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le corps inhabité des enfants autiste

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LE CORPS INHABITÉ DE L'ENFANT AUTISTE
Suzanne Maiello
Presses Universitaires de France | « Journal de la psychanalyse de l'enfant »
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ISSN 0994-7949
ISBN 9782130592693
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2011/2 Vol. 1 | pages 109 à 139
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Le corps inhabité de l’enfant
autiste1
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Introduction
L’expérience de la réalité de l’existence du corps comme
entité dans l’espace et dans le temps a une fonction fondamentale pour le développement psychique de l’enfant dès
le début de la vie. Les enfants autistes semblent ne pas être
passés à travers cette expérience. Toutefois, bien au-delà de
leur conscience, ils communiquent leurs sensations, perceptions et terreurs à travers le corps.
Les états autistiques sont caractérisés par l’absence de la
capacité d’établir des liens avec et dans le monde, soit extérieur soit intérieur. C’est pourquoi l’enfant autiste ne peut pas
entretenir de relation avec son corps de la façon qui nous est
naturelle. Si nous nous référons au corps d’un enfant autiste
comme son corps, nous le faisons du point de vue de notre
propre mode de fonctionnement mental. La capacité de me
référer, non seulement verbalement, mais aussi par les sens
et les sensations, au corps comme « mon corps », n’est pas
possible sans l’existence d’un sujet, d’un « moi » capable
non seulement de faire l’expérience de sa corporalité, mais
aussi d’observer ce corps et de s’observer dans la dimension corporelle d’un point de vue extérieur, dans une sorte de
miroir virtuel, avec le constat d’avoir un corps, et en même
temps d’être ce corps et de l’habiter.
Freud fit un jour une observation de son petit-­fils de
24 mois qui, pendant une absence prolongée de sa mère,
joua à disparaître et à réapparaître devant un miroir. Freud
écrit qu’au retour de sa mère, celle-­ci fût accueilie par les
1. Texte d’une conférence donnée lors d’un congrès sur l’autisme, organisé au
Palais des Papes d’Avignon par Fabien Joly en 2008.
Journal de la psychanalyse de l’enfant, vol. 1, no 2, 2011, p. 109-­139
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mots : « Bebi o-­o-­o-­o ! », communication qui resta d’abord
incompréhensible. Mais il se révéla bientôt que l’enfant,
pendant ce long temps où il était seul, avait trouvé un
moyen de se faire disparaître lui-­même. Il avait découvert
son image dans le miroir sur pieds atteignant presque le
sol et s’était alors accroupi, de sorte que son image dans
le miroir était « fort » (partie)1. C’était ce moi corporel que
l’enfant fût capable, pour maîtriser le sens d’abandon dû
à l’absence de la mère, de faire disparaître et puis réapparaître.Il observa son corps qui était là-­bas, dans le miroir.
visible à ses yeux, puis invisible, puis à nouveau visible. Il
utilisa son corps comme un objet de recherche. La relation et le jeu avec son propre corps lui permirent au niveau
symbolique de ne pas être submergé par l’angoisse de
séparation, mais de maintenir son équilibre psychique en
anticipant le retour de sa mère.
Une telle expérience est rendue impossible à l’enfant
autiste qui doit éliminer a priori de sa perception tout danger de séparation et d’absence. Si nous cherchons à nous
approcher des perceptions d’un enfant autiste, nous devons
être prêts à mettre en discussion les fondements-­mêmes
de notre expérience qui se base sur la perception de notre
existence comme entité psycho-­physique dans l’espace et
dans le temps. Quel est donc le vécu que peut avoir l’enfant autiste de la réalité de son corps s’il lui manquent les
fondements-­mêmes des dimensions physiques de l’être ?
Peut-­il le ressentir comme un objet qui lui appartient (j’ai un
corps), comme forme et expression de son existence (je suis
mon corps), ou comme un contenant duquel il est le contenu
(je suis dans mon corps, j’habite mon corps) ?
Il nous est difficile de nous mettre “dans la peau” d’un
enfant autiste et d’avoir l’intuition de ce qu’il perçoit réellement de soi et du monde qui l’entoure. Je tends à penser que les barrières autistiques (Tustin, 1986) qu’il a érigé
contre toute perception non seulement de soi comme être
séparé, mais de toute séparabilité (Houzel, 1993) bloquent la
1. Sigmund Freud (1920), Au-­delà du principe de plaisir, in Oeuvres complètes,
vol. XV, Paris, PUF, 1996, p. 285.
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voie qui le porterait à la perception de soi comme individu,
et ainsi l’empêche d’utiliser les instruments psychiqes qui lui
permettraient, dans le développement normal, de ressentir
et vivre l’expérience primaire de sa corporalité.
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Freud affirme qu’au début de la vie, « le moi est avant tout
un moi corporel1 ».Ceci signifie qu’il est difficile d’imaginer
un corps vivant sans une perception même fugace de soi
comme entité réelle. Être son corps et savoir que l’on est ce
corps fait partie du noyau-­même du sentiment d’identité.
Nous savons aujourd’hui que les réminiscences sensorielles primaires (tactiles, kinesthésiques, olfactives, auditives) ont leur origine dans la vie prénatale. Les « antennes »
des sens sont sensibles à l’environnement intra-utérin, et les
traces expérientielles qui dérivent de ce qu’elles ont perçu
sont conservées dans des configurations proto-­mentales.
Pendant la vie prénatale l’enfant est également capable
d’établir une sorte de proto-­liens mentaux entre les différentes perceptions sensorielles et de les transformer en
actions synrythmiques (Trevarthen, 2005). Non seulement
les mouvements de l’enfant non-­né sont-­ils synchronisés
à la rythmicité de la langue maternelle qui l’atteint à tra­vers
la voix de la mère, mais le nouveau-­né montre, en reproduisant avec ses mouvements le rythme spécifique de la langue maternelle en absence de la mère, que ces ­rythmes se
sont inscrits dans sa mémoire corporelle (Maiello, 1993).
Après la naissance, les réminiscences ­sensorielles
f­uyantes et fluidement combinées de la vie prénatale
doivent s’entretisser dans un réseau perceptif et expérientiel plus différencié pour que puissent se produire et se
fortifier les transpositions transmodales (Stern, 1985). La
césure de la naissance ne rend pas seulement possible,
1. Sigmund Freud (1923), Le moi et le ça, in Oeuvres complètes, vol. XVI, Paris,
PUF, 1991, p. 270.
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Les premières expériences corporelles
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mais inévitable ce processus de coagulation. Dans le milieu
aquatique prénatal, le corps léger du fœtus est probablement ressenti jusqu’à un certain moment dans le temps
comme fluide flottant sans se distinguer nettement de l’entourage fluide, quoique l’enfant explore activement les éléments solides de son entourage. Toutefois, à partir d’un
certain moment, quelques semaines avant la naissance, un
changement s’annonce. C’est le moment où le contenant
utérin ne peut pas augmenter ultérieurement son volume
et se serre graduellement autour du corps grandissant de
l’enfant en restreignant sa liberté de mouvement, mais en
établissant en même temps des limites et en définissant
les contours de son corps. Il est probable que ce n’est
pas seulement l’accouchement, mais déjà cette dernière
période de la vie prénatale qui prépare le bébé à se ressentir comme entité plus compacte. C’est une période de
« con-­centration », un début de solidification. Après l’accouchement, le milieu aquatique devient un milieu aérien
et la force de gravité impose au corps du nouveau-­né la
pression d’une solidification et d’une différenciation ultérieures. Si au début de la vie prénatale il était fluide dans le
fluide, il devient un corps solide dans un entourage aérien
ni contenant ni soutenant. Son corps n’est plus défini par
des limites extérieures, mais doit assumer une forme propre, la peau représentant tant l’enveloppe contenante dans
le sens du « moi-­peau » (Anzieu, 1985) que la limite entre
intérieur et extérieur, entre moi et non-­moi. Dans le développement normal, cela implique inévitablement dès le
début de la vie postnatale un ressenti même fugace de la
propre existence corporelle séparée.
