre tensorielle. Corollaire Pour toute algèbre B, on dispose d’un isomorphisme canonique d’algèbres ( HomAlg (T (M), B) −→ Hommod (M, B) φ: ¯ f 7−→ f¯|M 18 Propriété universelle de l’algèbre tensorielle On généralise la propriété universelle ci-dessus en transformant le module but en son algèbre tensorielle Proposition(fonctorialité) Soient M, N des modules et f : M −→ N linéaire. Alors il existe un unique morphisme d’algèbres ( T (M) −→ T (N) T (f ) : m1 ⊗ · · · ⊗ mn 7−→ f (m1 ) ⊗ · · · ⊗ f (mn ) et le diagramme suivant commute M ↓ f −→ N ↓ T (f ) T (M) −→ T (N) 19 Proposition(fonctorialité) f g De plus, si M −→ N −→ P, alors T (g ◦ f ) = T (g ) ◦ T (f ) 20 Propriété universelle de l’algèbre tensorielle Corollaire On a un isomorphisme canonique de modules ( Hommod (M, N) −→ HomAlg (T (M), T (N)) f 7−→ T (f ) 21 Algèbre enveloppante d’une algèbre de Lie Rappels sur les algèbres de Lie Définition Soit k un corps commutatif. Une algèbre de Lie L sur k est une algèbre, dont le produit, noté [., .], vérifie les axiomes suivants : • ∀x ∈ L, [x, x] = 0 ; 22 Rappels sur les algèbres de Lie Définition Soit k un corps commutatif. Une algèbre de Lie L sur k est une algèbre, dont le produit, noté [., .], vérifie les axiomes suivants : • ∀x ∈ L, [x, x] = 0 ; • ∀x, y , z ∈ L, [x, [y , z]] + [y , [z, x]] + [z, [x, y ]] = 0 (identité de Jacobi). 22 Remarque • La condition (1) implique que [·,·] est antisymétrique 23 Remarque • La condition (1) implique que [·,·] est antisymétrique • La condition (2) peut se réécrire sous la forme [X , [Y , Z ]] = [[X , Y ], Z ] + [Y , [X , Z ]], ce qui signifie que ad X = [X,·] est une dérivation . 23 Exemple • Tout espace vectoriel V peut être muni d’une structure d’algèbre de Lie, en posant ∀x, y ∈ V [x, y ] = 0. Une telle algèbre de Lie, où le crochet Lie est identiquement nul, est appelée abélienne. 24 Exemple • Tout espace vectoriel V peut être muni d’une structure d’algèbre de Lie, en posant ∀x, y ∈ V [x, y ] = 0. Une telle algèbre de Lie, où le crochet Lie est identiquement nul, est appelée abélienne. • Soit A une algèbre associative. On peut munir A d’une structure d’algèbre de Lie en posant [x, y ] = xy − yx. 24 Rappels sur les algèbres de Lie Idéaux de l’algèbre de Lie, Sous-algèbre de Lie, Morphismes d’Algèbres de Lie 0 Soient L et L deux algèbres de Lie sur k • Un sous espace vectoriel S de L est un idéal si [S, L] ⊂ S 25 Rappels sur les algèbres de Lie Idéaux de l’algèbre de Lie, Sous-algèbre de Lie, Morphismes d’Algèbres de Lie 0 Soient L et L deux algèbres de Lie sur k • Un sous espace vectoriel S de L est un idéal si [S, L] ⊂ S • Une sous-algèbre de Lie de L est un sous espace vectoriel S de L stable par le crochet de Lie i.e : [S, S] ⊂ S. 25 Rappels sur les algèbres de Lie Idéaux de l’algèbre de Lie, Sous-algèbre de Lie, Morphismes d’Algèbres de Lie 0 Soient L et L deux algèbres de Lie sur k • Un sous espace vectoriel S de L est un idéal si [S, L] ⊂ S • Une sous-algèbre de Lie de L est un sous espace vectoriel S de L stable par le crochet de Lie i.e : [S, S] ⊂ S. 0 • Un morphisme d’algèbre de Lie est une application linéaire T : L → L qui préserve le crochet de Lie, i.e T ([X , Y ]) = [T (X ), T (Y )] pour tout X , Y dans L 0 Il est clair que le noyau (resp.l’image) d’un morphisme L → L d’algèbre de Lie est 0 un idéal de L (resp. L ). 