Suzanne Maiello112
31 janvier 2012 - Journal de la psychanalyse de l’enfant n° 2-2011 - AUTEUR - Journal de La psychanalyse de l’enfant -
135 x 215 - page 112 / 246
mais inévitable ce processus de coagulation. Dans le milieu
aquatique prénatal, le corps léger du fœtus est probable-
ment ressenti jusqu’à un certain moment dans le temps
comme uide ottant sans se distinguer nettement de l’en-
tourage uide, quoique l’enfant explore activement les élé-
ments solides de son entourage. Toutefois, à partir d’un
certain moment, quelques semaines avant la naissance, un
changement s’annonce. C’est le moment où le contenant
utérin ne peut pas augmenter ultérieurement son volume
et se serre graduellement autour du corps grandissant de
l’enfant en restreignant sa liberté de mouvement, mais en
établissant en même temps des limites et en dénissant
les contours de son corps. Il est probable que ce n’est
pas seulement l’accouchement, mais déjà cette dernière
période de la vie prénatale qui prépare le bébé à se res-
sentir comme entité plus compacte. C’est une période de
« con- centration », un début de solidication. Après l’ac-
couchement, le milieu aquatique devient un milieu aérien
et la force de gravité impose au corps du nouveau- né la
pression d’une solidication et d’une différenciation ulté-
rieures. Si au début de la vie prénatale il était uide dans le
uide, il devient un corps solide dans un entourage aérien
ni contenant ni soutenant. Son corps n’est plus déni par
des limites extérieures, mais doit assumer une forme pro-
pre, la peau représentant tant l’enveloppe contenante dans
le sens du « moi- peau » (Anzieu, 1985) que la limite entre
intérieur et extérieur, entre moi et non- moi. Dans le déve-
loppement normal, cela implique inévitablement dès le
début de la vie postnatale un ressenti même fugace de la
propre existence corporelle séparée.
C’est un moment crucial. Si ce changement radical n’est
pas tolérable, si la césure, l’événement de la séparation, est
vécue comme une lacération traumatique et une menace
d’être précipité dans le néant, des réactions protectrices
extrêmes, telles que le recours à une carapace autistique,
peuvent, dans certains cas, se mettre en place. Leur but est
de protéger l’enfant contre le danger d’un changement craint
comme catastrophique, mais en même temps elles empê-
chent qu’il fasse l’expérience d’être un corps, un corps né
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.244.160.66 - 11/05/2020 18:21 - © Presses Universitaires de France
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.244.160.66 - 11/05/2020 18:21 - © Presses Universitaires de France