C’est un moment crucial. Si ce changement radical n’est
pas tolérable, si la césure, l’événement de la séparation, est
vécue comme une lacération traumatique et une menace
d’être précipité dans le néant, des réactions protectrices
extrêmes, telles que le recours à une carapace autistique,
peuvent, dans certains cas, se mettre en place. Leur but est
de protéger l’enfant contre le danger d’un changement craint
comme catastrophique, mais en même temps elles empêchent qu’il fasse l’expérience d’être un corps, un corps né
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L’impossibilité d’avoir un corps est la conséquence de
l’impossibilité d’être un corps. L’enfant peut savoir qu’il a un
corps seulement s’il a fait l’expérience de soi comme être
séparé. La perception d’être un corps qui s’est détaché du
phantasme d’une unité primordiale est une condition nécessaire pour que s’établisse une relation avec ce corps, tant
avec son intérieur (perceptions proprioceptives) qu’avec son
extérieur (le corps comme entité qui peut être vue, entendue,
touchée, sentie par lui-­même et par les autres). Ce n’est qu’à
ce moment-­là que peuvent se développer des liens avec un
autre sujet reconnu dans son altérité.
Enfin, la condition indispensabile pour être capable
d’habiter son propre corps est la perception de la tri­­dimensionnalité dans le sens défini par Meltzer (1975),
à savoir de l’existence d’une réalité spatiale et d’un soi
psycho-­physique habitant cette réalité. Ceci implique la
perception d’une relation existant entre un contenant et un
contenu, ce dernier ayant une relation dynamique avec le
contenant, dans la mesure où il peut se trouver soit à l’intérieur soit à l’extérieur de celui-­ci. La possibilité d’un mouvement du dedans vers le dehors et du dehors vers le dedans
implique la perception de l’existence d’orifices corpo­rels,
autour desquels, comme nous savons, se concentrent tant
de terreurs des enfants autistes, étant donné que les orifices, les trous, évoquent inévitablement le danger d’un
changement d’état, du plein au vide, de l’unité fusionnelle
à la chute sans fin.
Bion décrit la douleur inhérente à tout processus de
séparation :
« …. le détachement ne peut être atteint qu’au prix de sentiments douloureux de solitude et d’abandon éprouvés : 1) par
l’héritage mental animal primitif dont il s’agit de se détacher, et
2) par les aspects de la personnalité qui réussissent à se détacher de l’objet examiné –objet que la personnalité vit comme
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et séparé avec une structure qui se solidifie peu à peu, et
d’apprendre à se connaître comme entité corporelle vivante,
comme moi corporel.
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Le dilemme existentiel entre des forces opposées ne saurait être formulé de façon plus poignante. Bion évoque le
conflit entre deux parties de la personnalité, la partie psychique individuelle nouvelle qui a besoin d’aller de l’avant,
mais qui ne peut se développer tant qu’elle ne se sépare pas
d’une partie psycho-­physique avec une « mentalité groupale » (l’héritage primitif animal). Mais elle doit s’en détacher
quoiqu’elle ne soit pas encore en mesure de distinguer la
partie nouvelle de la partie qui cherche à rester immergée
dans le phantasme omnipotent de l’union fusionnelle.
D’un autre point de vue théorique, Bleger (1967) se réfère
au même processus en des termes plus sensoriellement et
physiquement concrets que Bion, lorsqu’il propose la notion
d’un noyau agglutiné pour décrire un état d’indifférenciation primaire normale qui remonte à la vie fœtale, lorsque la
perception du corps n’est probablement pas encore clairement distinguée de son environnement. Cet état primordial
correspondant au noyau agglutiné, dans lequel le moi et le
non-­moi sont vécus comme une substance unique, doit être
surmonté pour que puisse se mettre en marche le développement mental. Toutefois, je pense que lorsque le fœtus
commence à bouger activement dans son environnement,
les premiers ressentis fuyants de différenciation pourraient
déjà se produire entre son corps, entité avec une certaine
autonomie motrice, et les « corps » de son entourage (le
cordon ombilical, le placenta et les parois utérines) qu’il ne
rencontre pas simplement par hasard, mais qu’il explore
activement. Si nous suivons le modèle proposé par Bleger
et restons à un niveau purement descriptif, la consistance
du noyau agglutiné évoque une substance visqueuse et collante qui tend à s’amalgamer avec son environnement et
pourrait se placer à mi-­chemin entre un moi solide, structuré et organisé, et un état de liquidité qui, immergé dans
l’indistinction, empêche toute perception de différences. Si
1. Wilfred R. Bion (1963), Éléments de la psychanalyse, trad. F. Robert, Paris,
PUF, 1979, p. 23.
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indissolublement lié à la source de sa viabilité… une partie du
prix à payer est un sentiment d’insécurité1. »
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Le corps dans les états autistiques
Dans les cas d’autisme profond, il semble y avoir eu une
difficulté majeure à ces niveaux primordiaux de l’expérience
psycho-­physique de différenciation, jusque dans la dimension du ressenti de la consistance corporelle. C’est comme
si le passage d’un état liquide vers un état agglutiné et enfin
solide avait été bloqué par des barrières autistiques ayant
pour objectif d’exiler la terreur existentielle qui dériverait de
la conscience d’être un individu séparé.
Le corps liquide,
volatil ou congelé des enfants autistes
L’origine précoce et la radicalité des mesures protectrices des enfants autistes a pour conséquence qu’ils révèlent souvent leurs états psycho-­physiques dans et à travers
leurs corps « abandonné ». Leurs mouvements, leurs émissions vocales, tout leur être tend à évoquer une sensation de
liquidité (Haag, 2011, Maiello, 1997, 2001, Tustin, 1986). Ces
enfants « liquides » ou « volatiles » pourraient avoir cherché
à se sauver de la panique dérivant des dangers de la séparation et de la différenciation qui auraient accompagné la solidification graduelle d’un soi agglutiné, pour s’enfuir vers des
états encore plus inconsistants, liquides ou même gazeux.
La conséquence tragique de cette fuite en face du danger de
devenir individu est que l’enfant rencontre dans la liquéfaction ou la dispersion précisément les expériences d’anéantissement contre lesquelles il cherchait à se défendre avec
les barrières autistiques. Les états autistiques empêchent
que se mettent en place des proto-­processus d’identification
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nous rapprochons la notion de Bleger du modèle proposé
par Bion, nous pourrions dire que la partie de la personnalité
qui se détache du « groupe » doit se solidifier pour y réussir,
pour se différencier : de son entourage, des autres corps
animés et des objets inanimés. Le processus de solidification est indispensabile pour que le corps s’achemine vers la
perception d’être un moi corporel.
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Dans une lettre de supervision que m’écrivit Frances
Tustin, elle fit mention de l’idée de D. Rosenfeld « que l’image
corporelle la plus précoce se base sur l’idée que des liquides parcourent le corps ». Elle poursuivit : « Il me semble que
ceci rejoigne ma notion du précurseur de l’identification projective que j’ai appelé union par débordement (flowing-­over­at-­oneness)… L’identification projective devient possible
grâce à la ‘sensation-­expérience’ d’éléments solides dans
le corps » (16. 1. 1982). J’ajouterais qu’une fois que l’enfant
a une perception de liquides et de solides dans le corps, un
certain progrès a déjà été fait dans le sens d’une perception
embryonnaire de la fonction contenante du corps, et d’objets qui pourraient être contenus dans le corps.
Tustin décrit les sensations contretransférentielles suscitées par certains de ces enfants liquides ou volatiles :
« Les enfants autistes marchent souvent sur la pointe des pieds
et semblent plus flotter que marcher. Dans cet état de flottaison,
ils ont le sentiment de pouvoir accomplir des exploits remarquables, comme voler, grimper très haut… Paradoxalement
toutefois ils sont assaillis par des terreurs illusoires, phantasmatiques. Par exemple, dans leurs états liquides ou gazeux, ils
ont peur d’exploser ou de se déverser par des trous1. »
Les terreurs d’explosion, de déversement et de dissolution sont liées à l’absence de la perception d’un moi corporel
cohérent et compact. C’est là le dilemme sans solution de
l’enfant autiste : afin d’échapper au danger d’être un corps
séparé solide qui risquerait d’être précipité dans une chute
sans fin vers l’anéantissement s’il était abandonné, il cherche à se désubstantifier en assumant une forme liquide ou
gazeuse. En bas âge, le corps des enfants est souvent apparemment sans poids. Non seulement tendent-­ils à ne toucher
1. Frances Tustin (1986), Le trou noir de la psyché, trad. P. Chemla, Paris, Seuil,
1989, p.164-­165.
