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29e Congrès national de médecine et santé au travail
274 Arch Mal Prof Env 2006
Les interventions de type qualitatif, utilisant l’analyse
ergonomique et la psychodynamique du travail ont
montré leur intérêt dans des situations de violence avec
dégradation avancée des rapports sociaux. Elles sont
utiles lorsqu’elles privilégient des modalités d’interven-
tion permettant de renouer avec le vécu et le réel du
travail et qui puissent dans le même temps relier la
diversité des points de vue (métiers et hiérarchie) de
façon à recréer de la coopération. Elles impliquent éga-
lement une négociation préalable visant à l’obtention
d’un minimum de marges de manœuvre avec les res-
ponsables de l’entreprise. Il faut effectivement savoir ce
qu’ils sont prêts à entendre sur les liens entre santé
mentale, violence et organisation du travail. L’expé-
rience montre que l’engagement du médecin du travail
est essentiel dans de nombreuses interventions, en
amont pour préparer les esprits à ce débat, pour créer la
confiance entre les acteurs internes et des intervenants
externes puis pour accompagner l’intervention.
Enfin, de plus en plus de publications font état d’inter-
ventions de médecins du travail basées sur une démar-
che clinique spécifique en santé au travail, afin d’aider
réellement les salariés victimes de violence dans le pro-
cessus de reconstruction de leur santé en instruisant la
question du travail. Cette démarche ne s’improvise pas,
elle peut se nourrir de l’expérience de la mise en débat
de cas cliniques et pratiques dans des structures profes-
sionnelles adaptées. Ceci peut aider non seulement à
clarifier et enrichir la nosographie de la psychopatho-
logie du travail mais aussi, par l’élaboration commune
de règles de métier, de bien spécifier l’intervention du
médecin du travail dans des situations cliniques
variées, qu’il s’agisse de situations d’urgences sanitai-
res ou psychosociales liées à la violence ou d’anticiper
et prévenir les risques de violence. Favorisée par l’orga-
nisation d’espaces de délibération collective, l’activité
coopérative des médecins du travail permet sans aucun
doute d’augmenter leurs marges de manœuvre dans
l’action vis à vis de la violence en milieu de travail
dans toutes ses formes.
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Violence faite aux femmes au travail :
le point de vue des sociologues
H. HIRATA
S’il est vrai que la violence faite aux femmes au travail
(professionnel et salarié) se déroule dans la sphère du
public, elle est indissociable de la violence dans la
sphère du privé, notamment dans les lieux où s’effectue
le travail domestique, ce travail dit « d’amour ». En
effet, les rapports sociaux de sexe sont transversaux à
ces deux sphères et il n’est pas possible de les dissocier
quand il s’agit des rapports entre les hommes et les
femmes, notamment de violence des hommes sur les
femmes. Les liens qui unissent public et privé, dans ce
cas, ce sont les rapports hiérarchiques de domination,
d’oppression et de pouvoir [1].
Les premières études sociologiques et historiques con-
cernant la violence faite aux femmes au travail ont
porté essentiellement sur les violences liées à l’organi-
sation du travail, et notamment le harcèlement sexuel,
des chefs et des supérieurs hiérarchiques en général sur
les ouvrières et les subordonnées dans la hiérarchie de