MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 5 - mai 2005
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FORMES DU PACIFIQUE OUEST
Il existe trois foyers de haute incidence du complexe SLA/Par-
kinson/démence, situés dans les îles du Pacifique Ouest (île de
Guam, péninsule Kii au Japon et région Ouest de la Nouvelle-
Guinée). De nombreux travaux ont été réalisés pour identifier un
facteur environnemental causal. La principale hypothèse implique
l’exposition au bêta-N-méthylamino-L-alanine (BMMA), acide
aminé excitateur contenu dans les cycades circinalis utilisées dans
l’alimentation comme farine. Plus récemment, certains auteurs
ont suggéré l’intervention d’un phénomène de biomagnification,
c’est-à-dire d’augmentation de la concentration d’un contaminant
le long de la chaîne alimentaire. En effet, de fortes concentrations
de BMMA ont été mises en évidence dans des tissus de chauves-
souris, animaux qui ingèrent la cycade circinalis et qui sont
consommés par les populations indigènes (1). Le lien avec le
complexe SLA/Parkinson/démence demeure toutefois spéculatif.
Par ailleurs, il a été suggéré que le développement des formes
endémiques de SLA nécessitait la présence d’un terrain génétique
prédisposant.
Il est important de souligner que les formes du Pacifique Ouest se
distinguent sur le plan anatomopathologique par l’accumulation
dans les neurones de neurofilaments constitués de protéine tau,
comme c’est le cas dans la maladie d’Alzheimer. Ces anomalies
permettent d’intégrer le complexe SLA/Parkinson/démence dans
le groupe des taupathies, et donc dans un cadre différent de celui
de la SLA classique. Toutefois, l’étude des formes endémiques
de SLA demeure un modèle privilégié pour la compréhension des
interactions gènes/environnement pouvant jouer un rôle dans le
déclenchement d’une dégénérescence motoneuronale.
FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
DANS LA SLA SPORADIQUE
Le rôle de l’exposition à des métaux lourds a été suggéré par
plusieurs études dont les résultats restent controversés.
Une étude prospective récente réalisée aux États-Unis a montré
un risque accru de SLA chez les militaires.
Un grand nombre de facteurs environnementaux ont été étudiés dans
l’optique de déterminer leur implication éventuelle dans la SLA
sporadique. Il est important de garder en mémoire que ces études
sont limitées sur le plan méthodologique par un manque de puis-
sance lié à la relative rareté de la SLA. Il en découle que l’absence
de démonstration d’un lien statistique pour un facteur donné ne
permet pas d’éliminer son rôle causal dans la maladie. D’autre
part, l’existence de biais méthodologiques potentiels dans de
nombreuses études épidémiologiques publiées explique que les
résultats soient souvent controversés. Ainsi, certaines études ont
suggéré une association avec le fait d’occuper un emploi ou de
vivre en milieu rural, sans que cette association puisse être
étayée par d’autres travaux. D’autres études épidémiologiques
ont évoqué le rôle possible de l’exposition à des radiations ou
encore à des solvants ou à d’autres substances chimiques.
Il existe une littérature abondante sur le rôle putatif de l’exposi-
tion à des métaux lourds. Le rôle du plomb a fait l’objet d’une
attention particulière, compte tenu de son effet toxique bien docu-
menté sur les neurones moteurs. L’effet sélectif de cette neuro-
toxine pour les motoneurones pourrait être lié à son transport
axonal rétrograde depuis les muscles jusqu’aux cellules de la corne
antérieure. L’empoisonnement au plomb peut parfois donner lieu
à un syndrome clinique semblable à la SLA qui a pour particula-
rité de s’améliorer avec les agents chélateurs. Certaines études ont
relevé une augmentation de risque chez des travailleurs pratiquant
le métier de soudeur, ainsi exposés à des vapeurs de plomb. Les
résultats des études épidémiologiques restent toutefois globale-
ment contradictoires. Une seule étude cas-contrôles de petite
taille a démontré des niveaux plus élevés de plombémie chez des
patients souffrant de SLA. D’autre part, le lien avec l’élévation
des niveaux de plomb dans le liquide céphalorachidien (LCR),
évoqué par certaines études, n’a pas été confirmé. Des niveaux
élevés de plomb dans la moelle épinière ont été rapportés, mais
ils pourraient uniquement traduire l’accumulation secondaire de
ce métal dans les tissus malades.
Les données concernant le rôle d’autres métaux dans la survenue
de la SLA sont également controversées. Une cohorte de 5182 rési-
dents du Reggio Emilia (Italie), accidentellement exposés au
sélénium, présent dans les conduites d’eau potable, a fait l’objet
d’un suivi sur une période de 9 ans, au cours de laquelle 4 sujets
ont présenté un diagnostic de SLA. Cette incidence pourrait sug-
gérer une faible association avec cet élément, mais cette relation
n’a pas été retrouvée dans une étude cas-témoins. Les données de
la littérature sont également contradictoires concernant le rôle
d’une exposition au manganèse, à l’aluminium ou encore au
mercure. D’autre part, il n’a pas été mis en évidence de relation
entre la SLA et les taux de fer dans le sang, le muscle, le LCR ou
encore la moelle épinière.
FACTEURS TRAUMATIQUES
Plusieurs études ont rapporté des cas de SLA survenus à la suite
d’une électrocution (2), mais il s’agit de cas souvent anecdotiques
qui demandent à être confirmés sur le plan épidémiologique.
Enfin, les travaux scientifiques apportent peu de poids en général
à l’hypothèse que des facteurs traumatiques physiques puissent
contribuer à la SLA. Cependant, des données récentes font part
d’un risque accru chez les joueurs de soccer (football américain).
Cette incidence pourrait être liée à des traumatismes fréquents,
mais également à d’autres facteurs comme l’exercice physique
intense, les habitudes diététiques ou encore la consommation
d’agents pharmacologiques dopants (3).
HABITUDES DE VIE
Il a été suggéré que des niveaux élevés d’exercice physique contri-
buaient à l’apparition de la SLA en soumettant au stress oxydant des
motoneurones déjà vulnérables, mais les études épidémiologiques