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projective, ainsi que les premières expriences fugaces de soi
comme sujet-­corps séparé. Ainsi, le phantasme omnipotent
de fusion avec l’objet continue à occuper le centre de l’appareil psychique qui reste dans un état d’indifférenciation.
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Dans cet état, le danger d’anéantissement n’est pas évité,
mais il assume la forme du débordement ou de la dispersion
dans l’air. La qualité de ces terreurs nous fait penser que
l’expérience d’un moi suffisamment structuré pour se sentir
exister tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’un contenant est
inexistante ou extrêmement fragile. Plus le moi-­contenu est
liquide ou gazeux, plus est absolu le besoin que la barrière
autistique garantisse une fermeture hermétique. Dans cette
optique, l’état de congélation émotionnelle de ces enfants
peut être vu comme la tentative extrême de solidification
en face du danger d’être précipité comme une chute d’eau
dans un abîme sans fond (Tustin, 1990). Cette immobilisation
réactive s’étend à tous les aspects de la vie émotionnelle et
mentale de ces enfants. Leur lutte tenace pour défendre leur
carapace et leur état de congélation émotionnelle est due à
une menace existentielle, dans la mesure où le dégel ferait
surgir à nouveau les angoisses d’anéantissement, soit par
liquéfaction suivie de la chute catastrophique, soit par dissolution et dispersion dans l’atmosphère.
L’absence des dimensions d’espace
et de temps dans les états autistiques
Les dimensions du temps et de l’espace ne sont pas ressenties comme éléments de la réalité par l’enfant autiste.
Elles peuvent être annulées ou fragmentaires, dans la mesure
où l’enfant met en acte des manoeuvres protectrices plus ou
moins puissantes contre leur perception. Toutefois, pour se
sentir exister, le moi corporel a besoin de se placer et de se
déplacer dans la réalité spatio-­temporelle. Encore une fois,
l’enfant ne peut faire cette expérience centrale que s’il a une
perception même fugace de soi comme entité séparée.
Tustin suppose que dans l’autisme, le ressenti soit celui
d’être un nobody, un non-­corps, qui, en anglais, est synonyme
de n’être personne. « Cet anéantissement », avertit Tustin,
‘est beaucoup plus dévastateur que le « déni » : Lorsqu’ils
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le sol que sur la pointe des pieds, mais ils sont aussi capables de déployer une agilité acrobatique qui semble ignorer
la loi de la gravité.
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parviennent à sortir de leur autisme, les enfants nous montrent que, dans de brefs instants de conscience déchirante,
ils se perçoivent comme des « riens » entourés de « néant »1.
Le corps auquel l’enfant autiste réduit son expérience existentielle apparaît à l’observateur comme un corps sans volume,
plat ou sans forme définissable dans l’espace tridimensionnel,
un corps qui se dérobe au moindre contact physique, qui est
partout et nulle part, ou alors un corps mou qui s’étale sur le
corps de l’autre et s’entremêle au sien.
La peau de l’enfant semble privée de ses fonctions naturelles, dans la mesure où elle n’établit pas de limite entre le
monde extérieur et un moi corporel avec ses espaces internes. Il peut sembler paradoxal qu’en même temps, cette
« non-­peau » soit une peau-­carapace qui peut aller jusqu’à
rendre ces enfants insensibles à la douleur et sans aucune
odeur corporelle. Je pense à un petit garçon qui ne laissait,
pendant les premières années de sa thérapie, qu’un léger
parfum de talc pour bébés dans la pièce après sa séance.
Le jour où je m’aperçus d’une odeur nouvelle, la sienne, la
carapace autistique avait commencé à s’amincir. La peau de
ces enfants semble donc être à la fois inexistante et imperméable, dans la mesure où les pores ne sont guère investis de leurs fonctions d’entrée ou de sortie. C’est une peau
sans fonction de filtre, sans points d’échange entre l’intérieur
et l’extérieur. Nombre d’enfants autistes ne tombent même
jamais malade jusqu’au moment où leur état d’isolement est
moins total, comme si la barrière autistique était étanche
même envers les germes des maladies communes.
Les orifices sensoriels, les yeux et les oreilles, sont souvent
« démantelés » et mis hors usage (Meltzer, 1975). L’odorat
est utilisé pour produire de l’immutabilité, (sameness), et non
pour reconnaître l’altérité. Ces enfants reniflent souvent des
parties de leur propre corps. S’ils reniflent un autre objet,
ils tendent à le couvrir de salive, afin de l’assimiler à leur
propre odeur et de le transformer ainsi en un objet-­moi
(Piontelli, 1995). Chez les jeunes enfants et dans les cas plus
1. Frances Tustin (1990), Autisme et protection, trad. Anne-­Lise Hacker, Paris,
Seuil, 1992, p. 140.
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J’ai vu des enfants autistes boire et uriner en même
temps, comme si ce qui était versé par le haut retombait
directement par le bas, c’est-­à-­dire comme si non seulement
il n’y avait pas d’appareil digestif entre l’entrée et la sortie,
mais même pas un tuyau qui les reliait. Comme conséquence extrême, la bouche et l’orifice urinaire coïncident en
une ouverture unique, sans même l’idée d’une distance entre
eux. La platitude de l’adhésivité bidimensionnelle semble
alors s’écrouler ultérieurement et conduire à ce que Meltzer
décrit comme « la réduction de l’expérience à un monde uni­dimensionnel… essentiellement sans activité mentale1 ». Si
deux orifices coïncident en un seul, toute réalité spatiale s’effondre et il ne reste que le « trou noir » terrifiant, contre lequel
l’enfant avait auparavant érigé ses murs de protection.
Le corps de l’enfant autiste ne doit avoir aucune permanence unitaire ni dans le temps ni dans l’espace, sous
peine d’exister, d’être perçu, vu, entendu, identifié. Il doit
être prêt à se dissiper ou se déverser à tout moment, ou à
être démembré et démantelé au besoin, en parallèle avec le
démantèlement de la consensualité des sens (Meltzer, 1975),
afin d’éviter tout risque de perception de soi comme être
entier et séparé. Chez l’enfant autiste, le processus développemental normal semble être inversé. Au lieu de la consensualité spontanée, à savoir la convergence et connection des
sens qui rend possible les transpositions transmodales d’un
mode sensoriel à l’autre et contribue à la perception de soi
comme entité structurellement solide et stable dans l’espace
1. Donald Meltzer, John Bremner, Shirley Hoxter, Doreen Weddell, Isca
Wittenberg (1975), Explorations dans le monde de l’autisme, trad. G. et M. Haag,
L. Iselin, A. Maufras du Chatellier, G. Nagler, Paris, Payot, 1980, p. 234.
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graves, non seulement les pores de la peau, mais tous les
orifices d’entrée et/ou de sortie, à savoir la bouche, le nez,
les oreilles et les orifices d’évacuation ne sont pas investis d’attention et dispersent leurs contenus de façon incontrôlée. L’expérience-­même d’ouverture et de fermeture des
“sphincters” comporteraient des vécus momentanés d’un
intérieur distinct de l’extérieur, et donc de l’existence d’espaces tridimensionnels délimités et structurés.
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Frances Tustin (1986) souligne l’importance dans son
évolution du moment où l’enfant autiste commence à être
attentif par exemple au bruit de l’eau (invisible) qui descend
à l’intérieur du tuyau de la chasse d’eau de la toilette. Cette
attention semble être le témoin d’une des premières expériences d’un contenu dans un contenant et d’un mouvement
linéaire dans l’espace tridimensionnel.
