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Examen clinique en stomatologie

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Article à jour au 25/01/2019
22-010-A-10
Examen clinique en stomatologie
E. Maladière, C. Vacher
L’examen clinique est la première approche diagnostique de toute pathologie médicale au cours de
laquelle le praticien utilise ses propres moyens ou, au plus, un système instrumental simplifié. Même si la
stomatologie met en œuvre des procédés d’examen distincts de ceux de la clinique usuelle, la méthode
générale reste cependant la même qu’en médecine. L’objet de cet exposé est de présenter un fil directeur
méthodique afin de pouvoir diriger un examen clinique standard en stomatologie. Ainsi, après un rappel
anatomique, cet article présente la conduite de l’examen clinique en stomatologie, puis ses spécificités
selon les régions anatomiques étudiées.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Anatomie topographique ; Cavité orale ; Chirurgie orale ; Chirurgie maxillofaciale ;
Examen clinique ; Face ; Stomatologie ; Tête et cou
Plan
■
Introduction
1
■
Rappel d’anatomie topographique
Cavité orale
Région faciale
Région cervicale
1
1
2
3
■
Conduite de l’examen clinique en stomatologie
Interrogatoire
Examen clinique proprement dit
3
3
3
■
Examen clinique détaillé par régions anatomiques
Muqueuse buccale
Parois de la cavité orale
Langue
Freins de lèvre et de langue
Glandes salivaires
Denture et parodonte
Massif facial osseux
Articulations temporomandibulaires
Innervation faciale
Aires ganglionnaires cervicofaciales
4
4
5
6
6
6
6
7
9
9
10
■
Conclusion
10
Introduction
Devant le constat fréquent de consultants nantis de dossiers
d’« images » bien confortables, la question du bien-fondé d’un
article sur l’examen clinique est clairement posée. Pourtant,
maintes fois, le diagnostic s’impose à l’issu d’un examen clinique
bien conduit, relayé ou non par un simple examen complémentaire. Certes, l’examen clinique en stomatologie utilise des
procédés distincts de ceux de la clinique usuelle, mais sa méthode
reste la même que pour tout examen médical.
Issu du grec, l’« examen » consiste à sortir (ex) d’un groupe
(agmen) les signes pathologiques [1] . Il est « clinique » lorsqu’il
se pratique au lit (kline) du patient et, par extension dans notre
spécialité, au fauteuil, c’est-à-dire sans l’aide de moyens de laboratoire. Par ailleurs, la « stomatologie », dérivant également du
grec (stoma et logos signifiant respectivement « bouche » et « discours »), désigne la spécialité médicale consacrée à l’étude de
la cavité orale et de ses annexes à l’état normal ou pathologique. Cette discipline, introduite en 1868 [2] , a été longtemps
caractérisée par une double orientation : la stomatologie en tant
que spécialité médicale, et l’odontologie destinée plus particulièrement aux techniques dentaires. Il est admis par tous que la
stomatologie, dont la spécificité est la cavité orale, se préoccupe
plus largement de toute la sphère cervico-maxillo-faciale [3] . Elle
correspond à une branche de la médecine et ne peut se concevoir
sans connaissances générales.
Il est souhaitable de connaître une ligne de conduite méthodique pour diriger un examen stomatologique standard, même si
celui-ci peut être bien différent selon les domaines étudiés (orthodontie, traumatologie, cancérologie, chirurgie réparatrice, etc.).
Après un rappel anatomique, cet article présente la conduite de
l’examen, puis les particularités liées à chaque région anatomique
susceptible d’être intéressée.
Rappel d’anatomie
topographique
Le stomatologiste en pratique quotidienne est souvent conduit
à élargir son examen à toute la région cervicofaciale, ce qui nécessite de solides connaissances en anatomie topographique de la
cavité orale ainsi que de la région faciale et cervicale [4, 5] .
Cavité orale
Située entre le massif osseux facial supérieur et la mandibule, la
cavité orale est limitée par (Fig. 1) :
• en avant : les lèvres ;
• en haut : la voûte palatine, qui la sépare des fosses nasales ;
• en bas : le muscle mylohyoïdien, sous lequel siège la région
cervicale ;
• latéralement : la face interne des joues ;
EMC - Chirurgie orale et maxillo-faciale
Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S2352-3999(16)69692-9
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1
22-010-A-10 Examen clinique en stomatologie
Figure 1. Cavité orale et pharynx, coupe sagittale médiane.1. Fosse
nasale ; 2. os sphénoïde ; 3. palais ; 4. lèvre supérieure ; 5. vestibule supérieur ; 6. atlas ; 7. ostium du canal parotidien (du Sténon) ; 8. axis ; 9. pilier
antérieur ; 10. amygdale ; 11. pilier postérieur ; 12. langue mobile ; 13.
base de la langue ; 14. lèvre inférieure ; 15. vestibule inférieur ; 16. épiglotte ; 17. os mandibulaire ; 18. muscle génio-hyoïdien ; 19. os hyoïde ;
20. muscle mylohyoïdien.
• en arrière : le voile du palais en haut, les piliers antérieurs et postérieurs ainsi que la tonsille palatine latéralement et la racine
de la langue en bas. Derrière cet isthme, débute la région oropharyngée.
La cavité orale est divisée en deux parties par les arcades alvéolodentaires en forme de fer à cheval (Fig. 2).
