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AUGENDRE maux-communication-interne

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MICHEL AUGENDRE'
LES MAUX DE
LA COMMUNICATION INTERNE' *
k
La communication constitue un enjeu majeur au sein des organisa­
tions. Pour l'améliorer, une approche contingente s'impose au-delà
des conceptions « intuitives» de ce qu'est la communication et des
interprétations plus scientifiques.
R
~CETTE.
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sez au
sonnes et posez
«
sont
I1?aJeurs
et Je
Des regards divergents sur
ce qu'est la communication
votre entreprt:çe et quelles en
sont !c:s causes;;» 11 ne faut pas être
grand clerc pour parier sans risques.
bans les' réponses, inévitablement, vous
aurez de multiples commentaires sur
«le manque de communicatiolZ ». Ren­
due responsable de bien des maux, la
communication est simultanément trop
lente à descendre ou à remonter, mal
inefficace, trop rare ou
? Souvent
Pourquoi?
Tentons d'expliquer Cd
Tout
cl' abord, le mot «communication» est
devenu un «attracteur étrange» (1). Il
i' Directeur des ressources hurnüines (je ln Cll.ûrnbre
de commerce et d'industrie de Saint Fllénne-MontJxison
.. SCiences Humaines, 110rs série n° 1b. mars/avril
1997.
1. Voir mots clés en fin d·ouvrage.
251
LA
COMMUNICATION DANS LES GROUPES
panage avec les tennes «compétence »,
«efficacité », «motivation» cette redou­
table «vertu» de désigner simplement
(avec simplisme?) des réalités com­
plexes et parfois hétérogènes. Ces réa­
lités ne sont ni isolées, ni définies, ni
savamment connues. Chacun pense de
bonne foi savoir ce qu'il faudrait faire
et ce qu'est la communication. Ces
conceptions présentent trois caractéris­
tiques communes:
- elles sont diffuses, implicites et n'ap­
paraissent qu'à travers des propos
ou des actes fragmentaires (<< On ne
nous dit rien 1»; «Untel n'est pas com­
muniquant l»; «C'est pourtant simple,
la direction pourrait faire ccci ou
cela. », etc.) ;
- elles postulent implicitement l'exis­
tence d'un idéal atteignable de com­
mU111cation ;
- elles ne définissent pas cet idéal.
Par ailleurs, les acteurs des organisa­
tions ressentent intérieurement tous les
décalages existants entre l'idéal de leurs
représentations des relations profes­
sionnelles, d'une part, et la réalité
concrète d'autre part. ils ont alors ten­
dance à considérer cette distorsion
comme de la mauvaise volonté, du
manque de professionnalisme (mais
généralement chez les autres!) ou
encore de la fatalité. Or, cette séquence
que je viens de décrire (représentation
implicite de ce qu'est la communica­
tion, puis perception du décalage avec
la réalité, conduisant à une analyse en
termes de responsabilité) fait des sala­
riés d'une organisation de redoutables
évaluateurs de la communication
interne. il n'est pas toujours aisé, à la
base d'une organisation, d'évaluer une
252
LES MAUX DE LA COMMUNICATION INTERNE
stratégie. Tl est, en revanche, très facile,
à n'importe quel endroit de l'entreprise,
de mesurer ce que l'on sait et ce que
l'on devrait savoir au vu d'un modèle
idéal de l'appartenance, du manage­
ment participatif et du partage des
infolmations.
Les exigences de «bonne» communi­
cation qui vont peser de toutes parts sur
la direction sont donc fortement légiti­
mées par les conceptions managériales
de panicipation qui dominent, et puis­
sanlment soutenues par une évaluation
critique de la qualité/quantité préswllée
d'infonnations que chacun reçoit.
Par conséquent, on peut facilement
concevoir que l'action collective soit
soumise, dans ce domaine, à certaines
difficultés. Elle requiert une qualité
d'échanges entre individus et entre
groupes, ce qui est, en soi, le véritable
enjeu de la communication interne. Les
grandes organisations spécialisent donc
des acteurs pour prendre en charge
cette question spécifique (directeurs de
la communication, consultants, etc.).