Dans la sphère vocale et linguistique, le corps de l’enfant
autiste n’assume pas sa fonction de corps de résonance, tant
au niveau sensoriel auditif (l’apparente surdité de beaucoup
d’enfants autistes) qu’au niveau vocal et verbal. L’enfant
semble ne pas “recevoir” ni sa propre voix ni celle de l’autre.
Son corps est plat, sourd et muet. La voix de ces enfants
semble souvent ne pas leur appartenir et produire des sons
ou des phonèmes d’une qualité aiguë et perçante. Ces sons
vocaux n’ont pas en premier lieu la fonction d’expulser des
états psychiques ou des angoisses primitives, mais de saturer le vide ou oblitérer la voix de l’autre. Les enfants qui ont
l’usage de la parole tendent à utiliser leurs émissions vocales
pour imiter des bouts de phrases entendues ci et là hors
contexte dans une modalité écholalique adhésive qui encore
une fois exclut toute perception de différences. Le « toi »,
avec lequel l’autre personne s’adresse à l’enfant reste un
« toi » non modifié et n’est pas transformé en un « moi ». S’il
n’y a pas d’expérience de séparation, il n’y a pas de changement de perspective. Le jour où un enfant qui était autiste
se réfère pour la première fois à soi-­même en disant « moi »
représente un des tournants les plus significatifs dans le processus thérapeutique.
Le matériel clinique de trois enfants autistes nous permettra d’entrer dans le vif du corporel. Dans le premier cas,
nous voyons un enfant qui commence à explorer la réalité
spatiale tridimensionnelle de la pièce de thérapie, mais,
pris de terreur en face de la perception d’exister dans l’espace, retourne à l’état de liquidité. Le deuxième cas parle
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et dans le temps, il y a un démantèlement de la consensualité qui porte à la dispersion, la fragmentation et l’absence
mentale.
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du passage d’un état mental visqueux à un état plus solide
qui entraîne la découverte des orifices corporels, alors que
le troisième cas nous permet d’observer le processus psychique d’un enfant qui part d’un stade initial d’absence de
poids et prend graduellement conscience d’exister comme
corps solide tridimensionnel dans l’espace réel. Dans les
trois cas, la découverte de la troisième dimension (Meltzer,
1975) a permis à ces enfants d’avoir accès à une perception nouvelle de leur existence psycho-­physique non seulement dans l’espace, mais également dans le temps et dans
la relation.
Un enfant « liquide » : Tommaso et la découverte
de l’espace et des limites
Tommaso1 était un petit garçon de quatre ans sans langage. Il présentait des mouvements stéréotypés, et pendant
la première période de la psychothérapie, il se déplaçait
dans la pièce au hasard, sans jamais s’arrêter. Le seul usage
qu’il faisait du matériel consistait à porter avec soi des objets
avec une fonction autistique dans son mouvement perpétuel,
ou à les éparpiller par terre. La perception contretransférentielle de la thérapeute était celle d’une mouche qui volait en
zigzags affolés dans un espace clos, irritante et non identifiable. Au bout de quelques mois, il y eut un changement
dans la qualité des mouvements de l’enfant. Il découvrit des
cachettes dans la pièce, s’y accroupit et réapparut ensuite. Il
semblait exister désormais une ébauche de perception d’un
espace structuré, et en même temps d’un ailleurs. Tommaso
commença aussi à explorer l’intérieur de deux petites boîtes,
dont la plus grande pouvait contenir la plus petite. Il passa
des séances entières à les séparer et les réunir.
À une année du début de la thérapie, Tommaso commença à explorer des différences et des limites spatiales et
découvrit la possibilité d’un mouvement linéaire. Quand sa
1. Je remercie la psychothérapeute de Tommaso, Patrizia Ercolani, de m’avoir
autorisée à citer le matériel clinique de son jeune patient.
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Le corps inhabité de l’enfant autiste
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thérapeute venait le chercher dans la salle d’attente, il la faisait reculer, comme s’ils devaient tous les deux se placer
derrière une ligne de départ imaginaire. Puis, l’enfant courait
vers la pièce de thérapie tout en vérifiant que sa thérapeute
le suivait. La ligne de départ virtuelle semblait avoir la fonction de marquer une limite entre l’enfant et sa mère, peut­être pour le protéger de la tentation d’une union fusionnelle
engloutissante qui avait caractérisé leur rapport pendant les
premières années. En même temps, la ligne de démarcation
indiquait un seuil virtuel que Tommaso voulait franchir pour
accéder à la réalité spatio-­temporelle d’une autre situation,
celle de la séance, vers laquelle l’enfant et sa thérapeute se
déplaçaient tous les deux, mais chacun pour soi, et à des
vitesses différentes. La fonction des limites, des seuils et des
portes est soulignée par Haag (2000) et Rhode (2011).
À certains moments toutefois, la perception encore fragile
que Tommaso avait de soi comme être réel dans un espace
réel, s’écroula à nouveau.
Un jour, l’enfant était couché par terre près du fauteuil de sa
thérapeute. Son regard était dirigé vers un coin de la pièce et
suivit, du bas vers le haut, la ligne formée par la rencontre des
deux murs. Puis, Tommaso se déplaça à quatre pattes jusqu’au
coin et se retourna couché sur le dos. Son regard suivit encore
la ligne verticale jusqu’au plafond. De là, il parcourut du regard
les lignes horizontales du périmètre de la pièce. Soudain, il se
retourna à plat ventre, fit quelques mouvements masturbatoires, puis se leva. Il resta debout, immobile, le regard perdu
dans le vide, tandis qu’une tache commença à mouiller son
pantalon. Son urine s’écoula sur le plancher et forma peu à peu
une flaque à ses pieds.
Commentaire
C’était comme si Tommaso avait fait, pour la première
fois, l’expérience de soi existant dans un espace tridimensionnel, lorsqu’il observa et vit les délimitations de la pièce. Il
y eût un épisode, quelques séances plus tôt, qui était en relation avec cette découverte. Il avait noté pour la première fois
le reflet de son visage sur le panneau de verre qui recouvrait
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la table. À peine s’était-­il vu, qu’il cracha sur le panneau et
rendit indistincte son image en étalant la salive. Ce qu’il ne
pouvait pas supporter était probablement de voir son visage
(la preuve qu’il existait) et de le voir là-­bas, à distance (la
preuve du caractère illusoire du phantasme de fusion). Dans
l’optique des considérations qui précèdent, il avait peut-­être
eu pour un instant la conscience d’être ce visage, d’avoir un
visage et en même temps de voir ce visage de l’extérieur.
L’enfant observé par Freud, qui n’avait pas encore deux ans,
avait utilisé le reflet de son image au miroir pour jouer à la
disparition et à la réapparition. Son jeu symbolique l’aida à
tolérer l’angoisse de séparation de sa mère et à nourrir l’espoir de son retour. Tommaso était encore pris de terreur à la
simple constatation qu’il existait.
Dans la séance citée, Tommaso avait pu tolérer l’impact
de son expérience visuelle de la pièce tant qu’il était près de
sa thérapeute, mais lorsqu’il avait osé se déplacer de façon
autonome et s’exposer seul à la réalité d’un espace-­volume
qui l’entourait, et peut-­être à la perception de l’ébauche d’un
soi corporel dans cet espace-­volume, son contenant psychique fragile s’effondra à nouveau. Le collapsus interne,
la sensation de dispersion et de liquéfaction se manifesta
dans et à travers le corps, avec la vessie qui se vida et
l’urine qui s’écoula. Le corps congelé, l’enfant resta debout,
immobile et hors de toute possibilité de contact, alors que
son « autre » corps était liquéfié avec l’urine. Contenant et
contenu s’étaient à nouveau nullifiés.
Toutefois, cette séance marqua un tournant dans la thérapie de Tommaso. À partir de ce jour, l’exploration de l’espace et de ses limites devint l’activité principale de l’enfant.
Il consacra une longue période à prendre les mesures de la
pièce dans toutes les directions à l’aide d’un bout de ficelle.
