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06/05/2015 |
Guerre mondiale, Deuxième
La Deuxième Guerre mondiale, le conflit le plus sanglant de l'histoire (plus de 50 millions de morts, dont la
moitié de civils), trouve son origine dans les traités de paix de 1919 (traité de Versailles), dans l'impérialisme
mussolinien lié à la frustration de l'Italie et dans la situation économique et sociale due à la crise économique
mondiale. Dès l'arrivée d'Hitler à la chancellerie en 1933, l'Allemagne se prépara à la guerre, qui devait lui
assurer la domination sur l'Europe, lui fournir un espace vital à l'est et imposer la supériorité de la race
aryenne. La Société des Nations et les démocraties, faibles devant les Etats totalitaires (Fascisme, National-
socialisme), ne purent empêcher ni le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne (Anschluss), ni la crise
tchèque (conférence de Munich) en 1938, ni l'invasion de la Tchécoslovaquie en mars 1939, ni celle de la
Pologne le 1er septembre 1939, qui marque le début du conflit.
L'entrée en guerre de l'Italie le 10 juin 1940, la défaite de la France en juin et l'occupation de la zone Nord par
l'Allemagne amenèrent l'encerclement quasi total de la Suisse par les puissances de l'Axe, complet en
automne 1942 après l'invasion de la zone Sud. Epargnée militairement, la Suisse, l'un des rares Etats de droit
démocratiques fonctionnant encore sur le continent, vécut toutefois ces années sous le régime des pleins
pouvoirs. L'armée fut mobilisée, ce qui marqua durablement les esprits, la génération concernée se désignant
elle-même par "génération de la mob" (Mobilisation). La neutralité, solennellement réaffirmée, dut souffrir des
accommodements dans le domaine économique.
De mai 1940 au printemps 1942, les puissances totalitaires (Axe Rome-Berlin et Japon) menèrent le jeu, sans
totalement le gagner, puisque la bataille d'Angleterre (été 1940) et la campagne de Russie, lancée en juin
1941, ne donnèrent pas la rapide victoire allemande escomptée et que les Etats-Unis, jusque là neutres,
entrèrent en guerre en décembre 1941 après l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. Dès l'été 1942, les Alliés
(Angleterre et Commonwealth, URSS, Etats-Unis, France libre et Chine) reprirent l'avantage sur tous les fronts
(Russie, Pacifique, Afrique du Nord). Après le débarquement en Normandie (6 juin 1944), la guerre se
rapprocha à nouveau de la Suisse, l'encerclement étant brisé en août 1944 avec l'arrivée des troupes
américaines à la frontière ouest. La capitulation allemande (8 mai 1945, communément mais faussement
appelée armistice) marqua la fin de la guerre en Europe. La Suisse ne retrouva une situation normale qu'avec
la fin totale du rationnement (1948) et le retour complet à la démocratie directe en 1949.
Auteur(e): La rédaction
1 - Aspects militaires
1.1 - La première mobilisation générale
En août 1939, la guerre paraissait inévitable, surtout après la signature le 23 août du pacte de non-agression
germano-soviétique. Avant même le 1er septembre (début de l'invasion allemande en Pologne), la Suisse
mobilisa ses brigades frontières ainsi qu'une partie de ses forces aériennes et de ses troupes de défense
contre avions. Le 30 août, l'Assemblée fédérale élut Henri Guisan général et Jakob Labhart chef de l'état-
major général (Haut commandement). Le Conseil fédéral décréta la mobilisation générale (Service actif).
La Grande-Bretagne et la France déclarèrent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre. Six ou sept divisions
françaises étaient stationnées à la frontière suisse et l'état-major ne pouvait pas exclure que les Alliés ne les
lancent à travers la Suisse dans une attaque de diversion contre le sud de l'Allemagne presque vide de
troupes. L'armée suisse déploya donc dès le soir du 4 septembre des divisions pour couvrir les régions
frontalières. Après la défaite de la Pologne (début octobre), la Wehrmacht amena ses effectifs sur le front
ouest; on attendait une offensive contre la France à la fin d'octobre. Mais l'hiver 1939-1940 se passa sans
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action d'envergure (période dite de la "drôle de guerre").