En dehors de ces arcades, se situe la face interne de la joue. Cette
dernière présente une fine saillie horizontale, la linea alba, reflet
de la ligne d’occlusion des dents où naît, en regard de la deuxième
molaire supérieure, l’ostium du conduit parotidien, excréteur de
la glande parotide. La joue se poursuit en haut et en bas par les
vestibules, espaces virtuels à l’état de repos, qui sont interrompus
sur la ligne médiane par les freins labiaux. En avant, la joue se
prolonge par la face interne des lèvres et l’orifice buccal. Sa limite
postérieure est la commissure « intermaxillaire », figurée par une
ligne arciforme verticale, joignant les deux régions rétromolaires
supérieure et inférieure.
En dedans des arcades dentaires, l’espace est largement occupé
par la langue mobile. Cette cavité a pour limite supérieure le palais
osseux auquel fait suite le voile en arrière, et pour limite inférieure le plancher buccal qui contourne la langue. On peut ainsi
définir un plancher antérieur et un plancher latéral (Fig. 3). Le
frein de la langue compartimente incomplètement le plancher
antérieur en deux zones latérales marquées par les crêtes salivaires
ou sublinguales, liées à la saillie des glandes sublinguales. À leur
extrémité antéro-interne, s’ouvre l’ostium du conduit submandibulaire, excréteur des glandes submandibulaires. Latéralement,
le plancher buccal se poursuit par la face interne mandibulaire
dont la largeur toute relative en arrière justifie la dénomination de
sillon pelvi-mandibulaire. Plus important, le sillon pelvi-lingual
détermine la zone de réflexion du plancher dans la langue proprement dite. La langue mobile est subdivisée en une pointe, un bord
latéral, une face ventrale et une face dorsale. Le « V » lingual, bien
identifié par les papilles caliciformes, délimite la langue mobile de
la racine proprement dite. Cette dernière, jointe au voile du palais
et à l’arc palato-glosse (pilier antérieur de l’amygdale), constitue
la limite postérieure de la cavité buccale.
L’anatomie topographique de la cavité orale étant relativement
complexe, il est plus aisé de la représenter sous forme de schémas
simplifiés. Ceux-ci, faciles à reproduire, peuvent être insérés dans
le dossier du malade afin d’y mentionner avec précision les lésions
constatées (siège précis, formes et dimensions).
2
Figure 2. Cavité buccale, vue antérieure. 1. Lèvre supérieure ; 2. frein
labial supérieur ; 3. vestibule supérieur ; 4. arcade dentaire maxillaire ;
5. palais osseux ; 6. voile du palais ; 7. luette ; 8. face interne de joue ;
9. commissure intermaxillaire ; 10. pilier postérieur de l’amygdale ; 11.
amygdale ; 12. pilier antérieur de l’amygdale ; 13. repli palato-glosse ;
14. base de la langue ; 15. « V » lingual ; 16. langue mobile ; 17. arcade
dentaire mandibulaire ; 18. vestibule inférieur ; 19. frein labial inférieur ;
20. lèvre inférieure.
Figure 3. Région pelvi-linguale, vue antérieure. 1. Pointe de langue ; 2.
bord latéral de langue ; 3. face ventrale de langue ; 4. repli palato-glosse ;
5. frein de langue ; 6. sillon pelvi-lingual ; 7. plancher postérieur ; 8. crête
sublinguale ; 9. ostium du canal sous-mandibulaire (de Wharton) ; 10.
plancher antérieur ; 11. sillon pelvi-mandibulaire.
Région faciale
S’étendant de la ligne d’implantation des cheveux jusqu’au
bord basilaire de la mandibule, la région faciale comporte (Fig. 4) :
• des régions médianes : frontoglabellaire ; nasale (limitée latéralement par les sillons nasogéniens) ; labiale (comprenant les
lèvres supérieure et inférieure et les commissures) et mentonnière (sous le sillon labiomentonnier) ;
• des régions latérales : frontotemporales ; orbitaires (incluant
paupières, globes oculaires, muscles oculomoteurs et
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Examen clinique en stomatologie 22-010-A-10
“ Point fort
Dès le départ, l’interrogatoire permet d’orienter le diagnostic grâce à la qualité des informations recueillies, mais il
conditionne également les rapports de confiance ultérieurs
avec le patient.
Figure 4. Régions cervicofaciales, vue latérale. Régions faciales : 1.
frontale ; 2. temporale ; 3. orbitaire ; 4. zygomatique ; 5. auriculaire ; 6. nasale ; 7. jugale ou génienne ; 8. parotidomassétérine ; 9.
labiale ; 10. mentonnière. Régions cervicales : 11. rétromandibulaire ;
12. sous-mentale ; 13. sous-mandibulaire ; 14. sous-hyoïdienne ; 15.
sterno-cléido-mastoïdienne ; 16. sus-claviculaire ; 17. nuque.
éléments vasculonerveux de la loge postérieure) ; zygomatiques ; géniennes et parotidomassétérines.