Avec sa longueur concrète et limitée, la ficelle pouvait représenter une sorte de garantie contre l’angoisse de dissolution dans un espace infini qui l’avait envahi dans la séance
citée. Dans son état mental initial de fusion confusionnelle
avec la mère, Tommaso s’était protégé de façon omnipotente contre toute perception de séparation à travers le mouvement incessant et sans but de son corps dans l’espace.
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Le corps inhabité de l’enfant autiste
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Son mouvement semblait alors avoir la fonction de le faire
sentir plus compact et peut-­être vivant à un certain niveau,
et de le mettre à l’abri des angoisses d’anéantissement plus
terrifiantes. Le passage à l’exploration de la discontinuité
de la présence, la sienne et celle de la thérapeute, avec
la découverte des cachettes, ainsi que l’activité de séparer
et de réunir les petites boîtes, avait rendu possible des vécus
nouveaux d’un soi corporel momentanément séparé existant
dans l’espace extérieur. Le mouvement linéaire de la course
de Tommaso de la salle d’attente à la pièce de thérapie était
également en rapport avec l’ébauche d’une capacité émergeante de se séparer de sa mère.
Au niveau mental, la signification de l’exploration de la
réalité spatiale de la pièce de thérapie par l’enfant fût confirmée quelques mois plus tard, lorsque Tommaso commença
à parler, à former les premiers mots dans l’espace intérieur
du « théâtre de la bouche » (Meltzer, 1986). Il était devenu
capable de leur donner une forme articulée, de leur permettre de sortir de l’espace oral et de s’assurer qu’ils ne se
seraient pas perdus dans le néant, du moment qu’ils avaient
une consistance suffissante pour rejoindre la thérapeute qui
était à l’écoute.
Un enfant « visqueux » : Claudio et la découverte
de la solidité et des orifices corporels
Claudio1 avait cinq ans au début de sa psychothérapie.
Il avait eu un diagnostic d’autisme à l’âge de deux ans et
avait fréquenté un programme de réhabilitation pour enfants
autistes pendant trois ans. C’était un petit garçon menu avec
un regard fuyant. L’expression de son visage était dysharmonique. Il serra une petite tortue dure dans sa main pendant la première séance et resta debout immobile dans un
coin. Sa façon la plus fréquente de s’isoler était de se recroqueviller sur le divan dans une position qui évoquait dans
1. Je remercie la psychothérapeute de Claudio, Margherita Iezzi, de m’avoir
autorisée à citer le matériel clinique de son jeune patient.
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Le corps inhabité de l’enfant autiste
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Depuis sa première enfance il avait partagé le lit de sa
mère et dormait collé contre son corps. Il avait atteint le
contrôle sphinctérien à l’âge de quatre ans et demi, mais
au début de la psychothérapie, il portait encore un lange la
nuit. Quelques mois plud tard, il était continent. Dès lors, il
prit l’habitude d’enfiler ses mains dans son pantalon, une à
l’avant et l’autre à l’arrière. Il restait dans cette position pendant longtemps. La thérapeute n’avait pas la sensation que
son geste eût une signification masturbatoire, mais qu’il était
lié plutôt à une perception plus nette de sa réalité corporelle, en particulier de l’existence des orifices évacuatoires.
Ses mains semblaient être utilisées comme des tampons qui
devaient contenir l’angoisse de débordement, de déversement et de liquéfaction. Claudio commença à s’intéresser
aux trous de toute sorte, du trou de la serrure au trou du
lavabo qu’il n’avait jamais noté auparavant. À la fin d’une
séance, son émotion en face de la séparation était intense
et il mouilla un peu son pantalon. Mais il réussit à se retenir
jusqu’aux toilettes.
À différence de Tommaso qui s’était littéralement liquéfié
dans et avec son urine, Claudio se rendit compte, après la
première tentation de débordement, qu’il pouvait contrôler
son sphincter (et en même temps l’émotion de la séparation qui avait risqué de l’inonder). Il put choisir d’intervenir,
d’interrompre le flux et de rester un contenant solide de son
liquide corporel. Il y avait un moi corporel et une psyché qui
avaient connaissance d’une porte sphinctérielle, qui se rendaient compte de la différence entre dehors et dedans et
pouvaient choisir entre deux options : ouvrir ou fermer.
Meltzer affirme qu’avec la découverte des orifices du
corps « la représentation-­du-­monde toute entière passe
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l’esprit de la thérapeute l’image d’un petit escargot qui se
retire dans sa coquille, une petite bête visqueuse réfugiée
dans sa carapace. Claudio émettait des sons vocaux répétés
dont la qualité alarmait la thérapeute. Ce n’étaient pas des
vocalisations privées de sens. Il savait parler et par moments
n’était pas écholalique. Il arrivait qu’il demanda de façon touchante d’être aidé.
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à un nouveau degré de complexité, la représentationt­ ri-­dimensionnelle des objets, et, par identification, du self,
l’un et l’autre contenant alors des espaces potentiels. La
potentialité d’un… contenant ne peut être conçue qu’après
la mise en place effective d’une fonction-­sphincter1 ».
Claudio commença à s’intéresser au plancher qu’il touchait de son front et dit à la thérapeute qu’il était dûr et
froid. Ce plancher dûr toutefois n’était plus le mauvais
objet « non-­moi » en contraste avec le bon divan-­moi avec
ses coussins mous, mais était exploré et apprécié pour sa
solidité.
Dans une séance, Claudio mit encore ses mains dans son pantalon, une devant et une derrière. La position était difficile à
maintenir pendant longtemps, mais il était important pour lui
d’y réussir. La thérapeute se demanda à haute voix s’il avait
besoin de protéger les parties qu’il sentait un peu vulnérables,
là où il avait des sensations nouvelles qu’il ne connaissait pas
encore bien. Claudio la regarda les yeux grands ouverts et avec
une attention intense pendant qu’elle parlait. Elle continua en
disant qu’il savait maintenant que son corps avait une bouche,
où entraient les aliments qu’il mangeait (tout comme elle avait
une bouche de laquelle en ce moment sortaient sa voix et les
mots), et qu’il savait aussi qu’il avait un petit trou dans son
derrière, duquel il pouvait laisser sortir le caca, et un petit trou
au bout de son zizi d’où il pouvait laisser sortir le pipi. Claudio
continua à regarder intensément sa thérapeute qui parlait et
retira lentement ses mains de son pantalon. Il semblait avoir
compris ce commentaire long et complexe.
Il prit un crayon et alla à la fenêtre, d’où il observa qu’il faisait
nuit. Il appuya le crayon en diagonale dans un des coins inférieurs du cadran de la fenêtre et dit : « C’est un triangle ». Il
suivit la forme de ses trois côtés du doigt et les compta avec
les doigts de l’autre main. (Il avait désormais six ans et allait
à l’école). Il observa longuement le triangle, puis alla dans le
coin de la pièce et toucha l’angle où se rencontrent les deux
lignes du plancher et celle du mur. Il vérifia encore une fois la
consistance du plancher et dit « dur ». Puis, il se leva, alla au
divan comme s’il voulait sentir la différence entre sa consistance molle et la dureté du plancher.
1. Op. cit., p. 235.
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Il retourna à la fenêtre et regarda dehors, disant encore qu’il
faisait nuit. Puis, il étala de la salive sur la vitre. (Il avait depuis
longtenps abandonné cette activité qui était fréquente au
début de la thérapie). Voulait-­il effacer ou exclure la nuit qui
était dehors, où il serait allé bientôt, étant donné que la fin de la
séance s’approchait ? Il dit : « Je veux cracher. » La thérapeute :
« Tu sais que bientôt nous allons nous dire au revoir. Peut-­être
veux-­tu cracher pour faire sortir de dedans notre salut et la
nuit dans laquelle tu vas sortir ? » Claudio commença à cracher
par terre, puis s’approcha de la thérapeute avec une attitude
menaçante comme s’il voulait la frapper. Mais en même temps,
il écouta intensément quand elle dit que ce n’était pas facile
de se dire au revoir et qu’il était fâché avec elle pour cela. Il
cessa de cracher et se recroquevilla sur le divan dans la position du petit escargot. La thérapeute dit que le petit escargot
voulait s’éloigner de ce qui fait mal, mais qu’elle penserait à lui
même lorsqu’il sera sorti d’ici. Claudio se leva, prit le crayon
avec lequel il avait formé le triangle dans le coin de la fenêtre et
chercha en vain à l’enfiler dans le trou de la serrure. Peu avant
de quitter la pièce, il le laissa tomber dans le trou du lavabo. Le
crayon tomba trop loin pour que la thérapeute puisse le récupérer avant que Claudio ne s’en aille.
