Analyse génétique du cancer de la prostate familial

publicité
ARTICLE
Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
ORIGINAL
Analyse génétique du cancer de la prostate familial :
localisation d’un gène prédisposant au cancer de la prostate (PCaP)
sur le chromosome 1q 42.2-43
Antoine VALERI (1, 2), Eric DRELON (1), Thomas PAISS (4, 5), Walter VOGEL (4) , Robert de PETRICONI (5),
Richard HAUTMANN (5), Georges FOURNIER (2), Philippe MANGIN (3) ,
Philippe BERTHON (1), Olivier CUSSENOT (1)
(1) Centre
de Recherches pour les Pathologies Prostatiques, Hôpital Saint-Louis, Paris, France,
d’Urologie, CHRU de Brest, France, (3) Service d’Urologie , CHRU de Nancy, France,
(4) Abteilung für Medizinische Genetik der Universität Ulm, Allemagne, (5) Urologische Universitätsklinik, Ulm, Allemagne
(2) Service
RESUME
Buts : Réaliser une analyse de liaison génétique afin de localiser les gènes de prédisposition au cancer de la prostate (CaP) héréditaire. En effet, différentes études épidémiologiques ont mis en évidence une agrégation familiale dans 15 à 25 % des cas, et
la survenue de formes héréditaires dans 5 à 10 % des CaP.
Méthodes : Une étude génétique portant sur 47 familles Françaises et Allemandes, a
été réalisée, incluant 122 patients et 72 sujets considérés comme sains après dosage du
PSA. Cette étude a été conduite par analyse de liaison portant sur 364 marqueurs
microsatellites répartis sur tout le génome (en moyenne tous les 10 cM.).
Résultats : Les analyses de liaison paramétriques et non paramétriques ont permis
l'identification d'un locus sur le chromosome 1q 42.2-43, qui pourrait être porteur
d'un gène prédisposant au CaP (bâptisé PCaP). La localisation primaire a été confirmée par plusieurs marqueurs, en utilisant 3 modèles génétiques différents. Le LOD
score maximum (probabilité de liaison entre le locus et la maladie) en analyse bi-point
atteignait 2.7 pour le marqueur D1 S2785. L'analyse multipoint paramétrique et non
paramétrique a permis d'obtenir un HLOD score et un NPL score respectivement de
2.2 et 3.1 (avec P=0.001). L'analyse d'hétérogénéité avec calculs de LOD scores en
analyse multi-point a permis d'estimer jusqu'à 50 % la proportion de CaP héréditaires en rapport avec ce locus, avec une probabilité d'hétérogénéité de 157/1. De plus,
I'étude d'un sous-groupe de 9/47 familles caractérisées par un CaP à début précoce
(avant l'âge de 60 ans), a confirmé la très forte probabilité de localisation d'un gène
de prédisposition sur le locus 1q42.2-43 pour ces familles (LOD score multi-point et
un NPL score respectivement de 3.31 et 3.32 avec P=0.001).
Conclusion : La localisation de gènes de prédisposition permet d'envisager à moyen
terme, I'identification au sein des familles des sujets ayant hérité de l'anomalie génétique et donc à haut risque de CaP. Il sera alors possible de réaliser un dépistage ciblé
du CaP afin de réaliser un diagnostic le plus précoce possible.
Mots clés : Cancer de la prostate, génétique, transmission héréditaire, conseil génétique.
Depuis les travaux de MORGANTI [24] décrivant pour la
première fois l'existence de formes familiales de cancer
de la prostate (CaP), plusieurs études ont confirmé
l'agrégation familiale de CaP dans environ 15 à 25%
des cas et la survenue de formes héréditaires dans 5 à
10% cas [37], avec une transmission autosomique*
dominante* [4, 13, 31]. L'hypothèse d'une transmission
récessive* ou encore liée au chromosome X a égale-
ment été évoquée [23, 27]. Une étude récente, par analyse de liaison génétique*, a proposé la localisation
d'un gène de prédisposition* au CaP sur le chromosome 1q 24-25, qui serait impliqué dans 30% des CaP
Manuscrit reçu : mars 1999, accepté : juin1999.
Adresse pour correspondance : Dr. A. Valeri, Service d’Urologie, Hôpital de la
Cavale Blanche, 29609 Brest Cedex.
680
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
héréditaires (33). Ce locus* nommé HPC 1 (Hereditary
Prostate Cancer 1) reste un sujet de controverse. Ce
locus a été confirmé par deux autres equipes avec une
significativité faible [6, 15] et par une extension à de
nouvelles familles [14] du travail de SMITH [33].
Cependant cette localisation n'a pas été confirmée par
plusieurs autres études comprenant notamment les travaux du consortium U.K/Canada/Texas [9] et de trois
groupes Nord Américains [3, 22, 35]). Un autre locus de
prédisposition au CaP siègeant sur le chromosome 1 (1
p36) vient d'être localisé par une équipe américaine, et
serait impliqué dans les familles où existent des CaP
mais également des tumeurs cérébrales [12]. Par
ailleurs, un autre gène de prédisposition* a récemment
été localisé sur le bras long du chromosome X (Xq 2728) nommé HPCX qui pourrait expliquer jusqu'à 16%
des cas héréditaires [41].
Etude de l'ADN constitutionnel : génotypage
Pour chaque individu dont le prélèvement était opportun pour l'étude, l'ADN constitutionnel a été extrait
directement à partir des leucocytes circulants et des
lignées de Iymphocytes ont été immortalisées [36]. Les
marqueurs génétiques* utilisés pour le génotypage*
(n= 364), de type microsatellites* ont été sélectionnés
au sein de la carte génétique du Généthon [8)]afin d'obtenir un intervalle génétique moyen de 10
centiMorgan* (cM).