Elles instituent par là même une Glté­
gorie nouvelle d'acteurs qui manipulent
des modèles plus sophistiqués et les uti­
lisent dans leurs stratégies personnelles
pour promouvoir des politiques et des
discours sur la communication elle­
même. Cela instaure une métacommu­
nication souvent conflictuelle (par
concurrence des modèles, par jeux
d'acteurs ... ) qui interfère grandement
avec les communications profession­
nelles de premier niveau.
11 est donc particulièrement important
pour le gestionnaire de repérer fine­
ment sa propre position vis-à-vis des
autres pour tentër d'agir en fonction de
Modèle « intuitif Il
Modèle complexe
Une majorité du personnel partage
une conception intuitive de ce qu'est
la communication, selon laquelle:
• le manque de communication est
cause de dysfonctionnements dans
l'organisation;
• plus on communique, mieux c'est;
• la transmission des informations est
au centre des questions de commu­
nication;
• quelques personnes sont rede­
vables d'un score global de communi­
cation inteme ;
• elles seules peuvent améliorer la
situation.
Certains spécialistes adoptent pour
leur part une vision plus sophistiquée
de la communication, selon laquelle:
• le sentiment de non communication
est un effet des dysfonctionnements
de l'organisation;
• les causes sont multiples et hété­
rogènes; mais" tout communique" et
c'est bien là le problème;
• les rapports entre groupes ou indi­
vidus sont au centre des questions de
communication;
• tout le monde influe sur l'état des
relations;
• chacun peut améliorer sa situation.
ces décalages et au profit de tous. On
peut dire, en simplifiant, que le champ
de manœuvre présente deux pôles.
D'un côté se trouve le modèle «intui­
tif», proche des travaux qui rendaient
compte dans les années 50 de la trans­
mission de l'information (2). Cette
approche est adoptée par la majorité,
mais, trop rudimentaire, elle peut
conduire à des décisions malheureuses.
De l'autre côté se situent des concep­
tions plus systémiques (3), issues des
sciences sociales (sociologie, anthropo­
logie, linguistique). Elles rendent plus
finement compte de la réalité mais souf
frent d'être peu connues et peu mani­
pulables dans l'action. En effet, les dia­
gnostics qu'ëlles pennettent de fonnuler
ne trouvent pas de solutions immé­
diates, univoques, faciles d'emploi, ven­
dables en quelques minutes à des comi­
tés de direction et ne garantissent aucun
miracle.
C'est dire tout le paradoxe des relations
entre un «corps social» (l'ensemble des
collaborateurs qui ne s'assimilent pas aux
instances dirigeantes) COllv,ùncu de sim­
plicité communicationnelle et quelques
rares dirigeants assurés de l'inverse.
C'est précisément cette situation qu'il
convient de gérer et que résume le
tableau ci-dessus (4).
Les maladies
de la communication interne
A l'expérience, le gestionnaire com­
prend vite la limite opérationnelle des
modèles intuitifs et des modèles issus
des sciences humaines. Les uns risquent
de gauchir le diagnostic, les autres de
2. HD. Lilsswell. C.E. Shannon, et tous les tenants d'un
modèle" du télégraphe".
3. Modèle" de l'orchestre'' de l'Ecole de Palo Alto.
4. Parmi une bibliograpllie pléthorique, citons particu­
lièrement : J. Ginn, "Problèmes du langage dans les
organisations". dans J.-F. Chaniat (dir.), L 'IndlVidu dans
/'organisallon, les dimenSions oubliées, Eska, 1990.