Commentaire
Lorsque Claudio forma un triangle avec son crayon et
le nomma correctement, il montra que sa perception de
soi comme étant une entité plus solide ouvrait son monde
interne à une forme primitive de tiercité qui devenait ainsi
une notion qui avait un sens. Nous avons vu qu’un sentiment
de continuité de l’existence et de solidité est la condition sine
qua non pour l’expérience de la tridimensionnalité. Le crayon
établit une limite et dessina une forme avec des côtés linéaires et des angles pointus, différents du point de vue aussi
bien sensoriel-­tactile que visuel de la rondeur des coussins
mous du divan. Tustin souligne que les formes géométriques qui apparaissent dans le matériel d’un enfant lorsqu’il
commence à sortir de l’autisme n’ont plus les caractéristiques d’un objet autistique (1986). Maria Rhode confirme :
« … les formes géométriques font leur apparition lorsque les
enfants se trouvent sur le seuil d’un nouveau développement
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Le corps inhabité de l’enfant autiste
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Suzanne Maiello
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Claudio explora des contraires, non seulement le dur et
le mou, les formes aigues et rondes, mais aussi la lumière
et l’obscurité, le chaud et le froid, le dehors et le dedans.
L’observation de la réalité devient possible lorsqu’il y a un
appareil mental capable de voir soi-­même et l’autre et de
reconnaître des différences de base. L’utilisation de sa salive
eût une double signification. D’abord, elle fût utilisée pour
reconstituer l’immutabilité autistique, effacer les différences
en recréant un état d’adhésivité gluante, mais à la fin de la
séance, son usage changea. En exprimant sa frustration à
l’approche de la fin de la séance, l’enfant dit : « Je veux cracher. » Un « moi » qui abitait son corps montra une volonté,
le désir agressif dirigé contre la « méchante » thérapeute
dans un mouvement linéaire en projetant vers elle un liquide
corporel furieux. S’il avait réussi à contenir son urine dans le
passé au moment de la séparation, dans un état d’angoisse
d’anéantissement, il était devenu capable maintenant de
reconnaître la source extérieure de sa frustration et de tirer le
jet de sa salive vers le mauvais objet qui était sur le point de
l’abandonner. L’identification projective commençait à devenir une nouvelle possibilité pour se protéger de sentiments
intolérables.
Il n’est pas surprenant que Claudio, tout comme Tommaso,
eut recours, à la fin de la séance, lorsque la séparation était
toute proche, à ses défenses autistiques. Il n’expulsa plus
le liquide visqueux de l’intérieur de son corps, mais redevint
lui-­même le petit animal visqueux.
Au tout dernier moment de la séance toutefois, Claudio
se recompacta une dernière fois. Il laissa tomber le crayon
dans le trou du lavabo. Le crayon était un corps solide, tout
comme l’enfant qui quittait la pièce, et ce crayon disparu
était un message à la thérapeute et une représentation de son
1. Maria Rhode, Forme sulla soglia: alcune pietre miliari nei bambini che emergono dall’autismo, Richard e Piggle, 2011, 19/1, 1-­15, p. 4.
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important1. » La capacité de compter, elle aussi, est liée à la
solidification psycho-­physique. Les nombres sont des unités
solides et délimitées. Dans un monde liquide, la mathématique n’a pas de sens.
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Le corps inhabité de l’enfant autiste
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anxiété. Lui-­même quitta la pièce sans tomber dans aucun
trou noir, mais s’en alla tranquillement, en laissant à la thérapeute le soin de récupérer le crayon.
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Antonio avait cinq ans au début de sa psychothérapie.
Hermétiquement enfermé dans son isolement autistique,
il ne réagissait pas à mes communications verbales. Le
langage était pratiquement absent. L’usage qu’il faisait de
l’espace semblait accidentel. En tournant en rond dans la
pièce, j’avais parfois l’impression qu’il tendait à m’exclure
de son mouvement circulaire, mais plus souvent, il était
indifférent que je fusse à l’extérieur ou à l’intérieur de ses
cercles. Le regard d’Antonio me traversait apparemment
sans me voir. Il ne reconnaissait ni aux portes ni aux fenêtres leur fonction de délimitations spatiales, mais les utilisait pour grimper. C’était là le seul usage de l’espace qui
semblait avoir une relation avec ma présence. Il se mettait
à grimper chaque fois qu’il y avait eu entre lui et moi un bref
moment de contact. Sa dextérité acrobatique funambulesque n’était pas seulement au service de sa tentative de
me fuir pour aller « ailleurs », mais Antonio semblait vouloir,
en grimpant, annuler le moment de communication entre
nous en se diluant et en disparaissant dans l’air comme un
ballon sans poids.
Au cours de la deuxième année de thérapie, la valeur
émotionnelle de la tendance de l’enfant à se volatiliser, à
disparaîre et me faire disparaître, changea. Lorsqu’il regardait par la fenêtre et voyait des hirondelles voler dans le ciel,
il était pris de panique. Son angoisse était qu’elles auraient
volé toujours plus haut et ne seraient plus redescendues. Le
besoin précédent de se diluer et de disparaître dans l’espace, réalisé en grimpant vers le haut dans un état d’apparente absence de poids corporel, s’était transformé en
angoisse d’anéantissement suscitée par la dilution-­même.
Rester en bas, et dedans, était devenu d’une importance
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Un enfant « volatil » : Antonio et la découverte
du poids, du volume et de la tridimensionnalité
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vitale pour Antonio qui me fit comprendre que je devais
urgemment construire une cage pour les oiseaux, afin qu’ils
ne volent pas trop haut. L’image d’une cage qui contient un
oiseau représenta une conquête importante dans le développement de cet enfant. Il pouvait maintenant imaginer un
espace réel et non infini (la pièce de la thérapie), et dans
cet espace une structure tridimensionnelle (la cage), à savoir
un contenant en mesure de contenir un contenu, l’oiseau.
C’était l’image d’une maison avec un habitant potentiel,
dans un certain sens le phantasme opposé à la maison­corps nullifiée par sa fuite sans fin. Il me semblait que ce qu’il
voulut réaliser maintenant était le phantasme d’une situation
de contenance non modifiable, la porte de la cage devant
rester bien fermée.
Au cours de la troisième année de thérapie, Antonio
entreprit une nouvelle activité. Il commença à s’enfiler sous
le tapis et à ramper comme une taupe qui avance lente­
ment sous la terre, jusqu’à ce qu’il ressorte de l’autre côté. Il
répéta cette séquence pendant une longue série de séances,
avec engagement et concentration, et avec une expression
de stupeur sur le visage chaque fois qu’il réémergeait à la
lumière après la longue traversée dans l’obscurité. Il n’était
plus prisonnier. J’eus la sensation nette que quelque chose
se passait à l’intérieur de l’enfant pendant que son corps
rampait à l’intérieur du tapis. L’espace infini qui avait attiré
le ballon sans poids, devenu par la suite l’espace réel, non
infini, mais statique et fermé de la cage pour l’oiseau, était
maintenant un espace-­maison-­peau de passage, dans
lequel on pouvait entrer, séjourner, se déplacer, et duquel
on pouvait ressortir. Je me demandai si l’expérience que
faisait Antonio pouvait être analogue à ce que perçoit l’enfant vers la fin de la vie prénatale, lorsque le contenant
utérin limite ses mouvements dans l’espace qui le contient,
mais lui renvoie peut-­être en même temps un ressenti de
son corps en mouvement par rapport au contenant, ressenti qui trouve son point culminant pendant l’accouchement. Antonio expérimentait la différence entre dedans et
dehors, entrée et sortie, nuit et jour, mobilité et immobilité. Les premiers processus de différenciation, le clivage
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Les mois passèrent jusqu’à ce que, un jour, Antonio prit une
feuille de papier et la courba, lui donnant la forme d’un arc. Il
me fit comprendre qu’il voulait que je colle cette voûte à la surface de la table avec du ruban de scotch. Il prononça un de ses
premiers mots pour nommer ce tunnel qu’il appela « gaghìa »
(galleria). Il prit un petit mouton parmi les animaux domestiques
et l’accompagna avec une main, lui faisant traverser le tunnel.