Deux méthodes successives ont été utilisées. La première mise au point au laboratoire du Généthon par
VIGNAL [39] utilise une technique semi automatisée de
génotypage* microsatellite* après amplification des
marqueurs par PCR. Par cette méthode 216 marqueurs
ont été étudiés. En pratique 50 µl de solution PCR
étaient préparés avec 60 ng d'ADN dans des microplaques (96 puits) en utilisant un robot permettant une
distribution rapide et précise à large échelle. Les produits PCR de 16 marqueurs étaient mélangés puis
coprécipités avant électrophorèse sur gels dénaturants
de polyacrylamide à 6%. Les produits ainsi séparés
étaient ensuite transférés sur membranes Hybond N+
(Amersham) et fixés par UV. Ces différentes étapes
(des PCR aux transferts) ont été effectuées au
Laboratoire de génotypage* du Généthon (Evry,
France). Les membranes étaient ensuite hybridées avec
3 sondes de tailles suffisamment distinctes pour permettre après révélation sur films, une lecture aisée.
L'ADN de sujets témoins (famille CEPH 134702) était
analysé pour chaque marqueur afin de disposer de
contrôles positifs avec la taille de référence [8].
L'allèlotypage* était obtenu par comparaison avec les
contrôles positifs. La lecture des membranes a été
effectuée par au moins 2 membres de l'équipe et de
manière indépendante.
Afin d'identifier les gènes prédi sposant au CaP et
grâce à l'implication de la communauté urologique
française, nous avons effectué une collecte nationale
de fami lles avec au moins 2 cas de CaP (Etude
ProGène) [36]. Pour les familles informatives*
(formes héréditaires, grandes fratries) une banque
d'ADN constitutionnel a été constituée. Ceci a permis
de réaliser une analyse de liaison génétique* incluant
par ailleurs des familles recensées à partir d'une étude
allemande. Nous avons ainsi pu localiser un gène
prédisposant au CaP (nommé PCaP) sur le chromosome 1q 42.2 - 43, dont le locus* est si gnificativement distant du gène HPC 1 en 1q 24 - 25 [33].
MATERIEL ET METHODES
Collecte des familles
La méthodologie de la collecte familiale, publiée antérieurement [36], a également été détaillée dans un
autre article de ce même volume (38). L'étude a été initiée en juillet 1994, incluant des familles avec au
moins 2 CaP dont l'histologie confirmant le diagnostic
était disponible. Un sous groupe de familles respectant
les critères d'informativité* pour analyse de liaison
génétique* a pu ainsi être précisé. Il s'agissait de
familles porteuses de CaP héréditaires répondant aux
critères de CARTER [4], avec au moins 3 cas de CaP,
dont au moins 2 cas vivants acceptant un prélèvement
sanguin pour analyse de l'ADN (génotypage). Une
méthodologie comparable a été appliquée à l'étude
allemende. Par ailleurs un dosage du PSA a été systématiquement réalisé chez les sujets des familles étudiées ayant plus de 40 ans avant de les considérer
comme non atteints dans l'analyse.
La seconde méthode a été réalisée afin de compléter
le génotypage* et obtenir un total de 364 marqueurs
en utilisant un séquenceur semi automatisé ABI 377.
Les réactions PCR (volume total de 15µl) contenaient 30 ng d'ADN, 4-50 pmoles d' amorce de
chaque marqueur fluorescent, 0.6 U de Taq polymérase, 0.25 mM de dNTP, 2.5 mM MgCI2 et des tampons compléme ntai res. Les conditi ons de PCR
incluaient une dénat uration initiale de 10 min à
95°C; 10 cycles de dénaturation (94°C pendant 15 s),
annealing (55°C pendant 15s) et une élongation
(72°C pendant 30 s); ainsi qu'une élongation finale de
10 min à 72 °C. Trois à cinq PCR étaient réalisées en
multiplex. Douze marqueurs étaient analysés simultanément par un séquenceur semi automati que (ABI
377). L'allèlotypage* était effectué par le programme
Genescan et Genotyper ll, par comparaison avec les
al lèles* des contrôles positifs des membres des
famill es CEPH 134702 et 88415.
Pour les lecteurs pour lesquels la terminologie génétique n’est pas familière, un
glossaire a été inclus en annexe. Les termes explicités dans ce glossaire sont indiqués dans le texte par un astérisque (*).
681
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
Analyse de liaison
Tableau 1. Caractéristiques des familles génotypées.
Celle-ci a pour but de chercher un marqueur chromosomique* (de siège connu) dont un même allèle* est
constamment cohérité,avec le CaP. Le gène de prédisposition* et le marqueur étant liés, puisque cohérités,
ils ne donnent pas de recombinaison* lors de la méïose. L'analyse de liaison* apprécie la vraisemblance
d'une liaison génétique pour diverses valeurs de recombinaison (θ) voisines de zéro et pour un marqueur
donné [16].
Paramètre
L'analyse bi-point paramétrique des LOD scores* a été
réalisée en utilisant le programme MLINK du logiciel
Fastlink 3.0P [7, 18] (et l'analyse multipoint* paramétrique* et non paramétrique* des LOD scores* [40] en
utilisant Genehunter [17]. Des contrôles réalisés à partir
de Linkmap [7] ou Vitesse [28] n'ont montré aucune différence significative pour les LOD scores* en analyse
paramétrique* multipoint*. Trois modèles génétiques
ont été utilisés. Tous ces modèles ont été choisis sur la
base d'une transmission autosomique* dominante* d'un
gène avec un allèle* morbide de fréquence 0.003 et une
pénétrance* totale de 88% à 85 ans [4]. Dans ces
modèles nous avons utilisé des classes de pénétrance*
âge-dépendantes avec pour les génotypes* de prédisposition (hétérozygotes* et éventuellement homozygotes*)
les paramètres suivants: 0,01 avant 40 ans, 0.1 entre 40
et 55 ans, 0.5 entre 55 et 70 ans et 0.9 après 70 ans. La
différence entre les 3 modèles était la pénétrance* du
génotype* non prédisposant avec un taux de phénocopie* de 0,01 quel que soit l'âge dans le modèle 1, 10%
dans le modèle 2 et dans le modèle 3 un taux de phénocopie* constant de 15% comme dans le modèle utilisé
dans l'étude de SMITH [33]. Le statut des femmes était
considéré comme inconnu. Les fréquences allèliques*
ont été considérées selon la base d'un échantillon de 50
individus indépendants. La comparaison avec les fréquences publiées paR Dib [8] n'a montré aucune différence significative.
