LA
COMMUNICATION DANS
LES
GROUPES
panage avec
les
tennes «compétence
»,
«efficacité
»,
«motivation» cette redou-
table
«vertu»
de désigner simplement
(avec simplisme?) des réalités com-
plexes et parfois hétérogènes. Ces réa-
lités ne sont ni isolées, ni définies, ni
savamment connues. Chacun pense de
bonne
foi savoir ce qu'il faudrait faire
et ce qu'est la communication. Ces
conceptions présentent trois caractéris-
tiques communes:
-elles sont diffuses, implicites et n'ap-
paraissent
qu'à
travers des
propos
ou
des actes fragmentaires
(<<
On
ne
nous dit rien
1»;
«Untel
n'est
pas
com-
muniquant
l»;
«C'est pourtant simple,
la
direction pourrait faire
ccci
ou
cela.
», etc.) ;
-elles postulent implicitement l'exis-
tence
d'un
idéal atteignable de com-
mU111cation
;
-elles ne définissent pas cet idéal.
Par
ailleurs, les acteurs des organisa-
tions ressentent intérieurement tous les
décalages existants entre l'idéal de leurs
représentations des relations profes-
sionnelles,
d'une
part, et la réalité
concrète d'autre part. ils ont alors ten-
dance à considérer cette distorsion
comme
de la mauvaise volonté,
du
manque
de
professionnalisme (mais
généralement chez les
autres!)
ou
encore de la fatalité. Or, cette séquence
que
je
viens de décrire (représentation
implicite de ce qu'est la communica-
tion, puis perception
du
décalage avec
la réalité, conduisant à une analyse en
termes de responsabilité) fait des sala-
riés d'une organisation de redoutables
évaluateurs
de
la communication
interne.
il
n'est pas toujours aisé, à la
base d'une organisation, d'évaluer une
stratégie.
Tl
est, en revanche, très facile,
à n'importe quel endroit de l'entreprise,
de
mesurer
ce
que
l'on sait et ce
que
l'on devrait savoir au vu
d'un
modèle
idéal de l'appartenance,
du
manage-
ment
participatif et du partage des
infolmations.
Les exigences de
«bonne»
communi-
cation qui vont peser de toutes parts sur
la
direction sont donc fortement légiti-
mées
par
les conceptions managériales
de panicipation qui dominent, et puis-
sanlment soutenues
par
une évaluation
critique de
la
qualité/quantité préswllée
d'infonnations que chacun reçoit.
Par
conséquent,
on
peut
facilement
concevoir
que
l'action collective soit
soumise, dans ce domaine, à certaines
difficultés. Elle requiert
une
qualité
d'échanges entre individus et
entre
groupes, ce qui est, en soi, le véritable
enjeu de
la
communication interne. Les
grandes organisations spécialisent donc
des acteurs
pour
prendre
en
charge
cette question spécifique (directeurs de
la communication, consultants, etc.).
Elles instituent par
là
même une Glté-
gorie nouvelle d'acteurs qui manipulent
des modèles plus sophistiqués et
les
uti-
lisent dans leurs stratégies personnelles
pour
promouvoir des politiques et des
discours
sur
la communication elle-
même. Cela instaure une métacommu-
nication souvent conflictuelle (par
concurrence
des modèles,
par
jeux
d'acteurs
...
) qui interfère grandement
avec les communications profession-
nelles de premier niveau.
11
est donc particulièrement important
pour
le gestionnaire
de
repérer fine-
ment
sa
propre
position vis-à-vis des
autres pour tentër d'agir en fonction de
LES
MAUX
DE
LA
COMMUNICATION INTERNE
Modèle
«
intuitif
Il
Une majorité
du
personnel partage
une conception intuitive
de
ce
qu'est
la
communication, selon laquelle:
• le manque de communication
est
cause de dysfonctionnements dans
l'organisation;
• plus
on
communique, mieux
c'est;
•
la
transmission des informations est
au
centre des questions de commu-
nication;
• quelques personnes
sont
rede-
vables d'un score global
de
communi-
cation inteme ;
• elles seules peuvent améliorer la
situation.
ces
décalages et au profit de tous.
On
peut dire, en simplifiant, que
le
champ
de
manœuvre
présente deux pôles.
D'un
côté se trouve
le
modèle «intui-
tif», proche des travaux qui rendaient
compte dans les années 50 de la trans-
mission de l'information (2). Cette
approche est adoptée par la majorité,
mais,
trop
rudimentaire, elle
peut
conduire à des décisions malheureuses.
De
l'autre côté se situent des concep-
tions plus systémiques (3), issues des
sciences sociales (sociologie, anthropo-
logie, linguistique). Elles rendent plus
finement compte de la réalité mais
souf
frent d'être peu connues et peu mani-
pulables dans l'action.
En
effet,
les
dia-
gnostics qu'ëlles pennettent de fonnuler
ne trouvent pas de solutions immé-
diates, univoques, faciles d'emploi,
ven-
dables en quelques minutes à des comi-
tés
de direction et ne garantissent aucun
miracle.
Modèle
complexe
Certains spécialistes adoptent pour
leur part une vision plus sophistiquée
de
la
communication, selon laquelle:
•
le
sentiment
de
non communication
est
un
effet des dysfonctionnements
de l'organisation;
• les causes sont multiples
et
hété-
rogènes;
mais"
tout communique" et
c'est bien
là
le problème;
• les rapports entre groupes
ou
indi-
vidus sont
au
centre des questions
de
communication;
• tout
le
monde influe sur l'état des
relations;
• chacun peut améliorer sa situation.
C'est dire tout
le
paradoxe des relations
entre
un
«corps social» (l'ensemble des
collaborateurs qui ne s'assimilent
pas
aux
instances dirigeantes)
COllv,ùncu
de
sim-
plicité communicationnelle et quelques
rares dirigeants assurés de l'inverse.
C'est précisément cette situation qu'il
convient de gérer et que résume le
tableau ci-dessus
(4).
Les
maladies
de la communication interne
A l'expérience,
le
gestionnaire com-
prend vite la limite opérationnelle des
modèles intuitifs et des modèles issus
des sciences humaines. Les uns risquent
de gauchir
le
diagnostic,
les
autres de
2.
HD. Lilsswell.
C.E.
Shannon,
et tous
les
tenants d'un
modèle"
du
télégraphe".
3. Modèle"
de
l'orchestre'' de l'Ecole
de
Palo
Alto.
4.
Parmi une bibliograpllie pléthorique, citons particu-
lièrement :
J.
Ginn,
"Problèmes du langage dans les
organisations". dans
J.-F.
Chaniat
(dir.),
L 'IndlVidu dans 1
:1
/'organisallon, les dimenSions oubliées, Eska,
1990.
.:1
li
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253
Il,!
,III
252