Inévitablement, il y eut un moment pendant lequel il ne put voir
l’animal ni d’un côté ni de l’autre, lorsque lui-­même se déplaçait du côté de l’entrée vers le côté de la sortie. Lorsqu’il voyait
émerger le mouton de l’autre côté, il dit « ecco ! » (« voilà »)
d’un ton qui exprimait l’émotion et le soulagement de l’avoir
retrouvé après le moment d’invisibilité.
Antonio était devenu capable de traduire l’expérience
psycho-­physique du passage sous le tapis faite précédemment en une représentation. Il semblait qu’il existait désormais dans son monde intérieur un espace mental avec deux
ouvertures, qui pouvait permettre à des perceptions et des
sensations d’entrer, d’être élaborées et transformées et
d’être représentées à l’extérieur. En plus, l’enfant s’attendait
de revoir le mouton à la sortie du tunnel. Cela signifie que
l’imagination était à l’oeuvre et qu’Antonio pouvait anticiper
un évènement, parce que des événements précédents analogues étaient conservés dans sa mémoire. L’espace mental
avec ses contenus qui peuvent entrer et sortir représente la
contrepartie psychique de la découverte de l’espace tridimensionnel contenant et de la possibilité d’un mouvement
orienté du corps dans cet espace. Cette découverte est la
condition sine qua non pour que s’instaurent les processus
projecifs et introjectifs.
Les portes avaient désormais acquis leur signification de
séparateurs spatiaux, et en tant que tels elles étaient contestées et attaquées par Antonio. Il y avait sur une paroi de la
pièce de thérapie une porte fermée à clef. Il appelait cet
« ailleurs », cet espace inaccessibile qu’il imaginait derrière
la porte « la stanza della signora » (la chambre de la dame),
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primaire qui représente la base de toute activité mentale,
pouvaient démarrer à travers un vécu corporel.
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Antonio fit des tentatives répétées et vaines d’enfiler le
bébé de la famille de son matériel dans la fente entre la porte
et le plancher. Un jour, il essaya d’atteindre l’autre côté avec
les ciseaux. Il réussit à les faire pénétrer à moitié et les fit
« mordre » à vide le lieu qu’il ne pouvait conquérir. Enfin, il se
rendit à l’évidence, mais glissa une feuille de papier sous la
porte. Tustin décrit le vécu qu’a l’enfant autiste de son corps :
un dos dur et un ventre mou, et rien entre les deux (1981),
à savoir un corps-­feuille bidimensionnel. Toutefois, Antonio
était capable maintenant de représenter la « bidimensionnalisation » autistique sans redevenir lui-­même le non-­corps du
passé ou le corps sans poids ni volume qui s’évaporait.
Un jour, Antonio apporta à la séance un petit lion décomposable, fait de petits bâtons de plastic plats, unis aux articulations par des boutons à pression, grâce auxquels il pouvait
être allongé et retréci comme un accord éon. L’enfant essaya
de glisser le lion sous la fente pour le faire entrer dans l’espace
« della signora ». Le lion était très plat, mais pas suffisamment
pour passer sous la porte et franchir la limite qu’Antonio supportait mal. Il arracha alors la tête du lion et le démonta complètement, en séparant toutes les pièces qui le composaient. Il
dit que le lion était cassé.
Je lui parlai de sa rage contre la porte fermée et contre moi
qui ne le laissait pas entrer dans la chambre de la « signora ».
Il était si faché qu’il se sentait un enfant tout cassé, comme
son petit lion. Antonio fit une tentative d’assembler à nouveau
les pièces détachées, mais le fit au hasard et fabriqua un objet
bizarre (Bion, 1967) qui ne ressemblait en rien à un lion. Cela
l’angoissa, il démembra à nouveau l’objet et jeta les pièces
dans ma direction. Ne pouvant pas supporter d’avoir besoin de
mon aide, il me tourna le dos et s’éloigna le plus loin possible
pendant que je recomposai les pièces et reconstituai le lion,
tout en lui parlant de sa peur que tous ces petits bouts dispersés n’aient pas pu redevenir un lion. Il avait aussi peur de ne
pas pouvoir redevenir un enfant entier après s’être senti tout
déchiré par sa rage. Il revint vers moi, reprit le lion remembré
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à savoir ma chambre privée. Dans son imagination, ce lieu
contenait toutes mes richesses. Lorsque la frustration de ne
pas y avoir accès prenait le dessus, il devenait par contre
plein d’objets détruits et monstrueux. L’identification projective s’était installée dans son appareil psychique.
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Antonio avait essayé, en face de la frustration suscitée
par les limites spatiales imposées par la pièce de thérapie,
d’aplatir et de « démonter » à nouveau son appareil mental,
afin de se soustraire à la perception d’une limite frustrante,
et de nos deux réalités psycho-­physiques séparées, représentées par la porte fermée entre les deux pièces. Toutefois,
l’angoisse suscitée en lui à la vue de l’objet insensé qu’il avait
remonté au hasard, le porta à demander mon aide.
Lorsqu’il compara son lion bidimensionnel « re-­membré »
avec le lion tridimensionnel et non démontable du matériel,
et dit « lion », il sembla avoir fait une expérience à plusieurs
niveaux. Antonio était devenu capable d’apprécier la similitude
des deux lions. Malgré leur degré très différent de stylisation, il
avait su reconnaître leur caractére léonin commun. Tustin nous
enseigne que dans les états autistiques, seul l’immutabilité,
le même, l’identique, est supportable, alors que le semblable,
qui introduit le principe de la différence, est intolérable (1994).
Reconnaître une similitude est le fruit d’une activité mentale de
triangulation, dans la mesure où les deux objets comparés ne
peuvent être reconnus comme étant semblables que s’il existe
une image interne qui contient l’essence ­commune des caractéristiques des deux objets. Le petit lion plat et démantelé
d’Antonio fût donc doublement « re-­membré » : ses membres
furent reliés de façon organique, et il avait été « remembered1 »,
retrouvé dans la mémoire de l’enfant, et reconnu grâce à ses
caractéristiques léonines reconstituées.
Nous pouvons nous demander si Antonio avait reconnu
au lion tridimensionnel et non « démembrable » de son matériel de jeu une permanence identitaire dans le temps qui
manquait à son lion plat, fragile et démontable qu’il dût recontrôler continuellement au cours de la séance pour se rassurer
1. « To re­member » signifie en anglais « se rappeler ».
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de mes mains, l’examina longuement, alla prendre le lion tridimensionnel et non démontable dans sa boîte et compara longuement les deux animaux. Enfin, il dit « lion ». Pendant le reste
de la séance, il tint son lion remembré serré dans sa main et
contrôla à plusieurs reprises qu’il était resté intact. À la fin de la
séance, il l’emporta avec lui.
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qu’il fût resté identique à soi-­même. Il semble que dans cette
séance Antonio ait pu percevoir les effets dévastateurs des
manoeuvres autistiques qui aplatissent et démantèlent l’expé­
rience frustrante intolérable dans le but implicite d’éliminer
toute conscience de soi comme être séparé. L’enfant était
devenu capable d’apprécier le corps solide, tridimensionnel
et non démontable du lion de la thérapie qui, grâce à sa permanence dans l’espace et dans le temps, pouvait avoir un
nom propre. Pour un instant, il semblait avoir pu faire l’expérience, à un niveau profond de sa psyché, que l’acceptation
des limites spatio-­temporelles représente la base de laquelle
émerge la fonction symbolique et sur laquelle s’­appuie la
possibilité d’une relation significative avec un autre reconnu
dans son altérité.