Le général Guisan fit aménager et renforcer une ligne de défense contre l'Allemagne sur la Limmat. A la fin de
novembre 1939 seulement, on commença à réduire les effectifs mobilisés. A la suite d'un conflit avec Jakob
Labhart sur les positions de l'armée, Guisan confia le poste de chef d'état-major, le 26 mars 1940, à Jakob
Huber. Avec l'aval du conseiller fédéral Rudolf Minger, chef du Département militaire, il prépara une
éventuelle collaboration avec l'armée française en cas d'invasion allemande. Les discussions furent menées
secrètement par des officiers de liaison. Après la débâcle française, les Allemands découvriront à Dijon (et
non à La Charité-sur-Loire comme affirmé communément) les documents relatifs à ces tractations, peu
compatibles avec la neutralité.
Auteur(e): Hans Senn / PM
1.2 - La deuxième mobilisation générale
Le 10 mai 1940, Hitler lança l'offensive contre la France, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg. Le
lendemain, tous les hommes démobilisés se trouvèrent à nouveau sous les drapeaux. Le commandement
suisse craignait que la Wehrmacht ne contourne la ligne Maginot par le sud, par la Suisse. Après la guerre, il
s'avéra que le service de renseignement avait été trompé sur ce point par une manœuvre allemande de
diversion.
En juin, le théâtre des combats se rapprocha de la frontière ouest; Guisan transféra des troupes de la Limmat
vers le Jura, entre Genève et Bâle. L'armée protégeait le territoire national de tous côtés, mais dans ce
dispositif étiré, elle n'aurait pas pu offrir une longue résistance contre une attaque massive. Au milieu de juin,
la place de Belfort fut attaquée par la 7e armée allemande qui avait franchi le Rhin et par les chars de Heinz
Guderian débouchant du plateau de Langres. Le 45e corps français, qui la défendait, fut débordé et acculé à la
frontière suisse; 43 000 hommes furent internés.
A l'entrée en vigueur de l'armistice franco-allemand (22 juin 1940), la Suisse était entièrement encerclée par
les puissances de l'Axe, à l'exception d'une petite partie de la rive du Léman. Irrité par la perte de onze
avions allemands, abattus par l'armée suisse sur territoire suisse, Hitler avait mis à l'étude le 23 juin un plan
d'attaque (baptisé en octobre 1940 opération Tannenbaum) et ordonné à la 12e armée du général-feld-
maréchal Wilhelm List de marcher vers la frontière du Jura. Ce plan prévoyait que le gros de l'armée suisse
serait défait sur le Plateau, pendant que des forces italiennes s'empareraient des régions alpines. Sa
réalisation fut retardée d'abord par des divergences entre Hitler et Mussolini sur le partage de la proie, puis
parce que le Führer eut d'autres préoccupations (bataille d'Angleterre, projets de conquête d'"espace vital" à
l'est).
Le Conseil fédéral et le général étaient d'avis que Hitler n'avait plus besoin, après la défaite de la France,
d'attaquer la Suisse encerclée, puisqu'il lui suffisait d'exercer des pressions politiques et économiques. On
démobilisa donc les soldats les plus âgés le 6 juillet. Au milieu de juillet, Guisan adopta un nouveau dispositif
stratégique, fondé sur trois éléments: la couverture des frontières, la résistance dans le Jura et sur le Plateau,
destinée à gagner du temps, et la défense de l'espace central, liée à la menace de détruire les passages
alpins en cas d'agression. Il présenta ses décisions aux officiers réunis le 25 juillet 1940 pour le rapport du
Grütli. Au commencement d'août, il mit en place un tournus qui maintenait en permanence environ 120 000
hommes sous les drapeaux.
Auteur(e): Hans Senn / PM
1.3 - Tenir bon
En mai 1941, le réduit national ayant été suffisamment garni de provisions pour les troupes et la population,
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Guisan y concentra le gros de l'armée (une moitié s'y trouvait déjà). Le commandement considérait les
passages alpins comme son principal atout dans sa stratégie de dissuasion envers les puissances de l'Axe; il
prépara donc avec un soin particulier leur éventuelle destruction (minage des tunnels ferroviaires: 2043
charges explosives étaient en place à la fin de 1941).
