La nature humaine, une question
anthropologique fondamentale
La paléoanthropologie comme support d'une nouvelle
compréhension de la nature humaine
Cette discipline s'est créée sur la base d'une question : quelles données empiriques
l'archéologie et notamment l'étude des fossiles peut apporter qui renouvellerait notre compréhension
du processus d'humanisation et de la nature humaine ?
On distingue le processus d'humanisation du processus d'hominisation. Le premier
s'attache à la culture et à la dimension symbolique qu'est capable de créer notre espèce et qui nous
distinguerait de l'animal. Le second s'attache à la dimension biologique de l'être humain dans ce qui
le distingue des autres espèces.
Critiques de la paléoanthropologie
Trois écueils dans lesquels il ne faut pas tomber lorsqu'on s'intéresse à l'origine de ce qui fait
la spécificité humaine :
Le biologisme
Tendance à estimer que "seules les caractéristiques biologiques peuvent décider de
l'évolution des capacités - notamment cognitives - des êtres humains"
On remarque que, si elles ont un pouvoir explicatif à ne pas négliger, les caractéristiques
biologiques ne sont pas suffisantes pour expliquer les différences de capacités entre individus.
L'évolutionnisme
Tendance envisager le développement de l'humanité, les progrès techniques et culturels,
dans le strict cadre des lois de l'évolution"
Il s'agit d'une négation de la spécificité de la culture, comprise comme un arrachement à la
nature, et de la spécificité des êtres humains. Parle en termes d'évolution ne rend pas compte du
basculement opéré entre l'humain et les autres espèces animales.
Le fonctionnalisme et l'utilitarisme
"Tendance à ne considérer les évolutions de l'humanité que sous l'angle de la nécessité et de
l'utilité". Dans le "milieu naturel des êtres humains" qu'est la société, il s'agit de comprendre
l'adaptation des individus dans une logique de survie.
S'engager dans cette direction nécessite d'oublier la dimension symbolique et le caractère
fondamentalement improductif des relations sociales.
Les découvertes archéologiques, en tant qu'elles ne permettent d'avoir une idée que sur une
toute petite partie de la vie à cette époque, ne doivent pas être surinterprétées.
Questionner la pertinence de la nature humaine
Qu'est-ce que la nature humaine et existe-t-elle seulement ? Poser ces questions est un acte
de résistance aux conceptions a priori et aux affirmations péremptoires qui considèrent les réponses
comme allant de soi. L'anthropologie peut s'affirmer comme la discipline qui "pose des questions
aux réponses qui nous semblent incontestables", autrement dit qui met en causes nos représentations
de sens commun.
Se poser la question de la nature humaine, c'est s'interroger sur des certitudes. En effet,
l'humanité a tendance à être naturalisée selon deux procédés qui s'opposent par le sens qu'ils
donnent au mot "nature" :
La nature comme "pureté" et "bonté". La culture est alors vue comme un "joug" qui soumet
l'humanité.
La cupidité comme caractéristique naturelle de l'humain. La culture serait alors un moyen de
rétablir l'ordre. (voir Marshall-Sahlins)
Selon Rousseau, l'individu à l'état de nature est innocent car ignorant et inconscient de la
qualité de crime qu'on peut attribuer à ses actes. Elle n'a pas d'existence, donc pas de sens pour lui.
En réponse à Hobbes et à son célèbre "l'homme est un loup pour l'homme", il estime que si le loup
peut être dangereux, il ne sera cependant jamais méchant car la morale n'a pour lui ni existence ni
sens. Ainsi, sont distingués d'une part la morale, qui n'apparaît qu'à l'état civilisé et la spontanéité
humaine, son instinct qui consiste en un amour de soi et une répugnance pour la souffrance de ses
semblables, ce qui fait de l'humain à l'état de nature un humain bon mais qui ignore qu'il est bon.
L'état de nature n'est qu'une fiction méthodologique, mais le faire apparaître dans l'argumentation
permet de mieux comprendre comment l'être humain s'est constitué en être civilisé.
Rousseau est à la recherche de la "base inébranlable", autrement dit des fondements de
l'humanité et de la société. Il réfléchit sur l'individu in abstracto, c'est-à-dire sorti de son contexte
social. Il se bat contre une conception idéologique qui assimile l'Autre à un barbare.
