INTRODUCTION À LA THÉORIE DES NOMBRES
COURS DE M1
par
Laurent Berger
Table des matières
1. Corps de nombres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2. Entiers algébriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
3. Anneaux de Dedekind. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
4. Corps finis et résidus quadratiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
5. Groupes de classes................................................... 12
6. Le premier cas du théorème de Fermat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
7. Formes quadratiques binaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
8. Géométrie des nombres............................................... 19
9. Unités............................................................... 23
10. Correspondance de Galois........................................... 26
11. Corps cyclotomiques................................................ 28
12. Lois de réciprocité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
13. La fonction ζde Dedekind. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
14. Fonctions L......................................................... 36
Références.............................................................. 39
1. Corps de nombres
Soit Kun corps qui contient Q(par exemple K=Rou C). Un nombre αKest dit
algébrique s’il est racine d’un polynôme à coefficients dans Q.
Proposition 1.1. — Si αK, alors les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. αest algébrique ;
2. Q[α]est de dimension finie sur Q;
3. Q[α] = Q(α).
2LAURENT BERGER
Démonstration. Montrons que (1) implique (2) ; si αest annulé par P(X), alors Q[α]
est un quotient de Q[X]/P (X)et est donc de dimension finie sur Q.
Montrons que (2) implique (3) ; si βQ[α]est non nul, alors la multiplication par β
est un endomorphisme injectif de Q[α]qui est alors surjectif comme on est en dimension
finie, ce qui fait que tout élément non nul de Q[α]a un inverse et que Q[α]est un corps.
Montrons que (3) implique (1) ; on a 1Q[α]et il existe donc R(X)tel que
1=R(α)ce qui fait que αest annulé par le polynôme P(X) = XR(X)1.
Le degré de αest alors défini par deg(α) = dimQ(Q[α]). On déduit de la proposition
que si α, β Ksont algébriques, alors α±βet αβ et αle sont aussi. En effet, ils
appartiennent tous à Q[α, β]qui est engendré par les αiβjavec 0ideg(α)1et
0jdeg(β)1.
Si αest algébrique, alors Iα={P(X)Q[X]tels que P(α)=0}est un idéal de Q[X]
dont on note Pminle générateur unitaire, c’est le polynôme minimal de α. Ce polynôme
est irréductible sur Qet il est scindé à racines simples sur C. Son degré est celui de α.
L’ensemble des nombres algébriques de Cest dénombrable. Le résultat suivant permet
de construire des exemples d’éléments de Rqui ne sont pas algébriques.
Théorème 1.2. — Si αRest irrationel et algébrique de degré d, alors il existe c > 0
telle que
αp
qc
qd
pour tous p, q Z(q6= 0).
Démonstration. Soit P=m·PminmZ1est tel que P(X)Z[X]. Si αR
et p, q Z(q6= 0), il existe y[α;p/q]tel que P(α)P(p/q)=(αp/q)·P0(y). On a
P(α) = 0 et P(p/q)1/qd·Z\ {0}ce qui fait que |αp/q| ≥ 1/qd·1/|P0(y)|. Il suffit
alors de prendre c= min(1,miny[α1;α+1] 1/|P0(y)|).
Par exemple, Pk01/2k!n’est pas algébrique.
Définition 1.3. Un corps de nombres est une extension finie Kde Q. Son degré noté
[K:Q]est la dimension de Ksur Q.
Le résultat ci-dessous (le théorème de l’élément primitif) va nous simplifier la vie.
Théorème 1.4. — Si Kest un corps de nombres, alors il existe αKtel que K=
Q(α).