L'intervention allemande en Afrique du Nord et le début de la campagne contre la Russie en juin 1941
rendirent la situation de la Suisse moins critique, car la Wehrmacht aurait eu de la peine à rassembler les
troupes nécessaires à une invasion. Après les défaites allemandes en Afrique (novembre 1942) et à Stalingrad
(février 1943), suivies du débarquement allié en Italie, les SS conçurent un plan de défense de la "forteresse
Europe" dans lequel la Suisse était censée jouer un rôle important. Cela aboutit à l'"alarme de mars" 1943 et
à la fausse annonce par le service de renseignement d'une attaque imminente contre la Suisse.
En 1944, les Alliés débarquèrent en Normandie et en Provence; le théâtre des opérations se rapprocha de
nouveau de la Suisse. Il y eut des violations de la frontière occidentale en automne 1944, quand la 7e armée
américaine s'approcha de Belfort où les Allemands s'étaient retranchés. Au printemps 1945, il fallut défendre
la frontière nord, lorsque de Lattre de Tassigny passa le Rhin près de Bâle avec son armée et pénétra en
Allemagne du Sud.
Du côté de l'Italie aussi, les combats (qui avaient commencé en Sicile en été 1943) atteignaient les régions
proches de la Suisse. La chute de Mussolini, l'arrivée de milliers de réfugiés italiens, les actions des partisans,
qui proclamèrent notamment en septembre 1944 une République de l'Ossola (jusqu'en octobre 1944)
exigeaient une forte présence militaire. La capitulation des troupes allemandes stationnées en Italie (2 mai
1945) fut l'aboutissement de négociations menées en Suisse sous la médiation du major Max Waibel
(opération Sunrise, mars-avril 1945). La guerre se termina en Europe par la capitulation de l'Allemagne le 8
mai 1945. Le service actif se prolongea jusqu'au 20 août 1945, pour des travaux de déblaiement.
Auteur(e): Hans Senn / PM
1.4 - L'armement et les troupes
Au début de la guerre, l'armement suisse était déficient. L'artillerie manquait d'armes lourdes. L'armée
comptait seulement vingt-quatre blindés légers en 1939, les forces aériennes ne disposaient que d'appareils
vieillis, mis à part trente-huit Messerschmitt et deux Morane. L'aménagement de tranchées était censé
compenser les lacunes de l'armement (Fortifications). L'armée n'avait guère de réserves de matières
premières et autres matériaux; il fallut les constituer pendant le conflit, au prix fort. Jusqu'à l'entrée en guerre
de l'Italie (juin 1940), on put importer par les ports de ce pays des matières premières nécessaires à la
fabrication en Suisse de matériel militaire. Entre 1939 et 1945, l'équipement de l'armée suisse passa de 898
pièces antichars à 5974, de 36 canons antiaériens légers à 3365, de 8 canons antiaériens lourds à 274, de
216 avions à 530. Mais, en dépit de ces améliorations, des lacunes subsistèrent jusqu'à la fin de la guerre,
faute d'usines et de métal.
Le nombre des hommes mobilisés était de 430 000 en août 1939, de 450 000 en mai 1940. Il fut réduit dans
l'intervalle (220 000 en avril 1940) et se maintint ensuite à une moyenne de 120 000 hommes. On créa en
avril 1940 le service complémentaire féminin (Service féminin de l'armée (SFA)), dont les membres
volontaires (15 000 à la fin de 1940) assumaient des tâches à l'arrière. En outre, 127 000 hommes âgés et
très jeunes gens faisaient partie des gardes locales en janvier 1941.
Si la troupe garda bon moral pendant les premiers mois, on put ensuite constater des signes de fatigue, bien
que le service ne fût plus fondé comme pendant la Première Guerre sur le seul drill. La volonté de défense
diminua, dans la mesure où une attaque contre la Suisse devenait moins vraisemblable. Le retrait dans le
réduit, dès l'été 1940, présenté à l'opinion suisse et étrangère comme un acte de résistance, fut un
soulagement pour l'armée, car la défense de la forteresse alpine demandait moins de troupes que la
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couverture des frontières. On introduisit alors un système de permissions qui, sans démobiliser les unités,
libérait un certain pourcentage des effectifs, afin de rendre à l'agriculture et à l'industrie la main-d'œuvre qui
leur manquait.