Age moyen (ans) au diagnostic (extrêmes)
Résultat
Nombre de familles étudiées
47
Nombre d’individus génotypés
194
Nombre de sujets atteints génotypés
122
Nombre moyen de CaP/famille (extrêmes)
3,31 (3-8)
Nombre moyen de CaP génotypés/
famille (extrêmes)
2,60 (2-5)
65,9 ± 8,8 (41-85)
se secondaire de liaison bi-point* et multi-point* paramétrique* et non paramétrique* portant sur 14 marqueurs de la région d'intérêt (répartis sur 40.3 cM) a
confirmé cette localisation. Nos résultats montrent un
LOD score* de 2,7 pour θ = 0,1 en analyse bi-point
selon le modèle 1 pour le marqueur D1S2785. En analyse multipoint* le LOD score* était de 1,89 selon le
modèle 2 et selon le modèle 1 l'hypothèse d'hétérogénéité* donnait un HLOD score de 2.2. L'analyse multipoint* non paramétrique* NPL [ 40], qui est indépendante du modèle génétique, confirmait ces données permettant d'obtenir un LOD score* de 3,1 avec P = 0,001.
La valeur α, proportion de familles liées à ce locus a été
déterminée de deux manières. Genehunter a été utilisé
pour pour le calcul de HLOD [32], qui est un LOD
score* non paramétrique* [17]. Selon le modèle 1, α
était égal à 48 %, alors que le modèle 2 ne montre pas
d'hétérogénéité* au voisinage du LOD score* maximal.
Par ailleurs une analyse d'homogénéité génétique selon
le programme Homog [25, 29] en analyse multipoint*
permet d'o bserver une proportion α semblable (50%),
avec une probabilité de 157/1 en faveur de l'hétérogénéité*, pour le modèle 1. Le modèle 2 ne montrait aucun
résultat en faveur d'une hétérogénéité. Cependant la
limite inférieure de probabilité conditionnelle de liaison
a montré que les familles pouvaient être divisées en 2
groupes.
RESULTATS
Dans 9 familles l'âge au diagnostic de tous les sujets
atteints de la dernière génération était inférieur ou égal à
60 ans (extrêmes : 48 - 60). Nous avons analysé ce sousgroupe et testé l'hétérogénéité* de la fréquence de
recombinaison* par comparaison avec les autres
familles. Pour cela nous avons utilisé le "predivided
sample test" [25] avec le programme Mtest.. Nous avons
obtenu un X 2 (1 df) significatif à 16.25 (P < 0.0001) pour
le modèle 1. Les LOD scores* bipoint* et multipoint* et
les NPL scores ont été calculés pour ce sous-groupe de
familles. Une valeur comparable de 3.3 a éte obtenue en
LOD et NPL scores multipoint pour le marqueur
D1S2785 pour le modèle 1. La reconstitution des haplotypes* avec le programme Genehunter a montré que
dans chacune de ces 9 familles, il existait un haplotype*
Les résultats de la collecte des familles effectuée de
juillet 1994 à janvier 1999 sont rapportés dans un autre
article de ce mêmevolume [38]. Un échantillon de 47
familles incluant 10 familles allemandes (Tableau 1) a
été étudié pour l'a nalyse de liaison génétique*.
Nous avons ainsi analysé 122 patients (CaP+) et 72 individus sains (PSA normal) par génotypage* hautement
polymorphe* utilisant 364 marqueurs microsatellites*
(incluant 27 marqueurs sur le chromosome 1), au sein de
la carte génétique du Généthon [8] répartis sur tout le
génome et espacés en moyenne de 10 cM* (Tableau 1).
Une liaison préliminaire a été observée avec le marqueur
D1S2842 sur le chromosome 1q 42.2-43 [1]. Une analy682
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
précis présent chez tous les membres atteints de la famille. Cependant aucun recombinant permettant de réduire
la région d'intérêt n'a pu être mis en évidence. Ces données suggérent l'étroite association entre l'agrégation
familiale de CaP et l'âge au diagnostic. En effet nous
avons observé à partir des familles recrutées dans l'étude
Progène que la survenue précoce de CaP était corrélée au
nombre de cas de CaP observés dans la famille : l'âge
moyen au diagnostic étant de 68.5 ans dans les familles
à 1 cas, 67 ans pour 2 cas, 65.6 ans pour 3 cas, 60.6 ans
pour 4 cas et plus.
modèle génétique utilisé. La première cause d' erreur
pourrait être en rapport avec une mauvaise définition
des paramètres généti ques aux loci morbides.
Cependant CLERGET-DARPOUX [5] a montré que cela
s'accompagne plutôt d'un risque de faux négatif que de
faux positif. Une autre cause d'erreur conduisant à des
faux positifs est l'utilisation de fréquences alléliques*
erronées pour les marqueurs du locus étudié.
Cependant, comme les fréquences alléliques* utilisées
dans notre étude, ont été évaluées à partir de la population étudiée et qu'elles étaient conformes aux valeurs
antérieurement publiées, ont peut exclure cette cause
de faux positifs.
DISCUSSION
En ce qui concerne l'hétérogénéité* génétique nos
résultats ont estimé que le locus PCaP serait impliqué
jusqu'à 50% des familles étudiées, alors que HPC1
I'était dans 30% des cas dans l'étude de SMITH [33].
Une méta-analyse présentée récemment a conclu que le
gène HPC1 ne serait en fait qu'un gène mineur de prédisposition, impliqué seulement dans 5% des CaP héréditaires. Ces données confirment l'hypothèse d'une prédisposition multigènique* comme c'est le cas pour la
majorité des cancers héréditaires (sein, colon, rein ...).
La valeur a de 50% évoquée pour la proportion de CaP
héréditaires liés à PCaP est probablement surestimée
en partie du fait du nombre de familles avec simplement 2 cas. La valeur de 20% correspondant au ratio de
9 / 47 pour les familles à survenue précoce de CaP est
probablement une limite inférieure de α. Une meilleure estimation de α nécessiterait de réaliser une métaanalyse sur une collection mondiale de familles. On
peut cependant considérer que la proportion de CaP
héréditaires résultant d'une prédisposition portée par
PCaP est probablement inférieure à 50%.