Région cervicale
Comprise entre le bord inférieur de la mandibule et les reliefs
supérieurs sternoclaviculaires, la région cervicale se divise en trois
parties (Fig. 4) :
• une partie postérieure constituée par les muscles de la nuque,
et limitée en avant par le bord antérieur du muscle trapèze ;
• deux parties latérales comprises entre les bords antérieurs du
trapèze et du sterno-cléido-mastoïdien. Elles sont subdivisées
en triangles sus-claviculaires en arrière des régions sternocléido-mastoïdiennes (dans lesquelles se trouvent les gouttières
jugulocarotidiennes) ;
• une partie antérieure, subdivisée en régions sous-hyoïdienne
(contenant la filière laryngotrachéale et la glande thyroïde),
sous-mentale, et latéralement en régions sous-mandibulaires
dans lesquelles se situent les glandes submandibulaires, artères
faciales et rameaux labiomentonniers du nerf facial, et enfin,
en loges rétromandibulaires en arrière de la mandibule.
Conduite de l’examen clinique
en stomatologie
Interrogatoire
L’interrogatoire est une étape très importante qui représente
le premier temps de l’examen clinique [6] et établit également le
premier contact avec le patient.
Après avoir enregistré les données concernant l’état civil (nom,
âge, etc.), la question touchant au motif de la consultation est
posée. Les symptômes, autrement dit les troubles fonctionnels
ressentis subjectivement par le patient (douleurs, gênes, etc.),
sont recueillis et détaillés. La plus grande importance est donnée
à la chronologie des faits (y compris la recherche d’un éventuel facteur déclenchant), à leur mode évolutif et à leur prise en
charge thérapeutique éventuelle. Les répercussions sur l’état général (asthénie, amaigrissement, fièvre, équilibre psychique, etc.)
sont également analysées. Il est important de laisser l’intéressé
s’exprimer selon sa propre terminologie, en le guidant sans
l’influencer. Par exemple, devant des douleurs de la cavité buccale,
motif très fréquent de consultation, il est important de faire préciser au patient l’intensité (importante ou légère), le type de douleur
(continue ou par crise, lancinante ou fulgurante), l’horaire (nocturne et/ou diurne), le siège et les éventuelles irradiations, les
facteurs de survenue (différences de température, de pression, ou
apparition spontanée), l’association à d’autres troubles (rougeur,
larmoiement, déficit sensitivomoteur, spasmes musculaires, etc.),
l’efficacité des antalgiques, etc.
L’interrogatoire se termine par la recherche d’antécédents personnels, qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux, et par le recueil
de données concernant le patient : habitudes de vie, intoxication alcoolotabagique éventuelle, traitements médicaux en cours
(notamment prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires), existence d’allergie, etc.
Examen clinique proprement dit
C’est le deuxième temps de l’examen clinique. Il a pour but de
dépister les signes objectifs de la pathologie [7] .
“ Point fort
Comme pour les autres disciplines médicales, l’examen en
stomatologie fait appel principalement à l’« inspection » et
à la « palpation », termes issus du latin inspectare et palpare
signifiant respectivement « regarder dans » et « toucher ».
Le patient est installé confortablement, généralement sur un
fauteuil d’examen plutôt qu’au lit, et il est rassuré. Un équipement
adapté est souvent nécessaire, tel qu’un éclairage de bonne qualité
et une instrumentation spécifique de type abaisse-langue, miroirs
plans, sondes, etc.
Classiquement, l’examen clinique en stomatologie est divisé
en deux temps, l’un exobuccal hors de la cavité buccale, l’autre
endobuccal concernant directement la bouche.
Examen cervicofacial ou exobuccal
En réalité, l’inspection a déjà débuté, pendant l’interrogatoire.
L’observation de certains signes est parfois évidente (tuméfaction,
asymétrie faciale, etc.), mais l’examen doit être poursuivi méthodiquement, en sachant que la sphère cervicofaciale s’apprécie
étage par étage et selon trois incidences principales (face, profil,
incidence axiale). Ainsi, sont analysés successivement :
• les téguments : coloration, souplesse, présence d’éventuelles
lésions cutanées (plaies, tumeurs, éruptions, cicatrices, etc.) ;
• les structures sous-jacentes, qu’elles soient osseuses, musculaires ou autres. Examinée de face, la région concernée est
comparée à la région controlatérale (exemple : abaissement
du bord basilaire lors des hypercondylies). De profil, l’examen
recherche un défaut de projection antéropostérieure d’un étage
par rapport aux autres (exemple : recul de la lèvre supérieure,
témoin d’une rétromaxillie). L’inspection axiale note les asymétries antéropostérieures droite-gauche (exemple : défaut de
projection antérieure d’une pommette lors d’une fracture zygomatique), mais aussi les anomalies dans le sens transversal ;
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22-010-A-10 Examen clinique en stomatologie
Figure 5.
Inspection de la cavité orale en ouverture.
Figure 6.
Inspection de la cavité orale et de l’oropharynx.
• la posture de la tête sur le cou, la motricité faciale, etc. (cf. infra).
La palpation, qui peut être réalisée de façon digitale ou
manuelle, permet d’apprécier :
• la présence de douleurs provoquées, diffuses ou exquises, dont
l’intensité peut être chiffrée, soit à l’aide d’une échelle visuelle
analogique, soit en utilisant des critères cliniques (grimaces
associées, mouvements de retrait, etc.) ;
• les téguments avec notamment température et mobilité par
rapport aux plans sous-jacents ;
• les tissus sous-jacents : sous-cutané, musculaire, ganglionnaire,
etc., en précisant en cas de tuméfaction la consistance (osseuse
lors d’ostéome, rénitente lors de tumeur, ou au contraire fluctuante lors de collection hématique ou purulente, etc.), la
mobilité par rapport au plan profond, la présence d’un thrill
palpatoire (avec ou sans souffle à l’auscultation), etc. ;
• l’état des reliefs osseux, notamment en contexte traumatologique (décalage, mobilité anormale, ressaut), souvent gêné par
un œdème ;
• les aires ganglionnaires cervicales, la sensibilité faciale, les articulations temporomandibulaires, etc. (cf. infra).