Auteur(e): Hans Senn / PM
1.5 - La Suisse touchée par des actes de guerre
Après la défaite française de juin 1940, la Suisse se trouva durant plus de quatre ans éloignée des opérations
militaires. Mais elle ne fut pas totalement épargnée. La guerre aérienne à outrance que les Anglais et les
Américains menèrent contre l'Allemagne et l'Italie dès août 1940 se traduisit par de fréquentes violations de
l'espace aérien suisse (6501 cas). Seize appareils furent abattus par les forces aériennes suisses et neuf par
la défense contre avions, 191 durent atterrir d'urgence et 56 s'écrasèrent. La Suisse introduisit
l'obscurcissement en novembre 1940. Elle subit septante-sept bombardements, qui firent au total quatre-
vingt-quatre morts; le cas le plus grave se produisit à Schaffhouse le 1er avril 1944 (quarante morts, plus de
cent blessés, destruction de biens culturels). Les Alliés versèrent des dédommagements pour les dégâts
causés par leurs bombes.
La Suisse neutre fut aussi une plaque tournante idéale pour les espions de tous les pays belligérants. A Berne,
Allan W. Dulles dirigeait le centre collecteur d'informations du service secret des Etats-Unis pour l'Allemagne,
la France et l'Italie. La Suisse abritait en outre des services de renseignement anglais, français, italiens et
même chinois et japonais.
Auteur(e): Hans Senn / PM
2 - Politique étrangère
Le secteur économique, zone grise mal délimitée par les obligations de la politique de neutralité réaffirmée
par le Conseil fédéral le 31 août 1939, joua un rôle central dans les relations extérieures de la Suisse pendant
la guerre. Le successeur de Giuseppe Motta à la tête du Département politique (DPF, auj. Affaires étrangères)
dès mars 1940, le radical Marcel Pilet-Golaz, n'exerça qu'un rôle marginal en la matière, si l'on excepte
quelques interventions à des moments importants, comme en juin 1940, pour recommander, au nom du
réalisme, des concessions financières en faveur du Reich. Le premier rôle revint à la délégation permanente
pour les négociations économiques avec l'étranger, composée de Heinrich Homberger du Vorort et de Jean
Hotz de la Division du commerce, mais où l'on trouvait aussi le spécialiste financier du DPF, Robert Kohli. Ce
dernier prit en outre dès novembre 1941 la direction d'une importante section du DPF chargée de protéger les
intérêts suisses à l'étranger, qui développa avec le temps une véritable diplomatie financière.
Lors de la grave crise de l'été 1940, Pilet-Golaz adopta une tactique de "profil bas" au nom de la Realpolitik,
mais le discours radiodiffusé du 25 juin, qu'il prononça en tant que président de la Confédération, sema le
trouble dans l'opinion à cause de ses passages ambigus, impression accentuée dans la version allemande du
texte. Pilet-Golaz n'alla toutefois pas aussi loin que l'aurait souhaité le ministre de Suisse à Berlin, Hans
Frölicher. Le 10 juin, celui-ci écrivait à Pilet-Golaz que la politique de neutralité de la Suisse devait désormais
s'appuyer sur l'amitié de l'Allemagne et de l'Italie et proposait comme premier pas la rupture rapide de tout
lien avec la SdN, proposition relayée à l'automne dans la célèbre Pétition des 200. Tout en se refusant à une
décision aussi radicale, le Conseil fédéral n'en décida pas moins de cesser dès 1941 le versement de la
contribution annuelle à la SdN et de limiter au strict minimum les relations avec son secrétariat à Genève.
Quant à Frölicher, il proposa après le début de l'opération Barbarossa (juin 1941) l'envoi de missions
sanitaires suisses sur le front allemand de l'Est. En août 1940, estimant que l'action de Frölicher n'était pas
assez efficace, le général Guisan prit l'initiative de proposer au Conseil fédéral l'envoi à Berlin en mission
extraordinaire d'un «homme nouveau» en la personne de Carl Jakob Burckhardt, ce qui outrepassait ses
compétences. Le chef de l'armée renouvela en vain sa proposition en novembre 1940.
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Une des règles suivies dès septembre 1939 par la Suisse au nom de la neutralité consista à ne pas
reconnaître les Etats et les régimes nouveaux nés de la guerre, mais à conserver les relations établies avec
les Etats existant à la veille du conflit. Ainsi, malgré la disparition de l'Etat polonais en septembre 1939, le
DPF poursuivit ses relations avec la légation de Pologne à Berne, ce que Berlin considéra comme un acte
inamical. Il en alla de même avec la Belgique et la Yougoslavie.