L'analyse de liaison génétique* effectuée sur le premier
sous-groupe de familles informatives* de CaP héréditaires (47 familles dont 10 allemandes) a permis de
localiser un gène de prédisposition* au CaP (PCaP) sur
le chromosome 1q 42.2-43 (Figure 1), cette localisation
ayant été confirmée par 14 marqueurs* sélectionnés
dans la région d'intérêt. Trois modèles ont été utilisés
pour tenir compte du problème des phénocopies* c'est à
dire des patients ayant un CaP dans certaines familles,
du fait du hasard et non par prédisposition. En effet
puisqu'il est impossible de déterminer précisément le
taux de phénocopies*, dans les familles à plusieurs CaP,
nous lui avons attribué des valeurs différentes selon le
modèle en tenant compte des données épidémiologiques
disponibles. En effet le CaP représente dans les pays
occidentaux 5 à 10 % de l'ensemble des cancers, avec
une incidence annuelle standardisée de 1-2/100.000
vers 40 ans pour atteindre 1600/100.000 vers 80 ans
avec un risque cumulé au long de l'existence d'environ
10% (2). Ainsi dans le modèle 1, nous avons considéré
un taux constant de phénocopie* de 1%. Etant donné
que les cas héréditaires ont souvent une survenue précoce, il nous est apparu opportun de considérer un
second modèle considérant un taux de phénocopie*
croissant selon l'âge. Le troisième modèle proche de
celui utilisé paR SMith [33] a donné dans notre étude des
résultats comparables à ceux des modèles 1 et 2 pour le
locus 1q 42.2-43 mais avec une significativité moindre.
Le locus de prédisposition (HPC1) décrit par SMITH
[33]) après analyse de liaison génétique* portant sur
des familles américaines et suédoises, est localisé sur le
chromosome 1q 24-25. Ce locus est situé vers le centromère, à 60 cM du locus 1q 42.2-43 décrit dans notre
étude (Figure 1). Nous avons réalisé une analyse de
liaison* sur la région 1q 24-25, et comme d'autres travaux récemment publiés [3, 9, 22, 35], nous n'avons
observé aucune liaison au niveau de ce locus*. Les
divergences entre les résultats de notre étude et de celle
de SMITH [33] peuvent s'expliquer notamment par: le
nombre de familles incluses dans l'analyse (47 contre
91), le nombre moyen d'individus atteints par famille
(3,3 / famille vs 4.9 / famille), et le nombre moyen de
sujets génotypés (4.1 / famille vs 6,6 / famille). Les différences de composition éthnique des populations étudiées peuvent également être à l'origine des résultats. Il
est également intéressant de noter que dans l'analyse
réalisée par SMITH [33], il existait un pic de LOD score
pour le marqueur D1S235 du chromose 1. Ce marqueur
situé de manière centromérique par rapport à notre
locus pouvait présager nos résultats.
Bien que les résultats des LOD scores* en analyse bipoint* n'atteignait pas le seuil de 3, cette valeur de
significativité a été obtenue pour le calcul des LOD
scores* en analyse multi-point*. Par ailleurs un LOD
score* de 3.3 a même été obtenu pour le sous-groupe
de familles pour lesquelles le CaP avait un début précoce. Cependant ces différents résultats des LOD
scores* ne permettent pas d'exclure un certain risque
d'erreur (faux positifs) bien que faible. AinSI, GENIN
[11] a montré que pour une maladie autosomique*
dominante*, et selon la structure généalogique, la probabilité de l'absence de liaison pour un LOD score* de
3 pouvait atteindre 8 à 16%. Cependant ce taux d'erreur
est fortement corrélé à la structure familiale et au
683
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
Figure 1. Carte génétique du chromosome 1 figurant le locus HPC1 (1q 24-25) et le locus PCaP (1q42.2-43), ainsi que le locus
1p 36 récemment localisé, qui serait impliqué dans les familles où existe une coagrégation de cancers de la prostate et de tumeurs
cérébrales. Noter que HPC1 et PCaP sont significativement distants sur le bras long du chromosome 1.
Nous avons recherché des pertes d'hétérozygotie*
(LOH pour Lost Of Heterozygosity) sur des tumeurs
sporadiques pour des marqueurs de la région 1q 24-25,
et des LOH ont été observées dans 9/55 tumeurs [19].
Nous avons par ailleurs complété notre étude par des
marqueurs de la région 1q 42.2-43. Dans 5/9 tumeurs
presentant des LOH en 1q 24-25 la délétion* atteignait
la région 1q 42.243. Par ailleurs la perte d'allèle* en 1q
42.2-43 était observée pour 6 tumeurs sans délétion*
1q 2425. Toutes ces données suggèrent que le chromosome 1 peut porter 2 gènes impliqués dans la tumorigénèse prostatique.
mosomique du chromosome 1. Il semble impliqué dans
un faible nombre de familles présentant une agrégation
de CaP et de tumeurs cérébrales ce qui n'était pas le cas
des familles analysées dans notre étude.
Peu de gènes d'intérêt sont connus pour être cartographiés au niveau du locus candidat (1q 42.2-43); il s'agit
du gène PCTA-1 un membre de la famille des galectines
[34]; le poly (ADP-ribose) polymérase [21]; et le RASGTP dépendant-binding protéine RAB-4 [30]. De même
un site fragile [10] et une intabilité génétique de type
erreur de réplication* ont été observés au niveau de la
région 1q 42.2-43 [26] évoquant une possible association
avec des cancers héréditaires du côlon non polyposiques.
Par ailleurs cette région est également le siège de translocations dans les glioblastomes sporadiques [20].
En ce qui concerne le locus de prédisposition 1 p 36
situé récemment identifié [12], il est significativement
distant du locus PCaP, car situé sur l'autre bras chro-
684
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
4. CARTER B.S., BEATY T.H., STEINBERG G.D., CHILDS B.,
WALSHJ P.C. Mendelian inheritance of familial prostate cancer.
Proc Natl Acad Sci USA 1992, 89, 3367-3371.