Examen
de la cavité orale ou endobuccale
L’examen de la cavité orale débute dès l’ouverture buccale par
l’inspection (Fig. 5). Ce premier temps donne une vision partielle
de la cavité orale, principalement du palais, de la face interne
des joues, de la face dorsale linguale, et des faces occlusales dentaires. L’examinateur demande ensuite au patient de tirer la langue
(Fig. 6), ce qui permet l’inspection d’une partie de l’oropharynx
(pilier du voile, luette et paroi postérieure du pharynx). Ce temps
est capital chez l’enfant pour qui l’introduction prématurée d’un
abaisse-langue risque de compromettre la poursuite de l’examen.
L’abaisse-langue est ensuite utilisé, avec douceur, sur la face latérale et ventrale de la langue, afin d’exposer les planchers latéraux
et antérieurs (Fig. 7). Il est souvent nécessaire afin de déplisser la
face interne des joues et des vestibules, et pour effacer le volume
lingual afin d’apercevoir l’oropharynx (Fig. 8). Enfin, l’inspection
se termine par un examen au miroir plan préalablement chauffé
pour éviter la buée. Le miroir permet non seulement de visualiser les faces dentaires et les espaces interdentaires, mais aussi
l’oropharynx et la filière laryngée. Dans ce cas, le praticien saisit
la pointe de langue entre le pouce et l’index sur une compresse
(Fig. 9) et place le majeur sur l’arcade dentaire afin de maintenir
l’ouverture buccale. La traction de la langue en avant permet ainsi
d’effacer sa base du champ d’examen. Afin de prévenir les réflexes
nauséeux, le praticien évite de toucher la muqueuse oropharyngée. Ceux-ci peuvent être prévenus chez les enfants ou les patients
particulièrement sensibles par une anesthésie de contact (spray de
xylocaïne à 1 %, pastille de tétracaïne, etc.).
La palpation, temps essentiel, se pratique avec l’extrémité de
l’index protégé par un doigtier, ou avec plusieurs doigts. Il est
4
Figure 7. Inspection du plancher buccal et des ostiums des conduits
submandibulaires.
prudent d’interposer entre les arcades un abaisse-langue ou une
cale chez les sujets susceptibles de mordre (chez l’enfant notamment). La palpation entraîne souvent un réflexe nauséeux et doit
plutôt être réalisée à la fin de l’examen. Le praticien analyse successivement les différents sites de la cavité buccale peu accessibles à la
vue : planchers, langue mobile, base de langue. Il peut, par l’autre
main, s’aider d’une traction antérieure de la langue. L’existence
de douleurs provoquées est précisée ainsi que l’éventuelle présence d’une tuméfaction (en notant consistance et limites de
l’infiltration), d’une hypoesthésie ou anesthésie, notamment dans
le territoire lingual, d’un corps étranger oropharyngé, etc.
L’examen dentaire fait appel aux miroirs plans et aux sondes
dentaires (droite, coudée) pour la recherche de caries, mobilités
dentaires, douleurs provoquées et de poches parodontales, mais
également aux tests de vitalité (thermique ou électrique) pour la
détection de mortifications dentaires.
Examen clinique détaillé
par régions anatomiques
Muqueuse buccale
L’examen des muqueuses buccales ne peut être schématisé, on
peut cependant émettre un certain nombre de principes [8] .
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Examen clinique en stomatologie 22-010-A-10
“ Point fort
Il est nécessaire d’orienter l’examen et de l’approfondir
selon la région anatomique étudiée et l’orientation diagnostique recherchée. Il s’agit de l’étape essentielle dans
la prise en charge du patient, permettant la réalisation
d’un bilan précis et exhaustif des lésions. De la qualité de
ce bilan, dépendent la justesse de l’éventuelle demande
d’examens complémentaires et l’attitude thérapeutique.
Figure 8. Inspection de la face interne de joue et des ostiums des
conduits parotidiens.
présence d’une tuméfaction muqueuse ou sous-muqueuse (voussure), il est important de décrire le siège, les limites anatomiques,
les dimensions, la consistance (osseuse en cas de torus ou de kyste
des maxillaires, rénitente en cas de lésions malignes [11] , fluctuante
lors d’hématome ou d’abcès, etc.), la présence éventuelle d’un
souffle, etc.
L’examen doit s’accompagner dans la majorité des cas d’un examen exobuccal, notamment des surfaces cutanées et phanères, et
d’un examen général orienté.