Du côté de l'Axe, les relations avec l'Italie connurent une crise assez sérieuse en janvier 1942, lorsque Rome
demanda et obtint de Pilet-Golaz le rappel du ministre Paul Ruegger, qui s'était vivement opposé à l'octroi
d'un nouveau crédit à l'Italie. Ce n'est qu'en novembre 1942 qu'un nouveau ministre fut nommé à Rome en la
personne du banquier Peter Vieli, signataire de la Pétition des 200 et fortement recommandé par les milieux
économiques. Vieli fut rappelé en Suisse après l'armistice du 8 septembre 1943. Le gouvernement de la
Repubblica sociale italiana, dite République de Salò, fondée au nord par Mussolini sous la protection
allemande, ne fut pas reconnu de jure par Berne, suivant la règle mentionnée plus haut, mais des relations de
facto furent nouées avec un délégué commercial admis en Suisse.
En France, le ministre Walter Stucki, nommé à Paris en 1938, continua de représenter la Suisse à Vichy
jusqu'à la fin du régime de Pétain en août 1944. Depuis l'été 1943, le DPF avait noué des contacts discrets
avec les représentants de la France libre à Alger, mais ce ne fut que le 31 octobre 1944, immédiatement
après la décision analogue des Alliés, que Berne reconnut le gouvernement provisoire formé par le général de
Gaulle. Les nouvelles autorités françaises opposant leur veto au retour de Stucki à Paris (il fallait marquer une
coupure avec Vichy), le poste fut finalement occupé dès mai 1945 par Carl Jakob Burckhardt.
Avec les Alliés, les relations entre la Suisse et Londres souffrirent notamment de l'incompréhension du monde
anglo-saxon qu'on constate chez Pilet-Golaz, qui se piquait pourtant de rapports cordiaux avec les
représentants anglais à Berne, en particulier David Kelly. En décembre 1943, après le retour en Suisse du
ministre à Londres, Walter Thurnheer, Pilet-Golaz attendra plusieurs mois avant de désigner un nouveau
titulaire, Paul Ruegger, pour un poste stratégiquement aussi important que celui de la capitale britannique.
Face à la méfiance croissante de l'administration Roosevelt à l'égard de la neutralité de la Suisse et au rôle de
ses banques, Pilet-Golaz proposa en juin 1941 l'envoi d'une mission extraordinaire confiée à l'industriel Hans
Sulzer (déjà envoyé en 1917 auprès de Wilson), mais le projet fut abandonné après la décision de Washington
de "geler" les capitaux suisses. Après l'entrée en guerre des Etats-Unis, les relations se détériorèrent pour
devenir tendues en 1944-1945.
Dans le domaine des bons offices ou de la neutralité active, la Suisse joua un rôle important comme
puissance protectrice: dès le début de la guerre, le DPF se chargea de la protection des intérêts allemands
dans l'empire britannique et, après l'entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, il reprit tous les
mandats de protection dont s'étaient chargés jusque là les diplomates américains. Les intérêts de plus de
trente-cinq pays furent défendus par la Suisse, dont ceux de toutes les grandes puissances, à l'exception de
l'Union soviétique. C'est là un aspect souvent sous-estimé de la politique étrangère helvétique, qui a dû jouer
un rôle positif dans la phase finale de la guerre, notamment dans les relations avec Londres et Washington.
En 1944, Pilet-Golaz essuya un grave échec dans sa tentative de nouer des relations avec l'Union soviétique.
Un premier pas en direction de Moscou avait été fait en février 1941, lorsque Berne avait signé un accord
commercial avec les Soviétiques, mais les relations avaient été interrompues unilatéralement par les Suisses
après juin 1941. A l'été 1944, c'est Paul Ruegger, ministre à Londres, qui fut chargé par Pilet-Golaz de prendre
contact avec l'ambassade soviétique en Grande-Bretagne. La demande officielle formulée le 13 octobre
s'attira le 1er novembre un sec refus de Staline, qui accusa le gouvernement suisse d'avoir suivi pendant de
longues années une politique profasciste à l'égard de l'URSS. Ce refus entraîna la démission presque
immédiate de Pilet-Golaz, le 7 novembre. Le radical Max Petitpierre, élu au Conseil fédéral en décembre,
assuma donc la responsabilité de la diplomatie suisse pendant les derniers mois de la guerre et l'après-
guerre, périodes marquées par des négociations difficiles avec les Alliés (accord de Washington).
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