253
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LA COMMUNICATION DANS LES GROUPES
LES MAUX DE LA COMMUNICATION INTERNE
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fi'·:
produire un Glagnostlc ex­
plOitable dans les contraintes de
imposées par l'action. Il convient
d'intercaler entre ces deux extrêmes des
modèles de gestion compréhensibles et
exploitables par tous, proches d'une
représentation fine
la réalité.
bonne
de s'y prendre consiste
à construire W1e typologie, en j'occur­
rence une typologie des défaillanccs de
la communication dans les organisa­
s. Tentons cet exercice à
d'w1e question simple: dans une
nisation,
réponse,
sous [orme d'lm dia­
granune rudimentaire, nous donne une
topographie permettant de
principales maladies de la cornmw1ica­
tion
1. I.;absence de dispositifs formalisés
organisations de
moyenne que la question se pose de la
manière la plus
Trop importante
pour que tout le monde sache tout,
mais trop petite pour que k'S acteLlfs en
fassent le deuil, l'en treprise
C'est dans
loppem divers
naux internes ou les réunions L"UUU.L'-"
de tout le personnel. Mais ces disposi­
tifs d'infonnation ne mnstitllPnt pas en
les dysfonctionnements
de la communication interne
L'entreprise cannait plusieurs modes de communication interne.
Chacun a ses maillons faibles ou ses liaisons à sens unique.
Direction
Direction
communication
1er dans le
schéma
3. La faiblesse ou l'absence
de communication ascendlmte
Trop de dirigeants oublient que la com­
interne ne doit pas
ment dre descendante, mais ég~Jement
ascendante. Il est nécessaire, comme le
souligne le sociologue Michel
que l'entreprise soit «il
11 est
récisément possible d'écouter tout un
corps social, ainsi que le montre une
opération de
que j'ai
tant, au sem
Représentants
des salariés
,li
Rumeur
Personnel
1.. L'absence de dispositifs formalisés.
une
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Il
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1.
2. La commwlication fonnelle prenant
le pas sur les relations humaines
Certains dirigeants, sensibles à la
sité de la communication
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III!!
254
ont
souligner
projet
55 réLUlions avec les autres membres
ces réunions,
par­
:onnuler ora­
commentaires
et yU""llUll;:'
Des milliers
fiches bristol sont
remontées au comité de direction, et
ont ensuite été analysées, synthétisées et
lUrInLiUOn Sn('CITlClIl('
n'liS lis
2. La communication formelle prenant le pas
sur les relations humaines. Ici, la direction i:l
créé unJOumal interne, mais n'organise pas
réunions régulières des membres du personnel.
Direction
Direction
DRH
t
DRH
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DRH
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résentants
s salariés
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Personnel
3. La faiblesse ou l'absence de communi­
cation ascendante.
Personnel
4. La présence de maillons faibles. Dans le
cas présenté cH:lessus. il n'existe pas (le dis·
positif spécifique de communication entre la
direction et sa hiérarchie intermédiaire.
255
LA
COMMUNICATION DANS LES GROUPES
4. La présence de maillons faibles
LES MAUX DE LA COMMUNICATION INTERNE
responsable
au lieu de
photocopier les notes
la direction
pour les Jilfuser,
faisait r'''t;prr'rr"',,
retaper par sa secrétaire
sentation mais reprise mot à mot du
texte
masse, une organisation
pratiquée
car elle ne
gement.
6. La discordance des sources
Mais comment agir pour améliorer la
communication interne ~ Sans
est cc ici le point le plus difficile. Car
décrire des solutions « hors
);>, c'est
entonner le chant
sirènes du
ment s'interroger sur le sens Je
Le schéma et
est une
structure stable dans le temps. Or, il
n'en est rien. Il convient de considérer
attentivement la notion d'agenda l'Olll­
Quelques pistes
d'action
Cette Datholo2:ie fréljuente se
projets transver-
évoluée.
est
La
a
l'expression et la prise en com pte
problèmes puissent avoir lieu autrement
qu'au travers de tels bras
On
observe un autre exemple
lorslju'il
pas de dispositif
de communication entre la
ClCC.
7. I..:inflation ou la pénurie des échanges
Les querelles de prérogatives ou les
craintes de
fréquemment Ille
diminution
la
au
c!'m­
par
vous llemamlC, vous ne «l'êtes
lorsqu'die vous remercicl.
Un
5. Les décalages de vitesse entre
les circuits d'infomlation
La
surprenantes,
256
était
ce qUI
égale­
COml1111111011 au
l11unication.
pétenccs
qu'elles rrN>rA"
257
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