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ries et d’épreuves sportives inédites. C’est ce
que nous voudrions développer maintenant
en insistant sur les principes d’organisation
retenus pour mettre en œuvre ce sport de
haut niveau des personnes handicapées, mais
en insistant également sur ceux des principes
qui ont été rejetés.
Le haut niveau, le spectacle
et le jeu de l’incertitude :
la production des catégories
à partir des différences
du corps biologique
Si l’on se demande quels sont les principes et
règlements mis en place pour ces confronta-
tions sportives de sujets présentant des inca-
pacités, une première réponse est celle de
l’adaptation des sports classiques aux capaci-
tés des sujets, pour les leur rendre acces-
sibles (simplifier les règles si elles s’avèrent
trop complexes pour certains, réduire le
nombre de joueurs sur le terrain, autoriser
l’utilisation d’engins, augmenter les pas ou les
rebonds de balle autorisés etc.).
Mais pour construire un système compétitif
visant à produire une élite, c’est le problème
de la diversité des capacités et incapacités des
sujets qui doit être traité. En effet, l’incertitude
de l’issue de la rencontre, aspect central du jeu
sportif et de son attrait ensuite en tant que
spectacle, doit être maintenue dans chaque
épreuve, en même temps que la possibilité de
participation de tous, au départ, en fonction de
ses capacités et incapacités. Le sport ordinaire
s’est déjà posé des questions identiques pour
gérer certaines différences des athlètes: âge,
poids, sexe essentiellement, et y a répondu en
créant des catégories et des épreuves paral-
lèles. On a donc, dans le sport classique, des
athlètes de haut niveau catégories « jeunes »
ou « espoirs »3, sélectionnés dans des cham-
pionnats séparés de ceux des adultes, comme
on a des champions hommes et femmes dans
quasiment tous les sports, ou encore des
médailles olympiques pour chaque catégorie
de poids dans certains sports.
Personne ne songe à s’étonner d’une telle
catégorisation des épreuves, construite sur
les différences du corps biologique des sujets,
tellement elle est inscrite comme évidence
du système sportif de haut niveau. On s’éton-
nerait plutôt de son absence dans les cas
rares où cela existe, comme par exemple en
équitation, ou dans les courses au large à la
voile, lorsque l’expérience de cavalier ou de
marin semble pouvoir prendre le pas sur la
distinction biologique entre hommes et
femmes.
La catégorisation mise en place pour les
épreuves sportives des personnes handica-
pées suit souvent cette logique instituée de la
classification renvoyant au corps biologique,
et passant par des indicateurs mesurables des
différences entre les individus. Pour les diffé-
rences entre personnes handicapées, c’est la
mesure de la déficience qui s’est bien souvent
imposée comme critère de distinction, don-
nant lieu à la mise en place d’une classifica-
tion médicale sur laquelle s’organise le sys-
tème des catégories sportives4. Mais la classi-
fication médicale présente un inconvénient
majeur, celui de pouvoir être détaillée quasi-
ment à l’infini au regard de la diversité des
types de déficience et de leur gravité. Elle a
ainsi produit, en ce qui concerne les défi-
ciences motrices et physiques, une multitude
de distinctions selon la mesure de la défi-
cience, qui dans le contexte sportif aboutis-
sait à un nombre très important de catégo-
ries sportives. De ce fait elle a parfois été
récusée, accusée de discréditer le sport han-
dicapé, et en particulier le secteur du haut
niveau, en offrant l’image d’une fausse compé-
tition où tout participant était finalement
médaillé. D’autre part, elle est souvent discu-
tée sur le plan des problèmes de validité de
la mesure de la déficience qui se posent (diffi-
culté des procédures de testing de la défi-
cience motrice, ou encore de la mesure de la
déficience intellectuelle).
On peut donc dire qu’en suivant le modèle de
la catégorisation sportive en vigueur dans le
sport de haut niveau ordinaire, les personnes
handicapées ont repris à leur compte la logique
dominante, ce qui semblait pouvoir garantir
leur assimilation dans le monde sportif. Ce
modèle a abouti aujourd’hui à des rapproche-
ments certains entre sport ordinaire et sport
des personnes handicapées, puisque certaines
fédérations unisport organisent des champion-
nats nationaux au sein desquels des épreuves
sont prévues pour différentes catégories de
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