CONCLUSION ET PERPECTIVES
Bien que le dépistage de masse du CaP ne soit pas
actuellement recommandé, il est maintenant reconnu
que le dépistage est indiqué pour les apparentés dans le
cadre des formes familiales et ce dès l'âge de 40 ans
étant donné la survenue plus précoce du CaP dans ces
familles. Dès que la recherche d'une prédisposition
génétique sera effectuée en pratique courante, il sera
possible dans les familles concernées de distinguer, les
sujets ayant hérité de l'anomalie génétique (et donc à
haut risque de CaP), de ceux n'ayant pas de prédisposition, qui ont un risque de CaP comparable à celui de la
population générale. Ce dépistage génétique* permettra
donc de ne réserver le dépistage clinique précoce et
intensif qu'aux sujets effectivement à haut risque et de
rassurer les autres apparentés. Ces données génétiques
constitueront donc un nouvel outil diagnostique au service des urologues pour répondre aux attentes des
patients et de leurs familles particulièrement attentifs
aux possibilités de diagnostic précoce de la maladie
afin d'en améliorer le pronostic.
5. CLERGET-DARPOUX F., BONAITI-PELLIE C., HOCHEZ J.
Effect of misspecifying genetic parameters in lod score analysis.
Biometrics 1986, 42, 393-399.
6. COONEY K.A., Mac CARTHY J.D., LANGE E., HUANG L.,
MIESFELDT S., MONTIE J.E., OESTERLING J.E., SANDLER
H.M., LANGE K. Prostate cancer susceptibility locus on chromosome 1q: a confirmatory study. J. Natl. Cancer Inst. 1997, 89, 955-959.
7. COTTINGHAM R.W. Jr., IDURY R.M., SCHAFFER A. Faster
sequential genetic linkage computations. Am. J. Hum. Genet. 1993,
53, 252-263.
8. DIB C., FAURE S., FIZAMES C., SAMSON D., DROUOT N.,
VIGNAL A., MILLASSEAU P., MARC S., HAZAN J., SEBOUN
E., LATHROP M., GYAPAY G., MORISSETTE J., WEISSENBACH J. A comprehensive genetic map of the human genome based on
5264 microsatellites. Nature 1996, 380, 152-154.
9. EELES R., DUROCHER F., EDWARDS S., TEARE D., EASTON
D., DEAMALEY D., SHEARER R., ARDEM-JONES A., DOWE
A., BADZIOCH M., AMOS C., LABRIE F., SIMARD J., NAROD
S., FOULKES W. Does the hereditary prostate cancer gene, HPC1
contribute to a large proportion of familial prostate cancer? - results
from the CRC/BPG UK, Texan &Canadian Consortium. Am. J.
Hum. Genet. 1997, Suppl, 61: A64.
Remerciements
10. FEICHTINGER W., SCHMID M. Increased frequencies of sister
chromatid ex changes at common fragile sites (1)(q42 ) an d
(19)(q13). Hum. Genet. 1989, 83, 145-147.
Nous remercions les patients et leur familles qui ont bien voulu
participer à cette étude. De même cette étude n'aurait pu être
réalisée sans la collaboration étroite avec de nombreux urologues Fra nç ais (mem br es de l'Association F rançaise
d'Urologie) et Allemands, des oncologues et des médecins généralistes qui ont été d'un grand secours dans la collecte des
familles et des prélèvements sanguins (la liste des cliniciens
Français ayant participé à l'étude est disponible sur notre site
web: http:// weburo.chu-stlouis.fr). En France ce projet a bénéficié de subventions attribuées par : l'Association Française
d'Urologie, les laboratoire s Zenec a, I'Association pour la
Recherche sur le Cancer, la Fondation pour la Recherche
Médicale, la Ligue de Paris contre le Cancer, Ligue Nationale
contre le Cancer (Comité du Finistère), l'Association pour la
Recherche sur les Tumeurs de la Prostate, Genset et Synthélabo
Recherche. TP, et WV ont obtenu des financements accordés
par la Klinikum of Universitat Ulm, Ulm, Allemagne.
11. GENIN E., MARTINEZ M., CLERGET- DARPOUX F. Posterior
probability of linkage and maximal lod score. Ann. Hum. Genet.
1995, 59, 123-132.
12. GIBBS M., STANFORD J.L., Mc INDOE R.A., JARVIK G.P.,
KOLB S., GOODE E.L., CHAKRABARTI L., SCHUSTER E.F.,
BUCKLEY V.A., MILLER E.L., BRANDZEL S., LI S., HOOD L.,
OSTRANDER E. A. Evidence
fo r a rare Pros tate
CancerSusceptibility Locus at chromosome 1 p36. Am. J. Hum.
Genet. 1999, 64, 776-787.
13. GRONBERG H., DAMBER L., DAMBER J.E., ISELIUS L.
Segregation analysis of prostate cancer in Sweden: support to dominant inheritance. Am. J. Epidemiol. 1997, 146, 552-557.
14. GRONBERG H., XU J., SMITH J.R., CARPTEN J.D., ISAACS
S.D., FREIJE D., BOVA G.S.,WALSH P.C., COLLINS F.S.,
TRENT J.M., MEYERS D.A., ISAACS W.B. Early age at diagnosis
in families providing evidence of linkage to the hereditary prostate
cancer locus (HPC1) on chromosome 1. Cancer Res.1997, 57, 47074709.
REFERENCES
1. BERTHON P., VALERI A., COHEN-AKENINE A., DRELON E.,
PAISS T., WOHR G., LATIL A., MILLASSEAU P., MELLAH I.,
COHEN N., BLANCHE H., BELLANE-CHANTELOT C., DEMENAIS F., TEILLAC P., LE DUC A., DE PETRICONI R., HAUTMANN R., CHUMAKOV I., BACHNER L., MAITLAND N.,
LIDEREAU R., VOGEL W., FOURNIER G., MANGIN P., COHEN
D., CUSSENOT O. Predisposing gene for early onset prostate cancer localised on chromosome 1q 42.2-43. Am J Hum Genet 1998, 62,
1416-1424.
15. HSIEH C.L., OAKLEY-GIRVAN 1., GALLAGHER R.P., WU A.H.,
KOLONEL L.N., TEH C.Z., HALPERN J., WEST D.W., PAFFENBARGER R.S. Jr., WHITTEMORE A.S. . Prostate cancer susceptibility locus on chromosome 1q :a confirmatory study. J. Natl. Cancer
Inst. 1997, 89, 1893-1894.