L’examen histologique, aisément réalisé par la biopsie, est au
mieux effectué par l’équipe médicale qui prend en charge le
patient, afin de ne pas transformer la lésion [12, 13] . L’histologie
est souvent le seul moyen de confirmer l’« impression clinique »
devant la présence de lésions tumorales bénignes (diapneusies, épulis...), malignes (carcinomes épidermoïdes...), de lésions
inflammatoires (lichens...) ou dysplasiques (kératoses...). La persistance d’une plaie diagnostiquée « traumatique », 15 jours après
la suppression de sa cause hypothétique, doit également conduire
à la réalisation d’une biopsie. De même, on ne peut se contenter d’un diagnostic de « stomatite », qui regroupe toutes les
atteintes inflammatoires de la muqueuse buccale. Au même titre,
les lésions chroniques de la muqueuse buccale, parfois dénommées lésions blanches ou kératoses, rassemblent des maladies très
diverses, congénitales, réactionnelles (traumatiques, actiniques,
tabagiques, etc.), infectieuses (candidoses, infections par le virus
de l’immunodéficience humaine, etc.), dermatologiques (lichen
plan, lupus érythémateux, etc.) et dysplasiques (kératoses préépithéliomateuses, carcinomes, etc.).
Parois de la cavité orale
Lèvres
L’orifice oral doit être observé sous un angle statique (forme,
dimensions, état cutanéomuqueux, compétence, etc.), mais également sous un aspect dynamique (notamment tonicité de
l’orbiculaire) [14] .
Faces internes des joues et vestibules
Figure 9.
Traction de la langue à l’aide d’une compresse.
Le diagnostic repose d’abord sur l’analyse minutieuse des
lésions visibles et palpables, permettant l’identification de lésions
élémentaires (érythèmes, macules, papules, érosions, ulcérations,
tumeurs, etc.) [9] . L’aspect (couleurs, souplesse, etc.), la disposition (linéaire, annulaire, serpigineuse, etc.), la topographie et le
mode évolutif de ces lésions élémentaires apportent des données sémiologiques indispensables au diagnostic étiologique [10] .
Par exemple, devant une ulcération muqueuse, il convient de
décrire le fond (induré orientant vers une néoplasie, souple de
type aphte ou post-traumatique) et la périphérie (bourgeonnante
et saignante au contact lors de tumeur maligne). De même, en
L’inspection, facilitée par un miroir puis la palpation, effectuée
à la fois de façon intra- et extra-orale permet l’examen de cette
structure allant de la zone rétrocommissurale labiale en avant à la
commissure intermaxillaire et la tubérosité maxillaire en arrière, à
la recherche de lésions traumatiques (plaies, morsures, etc.), tumorales bénignes (diapneusie, épulis, etc.), malignes (carcinomes
épidermoïdes, etc.), inflammatoires (lichens, leucokératoses, etc.).
L’examen porte également sur l’ostium (inflammation, écoulement purulent en cas de parotidite) et le canal (lithiase) de la
glande parotide.
Plancher buccal
Comme pour la structure précédente, l’inspection est aidée
par un miroir refoulant la langue, et la palpation reste bimanuelle [15] . En dehors de la recherche des lésions précédentes,
l’examen s’attache au diagnostic d’affections concernant l’ostium
(inflammation, écoulement purulent en cas de submandibulite) et
le canal (lithiase) de la glande submandibulaire.
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22-010-A-10 Examen clinique en stomatologie
Figure 11.
Figure 10.
Examen du frein lingual.
Région palatovélaire
L’examen du plafond de la cavité buccale est aisé et permet
l’étude de la muqueuse (lésions précédentes), de la structure
osseuse sous-jacente (torus), et de lésions spécifiques à cette localisation anatomique (tumeurs des glandes salivaires accessoires).
Langue
Cet organe est d’abord observé sous un angle statique. Son
examen peut être facilité en la tractant avec deux doigts après
avoir entouré sa pointe d’une compresse. L’inspection permet
d’apprécier plusieurs paramètres [16] :
• la forme (allongée ou étroite) ;
• le volume (macroglossie vraie ou relative, microglossie très
rare) ;
• la situation par rapport aux dents et au pharynx (interposition
linguale dans les malocclusions) ;
• l’aspect de la muqueuse (couleur, sensibilité, hyperplasie des
papilles ou, au contraire, langue dépapillée, pouvant être de
type « géographique »), et les lésions muqueuses citées plus
haut.
La langue est ensuite étudiée au cours de ses différentes fonctions, déglutition et phonation, en notant sa position, sa mobilité
et le rôle du frein (dont la brièveté peut entraîner une ankyloglossie avec impossibilité d’élévation ou de protraction linguale).
Freins de lèvre et de langue
Le frein lingual est apprécié en demandant au patient de plaquer la langue au palais ou de tirer la langue vers l’avant (Fig. 10).
L’examen des freins labiaux est réalisé en écartant les lèvres par
un miroir (Fig. 11). Il peut exister également deux freins latéraux
vestibulaires supérieurs ou inférieurs en regard des prémolaires.
Les freins sont appréciés selon leur aspect (normal ou hypertrophique), leur longueur (souple ou court) et leur conséquence
6
Examen du frein labial supérieur.
(ankyloglossie pour les freins linguaux et pour les freins labiaux :
diastème interincisif supérieur, récession gingivale incisive inférieure).
Glandes salivaires
L’interrogatoire est primordial à la recherche de symptômes
et d’antécédents orientant vers une étiologie (tuméfactions
rythmées par les repas en cas de pathologie lithiasique, sécheresse oculaire ou nasale lors de syndrome de Gougerot-Sjögren,
etc.) [17, 18] .