25 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Définition Soit L une algèbre de Lie, on dit que (A, ı) où A est une algèbre associative et ı est un morphisme d’algèbres de Lie de L dans AL est une algèbre enveloppante de L si le couple satisfait la propriété universelle suivante : pour toute algèbre associative U, pour tout morphisme d’algèbres de Lie ϕ : L → UL , il existe un unique morphisme d’algèbres de Lie ψ de A dans U tel que ϕ = ψ ◦ ı. Soit, en termes de diagramme commutatif : LO ı ϕ / UL > ψ AL Comme tout objet défini par une propriété universelle, il y a unicité à isomorphisme près. 26 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Proposition Si (A, ı) et (B, ) sont deux algèbres enveloppantes d’une algèbre de Lie L, alors il existe un unique isomorphisme d’algèbres β de A vers B qui vérifie j = β ◦ ı. 27 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Proposition Soit L une algèbre de Lie et (A, ı) son algèbre enveloppante. • En tant qu’algèbre, A est engendrée par ı(L), l’image de L par ı. 28 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Proposition Soit L une algèbre de Lie et (A, ı) son algèbre enveloppante. • En tant qu’algèbre, A est engendrée par ı(L), l’image de L par ı. • Si (A1 , ı1 ) (resp. (A2 , ı2 )) est l’algèbre enveloppante d’une algèbre de Lie L1 (resp. L2 ) et que ϕ est un morphisme d’algèbres de Lie de L1 vers L2 , alors il existe un unique morphisme d’algèbres ϕ0 de A1 vers A2 qui fait commuter le diagramme suivant, c’est à-dire tel que ı2 ◦ ϕ = ϕ0 ◦ ı1 L1 ı1 ϕ / L2 A1 ϕ 0 ı2 / A2 28 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Proposition • Soit I un idéal de L, R l’idéal bilatère de A engendré par ı(I ) et B := A/R l’algèbre quotient. L’application j : s + I 7→ ı(s) + < où s ∈ L est un morphisme d’algèbres de Lie de L/I dans BL , et (B, j) est l’algèbre enveloppante de L/I . 29 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Proposition • Soit I un idéal de L, R l’idéal bilatère de A engendré par ı(I ) et B := A/R l’algèbre quotient. L’application j : s + I 7→ ı(s) + < où s ∈ L est un morphisme d’algèbres de Lie de L/I dans BL , et (B, j) est l’algèbre enveloppante de L/I . • A admet un unique anti-automorphisme d’algèbres π (c’est à dire un endomorphisme linéaire bijectif tel que π(ab) = π(b)π(a)) tel que π ◦ ı = −ı. De plus, π 2 = Id. 29 L’algèbre enveloppante : Définition, unicité et propriétés Proposition • Soit I un idéal de L, R l’idéal bilatère de A engendré par ı(I ) et B := A/R l’algèbre quotient. L’application j : s + I 7→ ı(s) + < où s ∈ L est un morphisme d’algèbres de Lie de L/I dans BL , et (B, j) est l’algèbre enveloppante de L/I . • A admet un unique anti-automorphisme d’algèbres π (c’est à dire un endomorphisme linéaire bijectif tel que π(ab) = π(b)π(a)) tel que π ◦ ı = −ı. De plus, π 2 = Id. • Il existe un unique morphisme d’algèbres δ de A dans A ⊗ A, appelé application diagonale, tel que, pour l dans L, δ ◦ ı(l) = ı(l) ⊗ 1 + 1 ⊗ ı(l). 29 L’algèbre enveloppante Existence par construction 30 Existence par construction Notation Soit L une algèbre de Lie. On pose : • ∀n ∈ N, T n (L) = L⊗n . On note par convention T 0 (L) = K L • T (L) := n≥0 T n (L) l’algèbre tensorielle de L 31 Existence par construction Définition Soit L une algèbre de Lie, et J l’idéal de T (L) engendré par les éléments de la forme [x, y ] − x ⊗ y + y ⊗ x, x, y ∈ L. On note alors l’algèbre quotient U(L) := T (L)/J et ı la composition de l’injection de L dans T (L) et la projection canonique π : T (L) −→ U(L). comme montré sur le diagramme suivant : / T (L) L ı { π U(L) 32 Existence par construction Proposition Le couple (U(L), ı) est une algèbre enveloppante de L. 33 Quelques références 34 Quelques références • James E. Humphreys. Introduction to Lie algebras and representation theory, volume 9 of Graduate Texts in Mathematics. Springer-Verlag, New York-Berlin, 1978. Second printing, revised. • Nathan Jacobson. Lie algebras. Dover Publications, Inc., New York, 1979. Republication of the 1962 original • Jacques Dixmier, Algèbres enveloppantes Éditions Jacques Gabay, Paris, 1996. (ISBN 2-87647-014-4) 35 MERCI POUR VOTRE ATTENTION 36