16. KAPLAN JC, DELPECH M. La cartographie du génome humain. In
biologie moléculaire et médecine, Paris, Flammarion, 1993, 234269.
2. BOYLE P., MAISONNEUVE P., NAPALKOV P. Incidence of prostate cancer will double by the year 2030: the argument for. Eur. Urol.
1996, 24, Suppl. 2, 3-9.
17. KRUGLYAK L., DALY M.J., REEVE-DALY M.P., LANDER E.S.
Parametric and nonparametric linkage analysis:a unified multipoint
approach. Am. J. Hum. Genet. 1996, 58, 1347-1363.
3. CANNON-ALBRIGHT L., NEUHAUSEN S. Prostate cancer susceptibility locus on chromosome 1 examined in Utah kindreds. Paper
presented at Genetic Approaches to Breast and Prostate Cancer,
Cambridge Symposia, March 22 -April17, Cambridge 1997.
18. LATHROP G.M., LALOUEL J.M., JULIER C., OTT J. Strategies
for multilocus analysis in humans. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1984,
81, 3443-3446.
685
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
19. LATIL A., CUSSENOT O., FOURNIER G., LIDEREAU R.
Infrequent allelic imbalance at the major susceptibility HPC1 locus
in sporadic prostate tumors. Int. J. Cancer, 1997, 71, 1118.
tifies the human prostate carcinoma tumor antigen gene PCTA-1, a
member of the galectin gene family. Proc. Natl. Acad. Sci. USA,
1996, 93, 7252-7257.
20. LI Y.S., RAMSAY D.A., FAN Y.S., ARMSTRONG R.F., DEL
MAESTRO R.F. Cytogenetic evidence that a tumor suppressor gene
in the long arm of chromosome 1 contributes to glioma growth.
Cancer Genet. Cytogenet., 1995, 84, 46-50.
35. THIBODEAU S.N., WANG Z., TESTER D.J., FRENCH A.J.,
SCHROEDER J.J., BISSONET A.S., ROBERTS S.G., BLUT M.L.,
SCHAID D.J., SMITH J.R., TRENT J.M. Linckage analysis at the
HPC1 locus in hereditary prostate cancer families. Am.J. Hum.
Genet., 1997, Suppl., 61 : A297.
21. LYN D., CHERNEY B.W., LALANDE M., BERENSON J.R.,
LICHTENSTEIN A., LUPOLD S., BHATIA K.G., SMULSON
M.A. A duplicated region is responsible for the poly(ADPribose)
polymerase polymorphism, on chromosome 13, associated with a
predisposition to cancer. Am. J. Hum. Genet. 1993, 52, 124-134.
22. MclNDOE R.A., STANFORD J.L., GIBBS M., JARVIK G.P.,
BRANDZEL S., NEAL C.L., LI S., GAMMACK J.T., GAY A.A.,
GOODE E.L., HOOD L., OSTANDER E.A. Linkage analysis of 49
high-risk families does not support a common familial prostate cancer-susceptibility gene at 1q24-25. Am. J. Hum. Genet., 1997, 61,
347-353.
23. MONROE K.R., YU M.C., KOLONEL L.N., COETZEE G.A.,
WILKENS L.R., ROSS R.K., HENDERSON B.E. Evidence of an
X-linked or recessive genetic component to prostate cancer risk.
Nature Med., 1995, 1, 827-829.
36. VALERI A., BERTHON P., FOURNIER G., BUZZI J.C., BRIOLLAIS L., MERIA P., BLANCHE H., BELLANE-CHANTELOT C.,
TEILLAC P., DEMENAIS F., MANGIN P., COHEN N., LE DUC
A., CUSSENOT O. Etude progène, projet francais d'analyse génétique du cancer de la prostate familial:recrutement et analyse.
Prog.Urol,. 1996, 6, 226-235.
37. VALERI A., MANGIN P. Epidémio-génétique et diagnostic pré-clinique du cancer de la prostate. Médecine-Thérapeutique 1998, 4,
359-368.
38. VALERI A., DRELON E., AZOUZZI R., DELANNOY A.,
TEILLAC P., FOURNIER G., MANGIN P., BERTHON P., CUSSENOT O. Epidémiologie du cancer de la prostate familial: bilan à
4 ans des études Françaises. Prog. Urol., 1999, 9, 672-679.
39. VIGNAL A., GYAPAY G., HAZAN J., NGUYEN S., DUPRAZ C.,
CHERON N., BECUWE N., TRANCHANT M., WEISSENBACH
J. Nonradioactive procedure for genotyping of microsatellite markers. Methods Mol. Genet., 1993,1, 211-221.
24. MORGANTI G, GIANFERRARI L, CRESSERI A., ARRIGONI G.,
LOVATI G. Recherches clinico - statistiques et génétiques sur les
néoplasies de la prostate. Acta genetica Statistica 1956, 6, 304-305.
40. WHITTEMORE A. S., HALPERN J. A class of tests for linkage
using affected pedigree members. Biometrics, 1994, 50, 118-127.
25. MORTON N.E. The detection and estimation of linkage between the
genes for elliptocytosis and the Rh blood type. Am. J. Hum. Genet.,
1956, 8, 80-96.
41. XU J., MEYERS D., FREIJE D., ISAACS S., WILEY K., NUSSKERN D., EWING C., WILKENS E., BUJNOVSZKY P., BOVA S.,
WALSH P., ISAACS W., SCHLEUTKER J., MATIKAINEN M.,
TAMMELA T., VISAKORPI T., KALLIONIEMI O., BERRY R.,
SCHAID D., FRENCH A., McDONNELL S., SCHROEDER J.,
UELSSON M., DAMBER J., BERGH A., JONSSON B., SMITH J.,
BAILEY-WILSON J., CARPTEN J., STEPHAN D., GILLANDERS
E., AMUNDSON I., KAINU T., FREAS-LUTZ D., BAFFOE-BONNIE A., VAN AUCKEN A., SOOD R., COLLINS F., BROWNSTEIN M., TRENT J. Evidence for a prostate cancer susceptibility
locus on the X chromosome. Nat. Genet., 1998, 20, 175-179.
26. MURTY V.V., Ll R.G., MATHEW S., REUTER V.E., BRONSON
D.L., BOSL G.J., CHAGANTI R.S. Replication error-type genetic
instability at 1q42-43 in human male germ cell tumors. Cancer Res.,
1994, 54, 3983-3985.
27. NAROD S.A., DUPONT A., CUSAN L., DIAMOND P., GOMEZ
J.L., SUBURU R. The impact of family history on early detection of
prostate cancer. Nature Med., 1995, 1, 99-101.
28. 0'CONNELL J.R., WEEKS D.E. The VITESSE algorithm for rapid
exact multilocus linkage analysis via genotype set-recording and
fuzzy inheritance. Nat. Genet., 1995, 11, 402-408.
Commentaire de Pascal Eschwege, Servic e d’Urologie,
Hôpital de Bicêtre, Le Kremlin Bicêtre.
29. OTT J. Linkage probability and its approximate confidence interval
under possible heterogeneity. Genet. Epidemiol., 1986, Suppl.,1,
251-257.
Cet article représente un très beau travail. La question qui se
pose est «Devra-t-on proposer à la naissance d’un garçon les
tests de prédisposition au cancer de la prostate?»
30. ROUSSEAU-MERCK M.F., ZAHRAOUI A., TOUCHOT N., TAVITIAN A., BERGER R. Chromosome assignment of four RAS-related RAB genes. Hum. Genet., 1991, 86, 350-354.
Commentaire de Laurent Guy, Service d’Urologie, Hôpital
Gabriel Montpied, Clermont-Ferrand.
31. SCHAID D.J., McDONNEL S.K., BLUTE M.L., THIBODEAU
S.N. Evidence for autosomal dominant inheritance of prostate cancer. Am. J. Hum. Genet., 1998, 62, 1425-1438.
Il s’agit d’un article portant sur l’analyse génétique du cancer de
la prostate familial. A partir de 47 familles, une étude par analyse de liaison a été réalisée chez 122 malades et 72 sujets sains.
Les résultats sont en faveur d’un gène de prédisposition localisé
sur le chromosome 1q 42.2-43.
32. SMITH G.A.B. Testing for heterogeneity of recombination values in
human genetics. Am. J. Hum. Genet., 1963, 27, 175-183.
33. SMITH J.R., FREIJE D., CARPTEN J.D., GRONBERG H., XU J.,
ISAACS S.D., BROWNSTEIN M.J., BOVA G.S., GUO H., BUJNOVSZKY P., NUSSKERN D.R., DAMBER J ., BERGH A.,
EM MANUELSSON M., KALLIONIEMI O.P. , WALKERDANIELS J., BAILEY-WILSON J.E., BEATY T.H., MEYERS
D.A., WALSH P.C., COLLINS F.S., TRENT J.M., ISAACS W.B.
Major susceptibility locus for prostate cancer on chromosome 1 suggested by a genome-wide search. Science, 1996, 274, 1371-1374.
Il s’agit d’un article très intéressant qui est le résultat de la collaboration de plusieurs équipes médicales.
Le locus HPC 1 initialement reconnu comme porteur d’un gène
de prédisposition du cancer de la prostate est actuellement discuté, plusieurs études n’ayant pas confirmé cette localisation. Il
apparaît donc important de localiser les gènes de prédisposition
au cancer de la prostate afin d’envisager un dépistage génétique.
34. SU Z.Z., LIN J., SHEN R., FISHER P.E., GOLDSTEIN N.l.,
FISHER P.B. Surface-epitope masking and expression cloning iden-
686
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
Réponse des auteurs
aggregation in 15 to 25% of cases, and the development of here ditary forms in 5 to 10% of cases of CaP.
Devra-t-on proposer à la naissance d’un garçon les tests de prédisposition au cancer de la prostate?
Material and Methods : A genetic study on 47 French and
German families included 122 patients and 72 subjects conside red to be healthy after PSA assay. This study was conducted by
linkage analysis of 364 microsatellite markers distributed throu ghout the genome (on average every 10 cM).
La réponse est non. Le dépistage génétique en cancérologie ne se
conçoit que pour identifier les sujets à risque porteurs d’une prédisposition génétique, afin qu’ils puissent bénéficier au plus tôt
d’un dépistage de la maladie à un stade précoce donc curable. La
recherche d’une prédisposition génétique à la naissance ne pourrait s’envisager que pour les cancers héréditaires affectant les
enfants dans leurs premières années comme par exemple le rétinoblastome. Dépister à la naissance une prédisposition à un cancer de l’adulte, et sans traitement préventif, n’aurait aucun intérêt pratique et n’aurait pour effet que générer une inquiétude
inutile et éthiquement non recevable. La recherche d’une prédisposition génétique au cancer de la prostate sera possible à moyen
terme lorsque les tests génétiques seront de pratique courante
comme c’est déjà le cas pour les cancers héréditaires du sein et
du côlon. Comme le cancer de la prostate héréditaire survient en
moyenne 5 à 15 ans plus tôt que le cancer de la prostate sporadique, le dépistage génétique devrait être proposé dès l’âge de 40
ans. En attendant la mise à disposition des tests génétiques, un
dépistage clinique (toucher rectal, PSA) est recomandé dans ces
familles dès l’âge de 40 ans.
Results : Parametric and nonparametric linkage analysis iden tified a locus on chromosome 1q 42.2-43, which could be with a
gene predisposing to CaP (called PCaP). The primary site was
confirmed by several markers, using 3 different genetic models.
The maximum LOD score (probability of linkage between the
locus and the disease) on two-point analysis was 2.7 for the
D1S2785 marker. Parametric and nonparametric multipoint
analysis provided an HLOD score and an NPL score of 2.2 and
3.1, respectively (with P=0.001). Heterogeneity analysis with
calculations of LOD scores by multipoint analysis estimated
that up to 50% of hereditary CaPs were related to this locus,
with a heterogeneity probability of 157/1. Analysis of a sub group of 9/47 families characterized by early onset CaP (befo re the age of 60 years) confirmed the very high probability of
localization of a predisposition gene at locus 1q42.2-43 for
these families (multipoint LOD score and NPL score of 3.31 and
3.32, respectively; with P=0.001).