L’examen exobuccal apprécie en premier lieu la présence d’une
tuméfaction (globale ou nodulaire, uni- ou bilatérale) et l’état
cutané en regard (inflammatoire lors de pathologie infectieuse ou
tumorale) sur l’aire d’une glande salivaire. La palpation bidigitale de la glande submandibulaire, endo- et exobuccale (Fig. 12),
confirme l’origine salivaire de la tuméfaction et recherche la présence d’une éventuelle lithiase.
L’examen endobuccal note l’aspect de la salive au niveau de
l’ostium canalaire (épaisse, purulente) après expression manuelle
de la glande concernée. La recherche d’une voussure et le « toucher pharyngien » doivent être systématiques à la recherche d’une
masse d’origine parotidienne.
Enfin, sont précisées la présence ou l’absence de signes
d’accompagnement orientant vers une pathologie maligne : paralysie faciale (glande parotide), hypoesthésie linguale (glande
sous-mandibulaire), adénopathies cervicales.
L’examen clinique peut être poursuivi par les techniques
récentes de sialendoscopie, permettant un examen fin endocanalaire et ainsi d’affiner le diagnostic étiologique.
Denture et parodonte
Cet examen s’intéresse à l’organe dentaire mais aussi aux
tissus de soutien voisins (cément, desmodonte ou ligament dentoalvéolaire, os alvéolaire et gencive), encore appelé parodonte.
L’inspection vise à analyser [19] :
• la formule dentaire (nombre et situation des dents) normalement constituée :
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Examen clinique en stomatologie 22-010-A-10
Figure 15.
Figure 12.
Inspection dentaire au miroir.
Palpation bimanuelle du plancher buccal.
H
18 17 16 15 14 13 12 11
21 22 23 24 25 26 27 28
48 47 46 45 44 43 42 41
31 32 33 34 35 36 37 38
D
G
Figure 13.
Figure 16.
B
Formule dentaire chez l’adulte.
H
55 54 53 52 51
61 62 63 64 65
85 84 83 82 81
71 72 73 74 75
D
G
Figure 14.
B
Formule dentaire chez l’enfant.
◦ chez l’adulte de 32 dents définitives, 16 par maxillaire,
huit par hémimaxillaire comprenant d’avant en arrière :
deux incisives, une canine, deux prémolaires, trois molaires
(Fig. 13),
◦ chez l’enfant de 20 dents temporaires ou lactéales, dix par
maxillaire, cinq par hémimaxillaire comprenant d’avant en
arrière : deux incisives, une canine, deux molaires (Fig. 14) ;
• l’hygiène buccodentaire (gingivite et plaque tartrique), l’état
des soins dentaires, l’haleine (halitose, éthylisme, etc.) ;
• les arcades dentaires : courbe de Spee, encombrements ou malpositions dentaires, absences (agénésies, inclusions) et pertes
dentaires (avulsions) ;
• l’organe dentaire. La palpation digitale ou instrumentale
(sonde, percussion) permet de déceler les anomalies morphologiques (micro- ou plus fréquemment macrodonties) ; les caries,
abrasions et fractures dentaires (Fig. 15, 16) ; les anomalies de
couleur par comparaison aux autres dents (teinte grisâtre en cas
Percussion dentaire.
de mortification, dysplasie de l’émail) ; les mobilités dentaires
(transversale, axiale, douloureuse ou non) ; la vitalité pulpaire
(par des tests thermiques ou électriques) ; la qualité des reconstructions prothétiques, etc. ;
• l’état de la gencive et notamment son aspect (habituellement
rose pâle, devenant rouge vif lors de gingivite odontiasique ou
tartrique), sa consistance (normalement ferme et peu dépressive), son volume (augmenté lors de gingivite hypertrophique),
ses attaches dentaires (récessions gingivales correspondant
à une migration apicale de l’attache épithéliale au-delà de
la jonction amélocémentaire). Les poches parodontales sont
appréciées par des sondes graduées et peuvent faire l’objet de
prélèvement à visée bactériologique ;
• l’occlusion (ou articulé dentaire), qui est analysée en intercuspidation maximale (Fig. 17), et à l’aide du papier à articuler pour
mettre en évidence des prématurités et des interférences.
Massif facial osseux
Très accessible à la clinique (Fig. 18) et aidé par le caractère symétrique de cette région, l’examen des bases osseuses est toujours
comparatif et analysé dans les trois plans de l’espace (horizontal
ou axial, frontal ou coronal, et sagittal), et ce dans des circonstances très diverses : traumatologie [20] , kystes et tumeurs bénignes
des maxillaires [21] , dysmorphies des maxillaires [22–24] , etc.
La face peut se subdiviser en trois étages :
• supérieur ou craniofacial, comprenant une partie centrale frontoglabellaire et deux régions latérales frontotemporales ;
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22-010-A-10 Examen clinique en stomatologie
Figure 17.
Inspection de l’occlusion en intercuspidation maximale.
Figure 19. Recherche d’une mobilité transversale ou sagittale de
l’arcade dentaire supérieure.
Figure 18.
Palpation faciale des margelles orbitaires inférieures.
• moyen, compris entre la ligne horizontale passant par la racine
nasale et les sutures frontozygomatiques en haut, et l’arcade
dentaire maxillaire en bas (Fig. 19). Cet étage se subdivise par
deux lignes verticales passant en dedans des pupilles, en un
tiers médian (comprenant pyramide nasale et parois médiales
orbitaires) et en deux tiers latéraux (incluant consoles zygomatiques, parois latérales orbitaires et margelles infraorbitaires) ;
• inférieur, représenté par la mandibule (Fig. 20).
