et mélancolique, temporaire (ou durable), certainement très éloigné de la psy-
chose maniaco-dépressive1.
La signification de l’adjectif « mélancolique » s’est étendue en passant de la
qualification d’un état individuel à une description plus générale de choses ou
de situations, telles celles, par exemple, d’un paysage, une soirée, ou d’un
automne qualifiés de mélancoliques. Des expressions comme celles-ci sont
devenues des composantes de textes littéraires et poétiques.
Selon Klibansky, Panofsky et Saxl, en France le terme de « mélancolie »
dans les récits, la poésie et la prose a été particulièrement adopté par des écri-
vains des belles-lettres de la fin du Moyen Âge et l’on trouve de nombreux
exemples littéraires dans leurs œuvres. On trouve même dans la littérature fran-
çaise le verbe merencolier comme synonyme d’ « attrister », ou bien, dans la lit-
térature amoureuse, l’expression de petites merencolies pour parler des querelles
entre amants. Autour du XVesiècle, la fusion des termes de « mélancolie » et de
« tristesse » acquiert des significations plus complexes allant des sentiments
subjectifs à la maladie psychique objective mêlée à un sentiment de douleur et
de malheur ; aussi, le sentiment de tristesse mélancolique est évoqué comme fai-
sant partie de la conscience humaine de la finitude et de la mort. Au début des
années 1800, la mélancolie romantique, si chère aux écrivains, poètes et musi-
ciens, exprime ce que l’expression allemande de Welt Schmertz2illustre particu-
lièrement bien.
Avant de laisser ces considérations et d’entrer dans une discussion plus
spécifiquement psychanalytique, je voudrais noter que le titre du livre que j’ai
cité, Saturn and Melancholy, rappelle la solide conviction (toujours présente à
l’époque de la Renaissance) que la mélancolie a un rapport particulier avec
Saturne considéré comme responsable du « caractère triste et du sort malheu-
reux du mélancolique » (ibid.). Je ne peux, bien entendu, évoquer toutes les
représentations célèbres de la mélancolie dans la sculpture, la peinture et le
design, celle de Dürer, par exemple, ou encore les nombreuses figures de mélan-
coliques représentant les fils de Saturne. J’ai seulement pris la liberté de citer à
la fin de mon texte un poème de Paul Verlaine, tout à fait évocateur de ce dont
nous parlons ici.
1116 Jacqueline Amati-Mehler
1. Cette façon d’être nostalgique semble se rapprocher de ce que certains phénoménologues tels
que Binswanger et Minkowski ont décrit comme un « monde mélancolique » teinté d’une façon parti-
culièrement pleine de regret de vivre le temps, les relations entre passé, présent et futur. Il y a une ten-
dance à s’attarder sur des pensées telles que : ... si j’avais eu... si je n’avais pas fait ceci ou cela... – un
sentiment d’occasions perdues ou de choses que l’on aurait pu faire qui expose les sujets à la
mélancolie.
2. On peut traduire à peu près cette expression en français par « vague à l’âme ». [N.d.T.]
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 15/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 88.122.147.19)
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