____________________
SUMMARY
Genetic analysis of familial prostate cancer : Identification of
a gene predisposing to prostate cancer (PCaP) on chromosome 1q 42.2-43.
Objectives : To conduct genetic linkage analysis in order to loca lize predisposition genes for hereditary prostate cancer (CaP), as
various epidemiological studies have demonstrated a family
Conclusion : The identification of predisposition genes will
eventually allow identification within certain families of those
subjects who have inherited the genetic abnormality and who
therefore present a high risk of CaP. It will then be possible to
perform targeted screening of CaP in order to diagnose CaP as
early as possible.
Key-words : prostate cancer, genetics, hereditary transmission,
genetic counselling.
____________________
687
A. Valeri et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 680-688
Annexe 1. Glossaire.
Allèles: versions alternatives d'un même gène différant par leur
séquence nucléotidique. Par extension désigne les variantes de
l'ADN en un même locus (polymorphisme).
liaison génétique (fonction de la taille des fratries), 2) le nombre
de sujets atteints. L'informativité est d'autant plus forte que les
fratries sont grandes, et que le nombre d'individus atteints est
élevé.
Allèlotypage: phase d'une étude génétique consistant à déterminer les allèles de différents individus pour différents loci chromosomiques. L'allèlotypage permet de définir des haplotypes
pour chaque individu.
Locus chromosomique: emplacement d'un gène ou d'une
séquence d'ADN sur un chromosome.
Centi-Morgan (cM): unité de distance génétique équivalant à
une probabilité de recombinaison de 1 % par meiose.
LOD sc ore: Le est le logarithme déc ima l du rapport
L(θ)/L(θ0,5) où L(θ) et L(θ30,5) sont respectivement les probabilités de liaison et d'indépendance pour le marqueur considéré.
Un maximum supérieur ou égal à 3 permet de conclure à l'existence d'une liaison génétique significative, et indique que la
valeur de θ3 est fiable à 1000 contre 1(109 1000 = 3). L'analyse
peut être effectuée en étudiant un marqueur et le locus morbide
(analyse bi-point) ou en étudiant plusieurs marqueurs à la fois
(analyse multi-point). De même on peut intégrer ou non différents paramètres (pénétrance* du gène, taux de phénocopies*,
classe d'âge etc ..) modulant le modèle génétique utilisé: analyse paramétrique ou non paramétrique.
Conseil génétique en cancérologie: démarche médicale visant à
rechercher une prédisposition génétique chez des individus
atteints ou sains, en cas de formes familiales de cancer, dans le
but d'effectuer un dépistage clinique chez les sujets à risque.
Marqueur génétique (chromosomique): tout élément donnant
une information topographique car localisé sur le génome, transmis~ selon les lois de Mendel, et existant sous plusieurs formes
ou allèles.
Délétion: perte d'une ou plusieurs paires de bases consécutives.
Marqueur microsatellite: type de marqueur chromosomique
constitué par des segments d'ADN contenant des répétitions en
tandem de courts motifs di, tri, ou tetra-nucléotidiques. Ils ont la
particularité d'être très nombreux, dispersés sur tout le génome,
et d'être le siège de variations à l'origine de polymorphismes
multialléliques très informatifs.
Analyse de liaison génétique: étude familiale determinant les
génotypes de différents individus atteints et sains, à la recherche
d'une liaison génétique entre un marqueur chromosomique et un
gène de prédisposition. Une étude de liaison dite porte sur des
marqueur s chromosomiques répartis sur tout le gé nome.
L'analyse peut être de type bi-point, multi-point, paramétrique
ou non paramétrique (voir LOD score).
Autosome: chromosome non sexuel.
Dépistage génétique: recherche d'une prédisposition génétique
à une maladie à caractère héréditaire. (Voir aussi ).
Dominant: se dit d'un gène si il est exprimé chez un individu
hétérozygote. Par extension une seule copie du gène est suffisante pour l'expression de sa fonction.
Multigénique: caractétistique d'une affection héréditaire impliquant plusieurs gènes avec ou sans interaction pour l'acquisition
de la maladie.
Erreur de réplication: altération génétique (mutation, délétion,
amplification) apparaissant lors d'une division cellulaire et la
réplication de l'ADN.
Pénétrance: pourcentage des sujets porteurs d'un gène de prédisposition et exprimant la maladie.
Gène de prédisposition: gène porteur d'une anomalie constitutionnelle prédisposant à la survenue d'une maladie.
Perte d'hétérozygotie (ou L,O.H. pour Loss Of Heterozygosity):
perte d'un allèle, mise en évidence par comparaison des ADN
constitutionnels et tumoraux d'un sujet au niveau d'un locus. Ce
type d'anomalie génétique acquise évoque l'existence d'un gène
suppresseur au locus étudié.
Génotype: constitution génétique d'un individu pour un locus
chromosomique donné.
Génotypage: méthode d'étude génétique consistant à déterminer
le génotype d'individu(s) pour un(des) marqueur(s) chromosomique(s). Souvent on associe le génotypage à l'allèlotypage
même si le génotypage possède un cadre plus large.
Phénocopie: (au sein d'une généalogie présentant une maladie
héréditaire), il s'agit d'un sujet atteint de la maladie par un mécanisme non lié à une transmission génétique (hasard, environnement).
Haplotypes: assortiment d'allèles à des locus différents, mais
proches, sur un même chromosome.
Polymorphisme génétique: présence dans une population d'au
moins 2 variantes alléliques d'un locus génétique.
Hétérozygotie: état selon lequel 2 loci homologues sont occupés
par 2 allèles différents.
Récessif: se dit d'un gène s'il est exprimé seulement chez un
sujet homozygote.
Hétérogénéité génétique: caractéristique selon laquelle une
maladie héréditaire péut être due à différents gènes et non pas à
un seul gène (définissant alors l'homogénéité génétique).
Recombinaison meiotique: réassortiment de séquences d'ADN
sur un même chromosome, à la suite d'un échange de matériel
avec son homologue au cours de la meiose.
Homozygotie: état selon lequel 2 loci homologues sont occupés
par 2 allèles identiques.
Informativité d'une famille: caractéristique en rapport avec: 1)
le nombre de meioses potentielles à étudier lors d'une etude de
688
Téléchargement