L’inspection étudie notamment une asymétrie témoignant
d’une déformation des reliefs osseux sous-jacents (latérodéviation
nasale, recul d’une pommette ou du tiers moyen massif facial, etc.)
souvent minimisés en traumatologie par les œdèmes et les hématomes. L’inspection endobuccale recherche des signes indirects
d’anomalie des bases osseuses tels qu’un trouble de la cinétique
mandibulaire (limitation de l’ouverture buccale, déviation du
chemin d’ouverture buccale, etc.), une perturbation de l’articulé
dentaire (déviation des points interincisifs médians, contact prématuré dentaire ou béance, etc.).
8
Figure 20. Division du massif facial osseux (d’après Pons). 1. Étage
supérieur ; 2. étage moyen ; 3. étage inférieur ; 4. tiers latéral droit ; 5.
tiers médian ; 6. tiers latéral gauche.
La palpation doit être douce, car elle peut être douloureuse
notamment dans le cadre de la traumatologie. Elle note principalement les points douloureux provoqués et les déformations des
reliefs osseux, parfois non visibles à l’inspection (saillie osseuse,
dépression en marche d’escalier, etc.), voire en traumatologie, une
mobilité des foyers de fracture ou une disjonction craniofaciale
dans le sens antéropostérieur et transversal, dont la recherche se
fait en tentant prudemment de mobiliser le plateau maxillopalatin par une main endobuccale, alors que la main exobuccale
précise le siège (Fig. 19).
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Figure 22. Territoires sensitifs de la face. V1 : nerf ophtalmique ; V2 :
nerf maxillaire ; V3 : nerf mandibulaire ; PCS : plexus cervical superficiel.
Innervation faciale
La recherche d’un trouble sensitivomoteur facial [27–29] doit être
systématique dans de nombreux domaines : traumatologie, cancérologie, avant chirurgie buccale ou maxillaire, etc. Tout déficit,
moteur ou sensitif, doit être précisé au patient et clairement noté
dans le dossier, à plus forte raison avant une intervention chirurgicale afin que ce déficit ne soit pas imputé au geste opératoire.
Figure 21.
Palpation prétragienne du condyle mandibulaire.
Articulations temporomandibulaires
Les manifestations cliniques d’un trouble temporomandibulaire sont souvent d’un polymorphisme extrême [25, 26] .
Les douleurs, classiquement localisées au niveau de l’interligne
articulaire ou dans le conduit auditif externe, prédominent parfois dans le territoire d’un ou plusieurs muscles masticateurs.
Plus trompeur, elles peuvent se résumer à des céphalées diversement interprétées par le patient, des douleurs périorbitaires,
des manifestations otologiques (otalgies, acouphènes, etc.), des
cervicalgies, etc. La palpation prétragienne ou endoaurale tente
d’objectiver des douleurs provoquées (Fig. 21). La palpation des
muscles manducateurs apprécie leur tonicité et leur volume.
Les bruits décrits par le patient peuvent être retrouvés par le
praticien à la palpation (ressaut) ou à l’auscultation (bruit). Deux
types de bruits sont possibles, les claquements (sonores et brefs,
traduisant le plus souvent un conflit condylodiscal) et les crépitations (peu sonores et prolongées, de type « frottement de sable »,
traduisant plutôt une atteinte des surfaces articulaires).
La mobilité mandibulaire s’étudie par des mouvements
d’ouverture-fermeture buccale (ouverture normalement supérieure à 40 mm), de propulsion et de diduction droite et gauche,
mesurés en millimètres. Lors de ces mouvements, la translation
antérieure des condyles et l’éventuelle survenue d’une latérodéviation du point interincisif inférieur sont précisées.
L’examen dentaire est capital devant toute souffrance temporomandibulaire (articulation cranio-bi-condylo-occlusale) à la
recherche d’un trouble occlusal (prématurité, béances ou dysclusies) au mieux étudié par le papier à articuler, ou de signes indirects
(odontalgies, abrasions dentaires, récessions gingivales, etc.).
L’examen ne s’arrête pas au bilan local mais doit intégrer aussi
l’étude de la statique craniorachidienne et la structure psychoaffective du patient si souvent négligée.
Ces symptômes, en l’absence d’étiologie organique (principalement tumorale et traumatique) à éliminer en priorité, sont
classiquement nommés dysfonctionnements des articulations
temporomandibulaires (DAM).
Innervation faciale motrice
Le nerf facial (VII) assure l’essentiel de la motricité de la face. Un
déficit total (paralysie) ou partiel (parésie) peut siéger soit sur un
des territoires supérieur ou inférieur (d’origine centrale ou périphérique par atteinte des branches de division), soit sur les deux
territoires (d’origine périphérique par lésion du tronc nerveux).
La paralysie faciale totale se traduit au repos par un effacement
des rides frontales, la chute de la queue du sourcil, du sillon nasogénien et de la commissure labiale. Au cours de la mimique, les
déviations s’accentuent, ou apparaissent si elles étaient peu marquées, avec la perte de la mobilité frontale et labiale du côté atteint
et l’abolition de l’occlusion palpébrale (le globe oculaire se portant
en haut et en dehors décrivant le signe de Charles-Bell).