Distinguer l'humain des autres animaux
L'outil comme critère de distinction
On distingue l'utilisation de quelque chose prélevé dans la nature comme artifice pour
atteindre un but, et la fabrication d'outil qui suppose une disposition d'esprit à se projeter dans
l'avenir (l'usage pour lequel l'objet est conçu). En ce sens, l'humain est le seul à concevoir des outils.
L'outil a une dimension sociale à travers les possibilités de transmission et de
perfectionnement.
Le langage comme critère de distinction
L'apparition du langage peut être due au besoin de communiquer des informations (selon
Condillac, approche fonctionnaliste) ou bien pour communiquer des passions et ce qui est
symbolique (Rousseau). Ainsi, le langage peut être considéré comme une fin en soi, la
communication même ou encore un mode d'être.
Agrégation et association
Les relations sociales seraient fondamentalement inutiles : la sociabilité serait une affaire de
désir plus que de nécessité.
On distingue l'agrégation et l'association. Selon Durkheim, la société est une association :
l'être social est distinct des êtres individuels qui le composent. La société est un être artificiel,
symbolique et institutionnel. Dans, Les règles de la méthode sociologique : "La société n'est pas
une simple somme d'individus mais le système formé par leur association représente une réalité
spécifique qui a ses caractéristiques propres". Dans une agrégation, le tout égale la somme des
parties. Ainsi, les caractéristiques de l'espèce se vérifient dans chaque individu. La constitution d'un
groupe est moins solide que l'institution d'un groupe, cette dernière créant une réalité qui n'est pas
donnée par la nature.
L'émergence de la culture n'est pas une conséquence inévitable de notre développement
cognitif. Mais elle a quand même à voir avec la nature, puisqu'elle a été rendue possible par des
dispositions anatomiques. La nature et la culture se sont donc déterminées mutuellement. Selon
Marshall Sahlins, la culture est plus ancienne qu'Homo Sapiens. Elle est apparue il y a 3 millions
d'années, tandis que notre espèce n'a que 50 000 ans. "Pendant trois millions d'années, l'évolution
biologique des hommes a obéi a une sélection culturelle. Nous avons été, corps et âme, façonnés
pour vivre une existence culturelle". Ainsi, il s'oppose à la sociobiologie selon laquelle "il n'y a rien
dans la société qui ne soit d'abord présent dans les organismes".
L'hypothèse de l'intelligence sociale explique le développement de nos capacités cognitives
par la nécessité de faire face à un monde social de plus en plus complexe et l'animalisation équivaut
à une sous-estimation du caractère proprement humain d'une institution.
La dialectique de la nature et de la culture
Il ne s'agit pas de nier la rupture humaine avec la nature mais d'instaurer un rapport
dialectique entre culture et nature, notamment autour de la question des émotions.Ainsi les
sentiments et les passions participent au processus d'humanisation. Selon Sahlins, la culture domine
la nature, c'est-à-dire que la culture serait un "mode de régulation" de la nature, celle-ci étant "la
propension des êtres humains à agir spontanément".
La confusion humain-animal provient d'un réductionnisme biologique et évolutionniste de la
compréhension de notre origine. Elle peut permettre de légitimer une organisation sociale en la
présentant comme naturelle. Les thèses de la bonté ou de la méchanceté naturelle mènent à la même
idéologie, le libéralisme.
L'humain est-il naturellement bon ? naturellement égoïste ? naturellement agressif ? Toutes
ces questions, en opposant la nature et la culture, la dernière ayant radicalement transformé la
première, ne permettent pas de les faire dialoguer.
(Note : ce qui suit n'est absolument pas articulé. Ce sont des bouts de réflexion que j'ai
compris du cours, mais je n'ai pas réussi à formuler les liens entre eux. Globalement, ce que j'en ai
compris, c'est que l'idée d'un humain "naturellement quelque chose" qui se rapporte à la morale est
fausse puisqu'elle lui attribue une caractéristique dont il n'avait pas connaissance. On jugerait à
l'aune de notre humanité actuelle. C'est vraiment pas clair comme explication, même moi je me
comprends pas. Help !)
Ainsi, le libéralisme postule que la liberté relève d'une absence maximale de contraintes. Il
nie l'existence d'un ordre social et culturel fondant la société et envisage l'idée d'un retour à la
nature, c'est-à-dire à une entière liberté de l'humanité dont les échanges seraient naturellement
régulés par les lois du marché (semblables à des lois physiques).
La thèse du gène égoïste permet d'expliquer jusqu'aux comportements altruistes (R.
Dawkins) : la protection de ceux qui partagent nos gènes et l'"altruisme réciproque", ou égoïsme
réfléchi, qui est à la base de toute relation d'échange. La sédentarisation et la production de
richesses en excès a provoqué la convoitise, qui déclenche des comportements violents. La guerre a
donc un caractère historique, elle correspond à un type d'organisation sociale et n'est pas la
conséquence d'une agressivité naturelle. Cette dernière a aussi pour effet néfaste de dédouaner
l'individu de ses responsabilités (fonctionne comme un alibi).
La guerre entre Homo Sapiens et Néandertal n'est pas le seul mode de relation puisque nos
gènes actuels comptent 2 à 4% des gènes de Néandertal. Mais ce dernier a bien disparu après
l'arrivée d'Homo Sapiens. Est-ce dû à une supériorité intellectuelle de Sapiens ? (Tattersall). Y'a-t-il
eu éviction ou absorption des gènes de Néandertal ? L'hypothèse de la violence comme cause de sa
disparition est idéologique et l'histoire actuelle de l'humanité est utilisée pour expliquer cette
période.
Considérer que la nature (violence, barbarie) c'est les autres et que nous-même nous en
détachons est une attitude misanthrope. Elle peut aussi servir à justifier des actes et comportements
belliqueux. C'est une représentation fantasmée de l'autre. Est-ce l'agressivité qui provoque les
conflits sociaux ou l'apparition de conflits sociaux qui provoque l'agressivité ? Autrement dit,
l'agressivité est-elle naturelle ou socialement construite ?
Selon M. Patou-Mathis, "la violence liée aux structures économiques, sociales, politiques et
religieuses de nos sociétés est souvent un symptôme, notamment des injustice et non une cause".
Elle oppose Rousseau selon qui la guerre est issue de la culture et Hobbes pour qui la guerre est
issue de la nature. Sahlins ajoute que la guerre chez Rousseau est un "phénomène de la nature
culturelle", et concerne une "relation d'Etat à Etat", tandis que chez Hobbes, il s'agit de la "guerre de
chacun contre tous, ancrée dans la nature de l'homme".
Dans une situation de guerre, les ennemis ne sont pas les individus en eux-mêmes mais
considérés comme des "soldats", des "défenseurs de la patrie". Cette qualité d'ennemi est un
accident dû à une relation particulière entre deux Etats. La guerre de tous contre tous provient d'une
confusion entre les facteurs individuels et les facteurs sociaux. Ainsi, le caractère inné ou non de la
bellicosité des individus dépend de la conception qui est faite de l'humanité : naturellement bonne
ou mauvaise.
Rousseau distingue le naturel de l'artificiel par une approche dialectique. Selon lui, l'état de
nature (fictif) a donné lieu à une société commencée, naissante qui ne connaît pas la guerre. Celle-ci
est apparue à un moment donné. Ainsi, la société ne corrompt pas nécessairement l'individu et la
guerre n'a pas un caractère fatal. La période paléolithique ne connaît pas la guerre. Elle est apparue
au néolithique, avec le développement de l'économie de production. (Peut-on qualifier la période la
précédent comme une économie de subsistance ?)
L'agriculture et l'élevage, pour se pérenniser, ont nécessité la division sociale du travail, ce
qui a fait apparaître une élite aux intérêts et rivalités propres et donc une augmentation des conflits
intra- et intercommunautaires. Selon Rousseau, tant que les individus "ne s'appliquèrent qu'à des
ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs
mains, ils vécurent libres, sains, bons, et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature".
Les sociétés sans Etat sont-elles des sociétés sans guerre ? Selon Pierre Clastres, qui a
théorisé les sociétés contre l'Etat, la guerre est un moyen de cohésion sociale. Elle protège du risque
de division que provoquent les relations commandement-obéissance. Mais le caractère guerrier des
conflits ritualisés dans les sociétés sans Etat diffère largement de notre conception de la guerre par
son objectif : la conservation de l'unité de la société qui exclut l'anéantissement de l'ennemi.
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