INTRODUCTION À LA THÉORIE DES NOMBRES 3
Démonstration. Comme Kest de dimension finie sur Q, il existe α1, . . . , αkKtels
que K=Q(α1, . . . , αk)et pour montrer le théorème, il suffit donc de montrer que si
K=Q(x, y), alors il existe zKtel que K=Q(z). Pour cela, plaçons nous dans une
extension de Kqui contient les racines x1=x, x2, . . . , xrde Pmin,x(X)et les racines y1=
y, y2, . . . , ysde Pmin,y(X). Comme Qest infini, il existe tQtel que xi+tyj6=x+ty pour
tout (i, j)6= (1,1) et on pose z=x+ty. Si on pose Q(X)=(Xz+ty1)···(Xz+tys),
alors Q(X) = (t)sPmin,y((Xz)/(t)) est à coeffcients dans Q(z)et l’hypothèse faite
sur timplique que le pgcd de Q(X)avec Pmin,x(X)est Xxce qui fait que xQ(z).
On a de même yQ(z)et donc on a bien Q(x, y) = Q(z).
Si L/K est une extension de corps de nombres, alors il existe αLtel que L=Q(α)
et donc a fortiori, L=K(α).
Rappelons que Cest algébriquement clos. Si Kest un corps de nombres, alors un
plongement de Kdans Cest un morphisme de corps σ:KC. Par le théorème 1.4, il
existe αKtel que K=Q[α] = Q[X]/(Pmin(X)) et il existe donc deg(α)plongements
distincts de Kdans C, donnés par σi(α) = αiα1, . . . , αdsont les racines de Pmin(X)
dans C. Un plongement σest dit réel si σ(K)Ret complexe sinon. Dans ce dernier
cas, σet σsont distincts. Le corps Kadmet donc r1plongements réels dans Cet r2
paires de plongements complexes conjugués, avec d=r1+ 2r2.
Plus généralement, on a le résultat ci-dessous qui se démontre de la même manière.
Proposition 1.5. — Si L/K est une extension de corps de nombres de degré det si
σ:KCest un plongement, alors il existe dplongements distincts de Ldans Cdont
la restriction à Kest σ.
Soit Kun corps de nombres et xKet mx:KKl’application de multiplication
par x. C’est un endomorphisme Q-linéaire et on pose TrK/Q(x) = Tr(mx)et NK/Q(x) =
det(mx).
Proposition 1.6. — Si σ1, . . . , σdsont les plongements de Kdans C, alors TrK/Q(x) =
σ1(x) + ··· +σd(x)et NK/Q(x) = σ1(x)···σd(x).
Démonstration. Remarquons que si R(X)Q[X], alors R(mx) = mR(x)et donc que le
polynôme minimal de l’endomorphisme mxest Pmin,x(X). On en déduit que si K=Q(x),
alors mxest diagonalisable à valeurs propres σ1(x), . . . , σd(x)chacune étant comptée avec
multiplicité un ce qui montre la proposition dans ce cas. En général, Kest une extension
de Q(x)de degré eet Kest la somme de ecopies de Q(x)stables par mxce qui fait
que TrK/Q(x) = e·TrQ(x)/Q(x)et que NK/Q(x) = (NQ(x)/Q(x))e. Par ailleurs, chaque
4LAURENT BERGER
plongement σide Q(x)dans Cs’étend en eplongements distincts de Kdans C, qui
prennent la même valeur σi(x)sur x. On en déduit la proposition dans le cas général.
On utilise la trace pour définir une forme bilinéaire ,·iK:K×KQdon-
née par hx, yiK= TrK/Q(xy). Cette forme est non dégénérée car hx, 1/xiK= [K:
Q]6= 0. Si α1, . . . , αdsont déléments de K, alors le discriminant de cette famille est
disc(α1, . . . , αd) = det(hαi, αjiK). On a alors :
disc(α1, . . . , αd) = det(hαi, αjiK) = det(t(σi(αj))i,j ·(σi(αj))i,j) = det((σi(αj))i,j )2.
En particulier, si (αi) = M·(βi)avec MMd(Q), alors disc(αi) = det(M)2disc(βi).
Notons aussi que disc(α1, . . . , αd)=0si et seulement si α1, . . . , αdsont liés sur Q. Enfin
si K=Q(α), alors :
disc(1, α, . . . , αd1) = det
1σ1(α)σ1(αd1)
.
