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Une des règles suivies dès septembre 1939 par la Suisse au nom de la neutralité consista à ne pas
reconnaître les Etats et les régimes nouveaux nés de la guerre, mais à conserver les relations établies avec
les Etats existant à la veille du conflit. Ainsi, malgré la disparition de l'Etat polonais en septembre 1939, le
DPF poursuivit ses relations avec la légation de Pologne à Berne, ce que Berlin considéra comme un acte
inamical. Il en alla de même avec la Belgique et la Yougoslavie.
Du côté de l'Axe, les relations avec l'Italie connurent une crise assez sérieuse en janvier 1942, lorsque Rome
demanda et obtint de Pilet-Golaz le rappel du ministre Paul Ruegger, qui s'était vivement opposé à l'octroi
d'un nouveau crédit à l'Italie. Ce n'est qu'en novembre 1942 qu'un nouveau ministre fut nommé à Rome en la
personne du banquier Peter Vieli, signataire de la Pétition des 200 et fortement recommandé par les milieux
économiques. Vieli fut rappelé en Suisse après l'armistice du 8 septembre 1943. Le gouvernement de la
Repubblica sociale italiana, dite République de Salò, fondée au nord par Mussolini sous la protection
allemande, ne fut pas reconnu de jure par Berne, suivant la règle mentionnée plus haut, mais des relations de
facto furent nouées avec un délégué commercial admis en Suisse.
En France, le ministre Walter Stucki, nommé à Paris en 1938, continua de représenter la Suisse à Vichy
jusqu'à la fin du régime de Pétain en août 1944. Depuis l'été 1943, le DPF avait noué des contacts discrets
avec les représentants de la France libre à Alger, mais ce ne fut que le 31 octobre 1944, immédiatement
après la décision analogue des Alliés, que Berne reconnut le gouvernement provisoire formé par le général de
Gaulle. Les nouvelles autorités françaises opposant leur veto au retour de Stucki à Paris (il fallait marquer une
coupure avec Vichy), le poste fut finalement occupé dès mai 1945 par Carl Jakob Burckhardt.
Avec les Alliés, les relations entre la Suisse et Londres souffrirent notamment de l'incompréhension du monde
anglo-saxon qu'on constate chez Pilet-Golaz, qui se piquait pourtant de rapports cordiaux avec les
représentants anglais à Berne, en particulier David Kelly. En décembre 1943, après le retour en Suisse du
ministre à Londres, Walter Thurnheer, Pilet-Golaz attendra plusieurs mois avant de désigner un nouveau
titulaire, Paul Ruegger, pour un poste stratégiquement aussi important que celui de la capitale britannique.
Face à la méfiance croissante de l'administration Roosevelt à l'égard de la neutralité de la Suisse et au rôle de
ses banques, Pilet-Golaz proposa en juin 1941 l'envoi d'une mission extraordinaire confiée à l'industriel Hans
Sulzer (déjà envoyé en 1917 auprès de Wilson), mais le projet fut abandonné après la décision de Washington
de "geler" les capitaux suisses. Après l'entrée en guerre des Etats-Unis, les relations se détériorèrent pour
devenir tendues en 1944-1945.
Dans le domaine des bons offices ou de la neutralité active, la Suisse joua un rôle important comme
puissance protectrice: dès le début de la guerre, le DPF se chargea de la protection des intérêts allemands
dans l'empire britannique et, après l'entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, il reprit tous les
mandats de protection dont s'étaient chargés jusque là les diplomates américains. Les intérêts de plus de
trente-cinq pays furent défendus par la Suisse, dont ceux de toutes les grandes puissances, à l'exception de
l'Union soviétique. C'est là un aspect souvent sous-estimé de la politique étrangère helvétique, qui a dû jouer
un rôle positif dans la phase finale de la guerre, notamment dans les relations avec Londres et Washington.
En 1944, Pilet-Golaz essuya un grave échec dans sa tentative de nouer des relations avec l'Union soviétique.
Un premier pas en direction de Moscou avait été fait en février 1941, lorsque Berne avait signé un accord
commercial avec les Soviétiques, mais les relations avaient été interrompues unilatéralement par les Suisses
après juin 1941. A l'été 1944, c'est Paul Ruegger, ministre à Londres, qui fut chargé par Pilet-Golaz de prendre
contact avec l'ambassade soviétique en Grande-Bretagne. La demande officielle formulée le 13 octobre
s'attira le 1er novembre un sec refus de Staline, qui accusa le gouvernement suisse d'avoir suivi pendant de
longues années une politique profasciste à l'égard de l'URSS. Ce refus entraîna la démission presque
immédiate de Pilet-Golaz, le 7 novembre. Le radical Max Petitpierre, élu au Conseil fédéral en décembre,
assuma donc la responsabilité de la diplomatie suisse pendant les derniers mois de la guerre et l'après-
guerre, périodes marquées par des négociations difficiles avec les Alliés (accord de Washington).