Conclusions
L’expérience d’être un corps et d’avoir un corps contenu
dans la réalité spatio-­temporelle et relationnelle, et en même
temps un corps contenant tant des organes matériels que
des espaces virtuels pouvant se peupler d’objets internes
semble être à la base de tout développement. L’activité
mentale, enracinée dans la réalité du corps, se développe
à partir de ces niveaux primaires. L’unité psycho-­physique
représente le point de départ dès le tout début de la vie.
Les enfants autistes semblent avoir abandonné non
seulement la voie du développement psychique qui est
inséparable de la dimension relationnelle, mais également
l’expérience de leur corporalité, inséparable, elle aussi,
des premières réalisations de l’intersubjectivité primaire.
La rencontre avec un partenaire ne peut se faire que s’il y
a une perception, initialement fugace, de soi comme moi
corporel séparé. Les métaphores de la volatilité, liquidité
et viscosité ont été utilisées pour décrire le niveau primitif
auquel se trouve l’origine de la difficulté de l’enfant autiste
à devenir un soi individuel. À l’aide du materiel clinique
de trois enfants autistes, j’ai cherché à donner quelques
exemples des formes que peut prendre l’impossibilité
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Les enfants autistes ont besoin d’être aidés à faire l’expérience de leur corps comme entité réelle ayant une existence
solide et stable dans la dimension temporelle (going-­on­being), d’un corps contenu dans un espace/temps tridimensionnel fiable, pour pouvoir à son tour devenir un contenant
d’espaces et d’objets internes. Se sentir exister comme
corps dans un espace extérieur implique la rencontre avec
la préconception de contenant/contenu, et partant avec
des expériences de réalisation de cette préconception, ne
fût-­ce que grâce au fait, dont le thérapeute est constamment conscient, que la séance se déroule dans un espace­contenant réel avec une porte qui s’ouvre et se ferme sur
les deux partenaires-­contenus, et au rythme temporel de la
rencontre et de la séparation.
La rythmicité et la fiabilité de l’alternance de présence et
d’absence rendent graduellement possible une expérience
moins traumatique des césures qui ne sont plus vécues
comme une lacération catastrophique, mais comme un intervalle entre une rencontre et la suivante. L’espace d’entre­deux devient supportable grâce à une trame rythmique qui
se répète. Un corps liquide ne connaît pas d’entre-­deux. Le
rythme de sécurité de base auquel se réfère Tustin et la solidification du moi corporel semblent pouvoir être mis en une
relation de réciprocité dynamique. L’enfant autiste a besoin
d’être aidé à abandonner son état de nobody, de « non­corps », et à trouver ou retrouver, dans le milieu protégé de
la thérapie, sa réalité corporelle, et de permettre à ce corps
de se solidifier graduellement, afin de pouvoir exister dans
l’espace/temps et devenir une entité contenue et contenante
capable d’interagir avec d’autres moi corporels, d’autres
entités psycho-­physiques. Grâce à une attention particulière
à sa corporalité, il peut être aidé à s’acheminer dans la voie
du développement psychique qu’il avait égarée en même
temps qu’il avait perdu son corps.
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­ sycho-­physique de ces enfants d’acquérir un sens d’idenp
tité stable dans le temps. Chaque enfant a décliné son
évolution en suivant son parcours personnel. Toutefois, il y
a des éléments en commun que nous retrouvons dans les
trois histoires.
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Ces expériences posent les fondements pour que
le corps devienne un moi corporel avec sa forme, ses
contours, sa solidité et sa continuité dans le temps, et qu’il
acquière le sens de son identité. Dès lors, le corps précédemment abandonné, rendu liquide, gazeux, visqueux ou
alors congelé, afin d’échapper à la terreur de la séparation,
peut devenir un moi incarné, un moi qui habite son corps.
Ce moi peut aussi se servir de sa corporalité pour établir
des contacts modulés avec le monde et ses habitants.
Dans le monde interne, les espaces mentaux deviennent,
grâce au démarrage des processus projectifs et introjectifs, des contenants potentiels prêts à recevoir des impressions, à ressentir des émotions, à élaborer des pensées,
des représentations et des réminiscences qui contribuent
à la croissance des objets internes.Ce sont ces vécus primordiaux, liés étroitement à des expériences rythmiques,
qui représentent le fondement sur lequel il devient possible pour l’enfant autiste qui a manqué de rencontrer le
monde, et le soi corporel dans le monde, de faire l’expérience d’être son corps, d’avoir un corps et d’habiter ce
corps pourvu d’espaces internes capables d’accueillir et
de penser les pensées.
Résumé
Le corps est le lieu des expériences primordiales du bébé.
C’est dans le moi corporel, lié étroitement à la perception de
l’espace et du temps, qu’a son origine et que se développe
le sens d’identité, dans le réseau de réciprocité des échanges interpersonnels avec l’entourage humain.
Dans les états autistiques, l’absence de relations avec le
monde extérieur qui comporte le retrait de toutes les dimensions de la réalité, y compris la perception de l’espace et
du temps, se reflète inévitablement sur la relation de l’enfant
avec son corps. L’élimination de tout échange entraîne l’élimination du sens d’exister en tant que corps et d’habiter ce
corps.
Ne pouvant tolérer aucune perception d’exister comme
individu du moment qu’il ne peut abandonner le phantasme
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inconscient d’un état d’unité fusionnelle, l’enfant autiste ne
peut accepter que son corps se « solidifie », étant donné
que ce processus impliquerait la perception d’être séparé
de l’entourage et d’avoir une peau qui délimite l’intérieur de
l’extérieur. La stratégie défensive de beaucoup d’enfants
autistes consiste à refuser à des niveaux psycho-­physiques
profonds cette « solidification ». Leurs corps, leurs mouvements, leur comportement, tendent alors à susciter chez le
thérapeute une perception de liquidité, de volatilité, de viscosité ou au contraire de congélation qui semble représenter
une ultérieure manoeuvre protectrice.
L’histoire de trois enfants autistes en thérapie psychanalytique montre comme la découverte de la corporalité et l’expérience d’exister comme corps réel dans l’espace, dans le
temps et dans la relation, représente un passage fondamental dans le processus thérapeutique. La découverte du corps
et l’expérience qu’il est solidement contenu dans l’espace
tridimensionnel et dans l’attention du thérapeute est indispensable pour que le contenant psychique de l’enfant puisse
commencer à assumer les fonctions mentales essentielles
de projection et d’introjection.
Mots-­clé : corps, moi corporel, corps dans l’autisme,
consistance corporelle, psychothérapie de l’autisme.
Summary
The infant’s primary experiences have a bodily quality.
The sense of identity, which is connected with the perception of space and time, and develops through reciprocal
exchanges with his human environment, is deeply rooted in
the body-­ego.
In autistic states, the absence of any relationship with
the external world, which implies the withdrawal from all
dimensions of reality, including the perception of space
and time, is inevitably mirrored in the child’s relation with
his body. The elimination of any exchange includes the elimination of the sense of existing as a body and of inhabiting his body.
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Le corps inhabité de l’enfant autiste
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Since the autistic child cannot bear any perception of
existing as a separate individual, being unable to abandon
the unconscious fantasy of fusional oneness, he cannot
accept his body to become a “solid” entity, since this process would lead to the perception of being separated from
his environment and of having a skin representing the boundary between inside and outside. The defensive strategy of
many autistic children consists in refusing this process of
“solidification”at deep psycho-­physical levels.Their bodies,
their movements, their behaviour, tend to elicit in the therapist sensations of their being liquid, volatile or viscous, or
on the contrary frozen, which seems to represent a further
protective manoeuvre.
The history of three autistic children in psychoanalytic
psychotherapy show how they discovered their bodies andbegan to experience themselves as existing as a bodily reality in space, in time and in a relationship.This represented a
crucial moment in the therapeutic process. In fact, the child’s
discovery of his body and the experience of it being solidly
contained in a three-­dimensional space and in the therapist’s
attention was the prerequisite for their psychic container to
become able to perform its basic mental functions of projection and introjection.
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