Le nerf trijumeau (V) est responsable par sa branche mandibulaire (V3) de l’innervation motrice des muscles masticateurs. Son
atteinte se traduit par une amyotrophie temporomassétérine.
Trois nerfs moteurs (III, IV et VI) permettent la mobilité du globe
oculaire. L’atteinte du nerf oculomoteur (III) entraîne une diplopie
horizontale majorée dans toutes les directions et masquée par un
ptôsis, une impossibilité de mobilisation du globe oculaire et une
mydriase aréflexique consensuelle ou directe. La lésion des nerfs
trochléaire (IV) et abducens (VI) engendre une diplopie et une
impossibilité de mobilité du globe oculaire, respectivement, vers
le bas et vers l’extérieur.
Interviennent enfin dans la motricité endobuccale et oropharyngée, le nerf glossopharyngien (IX), dont l’atteinte se traduit
par une dysphagie non douloureuse, et le « signe du rideau »,
déplacement vers le haut et le côté sain de la paroi postérieure du
pharynx lorsque le patient prononce la lettre « A », ainsi que le
nerf hypoglosse (XII) responsable de la mobilité linguale.
Innervation faciale sensitive
La sensibilité faciale est assurée par le nerf trijumeau (V). Ce
nerf se divise en trois branches définissant ainsi trois territoires
(Fig. 22).
Le nerf supraorbitaire, issu de la branche ophtalmique (V1),
assure la sensibilité de la région fronto-naso-palpébrale supérieure
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22-010-A-10 Examen clinique en stomatologie
IB : submandibulaire, II : jugulocarotidien supérieur, III : jugulocarotidien moyen, IV : jugulocarotidien inférieur, V : triangle
postérieur, VI : cervical antérieur) ;
• leur taille selon le plus grand axe ;
• leur consistance (indurée ou au contraire souple) ;
• leur sensibilité (indolore, sensible ou hyperalgique) ;
• leur mobilité ou adhérence par rapport au plan superficiel et
profond, et leur évolutivité dans le temps.
Une ou plusieurs adénopathies cervicales dures, indolores,
fixées aux plans voisins et de volume progressivement croissant
doivent faire évoquer la possibilité d’une lésion maligne, surtout
en cas de contexte éthylotabagique.
Conclusion
L’examen clinique en stomatologie demeure l’étape initiale
déterminante à plusieurs titres :
• sur le plan médical, un examen minutieux et bien orienté permet la recherche d’éléments cliniques déterminants aboutissant
à une meilleure hypothèse diagnostique et, par conséquent, à
une prise en charge plus efficace du patient ;
• sur le versant « économique de la santé », l’examen clinique
possède certainement le meilleur rapport coût-efficacité [31] . Il
aboutit à la demande d’examens complémentaires bien orientés ;
• enfin la relation médecin–malade est hautement conditionnée
par ce premier contact. Le rapport de confiance du patient et
toutes ses conséquences en découlent.
Déclaration d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de liens
d’intérêts en relation avec cet article.
Figure 23.
Palpation des aires ganglionnaires cervicales.
et de la cornée (l’anesthésie cornéenne est un excellent signe
d’atteinte du trijumeau).
Le nerf infraorbitaire, branche terminale du nerf maxillaire
(V2), émerge à 1 cm au-dessous de la margelle du même nom, permet l’innervation sensitive de la partie supérieure des joues, des
faces latérales de la pyramide nasale, de la pointe nasale, des paupières inférieures, de la muqueuse des fosses nasales, des cavités
sinusiennes et des dents maxillaires.
Le nerf mandibulaire (V3) se divise rapidement en nerf lingual
destiné à l’hémilangue, en nerf buccal pour la face interne des
joues, et en nerf alvéolaire inférieur. Ce dernier est responsable de
la sensibilité des dents mandibulaires et, par sa branche terminale
mentonnière, de la région labiomentonnière, dont l’hypoesthésie
constitue le classique signe de Vincent.
Le nerf facial intervient par l’intermédiaire du nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis) pour l’innervation de la zone de
Ramsay-Hunt.
Les branches du plexus cervical superficiel permettent
l’innervation des régions cervicales.
Aires ganglionnaires cervicofaciales
La recherche d’adénopathies cervicofaciales est indispensable
lors de tout examen clinique s’orientant vers un contexte néoplasique, mais aussi infectieux ou hématologique [30] . Après un
premier temps d’inspection, l’examinateur se place derrière le
patient et réalise une palpation de la région cervicale en légère
flexion (Fig. 23).
L’examen clinique doit préciser :
• le nombre de ganglions (adénopathie unique ou polyadénopathie) ;
• leur siège (prétragien, parotidomassétérin, sous-mental, sousmandibulaire, sous-digastrique, spinal, jugulocarotidien, susclaviculaire), actuellement subdivisé en six secteurs distincts,
notamment dans le domaine de la cancérologie (IA : submental,
10
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E. Maladière, Praticien hospitalier (dr [email protected]).
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Centre hospitalier de Perpignan, 20, avenue du Languedoc, BP 4052, 66046 Perpignan, France.
C. Vacher, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Beaujon, AP–HP, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Maladière E, Vacher C. Examen clinique en stomatologie. EMC - Chirurgie orale et maxillo-faciale
2016;11(4):1-11 [Article 22-010-A-10].
Disponibles sur www.em-consulte.com
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