.
..
.
.. . . .
.
.
1σd(α)σd(αd1)
2
=Y
i<j
(σi(α)σj(α))2
=±NK/QP0
min(α).
2. Entiers algébriques
Si Kest un corps de nombres, alors on dit que αKest entier si Pmin(X)Z[X].
Proposition 2.1. — Si αK, alors les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. αest entier ;
2. il existe PZ[X]unitaire tel que P(α) = 0 ;
3. Z[α]est un Z-module de type fini.
Démonstration. Le fait que (1) implique (2) est évident et le fait que (2) implique (1)
suit du lemme de Gauss : si P(α)=0, alors Pmin(X)divise P(X)et est donc unitaire
à coefficients dans Z[X].
Montrons que (2) implique (3) : si P(α)=0et si d= deg(P), alors αdZ+Zα+
···+Zαd1et par récurrence, on trouve que Z[α] = Z+Zα+···+Zαd1ce qui montre
que Z[α]est de type fini.
Montrons enfin que (3) implique (2). Soit x1, . . . , xnune famille génératrice de Z[α]. Il
existe MMn(Z)telle que (αxi) = M·(xi)ce qui fait que (αId M)(xi) = (0) et donc
det(αId M)=0ce qui fait que P(α)=0avec P(X) = det(XId M)qui est unitaire
à coefficients entiers.
INTRODUCTION À LA THÉORIE DES NOMBRES 5
En particulier, si α, β Ksont entiers, alors α±βet αβ le sont aussi. On note OK
l’ensemble des entiers de Ket c’est donc un anneau.
Théorème 2.2. — Si Kest un corps de nombres, alors OKest un Z-module libre de
rang d= [K:Q].
Démonstration. Commençons par remarquer que si αK, alors il existe mZtel
que ∈ OK. En effet, si αn+an1αn1+···+a0= 0 avec aiQ, alors en mutlipliant
cette relation par mn, on trouve ()n+man1()n1+··· +mna0= 0 et il suffit
donc de prendre mtel que maiZpour tout i. On déduit de cela qu’il existe des entiers
α1, . . . , αdqui forment une base de K/Q. Si α∈ OK, on peut donc écrire α=Pd
i=1 xiαi
avec xiQ. En appliquant les dplongements σ1, . . . , σdà cette relation, on trouve :
σ1(α)
.
.
.
σd(α)
=
σ1(α1). . . σ1(αd)
.
.
.
σd(α1). . . σd(αd)
x1
.
.
.
xd
,
et donc :
x1
.
.
.
xd
=
σ1(α1). . . σ1(αd)
.
.
.
σd(α1). . . σd(αd)
1
σ1(α)
.
.
.
σd(α)
= disc(αi)1det((σi(αj))ij)·tco
σ1(α1). . . σ1(αd)
.
.
.
σd(α1). . . σd(αd)
σ1(α)
.
.
.
σd(α)
.
On déduit de l’équation ci-dessus que disc(αi)xjappartient à OKquel que soit jet donc
àQ∩ OK=Zce qui fait que l’on a :
d
j=1Z·αj⊂ OK⊂ ⊕d
j=1Z·disc(αi)1αj
et donc OKest bien libre de rang d.
Une famille α1, . . . , αdde OKtelle que OK=d
i=1Zαis’appelle une base entière de
K. Le discriminant de Kest le discriminant d’une base entière de K. Si (αi)et (βi)sont
deux bases entières de K, alors on a (αi) = M·(βi)avec MGLd(Z)ce qui fait que
disc(αi) = disc(βi)et donc que le discriminant de Kne dépend pas du choix de la base
entière.
Lemme 2.3. — Si α1, . . . , αdest une famille libre de OKet si disc(αi)est sans facteur
carré, alors α1, . . . , αdest une base entière de K.
1 / 39 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !