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Ainsi les animaux sont-ils assimilés à des hommes, comme on le voit dans l’art ou la littérature (dans
les fables d’Esope, de La Fontaine, dans le roman de Renard, les contes de Grimm ou de Perrault, etc.).
En ce qui concerne les représentations des dieux, on retrouve des animaux divinisés, des créatures
hybrides, mélangeant des traits humains et des traits animaux. Ainsi, au Mexique, Quetzalcoatl, le dieu
de la civilisation des Toltèques et des Aztèques, est-il représenté tantôt comme un homme masqué,
tantôt comme un serpent à plumes. De nos jours, on trouve un autre cas très répandu d’humanisation de
l’animal : il s’agit de l’utilisation de jouets à formes d’animaux pour amuser et éduquer les enfants.
L’exemple le plus célèbre est l’ours en peluche, dont l’origine remonte à un ourson vivant offert en
1902 au président américain Théodore Roosevelt.
A cette humanisation de l’animal correspond une éventuelle animalisation de l’homme. Songeons
à la traite des noirs, au traitement des prisonniers dans les camps nazis ou dans les goulags et, d’une
façon plus générale et actuelle, à toutes les situations de prostitution et de travail forcés. Mais ces deux
attitudes – l’humanisation de l’animal et l’animalisation de l’homme – ne sont pas tout à fait
symétriques : humaniser l’animal, c’est en faire une miniature de l’homme qui montre les aptitudes de
l’homme ; animaliser l’homme, c’est, au contraire, réduire ses facultés à des fonctions mécaniques,
c’est réduire l’homme en esclavage comme la bête qui est soumise à l’homme.
A l’humanisation extrême de l’animal, on peut opposer la figure plus nuancée de l’animal comme
être sensible, c’est-à-dire doué d’une sensibilité émotionnelle qui lui permet d’éprouver une affection
pour ses petits ou pour ses congénères, voire, s’il est apprivoisé ou domestiqué, d’avoir des relations
affectives avec les êtres humains. On glisse de l’animal-machine vers l’animal souffrant. Certains
philosophes, comme Arthur Schopenhauer et, plus près de nous, Florence Burgat, font de la
compassion à l’égard des animaux une composante essentielle de l’humanité. Le philosophe anglais
Jeremy Bentham est l’un des premiers philosophes à affirmer que les animaux ont des droits du fait
qu’ils sont des êtres sensibles, susceptibles de souffrir. Cette conception culminera dans le Déclaration
universelle des droits de l’animal, proclamée solennellement à Paris, à la Maison de l’Unesco, le 15
octobre 1978, qui vise à consacrer le statut de l’animal comme être sensible, différent à la fois de
l’homme et de la chose.
Dans cette optique, l'homme n'est qu'une partie de la nature, qu'un fragment du monde dont la
substance est identique, quoique différente, à celle des autres êtres de la nature. Cette conception, qu’on
retrouve aussi bien dans les religions animistes, la philosophie de Spinoza, le darwinisme et,
aujourd’hui, l’éthique animale, insiste sur la continuité qu'il y a entre l'homme et la nature, l'homme et
l'animal. Georges Chapouthier, dans un petit essai déstabilisant, Kant et le chimpanzé. Essai sur l’être
humain, la morale et l’art, établit que nous sommes encore beaucoup plus proches des primates que ne
le pensaient Darwin et Freud. Non seulement hommes et chimpanzés partagent près de 99 % de leurs
gènes, mais encore, sur le plan de la pensée, le modèle des «structures en mosaïque» nous oblige à
admettre qu’il existe une continuité entre l’intelligence animale et celle de l’homme. La mémoire, la
conscience, le langage existent en effet chez les animaux supérieurs, quoique sous des formes