La folie maniaco-dépressive xera les co-
ordonnées d’une psychose riche de com-
plexité comme l’est la paranoïa.
Peu s’alarment de la disparition du trésor
de la clinique classique, bien des psy-
chanalystes la jugent même inévitables
préférant surfer sur les idées nouvelles.
Il faut situer les difcultés dès les élabo-
rations de Freud : dans son article d’une
grande profondeur « Deuil et Mélan-
colie », Freud pose la question, qu’est ce
qu’un deuil ? Pour chacun l’expérience
du deuil est un savoir ; l’occasion forcée
de donner sens à son existence et de s’in-
terroger sur l’amour qui nous relie aux
autres . Qu’est ce que le travail du deuil ?
L’idéalisation de l’être disparu, ce qui fait
trait d’identication dans l’inconscient ?
Qu’est ce qu’un deuil pathologique et en-
core cet autre bord de la perte qui ne fait
pas savoir et qui se nomme mélancolie.
Freud interrogera sans relâche son ami
Karl Abraham mais sera déçu par la
réponse ubiquitaire que propose la no-
tion de surmoi.
Freud n’ira pas chercher son appui dans
les connaissances psychiatriques de son
époque si bien que la coupure entre le
deuil et la mélancolie est restée en poin-
tillé chez les psychanalystes les laissant
fragiles face aux neurosciences.
Nous devons à Marcel Czermak les
propositions lacaniennes de lecture de
la manie et de la mélancolie ; sujet sans
défense face à la grande gueule de l’Autre
pour le maniaque , sujet ravalé au rang de
l’objet monstrueux demandant son re-
tranchement pour le mélancolique .
Cette psychiatrie lacanienne nécessite
d’en passer par une topologie combinant
la dimension de l’Autre, du corps et du
signiant, et celle de l’objet cause du dé-
sir.
C’est à l’occasion du séjour d’une pa-
tiente hospitalisée que Marcel Czermak a
redonné valeur et signication au fameux
syndrome de Cotard , non seulement
forme délirante de la mélancolie mais
véritable carrefour nosographique tel que
le cas du Président Schreber le montre à
ciel ouvert .
Qu’une négation puisse venir du Réel
pour structurer un délire des négations
est d’un apport décisif pour notre com-
préhension d’une maladie qui ne peut se
résumer à la forclusion de la métaphore
paternelle.
A cet endroit la psychanalyse se doit de
poursuivre son travail de casuistique mais
aussi de théorie si elle veut s’opposer à
la régression en cours dans l’abord d’une
clinique qui est à la fois celle de la tempo-
ralité , celle de l’affect , celle de la passion
, celle de l’objet …
L’abord transférentiel des patients a large-
ment proté de l’expérience acquise
depuis Freud et cela doit être rapporté
pour que les autorités de santé ne mécon-
naissent pas systématiquement l’abord
psychanalytique dans les recommanda-
tions aux praticiens et aux institutions.
Enn nous conseillons de ne pas céder
sur les mots et de garder dans l’usage
manie, mélancolie et psychose mania-
co-dépressive pour parler des choses que
veulent recouvrir la bipolarité ou les trou-
bles de l’humeur .
Jean-Jacques Tyszler
Qu’appelez-vous
Bipolaire?